Communication scientifique
Séance du 11 octobre 2005

Vieillissement cérébral, aspects biologiques et psychosociaux

MOTS-CLÉS : démence. maladie d’alzheimer. vieillissement
Brain Aging, Biological and Psychosocial Aspect
KEY-WORDS : aging. alzheimer disease. dementia

Jorge Alberto Costa e Silva

Résumé

La population mondiale devient plus âgée, donc la vieillesse et le vieillissement imposent reflexion et compréhension. Il semble exister une zone de transition peu claire entre vieillissement physiologique et vieillissement pathologique, donc on peut faire l’hypothèse qu’il existe un seuil quantitatif en termes de neurones et de connexions permettant le fonctionement mental et les capacités d’adaptation. On discute des facteurs de risque et de protection, aussi bien que des structures cérébrales plus vulnérables au cours du vieillissement. Le vieillissement pathologique devient un problème de santé publique avec un coût economique, social et familial trés élevé. Il faut bien comprendre ce phenomène pour y faire face en ce XXIe siècle.

Summary

The world population is aging. The frontier between physiological and pathological brain aging is somewhat unclear. Pathological aging can cause both mild cognitive impairments and dementias (vascular and Alzheimer). It is important to understand brain aging in order to identify risk factors and develop protective measures. Proper lifetime brain protection could improve quality of life in old age.

INTRODUCTION

Il existe une multiplicité de déterminations de l’âge d’entrée dans la vieillesse :

— l’âge biologique est fixé par le vieillissement de nos organes, de notre système nerveux central, de nos capacités fonctionnelles. L’inégalité du vieillissement implique un âge pluriel, donc peu susceptible de fonder une estimation normative.

— l’âge psychologique est forcément subjectif. La conscience de vieillir ou le sentiment d’être vieux sont discontinus et souvent liés à des facteurs circonstanciels, comme la survenue de deuils ou l’image reflétée par l’environnement social, miroir redoutable parce qu’intransigeant et — dans nos cultures occidentales — plutôt dévalorisant.

— l’âge social de la vieillesse correspond à celui de la retraite : cet âge se situe généralement entre 60 et 65 ans.

À cette première difficulté s’en ajoute une autre : celle de délimiter ce qui relève du processus normal de la sénescence et ce qui renvoie au vieillissement pathologique [1].

Vieillissement des fonctions physiologiques

Le vieillissement que l’on qualifie de normal ou de physiologique peut apparaître comme une sorte de maturation prolongée. Il s’accompagne d’une diminution des réserves fonctionnelles.

En dépit de l’affaiblissement progressif des capacités d’adaptation et d’une exigence plus grande de stabilité du milieu, le vieillissement peut être considéré comme normal. On peut dire cependant qu’il témoigne d’une capacité normative réduite.

Les transformations pathologiques, notamment les formes de démences peuvent alors être vues comme des décompensations (au sens physiologique) dans lesquelles les processus d’adaptation — de l’individu à son environnement — présentent un coût accru qui les rendra inopérants, à court ou moyen terme.

Les capacités d’adaptation combinent étroitement des mécanismes physiologiques automatiques et des processus cognitifs. Le vieillissement harmonieux est sans doute le résultat d’une réorganisation optimale de ressources cérébrales réduites.

Enfin, si le vieillissement se marque par des fléchissements biologiques, cette progression paraît aggravée ou atténuée par la richesse des moyens d’adaptation psychologiques et sociaux.

Comme tous les organes, le cerveau subit les effets de l’âge. Ces altérations sont plus ou moins marquées suivant les structures. Disons pour simplifier que l’on trouve des changements au niveau sensoriel, dans les circuits de la mémoire épisodique et de la planification, dans les systèmes diffus qui ajustent le fonctionnement des réseaux
spécifiques, et dans les activités endocriniennes qui subissent des pauses plus ou moins précoces, dont la ménopause est la plus connue [2].

Ces changements s’inscrivent dans une réorganisation continue qui englobe le développement et la mort neuronale. Ils se déroulent dans un contexte déterminé par l’efficacité du métabolisme cellulaire.

