Communication scientifique
Séance du 7 avril 2009

Ulcère pénétrant de l’aorte : à propos de quinze cas traités aux niveaux thoracique et thoraco-abdominal

MOTS-CLÉS : anévrysme de l’aorte thoracique. douleur thoracique. ulcère
Penetrating aortic ulcer : a series of 15 cases with toracic and thoracoabdominal management
KEY-WORDS : aortic aneurysm, thoracic. chest pain. ulcer

Domenico Palombo, Simone Mambrini

Résumé

L’ulcère pénétrant de l’aorte (UPA) est une ulcération siégeant au niveau de l’aorte qui peut entraîner une douleur brutale thoracique ou thoraco-abdominale. Le risque évolutif essentiel est la rupture aortique. Décrite pour la première fois en 1934, l’UPA n’a été pendant longtemps qu’une découverte nécropsique. A ce jour, l’angio scanner avec coupes fines représente l’examen de choix pour son diagnostic. Nous présentons, quinze cas d’UPA principalement symptomatiques ; sept cas présentaient une douleur brutale thoracique ou thoraco-abdominale, trois cas une douleur moins intense. Chez les cinq cas restant le diagnostic a été fortuit. L’intervention a consisté dans treize cas en la mis en place d’une ou plusieurs endoprothèses. Dans six cas un geste chirurgical complémentaire a été nécessaire, avec une technique hybride (pontage ilio-hépatique (un cas), pontages viscérales multiples (trois cas), pontage carotido-carotidien (un cas), pontage carotido-sous-clavière gauche (un cas) ou avec une technique combinée (anevrysmectomie de l’aorte sous rénale avec pontage aorto-aortique un cas). Dans deux cas, le traitement a été uniquement chirurgical classique : anastomose proximale dans la région thoraco-abdominale et distale sur le carrefour aortique. Les résultats immédiats ont été satisfaisants malgré un décès au quatorzième jour post-opératoire, dans un tableau de déchéance multi viscérale. Le suivi moyen est de 16,2 mois (maximum 44 mois) : un patient a développé au deuxième mois postopératoire une fistule aorto-aesophagienne entraînant son décès ; trois patients sont décédés : des suites d’un ictus dans un cas et pour raisons inconnues chez les deux autres. Les dix patients restants sont en bonne santé.

Summary

Penetrating aortic ulcer (PAU) consists of an ulcer located in the aortic wall that can cause sudden-onset thoracic or thoraco-abdominal pain. Symptomatic PAU is a life-threatening emergency because of the high risk of aortic rupture. First described in 1934, PAU was for many years seen only at autopsy. Now, multislice CT is the diagnostic method of choice. We report the cases of 15 such patients. Ten patients were symptomatic, with severe suddenonset thoracic or thoraco-abdominal pain (7 cases) or less acute pain (3 cases). Surgical treatment consisted of aortic stent-grafting in 13 cases, with one or more endoprostheses. Bypass surgery was also necessary in 6 cases, using a hybrid technique (ilio-hepatic bypass graft in 1 case, multiple visceral bypass grafts in 3 cases, carotid-carotid bypass graft in 1 case, and carotid left subclavian bypass graft in 1 case), or a combined technique (aneurysmectomy and infrarenal Dacron tube repair in 1 case). Open thoraco-abdominal aortic repair was performed in two cases, with proximal anastomosis at the thoracoabdominal level and distal anastomosis at the level of the aortic carrefour (with the Crawford inclusion technique in one case). Perioperative results were satisfactory, but one patient died of multiple organ failure on postoperative day 14. Four patients died during follow-up (mean 16.2 months ; range 1-44 months), 1 of stroke, 1 of a complicated esophageal-aortic fistula, and 2 of unknown causes. Follow-up has been uneventful in the other 10 patients.

INTRODUCTION

La douleur thoracique peut poser un problème diagnostique difficile. Elle peut répondre à toute une variété de causes, de signification pronostique très différente :

tous les intermédiaires sont possibles entre une affection bénigne et une complication mettant en jeu le pronostic vital à court terme. Le syndrome aortique aigu est l’un des problèmes les plus difficiles et les plus graves.

