Résumé
Les gliomes de bas grade sont des tumeurs cérébrales lentement évolutives qui génèrent des mécanismes de neuroplasticité (remodelage des cartes neurono-synaptiques) permettant une compensation fonctionnelle prolongée, jusqu’à la survenue d’une crise d’épilepsie révélatrice. En raison d’une transformation maligne inéluctable en l’absence de traitement, le pronostic fonctionnel puis vital est engagé approximativement dans les 6–7 ans après le diagnostic. La réalisation d’une chirurgie maximale précoce a majoré significativement les médianes de survie ≈20 ans, tout en préservant, voire améliorant la qualité de vie. Ces interventions ont été effectuées chez les patients éveillés, afin de bénéficier d’une carte fonctionnelle individuelle des réseaux neuronaux impliqués dans le mouvement, le langage, la cognition (conscience visuo-spatiale, fonctions exécutives, attention…) et l’émotion. Le risque opératoire a été réduit ≈1 %, y compris en régions classiquement considérées comme « inopérables », avec 94 % de retour au travail. Ces cartographies cérébrales ont également résulté en une meilleure compréhension du connectome, organisé en circuits parallèles distribués, à large échelle, interactifs et capables de se compenser dans une certaine mesure – d’où le potentiel de plasticité. Les observations issues de ces opérations ont conduit à l’élaboration d’une théorie en méta-réseau du fonctionnement cérébral, basée sur une interaction dynamique intra- et inter-systèmes transitoirement générée pour permettre un comportement adapté aux demandes environnementales, rompant avec la tradition localisationniste. Cette vision intégrée ouvre de nombreuses portes vers de nouveaux modèles cognitifs en neurosciences fondamentales ainsi que vers des stratégies thérapeutiques innovantes chez les patients cérébrolésés, en neurochirurgie, neurologie, rééducation fonctionnelle et psychiatrie.
Summary
Low-grade gliomas are primary brain tumors, which grow slowly; inducing mechanisms of neuroplasticity (reorganization of neuro-synaptic maps) and allowing prolonged functional compensation until the onset of inaugural seizures. Due to unescapable malignant transformation if these tumors are left untreated, functional then vital prognosis is usually engaged within about 6–7 years after diagnosis. Early and maximal surgical resection has significantly increased overall survival ≈20 years while preserving or even improving quality of life. Such surgeries have been performed in awake patients with the goal of benefiting from an individual mapping of networks mediating movement, language, cognition (visuospatial awareness, executive functions, attention…) and emotion. The surgical risk has been reduced to about 1%, including within structures classically considered as “unresectable”, with 94% of return to work. These mapping results also resulted in a better understanding of the human connectome, organized in parallel and distributed large-scale neural networks, able to communicate and to compensate themselves, at least to some extend – explaining the neuroplastic potential. Observations gained from intraoperative stimulation also led in the elaboration of a meta-networking theory of brain processing, relying on dynamic interactions within and across neural systems which can be transitorily generated to enable adapted behavior in response to environmental demands – which breaks with the localizationist tradition. This integrated view opens new avenues to original cognitive models in basic neurosciences as well as to innovative treatment strategies for brain-damaged patients, in the fields of neurosurgery, neurology, functional rehabilitation and psychiatry.
Accès sur le site Science Direct : https://doi.org/10.1016/j.banm.2024.04.018
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(b) Inserm U1191, équipe « plasticité cerébrale, cellules souches, tumeurs cérébrales gliales », institut de génomique fonctionnelle, université de Montpellier, 34091 Montpellier, France
⁎Correspondance.
Bull Acad Natl Med 2024;208:824-31. Doi : 10.1016/j.banm.2024.04.018