Résumé
Les troubles limites ou « border-line » correspondent à des états cliniques complexes qui combinent les traits de la personnalité border-line proprement dite avec des symptômes d’un très grand polymorphisme aboutissant à des tableaux cliniques intriqués qui induisent de très grandes difficultés diagnostiques et le plus souvent un très grand retard au diagnostic et à la mise en route du traitement. Toutes les classifications internationales s’accordent sur la présence de critères tels que : instabilité de l’identité et des relations affectives, présence envahissante de sentiments de vide et d’ennui, impulsivité pathologique. Leur prévalence est de 2 % avec un sex-ratio de deux à trois femmes pour un homme, incluant aussi bien les adolescents que les adultes avec un taux élevé de suicidalité, de risque addictif et de trouble du comportement alimentaire, et de passage à l’acte médico-légaux. L’histoire personnelle et les antécédents retrouvent fréquemment des traumas précoces au cours du développement, tels que séparations, pertes, agressions voire abus sexuels, maltraitance et carence affective. Les symptômes et signes subjectifs ont une importance toute particulière pour le diagnostic et pour la mise en place de l’alliance thérapeutique, ce qui exige une habileté et un entrainement particuliers pour développer les capacités d’empathie et une plus grande subtilité clinique. Les examens standardisés et semi-structurés sont utiles pour une évaluation complète et la détection de toutes les nombreuses comorbidités thymiques, anxieuses, addictives, voire la présence de symptômes psychotiques qui émaillent souvent l’évolution.
Le modèle bio-psycho-social utilisé en psychiatrie permet de prendre en compte les multiples facteurs pathogéniques tels que trauma précoces, particularités tempéramentales voire dérégulations émotionnelles diverses, aussi bien que les facteurs de vulnérabilité psychosociale, neurobiologique (en particulier 5HT), ou encore d’origine génétique. Le traitement exige la meilleure coordination et combinaison possible entre les approches psychothérapiques et pharmacologiques tout en s’appuyant sur des possibilités d’intervention en urgence voire d’hospitalisation lors de situations critiques avec risque suicidaire ou décompensation d’allure délirante. L’évolution est souvent longue et chaotique mais le pronostic peut être assez favorable à condition d’avoir pu gérer correctement les principales complications de ces troubles au premier chef desquelles le suicide.
Summary
Borderline personality disorders are complex clinical states with highly polymorphic symptoms and signs, leading to delays in their diagnosis and treatment. All international
classifications emphasize certain clinical criteria such as unstable identity and interpersonal relationships, feelings of emptiness or boredom, and pathological impulsiveness. The prevalence is about 2 %, with a female-male sex ratio of 2 or 3 to 1. Both adolescents and adults may be affected. There is a high risk of suicide, addictive behaviors, eating disorders, and criminality. These individuals frequently have a history of trauma in early childhood, such as separation, loss, physical or sexual abuse, or affective privation. Subjective signs and symptoms are particularly important in the diagnostic and therapeutic evaluation, and this requires an empathic and subtle approach. Standardized and semi-structured interviews may help to identify comorbidities such as thymic disorders, anxiety, addiction, eating disorders, and, in some cases, psychotic symptoms. The psychiatric bio-psycho-social model takes into account multiple pathogenic factors, such as trauma during early development, temperamental instability and other emotional disorders, as well as psychosocial, neurobiological (5HT, etc.) and genetic vulnerabilities. Treatment requires optimal integration of psychotherapeutic and pharmacotherapeutic approaches. Emergency intervention must be available in case of delirious or suicidal behavior. The clinical course is often lengthy and complex, but outcome may be favorable, provided the principal risk — suicide — is correctly managed.
Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 7, 1349-1360, séance du 16 octobre 2012