Cette définition, introduite dans les années 90 [1] est attribuable aux cas symptomatiques de lésions aortiques « dissection-like ». Il réunit la dissection aortique (DA) proprement dite, l’hématome intra-mural (HIM) et l’ulcère pénétrant de l’aorte (UPA) [2]. Ce dernier, décrit par Shennan [3] et Stanson [4], est mieux connu sous l’acronyme anglo-saxon PAU « penetrating aortic ulcer » et il constitue une pathologie de plus en plus connue. L’UPA est une ulcération siégeant au niveau de l’aorte qui peut entraîner une douleur brutale thoracique ou thoraco-abdominale. Le nombre croissant de publications qui citent l’UPA dans le titre ou dans le résumé, présentes sur le moteur de recherche PubMed, illustre bien l’intérêt actuel pour cette pathologie (Fig. 1). En effet, jusqu’à l’avènement récent des nouvelles techniques d’imagerie de l’aorte, l’UPA n’était bine souvent qu’un diagnostic nécropsique. Le risque évolutif essentiel de l’UPA étant la rupture aortique, l’importance d’un diagnostic correct et précoce permettant un traitement actif est donc considé- rable [5,6].

Les développements des techniques chirurgicales et des techniques endo-vasculaires rendent aujourd’hui possible leur traitement. Cependant de nombreuses questions restent ouvertes. L’incidence et la prévalence, certainement supérieures à ce que l’on

Fig. 1. — Évolution du nombre de publications sur l’ulcère pénétrant de l’aorte dans PubMed Tableau 1. — Co-morbidités des patients présentant un ulcère pénétrant de l’aorte (UPA) de la crosse aortique ou de l’aorte thoracique et thoraco-abdominale Comorbidités

Hypertension artérielle 14 (93.3 %) Bronchopneumopatie 9 (60 %) Avec insuffisance respiratoire 6 (40 %)

Dyslipidémie 9 (60 %) Cardiopathie 6 (40 %) Coronaire 2 (13.3 %)

Lésions des Troncs supra-aortiques 5 (33.3 %) Artéropathies périphériques 5 (33.3 %) Malnutrition 4 (26.6 %) Insuffisance rénale chronique 3 (20 %) Hémodialyse 1 (6.7 %)

Artéropathies viscérales 2 (13.3 %) Diabète 2 (13.3 %) Néoplasie 2 (13.3 %) Autre 10 (66.6 %)

Fig. 2. — Aspect tomodensitométrique d’un ulcère athéroscléreux pénétrant de l’aorte thoracique :

concentration intra-murale, localisée, de produit de contraste radiologique, communicant avec la lumière aortique au travers d’une plaque athérosclereux.

pensait dans le passé, doivent être quantifiée. Les modalités diagnostiques et le choix des techniques de traitement font encore aujourd’hui objet de discussions. Malheureusement, malgré l’intérêt que suscitent les UPA dans le domaine chirurgical, cardiaque et vasculaire, elles restent souvent méconnues dans les services d’Urgence, alors que leur diagnostic est devenu facile du fait des progrès de l’imagerie de l’aorte.

Nous présentons l’expérience de notre service, quinze cas d’UPA siégeant au niveau de l’aorte thoracique ou de l’aorte thoraco-abdominale.

 

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Patients

Parmi les 1 251 patients traités d’octobre 2003 à décembre 2008 pour une pathologie aortique, quinze cas présentaient un UPA au niveau de la crosse aortique ou de l’aorte thoracique et thoraco-abdominale. Ces patients, neuf hommes et six femmes, avaient un âge moyen de 70 ans (extrêmes 40-78). Les co-morbidités sont reportées dans le tableau 1. Dix patients présentaient au moment de la consultation une douleur thoracique ou thoraco-lombaire. Chez les cinq patients restants, le diagnostic d’UPA a été fortuit. Dans tous les cas, le diagnostic a été confirmé par angioscanner à coupes fines du thorax et de l’abdomen.

La classification des lésions

Selon les critères tomodensitométriques adoptés dans la plupart de travaux scientifiques, nous avons classifié les UPA en ulcère athérosclereux pénétrant (Fig. 2), UPA compliquant un HIM (Fig. 3), pseudo-anévrisme de l’origine d’une branche aortique secondaire à HIM (Fig. 4). L’ulcère artérioscléreux pénétrant et l’UPA compliquant un HIM ont été définis compliqués par un pseudo-anévrisme lorsqu’ils déformaient le profil aortique en le dilatant ou lorsque survenait une rupture aortique tamponnée (Fig. 5). Le tableau 2 reporte la typologie et le siège des UPA traités.