En comparaison avec d’autres organes, le cerveau représente un cas particulier car la plupart des neurones sont des cellules postmitotiques qui ont perdu la capacité de se diviser et ne peuvent être remplacées. Mais tout au long de l’existence, les neurones s’organisent en circuits et en réseaux, porteurs de mémoire et de vécu, et se caractérisent par une grande plasticité. Par ailleurs, le cerveau n’est pas une construction homogène. Il est constitué de différentes structures, noyaux, circuits, en connexion les uns avec les autres et présentent une vulnérabilité différente aux attaques du vieillissement. On peut faire l’hypothèse que dans le cadre protecteur de la civilisation, le cerveau, dont beaucoup de neurones vont atteindre le même âge que leur propriétaire, n’est pas forcément préparé à une longue survie. Il développe alors des changements régressifs qui sont le support d’une certaine détérioration cognitive liée à l’âge.

Le vieillissement cérébral débute insidieusement à partir de la cinquième décennie chez l’homme. Dans le vieillisssement dit normal (ou physiologique) la plasticité est encore possible, malgré la perte dendritique et synaptique, grâce à des phénomènes compensatoires de régénération dendritique et d’augmentation de taille synaptique, permettant de conserver dans une large mesure les réseaux de connexions. De même, il est fort probable que la majorité des humains terminent leur vie avec un nombre de neurones relativement intact. Au contraire, dans des états pathologiques tels que la maladie d’Alzheimer (MA), la mort neuronale est souvent importante et constitue l’élément clé permettant d’établir une correspondance avec la symptomatologie clinique. En effet, l’une des difficultés majeures consiste à tracer la frontière entre vieillissement normal et pathologique (limite dans ce cadre à la MA) et plusieurs séries de critères de diagnostic neuropathologique peuvent être utilisés. De plus, les méthodes d’imagerie cérébrale contribuent à montrer que la MA n’est pas une simple accentuation du vieillissement physiologique mais un processus pathologique pour lequel le vieillissement constitue un facteur de risque. Dans l’ensemble, la plasticité neuronale diminue progressivement avec l’âge, pour s’effondrer vraisemblablement dans le très grand âge [3].

Structures cérébrales vulnérables au cours du vieillissement

Toutes les régions cérébrales ne sont pas vulnérables de la même façon aux processus du vieillissement et ce sont les structures sous-tendant les fonctions de mémoire, d’attention et de cognition qui sont les plus fragiles. Par ailleurs, lorsqu’on parle de vulnérabilité, on peut considérer plusieurs éléments morphologiques et nous nous sommes restreints à parler ici de la plasticité dendritique, de mort neuronale et de la dégénérescence neurofibrillaire, ainsi que des plaques séniles.

Structures corticales

En effet, une étape de complexité supérieure se produit lorsqu’il s’agit d’harmoniser la représentation du monde extérieur avec les représentations internes, conduisant chez l’humain, à prendre conscience de soi-même en tant que sujet connaissant l’objet. Ceci ne peut se faire sans la perception des émotions, laquelle passe par celle des états du corps, perceptions somatiques et viscérales. On ne sait pas très bien comment s’effectue la ‘‘ prise de conscience ’’, mais c’est vraisemblablement par l’établissement d’un lien entre d’une part, un phénomène donné, par exemple la vue d’une certaine scène, et d’autre part, un état émotionnel et corporel correspondant.

Lorsque la scène est remémorée en absence de stimulus du monde extérieur, elle l’est avec ses attributs, c’est-à-dire avec l’état émotionnel correspondant au moment de la mémorisation. Ces étapes font intervenir non seulement le cortex préfrontal dorsolatéral, mais aussi le cortex préfrontal ventro-médiant et orbitaire, de même que le cortex cingulaire et somesthésique, indispensables à la représentation des états du corps [4].

Le cortex préfrontal ventro-médian semble associer la perception des émotions avec le raisonnement sur soi-même et la prise de décision concernant les domaines personnel et social, telles que vie professionnelle, relations avec autrui [5, 6] planification de l’avenir.

Au cours du vieillissement, c’est le cortex entorhinal qui est touché en premier lieu.

