Communication scientifique
Séance du 20 mars 2007

Transplantation rénale chez l’enfant porteur d’une anomalie du bas appareil urinaire

MOTS-CLÉS : enfant. insuffisance rénale. malformations urogenitales. transplantation renale
Renal transplantation in children with lower urinary tract dysfunction
KEY-WORDS : child. kidney transplantation. renal insufficiency. urogenital abnormalities

Christine Grapin-Dagorno, Julia Boubnova, Tim Ulinski, Georges Audry*, Albert Bensman**

Résumé

La transplantation rénale est le seul traitement de l’insuffisance rénale de l’enfant qui permette à ce dernier de retrouver une vie et une croissance normales. En cas d’anomalie du bas appareil urinaire, le risque est de voir récidiver l’insuffisance rénale en raison des perturbations urodynamiques. Afin d’isoler ce facteur, les auteurs comparent les résultats obtenus après greffe rénale en cas d’anomalie du bas appareil urinaire à ceux obtenus en cas d’anomalie du haut appareil urinaire, à l’exclusion de toute anomalie parenchymateuse susceptible de récidive. Depuis 1988, cent vingt-sept greffes rénales ont été réalisées sur cent dix-huit enfants. Dans dix-sept cas (groupe A), il existait une anomalie du bas appareil : valves de l’urètre postérieur (onze cas), vessie neurologique (quatre cas), exstrophie vésicale (un cas), Prune Belly (un cas), et dans dix-sept cas (groupe B) une anomalie du haut appareil : hypoplasie ou dysplasie (douze cas), jonction pyélourétérale bilatérale (trois cas), dysplasie multikystique bilatérale (deux cas). Dans le groupe A, cinq enfants ont eu une entérocystoplastie, et deux une urétérostomie cutanée. Dans neuf cas la transplantation a été réalisée sans intervention préalable. Les complications chirurgicales et infectieuses ont été colligées, ainsi que la survie du greffon et du malade. L’analyse statistique a utilisé le test de Mann-Whitney. Dans le groupe A, sept enfants ont eu une ou plusieurs complications urologiques : pyélonéphrites récidivantes (deux cas), abcès rénal (deux cas), dilatation du haut appareil urinaire (trois cas), lithiase (un cas), pyélonéphrite incrustante à Corynebactérie (un cas). Dans le groupe B, trois complications seulement sont survenues : pyélonéphrite aigue (deux cas), épididymite avec prostatite (un cas), mais la différence entre les groupes n’est pas significative (p=0,246). Dans le groupe A, la survie moyenne du greffon est de 5,29 ans et dans le groupe B de 5,97 ans. (p=0,76). La comparaison entre les deux groupes A et B ne montre aucune différence significative dans le taux de créatinine à un an (p=0,77), 5 ans (p=0,81), et actuelle (p=0,75). Il est possible de réaliser une transplantation rénale en cas d’anomalie du bas appareil urinaire chez l’enfant sans compromettre à court et moyen terme la fonction du greffon, la survie du greffon ni du malade.

Summary

Lower urinary tract dysfunction can lead to renal failure, owing to chronic infection and hypertension resulting from incomplete bladder drainage. These complications can recur after grafting. We compared the outcome of renal transplantation between patients with lower urinary tract dysfunction (group A) and upper urinary tract dysfunction (group B). One hundred twenty-seven kidney transplants were performed in 118 children in our institution between November 1988 and October 2005. Thirty-four patients had urinary tract anomalies (17 in group A, 17 in group B). The disorders in group A included posterior urethral valves (11 cases), neurogenic bladder (4 cases), bladder extrophy (1 case), and the Prune-Belly syndrome (1 case). We reviewed infectious and surgical complications, patient and graft survival, and graft function based on serum creatinine levels at 1, 5 and 10 years. Statistical analysis was based on the Mann-Whitney test. In group A, 5 patients had augmented bladder, 2 had incontinent urinary conduit, and 1 was transplanted on a pre-existing cutaneous ureterostomy. In nine cases, transplantation was performed on the native bladder, with no preparation. Seven complications were noted in group A, consisting of recurrent pyelonephritis (2 cases), renal abscess (1 case), upper urinary tract dilation (3 cases), lithiasis (1 case), and urinary tract incrustation by Corynebacterium in the ureterocutaneous conduit (1 case). Three complications occurred in group B, consisting of acute pyelonephritis (2 cases) and urinary tract infection with prostatitis and epididymitis (1 case). Complications tended to be more frequent in group A, but the difference was not significant (p=0.246). Mean graft survival is 5.29 years in group A and 5.97 years in group B (p=0.76). There was no difference between the two groups as regards the serum creatinine level at 1 year (p=0.77 ; Mann-Whitney test), 5 years (p=0.81) or at the end of follow-up (p=0.75). These results suggest that renal transplantation is similarly feasible in children with upper and lower urinary tract dysfunction. Indeed, we found no significant difference between the groups in terms of patient survival or graft survival and function.