Le traitement

Le traitement pharmacologique

Chez tous les patients symptomatiques, les paramètres vitaux étaient surveillés en continu. Les cas présentant une hypertension artérielle ont été traités par administration de tri-nitroglycérine (Venitrin ; dose 0,75-6 mg/h) et/ou sodium nitroprussiate (dose 0.3-8 μg/kg/min), β-bloquant (Atenolol ; dose 0,03-0,15 mg/Kg/ 24 heures) et d’analgésiques. Le tableau 2 décrit la réponse à ce traitement pharmacologique.

Les indications chirurgicales

Chez les symptomatiques, nous avons suivi comme critères de traitement les mêmes que ceux suivis pour la dissection aortique aiguë de type B. Les indications au traitement étaient donc l’UPA avec rupture de l’aorte (un cas), ou signes de rupture imminente, comme la présence de pseudo-anévrysmes (quatre cas au niveau de l’aorte thoracique et deux cas ou niveau de l’aorte viscérale), épanchement du médiastin ou pleural, rapide accroissement du diamètre aortique (un cas), douleur persistante ou récurrente malgré l’administration d’analgésiques et d’anti-

Tableau 2. — Corrélations entre le siège, la typologie des UPA, les symptômes et la réponse au traitement pharmacologique.

Siége

Typologie de UAP

No

No Symptomatiques

Réponse de la tot et douleur au manifestations clini- traitement ques pharmacologique

Crosse aortique Ulcère athéromateux pénétrant 2 0 / compliqué par pseudo-anévrisme Aorte thoracique Ulcère athéromateux pénétrant 1 1 : Douleur localisée, / compliqué par rupture soudaine et téré- brante ; choc Ulcère athéromateux pénétrant 5 4 : douleur localisèe, 2 : régression de la compliqué par pseudo-anévrisme soudaine et lanci- douleur nante ;

troubles 1 : douleur récurneuro-végétatifs ;

rente hypertension 1 : douleur persistante Ulcére pénétrant secondaire à 2 2 : douleur migrante, 2 : Régression de la HIM (avec un thrombus flottant soudaine, térébrante douleur dans un cas) dans un cas et déchirante dans l’autre ;

hypertension ; troubles neuro-végétatifs Aorte thoracoPseudo-anévrisme à l’origine du 1 Douleur migrante, Douleur récurrente abdominale tronc coeliaque secondaire à HIM soudaine, déchirante ;

hypertension ; troubles neurovégétatifs Ulcère athéroscléreux pénétrant 3 1 : Douleur localisée, Douleur récurrente compliqué par pseudo-anévrisme sourde ;

hypertension Ulcère pénétrant secondaire à 1 Douleur migrante, Régression de la HIM soudaine, déchi- douleur rante ;

hypertension ; troubles neurovégétatifs hypertenseurs (4 cas). Pour un patient qui présentait un UPA compliquant un HIM, l’indication était liée à la présence d’un thrombus flottant dans l’aorte thoracique.

L’indication au traitement chez les patients asymptomatiques a été la présence d’un pseudo-anévrysme au niveau de l’UPA.

Le traitement endo-vasculaire et hybride

La technique endo-vasculaire a été retenue chez les patients affectés par un UPA localisé au niveau de l’aorte thoracique descendante (zone 4 selon Ishimaru).

Fig. 3. — Aspect tomodensitométrique d’un UPA de l’isthme aortique compliquant un HIM. On observe du produit de contraste dans le segment localisé d’un hématome de la paroi aortique, communicant avec la lumière aortique ; au-dessus angio-scanner du 05/03/2008 ; au-dessous angio-scanner du 21/03/2008

Fig. 4. — Aspect tomodensitométrique d’un ulcère pénétrant aortique du type pseudo-anévrysme à l’origine du tronc coeliaque, secondaire à un HIM. On voit du produit de contraste radiologique situé dans un HIM, communicant soit avec la lumière aortique soit avec une collatérale et responsable d’une déformation de la silhouette de l’aorte

Fig. 5. — UPA proprement dit de l’aorte thoracique compliqué par un pseudo anévrysme.

Chez les patients présentant une implication de l’artère sous-clavière gauche (zone 3 selon Ishimaru), une étude par angio scanner à coupes fines du système vertébrobasilaire et du cercle de Willis a été réalisée en bilan préopératoire, pour identifier les candidats nécessitant une revascularisation complémentaire par technique hybride.