Puis l’hippocampe, structure en boucle sur le cortex entorhinal, ainsi que les connexions réciproques entre ces deux structures. Il faut cependant distinguer plusieurs stades. Dans le vieillissement physiologique, des lésions peuvent exister dans ces structures, entraînant une diminution de la mémoire. Mais lorsque les lésions sont plus graves comme dans la MA, on atteint un stade d’isolement hippocampique qui ne permet plus la fixation de nouvelles informations, alors que les informations anciennes sont encore accessibles. L’atteinte de l’amygdale — les connexions réciproques avec les structures limbiques — est souvent aussi relativement précoce. Les structures néocorticales ne sont dans leur ensemble que peu ou pas touchées par le vieillissement physiologique. Par contre, dans la MA, au fur et à mesure que le néocortex est atteint — les aires associatives avant les aires sensorielles primaires et motrices — il se produit un syndrome de déconnexion cortico-corticale, engendrant la perte des circuits organisés en réseaux et empêchant — le retour d’informations fortement enregistrées. Notamment, le patient ne sait progressivement plus nommer les objets de sa vie quotidienne, puis ne sait plus les reconnaître, ni ce à quoi ils servent. Finalement, le monde environnant va perdre son sens et le sentiment d’identité se désagréger [7].

Structures sous-corticales

Il existe quatre grands systèmes de stimulation non spécifiques, pour le cortex cérébral, les systèmes cholinergique, noradrénergique, dopaminergique et sérotoninergique. Ces systèmes ‘‘ diffus ’’ importants pour la mémorisation, l’attention, la motivation, son également très vulnérables aux processus du vieillissement, parti-
culièrement le système cholinergique. D’autres structures sous-corticales relativement vulnérables peuvent être touchées, parmi lesquelles certains noyaux thalamiques et hypothalamiques, le striatum et la substance noire. Un certain degré d’atteinte de ces différentes structures est susceptible de jouer un rôle dans le ralentissement psychomoteur observé au cours du vieillissement et surtout dans la MA [8].

Puisqu’il semble exister une zone de transition relativement peu claire entre vieillissement physiologique et pathologique, on peut faire l’hypothèse qu’il existe un seuil quantitatif — en termes de nombre de neurones et de complexité de connexions — permettant le fonctionnement mental et cognitif ainsi que les capacités d’adaptation. Ce seuil est probablement individuel, déterminé par des facteurs à la fois génétiques et environnementaux. Il existe réellement des facteurs de risque pour un vieillissement cérébral pathologique. Ces facteurs de risque vont permettre d’entrer dans la cascade pathologique du vieillissement cérébral par le biais de certains mécanismes moléculaires encore à élucider. Par ailleurs, il existe aussi des facteurs de protection pour un vieillissement réussi (successful aging). Dans ce domaine, les études des centenaires pourront certainement apporter des éléments nouveaux [9].

Les centenaires

Les prévisions pour la première moitié du XXIe siècle indiquent une forte augmentation du nombre de personnes très âgées, notamment des centenaires [10].

De plus en plus d’études tentent de cerner les caractéristiques génétiques, métaboliques et psychologiques des centenaires et supercentenaires, qui pourraient constituer un groupe qualitativement distinct de survivants, chez lesquels les processus du vieillissement seraient mis en échec ou en tout cas fortement diminués et/ou retardés.

Viellissements pathologiques

Le développement et le vieillissement du cerveau ont des aspects communs, notamment dans les processus de mort neuronale et de perte dendritique, axonale et synaptique, mais aussi une grande plasticité, permettant des phénomènes compensatoires limitant la détérioration neuronale. Si la mort neuronale est peu importante dans le vieillissement normal, elle représente l’aboutissement des processus régressifs dans la maladie d’Alzheimer et constitue l’élément clé permettant d’établir une correspondance avec la symptomatologie clinique. Des éléments caractéristiques du cerveau vieillissant sont le dépôt de proteine β-amyloide et de plaques séniles (PS), ainsi que la dégénérescence neurofibrillaire (DNF). L’augmentation du nombre de PS et de DNF et celle du nombre de régions cérébrales touchées conduit au vieillissement pathologique. Comme on a dejá dit, toutes les régions cérébrales n’ont pas la même vunérabilité et les circuits les plus vulnérables sont ceux qui soustendent les fonctions mnésiques, impliquant en particulier le cortex entorhinal, carrefour des informations sensorielles et l’hippocampe, lieu de la mémorisation et
de renforcement amnésique. La destruction progressive de ces circuits s’étend aux régions néocorticales au cours de la maladie d’Alzheimer expliquant en grande partie sa symptomatologie de détérioration cogntive. La limite entre vieillissement normal et maladie d’Alzheimer débutante est cependant difficile à tracer.