INTRODUCTION

Les anomalies urologiques sont à l’origine d’environ 25 % des cas d’insuffisance terminale de l’enfant [1]. Dans la moitié des cas il s’agit d’anomalies du bas appareil urinaire, principalement de valves de l’urètre postérieur (VUP) ou de vessies neurologiques.

Ces malades furent longtemps exclus de la transplantation rénale par crainte du retentissement rénal du dysfonctionnement vésical. Puis quelques auteurs montrè- rent qu’il était possible de greffer ces malades, adultes ou enfants, avec un pronostic comparable à celui des autres insuffisants rénaux [2-12].

Nous rapportons notre expérience, à propos de dix-sept transplantations réalisées chez des enfants porteurs d’une anomalie du bas appareil urinaire, en comparant leur pronostic à celui des autres transplantations réalisées pour des anomalies du haut appareil.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Cent dix huit enfants ont été greffés entre 1988 et 2005, pour un total de 127 greffes.

Il s’agissait d’une première greffe dans 114 cas, d’une deuxième greffe dans 11 cas, et d’une troisième greffe dans 2 cas. Il existe une nette prédominance masculine :

84 garçons pour 118 patients (71 %). L’âge moyen au moment de la greffe est de 12,24 fi 4,73 ans (extrêmes : 1,47-22,43, médiane 13). Dans 7 cas la transplantation a été réalisée avec le rein d’un donneur vivant apparenté : père (3 cas) ou mère (4 cas).

Dans 120 cas, le donneur était un donneur cadavérique sélectionné selon le typage HLA. L’âge moyen des donneurs est de 19,7 ans (2 ans à 57 ans, écart type : 13,2). La plus jeune malade de la série a été greffée avec un rein donné par son père, à l’âge de 18 mois alors qu’elle pesait dix kilos.

Dans 34 cas (31 enfants) (28 %) seule une anomalie urologique était à l’origine de l’insuffisance rénale. 83 % étaient des garçons : 14/17 garçons dans le groupe A et 16/17 garçons dans le groupe B. Dans 17 cas il s’agissait d’une anomalie du bas appareil (groupe A), dans 17 cas, d’une anomalie du haut appareil (groupe B) Le groupe A comprenait 11 V.U.P., 4 vessies neurologiques, 1 exstrophie vésicale, et 1 syndrome de Prune-Belly. L’âge moyen au moment de la transplantation était de 14,16 ans.) . Aucun des malades porteurs de V.U.P. n’avait bénéficié de diagnostic anténatal, et de ce fait, l’âge moyen de résection des valves a été tardif (29 mois).

Quatre malades avaient préalablement été traités par urétérostomie cutanée, et un malade par une vésicostomie.

Dans le groupe B on notait cas 12 cas d’hypoplasie/dysplasie et reflux primitif, 3 cas de jonction pyélourétérale bilatérale, 2 cas de dysplasie multikystique bilatérale.

L’âge moyen au moment de la transplantation était de 13,42 ans : 14,59 fi 3,66 ans (extrêmes : 6,18-21,73) dans le groupe A, et de 12,9 fi 5,49 ans (extrêmes :

3,62-22,03) dans le groupe B.

Dans chaque groupe une greffe a été réalisée avec un donneur vivant apparenté.

La durée moyenne d’hémodialyse avant la greffe a été de 2,4 ans dans le groupe A et de 2,2 dans le groupe B. Cette durée moyenne était plus élevée que pour la série globale (1,71 ans).

Aucune différence significative n’existe entre les deux séries ; les deux groupes peuvent donc être comparés statistiquement.

Dans huit cas (1 exstrophie vésicale, 3 V.U.P., 4 vessies neurologiques) une préparation a été nécessaire avant la transplantation. Cinq malades (2 vessies neurologiques et 3 V.U.P.) ont eu une entérocystoplastie préservant la continence. Deux malades ont dû être traités par dérivation urinaire (une exstrophie vésicale non reconstruite, et un garçon porteur d’une vessie chez lequel les sondages intermittents étaient impossibles). Dans tous les cas la greffe a eu lieu plusieurs mois après la reconstruction vésicale ou la dérivation (35 mois en moyenne). Dans neuf cas (8 V.U.P. et 1 Prune-Belly) la transplantation a été réalisée sans intervention préalable.

Sept malades du groupe et un seul malade du groupe B ont eu une néphrectomie bilatérale avant la greffe.