En cas de couverture endo-vasculaire de la carotide commune de gauche (zone 2 selon Ishimaru), la solution adoptée a été un débranchement partiel de la crosse aortique. Dans les cas où le traitement de l’ UPA nécessitait une correction de la portion thoraco abdominale de l’aorte, le choix entre une chirurgie ouverte par voie thoraco-phréno-laparotomique gauche et une chirurgie endovasculaire hybride avec revascularisation des artères viscérales a été faite en fonction des conditions générales du patient, en particulier de sa fonction respiratoire. Les techniques hybrides ont été préférées chez les patients présentant des problèmes associés sévères. Le tableau 3 reporte le schéma du traitement.

 

Tableau 3. — Schéma du traitement chez 15 patients.

Siège de l’UPA

No des cas

Traitement

No des cas

Zone 4 selon 7 Seulement endovasculaire 6 Ishimaru Combiné : endoprothèse thoracique et 1 anévrysmectomie et pontage aorto-aortique abdominal Zone 3 selon 2 Seulement endovasculaire avec recouvrement de 1 Ishimaru l’artère sous-clavière gauche Hybride : pontage carotido-sous-clavière et endo1 prothèse thoracique avec recouvrement de l’artère sous-clavière gauche Zone 2 selon Ishi1 Hybride : pontage carotido-carotidien et endo1 maru prothèse de la crosse aortique et de l’aorte thoracique avec recouvrement de l’artère sous-clavière gauche Aorte Thoraco5 Chirurgie Ouverte 2 Abdominale Hybride : pontage aorto-visceraux multiples et 2 endoprothèse de l’aorte thoraco-abdominale Hybride : pontage ilio-hépatique commune et 1 endoprothèse de l’aorte thoraco-abdominale Chaque implantation endo-prothétique a été planifiée en utilisant des reconstructions d’imagerie en multiplan, par l’angio-scanner à coupes fines et en effectuant les mesures nécessaires à la console radiologique. Le choix de l’endoprothèse a été fait selon les caractéristiques géométriques des zones d’atterrissage proximales et distales, selon la longueur et l’angle des portions de l’aorte à recouvrir, selon les dimensions, la tortuosité et les caractéristiques de la paroie des artères iliaques. Le tableau 4 résume le choix des endoprothèses utilisées. Toutes les interventions ont été effectuées sous anesthésie générale avec un contrôle rigoureux de la tension artérielle.

Détail des traitements

Les patients opérés par technique totalement ouverte ou hybride abdominale ont reçu durant l’intervention une perfusion rénale par solution froide (Ringer acétate 4° C) après cathétérisme sélectif de l’ostium de chaque artère rénale. Dans le cas où la reconstruction chirurgicale thoraco-abdominale a été complexe (anastomose proximale et distale n’incluant pas les artères viscérales : un patient), nous avons adopté en plus de la perfusion froide des artères rénales, un shunt gauche-gauche avec pontage temporaire entre la prothèse et la fémorale ainsi qu’une dérivation pour la perfusion du tronc coeliaque et de l’artère mésentérique supérieure.

Un drainage du liquide céphalorachidien a toujours été réalisé, à l’exception des malades traités en urgence.

Fig. 6. — Ulcères pénétrants multiples compliqués par un volumineux pseudo-anévrisme (au dessus). Tomodensitométrie post-opératoire qui montre les pontages aorto-viscéraux multiples et l’exclusion des pseudo-anévrisme par une endoprothèses (au dessous).

Fig. 7. — Aspect pre- (en haut) et post-opératoire (en bas) d’un pseudo-anévrisme de la crosse aortique secondaire à un UPA ; l’endoprothèse exclut totalement le pseudo-anévrisme, mais son diamètre reste inchangé.

Fig. 8. — Aspect pré- (en haut) et post-opératoire (en bas) d’un pseudo-anévrisme de l’isthme aortique du à un UPA compliquant un HIM ; l’endoprothèse exclut totalement le pseudoanévrisme et permet une réduction du diamètre aortique.

Le suivi

Tous les quinze patients ont été suivis selon le protocole prévu dans le service pour les patients présentant une pathologie aortique : un contrôle clinique à trente jours et à six mois de l’intervention chirurgicale, un angio scanner à trois, six et douze mois et par la suite une fois par an pour les patients traités exclusivement par des techniques endovasculaires, un angio scanner à un, trois, six et douze mois et par suite une fois par an pour les patients traités par technique hybride, un angio scanner à six mois et une fois par an pour les patients traités par technique chirurgicale ouverte. Les données relatives au suivi post-opératoire ont été recueillies pour chaque patient, ainsi que la durée de l’hospitalisation, le suivi clinique et l’évolution des images lors de chaque consultation.