Les pathologies démentielles représentent probablement l’une des expressions cliniques les plus significatives du vieillissement cérébral pathologique. La chronicité, la progression des troubles cognitifs, la dépendance fonctionnelle, le retentissement sur la personnalité, l’affectivité, le comportement, et l’impact sur l’entourage, imposent des souffrances importantes aux patients et à leurs proches, et un coût élevé pour la société. Pour garantir une prise en charge optimale, le diagnostic et la prise en charge se doivent d’être les plus précoces possibles, et les plus spécifiques possibles de la cause. Par ailleurs, dans leur acception actuelle, les troubles cognitifs légers (Mild Cognitive Impairment) regroupent probablement à la fois des états pré-démentiels et des troubles mnésiques liés à l’âge. La caractérisation plus précise des facteurs discriminant ces deux groupes de sujets et l’évaluation de l’effet d’interventions précoces sur leur devenir sont des enjeux majeurs de la recherche clinique actuelle.

Epidémiologie

De nombreuses études épidémiologiques ont été entreprises dans le monde, le plus souvent em Amérique du Nord et en Europe, afin de déterminer la prévalence des démences. Les chiffres obtenus varient en fonction des différences méthodologiques, notamment des critères diagnostiques et d’âge retenus [11]. Ces différentes études ont toutes observé des valeurs se situant dans une fourchette allant de 3,6 % à 8,2 % pour l’ensemble de la population âgée de 65 ans et plus [12]. Une observation remarquablement constante est la relation étroite observée entre âge et fréquence de la démence. Ainsi, on peut retenir que la prévalence des démences, qui est de l’ordre de 2 à 5 % chez les 65 à 74 ans, doublée approximativement tous les cinq ans pour atteindre 30 à 40 % chez les sujets âgés de 85 ans et plus. À eux seuls, ces chiffres épidémiologiques indiquent clairement la grandeur du problème. Les implications en terme de coûts financiers et affectifs font des démences un problème majeur de santé publique. Aux États-Unis, le coût de la prise en charge des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer est estimé entre 60 et 120 milliards de dollars [13].

Lorsque l’on place ces chiffres dans la perspective du vieillissement démographique, on peut craindre ce que certains auteurs ont décrit comme la future ‘‘ épidémie silencieuse ’’ des démences. À côté des évidences épidémiologiques, il existe d’autres arguments, en particulier cliniques, en faveur d’un dépistage et d’un diagnostic précoces des démences.

Facteurs de risque

On peut définir plusieurs types de facteurs de risque, risques définis pour lesquels toutes les études vont dans le même sens, risques probables pour lesquels un grand
nombre d’études montrent que le risque existe, en dépit de quelques données non concordantes, et enfin risques possibles, faisant l’objet d’études encore contradictoires. De nombreuses études épidémiologiques et génétiques concordantes, indiquent que l’âge et certains facteurs génétiques peuvent actuellement être considérés comme des facteurs de risque définis pour la MA. Plusieurs facteurs de l’environnement ont aussi été mis en cause, mais il s’agit pour l’instant de facteurs probables car toutes les études ne sont pas convergentes, et tous les biais possibles ou cofacteurs associés n’ont pas été élucidés. Parmi ces facteurs on trouve principalement les traumatismes crâniens, la ménopause et son déficit en oestrogènes, certains antécé- dents psychiatriques comme la dépression, ainsi que le faible niveau éducatif. Le rôle de l’aluminium, du tabac ou de l’alcool est plus controversé et ces facteurs sont seulement considérés comme possibles. Le rôle des facteurs vasculaires et notamment du cholesterol, est de plus étudié, car il s’agit là d’un domaine où la prévention pourrait être particulièrement efficace. Le cumul de plusieurs facteurs de risque est probablement a l’origine de la vulnérabilité particulière de certains individus face aux processus d’un vieillissement cérébral pathologique, amplifié par la MA. Leur détection et leur étude permettront à moyen terme d’intervenir dans différents modèles de prévention : éradiquer le risque de maladie dans la prévention primaire, stopper ou ralentir le processus pathologique dans la prévention secondaire, et diminuer la sévérité des conséquences dans la prévention tertiaire [14]. C’est déjà partiellement le cas aujourd’hui pour certains facteurs. L’organisation mondiale de la santé (OMS) prévoit que dans les années 2020, il pourrait y avoir 29 millions de personnes atteintes de démence dans les pays développés et moins développés et que la prévention, basée sur la connaissance des facteurs de risque, devient primordiale [15].

Facteurs de protection

Lorsque l’on envisage des facteurs de risque touchant des individus vulnérables, on doit aussi envisager des facteurs de protection concernant des individus particuliè- rement résistants. Quelques auteurs estiment qu’environ 25 % de la variation de longévité serait déterminée génétiquement [16]. D’autres facteurs liés à l’environnement pourraient jouer un rôle protecteur vis-à-vis du vieillissement. Ainsi les anti-oxydants connues dans l’alimentation et la boisson, les substances antiinflammatoires et le contrôle des facteurs vasculaires, particulièrement du cholesté- rol, font l’objet de nombreuses études documentées. Si l’effet protecteur de certains facteurs est confirmé, cela pourrait certainement offrir à moyen terme des possibilités de prévention. Finalement, les capacités d’adaptation à un environnement interne et externe changeant avec l’âge — semblent être déterminantes dans le vieillissement réussi. La recherche de gènes influençant la réponse au stress — gènes probablement conservés au cours de l’évolution — paraît une étape obligée dans l’exploration des facteurs de protection.

CONCLUSION

Dès la Haute Antiquité le vieillissement des individus a été évalué par la famille, la tribu, l’entourage, à travers les modifications du comportement. Aujourd’hui encore, c’est à travers le changement comportemental de la personne âgée que la société appréhende le vieillissement.

Dans la conclusion de l’enquête d’Alvar Svanborg [17] sur les personnes âgées, de 70 et au-delà de 90 ans à Goteborg, suivies depuis plus de vingt-cinq ans, il est indiqué que les maladies du troisième âge reculent, la plupart se manifestant de plus en plus tard et avec une fréquence et une gravité qui paraissent diminuer.

La majorité des personnes suivies (164) n’ont présenté aucun déclin cognitif, ni dans les tests explorant la compréhension verbale, ni dans ceux portant sur le raisonnement, entre 70 et 80 ans. En revanche, onze personnes ont présenté un déclin rapide et ont sombré dans la démence, c’est-à-dire environ 6 % de la cohorte. Nous sommes loin des 20 à 40 % de déments observés dans d’autres études. Les résultats rapportés par l’équipe de Svanborg font apparaître un pourcentage assez élevé de personnes qui semblent souffrir de problèmes existentiels, même dans ce pays si avancé dans le domaine de l’aide sociale aux personnes âgées. En effet, si l’on compte les alcooliques, les déprimés et autres ‘‘ psychotiques ’’, le pourcentage des personnes que l’on ne peut pas considérer comme heureuses s’élève à près de 35 % pour les hommes et 30 % pour les femmes. Les femmes sont apparamment un peu plus équilibrées que les hommes, mais elles souffrent plus souvent de démences sévéres.

La situation s’aggrave après 80-85 ans. A 85 ans, la prévalence de la démence confirmée a atteint prés de 30 % de cette population (147 sujets sur 494), dont 11 % sévéres, touchant alors hommes et femmes à peu près également. De ces personnes démentes, 43,5 % ont été diagnostiquées comme présentant une maladie d’Alzheimer, 46,9 % une démence de type vasculaire et 9,5 % des démences d’autres types. Ce pourcentage élevé de démences de type vasculaire présage une meilleure possibilité de prévention et de thérapeutique pour ces maladies que pour les démences de type Alzheimer.

Lawton [18] résume l’origine et la nature des influences et des facteurs qui interviennent dans la définition de la qualité de la vie pour chaque individu en général et pour les personnes âgées, fragiles, en particulier, et qui déterminent leur attitude devant la mort. Ces études et enquêtes suggèrent un avenir moins sombre pour les personnes âgées de ce siècle que ne laisse deviner la forte augmentation de la prévalence des démences avec l’âge, à condition que les mesures préventives puissent être étendues à toute la population appelée à vieillir au cours des années 2000. Nous pouvons donc conclure à l’importance de la famille, de l’environnement social, qui conditionne le succés des autres mesures préventives dont nous avons parlé.

Mais pour finir on peut dire comme J. Ajuriaguerra « On a vieilli comme on a vécu ».

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[9] LEUBA G., SAVIOZ A. — Vieillissement, plasticité et dégénérescence des circuits cérébraux. In Du vieillissement cérébral à la maladie d’Alzheimer, De Boeck & Lacier s.a., 2004, 130-166.

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DISCUSSION

M. André VACHERON

Parmi les facteurs de risque des démences, ne pensez-vous pas que l’hypertension artérielle joue un rôle important et qu’il est indispensable de la contrôler parfaitement ?