RÉSULTATS

Un décès péri-opératoire est observé au quatorzième jour post opératoire par défaillance multi-organe chez un patient ayant bénéficié d’un débranchement de l’aorte thoraco-abominale, présentant de nombreuses co-morbidités (Fig. 6). Chez cinq patients, un séjour, d’une durée de douze heures à quatorze jours, dans l’unité de soins intensifs a été nécessaire. En excluant le patient décédé, nous avons observé : un cas de insuffisance respiratoire transitoire (chez le patient traité en urgence pour rupture aortique), un cas de insuffisance rénale transitoire et de rupture de la rate (chez un patient traité par reconstruction ouverte de l’aorte thoraco-abdominale) et chez qui une re-intervention a été nécessaire , un cas de fibrillation atrial paroxystique (chez l’autre patient traité par reconstruction ouverte de l’aorte thoraco-abdominale), un cas de paraplégie transitoire (chez un patient traité par pontage carotido-sous-clavière et mise en place d’une endoprothése au niveau de l’aorte thoracique) et un cas d’éviscération (chez un patient traité par débranchement de l’aorte thoraco-abdominale) qui a nécessité une ré-intervention.

Six des treize patients soumis à une technique exclusivement endovasculaire ou hybride ont présentés une fièvre post-opératoire modérée.

La durée moyenne du séjour hospitalier à été de 8,3 jours (extrêmes : 3-19 jours).

La mortalité per-opératoire a été 6,6 %, la morbidité per-opératoire 40 % avec un taux de re-intervention du 13,3 %.

Pendant le suivi d’une durée moyenne de 16,2 mois (extrêmes 1-44 mois) nous avons observé : quatre décès, parmi lesquels, un à quarante-huit jours, dû à une insuffisance multi-organe secondaire à une ré-intervention pour le traitement endovasculaire d’une fistule aorto-œsophagienne chez le patient originellement traité pour rupture aortique, un dû à un ictus, vérifié à 29 jours, et deux pour des causes non reconnues. En outre nous avons effectué une anévrysmectomie et pontage aorto-biiliaque, chez le patient traité initialement par un débranchement de la crosse aortique, et une exclusion endovasculaire d’un anévrysme iliaque droit, chez un patient opéré par reconstruction thoraco-abdominale ouverte.

La mortalité à moyen terme est donc de 28,6 % et le taux de procédures secondaires dues à complication tardive a été de 7,1 %.

 

Dans touts les autres cas, les contrôles cliniques et tomodensitométriques ont été normaux. Dans tous les cas de pseudo anévrysmes secondaires à l’ulcère athéromateux pénétrant, les pseudo-anévrismes sont apparus totalement exclus sur l’angio scanner de contrôle, mais leurs dimensions étaient inchangées (Fig.7). Seule les pseudo-anévrismes secondaires aux UPA avec HIM ont disparus pendant le suivi tomodensitométrique (Fig.8).

COMMENTAIRES

Le diagnostic

Le diagnostic précoce repose essentiellement sur l’examen clinique du patient, basé sur l’interrogatoire et l’examen physique. Malheureusement, reconnaître l’UPA est plus difficile que d’identifier une DA. Dans notre série, les patients dont l’âge moyen est avancé, 70 ans, ne présentent pas les caractéristiques symptômes du syndrome de Marfan, d’Elehrs-Danlos, Noonan et Turner. Typiquement le patient affecté par un UPA, présente une maladie athéromateuse poly-vasculaire, avec hypertension arté- rielle et broncho-pneumopathie chronique obstructive. L’état général est souvent précaire, avec parfois dénutrition, anorexie et perte de poids durant les derniers mois. 27 % de nos patients présentaient ces caractéristiques.

La douleur aortique

La douleur aortique dérive de la stimulation du plexus de la tunique adventitielle orthosympathique où siègent les récepteurs mécaniques, sensibles aux forces de distension des vaisseaux. Selon la rapidité de la dilatation du vaisseau et selon l’entité de la dilatation même, la douleur peut présenter une intensité variable :

térébrante, lacérante, déchirante, sourde et gravative. La localisation de la douleur dépend de la portion de l’aorte intéressée. En cas d’affection de l’aorte ascendante la localisation de la douleur peut être sternale avec une éventuelle irradiation au cou et au membre supérieur de gauche. En cas d’affection de la crosse aortique, la douleur se localise au niveau inter-scapulaire, rétro sternal avec irradiation au cou et/ou au membre supérieur de gauche. En cas de lésion de l’aorte thoracique, la douleur est dorsale, thoracique, rétro sternale, variablement irradiée. Dans notre série, la douleur due à un UPA, quand elle est présente (66,6 % des cas), était localisée (60 % des symptomatiques) et d’intensité variable, térébrante ou lancinante (50 % des symptomatiques), sourde (10 % des symptomatiques). Dans quatre cas, à cause de l’association avec un HIM, la douleur était soudaine et déchirante, et il présentait une caractéristique migrante identique à celle observée durant la DA proprement dite.

Les d-Dimères

Chez deux patients, le diagnostic a été fait grâce à un angio scanner pour une suspicion d’embolie pulmonaire, suggérée par l’augmentation des d-Dimères plas- matiques. En fait une élévation des d-Dimères est fréquente dans les dissections aortiques [7]. Exclure l’éventualité d’une embolie pulmonaire est donc important compte tenu de la gravité d’un traitement anti-coagulant ou fibrinolytique en cas de syndrome aortique aigu.

Les enzymes spécifiques

Le taux sanguin des chaînes lourdes de la myosine du muscle lisse et/ou de l’isoenzyme BB de la créatine kinase n’a pas été dosé chez aucun patient de notre série. [8, 9]. Ce dosage, initialement introduit dans les hôpitaux périphériques, pour pallier à l’impossibilité d’obtenir rapidement une imagerie radiologique pose en fait des problèmes de disponibilité liés à la disponibilité des kits de laboratoire et au temps nécessaires pour obtenir les résultats. Leur emploi ne semble donc pas justifié dans un Service d’Urgence où l’accès à l’imagerie (angio scanner, RMN, échographie) est aisé. En outre, étant donné que le principal réservoir de délivrance des enzymes se localise dans la tunique moyenne de l’aorte, les anciennes lésions des composants mio-fibrillaire, secondaire à l’athérosclérose et typiques des ulcères artérioscléreux pénétrant en réduisent les pics sanguins. En conclusion la sensibilité de ces dosages est donc faible par rapport à la DA et à l’HIM proximal [8].

L’ écho Doppler couleur trans-œsophagien

Aucun de nos patients n’a été soumis à un écho Doppler couleur trans-œsophagien.

Malgré une importante sensibilité et spécificité de cette procédure concernant la DA et l’HIM (sensibilité : entre 97 % et 100 % ; spécificité : entre 77 % et 100 % pour la DA aiguë) [10-14] (sensibilité : entre 90 % et 100 % ; spécificité : entre 91 % et 99 % pour l’HIM) [15, 16], elle n’est décrite qu’exceptionnellement pour le diagnostic de l’UPA (faux négatif entre 16 % et 30 %) [17, 18].

L’angio scanner

L’angio scanner avec coupes fines représente l’examen de choix dans le diagnostic des UPA en raison de la rapidité de sa réalisation, de la qualité des images obtenues, de la possibilité qu’il offre de planifier le traitement plus adapté (endovasculaire, chirurgical ou hybride). L’écho doppler couleur trans-œsophagien peut être utile pour une meilleure définition du risque emboligène de la lésion et pour le monitorage évolutif d’un HIM.

L’angio RMN

L’emploi du ciné angio RMN est très intéressant, car il est le plus sensible et le plus spécifique dans le diagnostic d’un syndrome aortique aigu (définition dynamique par rapport à l’angioscanner et vision globale de l’aorte par rapport à l’écho doppler couleur trans-œsophagien) [13]. La RMN en urgence reste pourtant encore un examen d’utilisation limitée chez le patient présentant une douleur thoracique, de part les temps supérieurs d’exécution, sa disponibilité ainsi que le manque de personnel dédié.