Il est en effet très important de contrôler tous les facteurs de risques cardiovasculaires qui jouent un rôle important dans ce type de démence, parmi eux : l’hypertension artérielle, le cholestérol, les triglycérides etc.

Mme Odile RÉTHORÉ

Au Brésil, avez-vous des équipes qui travaillent sur le vieillissement prématuré (pas toujours pathologique mais toujours accéléré) des personnes affectées d’anomalies chromosomiques — en particulier trisomie 21 ? Ces personnes sont hypotendues, n’ont pas d’hypercholesté- rolémie mais ont un déficit cholinergique. Serait-il possible de travailler avec ces équipes dans le cadre, en particulier, de la Fondation Jérôme Lejeune ?

Je ne connais pas personnellement d’équipes au Brésil qui travaillent sur ces sujets là.

M. Maurice TUBIANA

Dans le rapport de l’Académie nationale de médecine sur le maintien de l’insertion sociale des personnes âgées, nous avons soulevé le problème de l’activité intellectuelle et le risque d’accélération du processus de dégradation des capacités mentales qui pouvait entraîner une retraite trop précoce. L’opinion du grand spécialiste qu’est le professeur Costa e Silva serait précieuse.

L’activité intellectuelle joue aussi un rôle important dans la prévention de la démence. Il faut toujours maintenir des activités pour stimuler la plasticité cérébrale. Aujourd’hui, il existe déjà plusieurs études qui démontrent les effets négatifs d’une retraite trop précoce sur la santé mentale aussi bien que sur la santé physique.

M. Yves LE BOUC

Quelles sont les implications éventuelles des hormones dans le vieillissement cérébral et plus particulièrement celles des stéroïdes sexuels, des hormones thyroïdiennes, de l’insuline, de l’hormone de croissance (GH) et de l’Insulin-like growth factor 1 (IGF 1) ?

Les molécules hormonales au niveau du cerveau ont deux origines : ‘‘ périphérique ’’ et ‘‘ centrale ’’. Périphérique, car les hormones sont produites par les glandes endocrines et peuvent accéder aux tissus nerveux par voie sanguine ; c’est le cas des hormones lipophiles comme les stéroïdes et les hormones stéroïdiennes qui abordent facilement les cellules nerveuses, alors que les peptides, hydrophiles et chargés, sont essentiellement arrêtés par la barrière hémato-encéphalique. L’origine centrale des mêmes molécules peptidiques, quand elle existe, est d’autant plus intéressante, mais on doit considérer
également l’existence de neurostéroïdes synthétisés dans le cerveau. On sait actuellement peu de choses sur l’évolution au cours de l’âge de la production cérébrale des peptides hormonaux et des neurostéroïdes. Parmi les très nombreuses observations récentes, j’en dégagerai trois concernant les stéroïdes. — Alors que le cortisol circulant se maintient au cours du vieillissement, la DHEA baisse, et cette disparité semble détrimentale pour le fonctionnement et même la maintenance cérébrale (régression du volume de l’hippocampe au cours du vieillissement). — Les oestrogènes chez la femme disparaissent pratiquement après la ménopause. De nombreuses études chez l’animal et in vitro indiquent des effets neuroprotecteurs des oestrogènes, observables au niveau du fonctionnement métabolique des neurones. Cependant, alors que des expériences chez l’animal indiquent un rôle positif des oestrogènes sur la mémoire, il n’est pas vraiment confirmé chez la femme. Il n’est cependant pas impossible, d’après des études épidémiologiques, que les oestrogènes puissent retarder et même prévenir partiellement une maladie neurodégénérative comme la maladie d’Alzheimer. Cependant, rien n’indique qu’ils soient efficaces dans son traitement. — Les androgènes baissent souvent chez l’homme après la sixième décennie. Cette diminution ne semble pas avoir d’importance sur les composantes des fonctions cognitives, comme si une faible quantité d’hormones était encore suffisante pour leur maintien. Au total, pour l’utilisation des hormones, optimisme raisonné et raisonnable comme dans les exposés de nos confrères brésiliens.


* Membre Titulaire de l’Academie nationale de médecine (Brésil) Membre Associé de l’Academie nationale de médecine (France) Université de Rio de Janeiro, Faculté de Médecine Rua Getu´lio das Neves, 22 CEP 22.461-210 — Rio de Janeiro — Brasil Tirés à part : Professeur Jorge Alberto COSTA E SILVA Article reçu et accepté le 10 octobre 2005

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 7, 1371-1381, séance du 11 octobre 2005