Pathogenèse des UPA

L’ulcère artérioscléreux pénétrant dérive de la plaque athéromateuse ulcérée par approfondissement de l’ulcération au delà de la tunique élastique interne avec pénétration dans la media. Chez les patients présentant une maladie athéromateuse diffuse, cette lésion est fréquemment diagnostiquée de façon occasionnelle par l’angio scanner, la RMN ou l’angiographie. Il est généralement admis qu’un ulcère artérioscléreux pénétrant non compliqué et asymptomatique ne représente pas une lésion à traiter sauf en cas d’embolie périphérique [19]. L’évolution de la lésion est connue depuis longtemps [20]. L’ulcère artérioscléreux pénétrant de l’aorte peut évoluer vers une DA proprement dite, un HIM, un pseudo anévrysme, un ané- vrysme ou une rupture. Au cas où la DA proprement dite naît de l’ulcère, le cratère ulcérant localisé à l’intérieur le la plaque athéromateuse se comporte comme un orifice d’entrée. L’HIM peut compliquer un ulcère de l’aorte à cause de la rupture des vasa vasorum de la media, secondaire à la réaction inflammatoire due à la lésion athéromateuse initiale. Le pseudo anévrysme peut naître de la discontinuité transversale de la media et de la tunique élastique externe en formant une cavité en rapport avec la lumière aortique. Elle est délimitée par l’adventice ainsi que les structures anatomiques adjacentes, dans le cas d’une rupture tamponnée. L’évolution de l’ulcère en un vrai anévrysme est moins facile à expliquer. Probablement, le processus initial est la formation d’un HIM qui va provoquer l’interruption des unités fibro-lamellaires myo-élastiques de la media. Secondairement se constitue une cicatrice fibreuse moins résistante à la pression que la paroi musculaire et élastique normale. La rupture aortique, outre à représenter l’évènement final des complications décrites auparavant, représente aussi une complication directe de l’ulcère artérioscléreux pénétrant ; elle est due à la déchirure de l’adventice secondaire à une discontinuité de la tunique élastique externe.

Les UPA compliquant un HIM représentent le résultat de la décompression de l’HIM même, alors que le pseudo anévrysme à l’origine de branches aortiques est l’expression d’une soudaine interruption de la structure histologique de l’ostium d’une collatérale impliqué par l’hémorragie intra-murale aortique. Ces lésions aussi peuvent s’évoluées en DA proprement dite et rupture aortique.

L’histoire naturelle des UPA

Les UPA présentent une histoire naturelle encore mal connue. La fréquence réelle avec laquelle ces lésions évoluent, le rôle de facteurs cliniques et morphologiques sont mal précisés. Coady et coll . rapportent un risque de rupture chez le patient présentant un ulcère artérioscléreux pénétrant de l’aorte symptomatique de 40 % des cas [21]. Plusieurs séries montrent la fréquence d’évolution anévrismale entre 20 % et 50 % des patients [4, 22-24]. Au contraire Kazerooni et coll . rapportent, dans les 9 cas traités médicalement, dans une série de seize cas d’UPA thoraciques symptomatiques, une mortalité hospitalière de 11 %. Cette mortalité n’est pas corrélée à une complication aortique ; il rapporte un risque de pseudo anévrysme de 16 %, une fréquence de dilatation aortique de 33 %, mais aucun décès [25]. De la même façon, Yucel et coll. décrivent sept cas d’UPA dont trois traités chirurgicalement et quatre traités médicalement. Deux des quatre patients ont été perdus durant le suivi et deux patients parmi les autres sont restés stable dans un suivi de huit et trente-trois mois [26]. Malheureusement, l’IRAD qui a contribué de façon significative à une meilleure compréhension de l’HIM, dédie peu d’espace aux UPA [27].

Les indications au traitement

Ces incertitudes quant au potentiel évolutif des UPA rendent le choix du traitement difficile. Certains auteurs recommandent la surveillance scrupuleuse des lésions chez tous les patients symptomatiques et, en présence d’un HIM, le traitement en urgence des UPA d’un diamètre supérieur à 2 cm et d’une profondeur supérieure à 1 cm [28, 29]. Les mêmes indications d’un traitement invasif que celles utilisées dans les DA aiguë de type B sont retenues chez le patient symptomatique présentant un UPA localisé au niveau de la crosse aortique et de l’aorte thoracique ou thoracoabdominale [30]. Les formes compliquées par une douleur persistante ou récurrente, une instabilité hémodynamique, une hypertension artérielle résistante, des signes de rupture (pseudoanévrysme, hématome para-aortique, médiastinique ou pleural, un rapide accroissement des diamètres aortiques), un syndrome de malperfusion imposent un traitement actif. Chez le patient asymptomatique, le traitement chirurgical est réservé aux cas où la lésion évolue en un vrai anévrysme ou un pseudo anévrysme.

Intérêt de notre travail

Notre expérience permet certaines observations : — une implication de la portion diaphragmatique et viscérale de l’aorte, qui, selon notre révision de l’état de l’art, n’à pas encore été décrite en littérature ; — un recours large à des solutions hybrides, quelque soit la localisation des lésions sur l’aorte ; — un comportement chirurgical agressif surtout en présence de déformation du profil aortique suggérant le développement d’un pseudo anévrysme ; — l’évolution, au suivi, des pseudo ané- vrysmes, qui ont maintenu dimensions inchangées bien que exclus par endoprothèse ; — la mortalité des patients traités au suivi.

CONCLUSION

Les données récentes relatives à l’histoire naturelle de la maladie et les résultats obtenus dans notre petite série, justifient une attitude agressive dans les UPA repo- sant sur l’utilisation des techniques endovasculaires, une bonne maîtrise des techniques chirurgicales traditionnelles ainsi que la possibilité d’adopter une solution hybride, qu’il s’agisse des UPA asymptomatiques, de ceux présentant des complications morphologiques ou de ceux symptomatiques chez le patient à haut risque.

Malheureusement, il est vraisemblable que les cas connus représentent seulement la partie visible d’un iceberg dangereux. Une meilleure connaissance de cette pathologie chez les médecins généralistes et les urgentistes et la création de registres internationaux devraient aider au diagnostic et à mieux comprendre cette maladie au risque évolutif particulièrement grave.

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DISCUSSION

M. Daniel LOISANCE

Quelles recommandations faites-vous pour surveiller un ulcère pénétrant de l’aorte totalement asymptomatique ?

 

Le seul examen qui actuellement permet de suivre l’évolution est l’angioscanner. Dans le cas d’un ulcère pénétrant compliqué par un pseudo anévrysme que l’on décide de surveiller, le suivi devrait être au moins annuel.

M. Christian NEZELOF

Quelle est l’incidence des formes familiales ? Quelle est la part ou les liens avec la maladie de Marfan ?

Apparemment il n’y a pas de lien. L’ulcère pénétrant de l’aorte est à considérer comme une expression de la maladie athéromateuse diffuse et avancée. Pour cette raison, il diffère profondément par l’anatomopathologie, l’âge et les conditions des patients d‘une maladie de Marfan.

M. Pierre GODEAU

Il y a une véritable ressemblance des lésions entre celles observées à l’imagerie et celles observées lors d’intervention avec celles observées sur un autre terrain (sujets jeunes méditerranéens) lors de la maladie de Behçet qu’on a pu désigner sous le nom d’aphte de l’aorte. Avez-vous eu l’occasion d’en observer ?

Même si l’on a retrouvé des similitudes, comme je l’ai dit, il s’agit de deux maladies tout à fait distinctes. A mon avis l’UPA est une phase très avancée du remaniement athéromateux de l’aorte.

M. Yves LOGEAIS

Votre série de quinze cas fait état d’une mortalité de 33 % (5/15) dans un délai relativement court et un suivi moyen de seize mois. Dans ces conditions, une attitude agressive systématique est elle justifiée ? Avez-vous l’expérience de formes restées sous simple surveillance, et que sont-elles devenues ?

Comme vous l’avez vu dans mes conclusions, une des questions ouvertes reste la nécessité de redéfinir une attitude (plus ou moins agressive) envers des malades poly vasculaires (avec des comorbidités graves). Personnellement j’ai eu l’occasion de suivre un UPA avec un pseudo anévrisme qui a développé, durant le suivi, un hématome intra mural étendu.

Bien sûr un cas isolé ne permet pas de tirer des conclusions.

M. Yves GROSGOGEAT

Ayant pratiqué beaucoup d’autopsies, je vois très bien l’aspect de ces grosses plaques ulcérées faites de houille athéromateuse peu ou pas calcifiée. Avez-vous remarqué si les observations s’accompagnaient d’embolies systémiques ?

Dans notre série nous n’avons pas observé d’embolies distales.

 

<p>* Chirurgie vasculaire et endovasculaire. CHU San Martino, largo R. Benzi 10, 16132, GenovaItalie Tirés à part : Professeur Domenico Palombo, même adresse, et e-mail : domenico.palombo@unige.it Article reçu le 12 novembre 2008, accepté le 12 janvier 2009</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 4, 909-929, séance du 7 avril 2009