Dans cette série, tous les malades ont été greffés selon la technique décrite par René Küss. En cas d’entérocystoplastie, l’uretère est réimplanté dans la vessie ou dans la paroi intestinale. Dans un cas, l’uretère a été réimplanté sur une dérivation :

urétérostomie cutanée (1 cas), Bricker (1 cas). Une seule patiente avait recours au cathétérisme intermittent en raison d’une vessie neurologique. Ce dernier a été poursuivi avec succès après la greffe rénale. Sur le plan médical, le traitement immunosuppresseur a connu de nombreuses modifications au fil des ans : initialement, le traitement faisait appel aux corticoïdes et à l’Azathioprine (Imurel), puis à la ciclosporine. A l’heure actuelle, le protocole comprend l’association d’un inhibiteur de la calcineurine (ciclosporine ou tacrolimus), associé à du mycophénolate mofétil et des stéroïdes, ou à une association ciclosporine, sirolimus, stéroïdes. En cas de rejet aigu, on a recours aux bolus de stéroïdes ou d’anticorps antilymphocytaires : deux injections d’antirécepteurs à l’IL2 (basiliximab) pendant dix jours.

Les résultats ont été évalués sur la survenue de complications urologiques en rapport avec la maladie préexistante, sur la fonction du greffon (taux de créatinine sanguine), et sur la survie du greffon et du malade. La comparaison statistique des séries a utilisé le test de Mann-Whitney.

RÉSULTATS

Les complications urologiques (tableau no 1)

Dans le groupe A, sur les 8 vessies reconstruites, 3 n’ont eu aucune complication, 5 ont eu une complication : PNA récidivantes (2 cas), abcès rénal (1 cas), dilatation du haut appareil par défaut de vidange vésicale (1 cas), sténose urétérale (1 cas) Parmi les 9 malades greffés sur la vessie native, 7 n’ont eu aucune complication, 2 ont eu une complication : abcès rénal (1 cas) dilatation urétérale (1 cas).

Au total, 10 malades sur 17 (58 %) n’ont eu aucune complication chirurgicale, 7 malades ont eu une ou plusieurs complications chirurgicales.

TABLEAU no 1 : complications urologiques GROUPE A :

GROUPE B :

17 CAS 17 CAS Perte du greffon 5 (4 malades) 3 Décès du malade 2 0 Complications Vessie reconstruite Vessie native urologiques 8 cas 9 cas E.C. (5) B (2) U.C. (1) 3 1 1 5 2 3 7 E.C. : entérocystoplastie B : Bricker U.C : urétérostomie cutanée Les complications urologiques ont donc été plus fréquentes en cas de préparation à la greffe (5/8 malades) qu’en cas d’utilisation de la vessie native (2/9 malades), mais la différence n’est pas significative (p=0,12).

Dans le groupe B, la transplantation a toujours été réalisée sur la vessie native :

14 malades n’ont eu aucune complication (82.35 %), 3 malades ont eu une complication infectieuse : pyélonéphrite aigue (2 cas), épididymite avec prostatite (1 cas).

Les complications ont été plus fréquentes dans le groupe A, mais la différence n’est pas significative (p=0,246). Cette absence de significativité est à rapprocher du petit nombre de malades de la série.

La survie du malade et du greffon (tableau no 2)

Dans le groupe A, 4 malades (5 greffes) ont perdu leur greffon : rejet vasculaire suraigu précoce (2 cas), rejet chronique (1 cas), arrêt de traitement (1 cas), sténose urétérale et pyélonéphrite incrustante (1 cas). Dans le groupe B, 3 malades ont perdu leur greffon : rejet suraigu (1 cas), thrombose artérielle (1 cas), arrêt de traitement (1 cas).

La durée de vie moyenne du greffon est de 5,29 ans dans le groupe A et de 5,97 ans dans le groupe B. Le recul moyen est de 6,31 ans dans le groupe A (0,4 à 12 ans) et de 5,97 ans (1,8 à 12,7 ans) dans le groupe B. Ces différences ne sont pas significatives (p=0,76) Tous les greffons ont été suivis au moins 1 an, aussi bien dans le groupe A que dans le groupe B. A 1 an, le nombre de greffons fonctionnels était de 14 dans le groupe A et de 15 dans le groupe B.

TABLEAU no 2 : survie du greffon et du malade GROUPE A GROUPE B Créatininémie 1 AN 166 127 Créatininémie 5 ANS 158 165 Créatininémie 10 ANS 112 150 Créatininémie ACTUELLE 165 161 Perte du greffon 5 3 DCD 2 0 Nombre greffons fonctionnels à 1 an 14/17 15/15 Nombre de greffons fonctionnels à 5 ans 10/12 7/8 Nombre de greffons fonctionnels à 10 ans 2/2 2/2 Recul moyen (années) 6.31 5.97 Douze greffons du groupe A, et 8 greffons du groupe B ont un recul supérieur à 5 ans. Dix greffons du groupe A et 7 du groupe B étaient fonctionnels à 5 ans.

Deux greffons de chaque groupe ont un recul supérieur à 10 ans. Dans chaque groupe ces deux greffons sont fonctionnels, sans insuffisance rénale.

La comparaison entre les deux groupes A et B ne montre aucune différence significative dans le taux de survie du greffon, ni dans le taux de créatinine à 1 an (p=0,77), 5 ans (p=0,81), et actuelle (p=0.75).

Deux malades du groupe A sont décédés, l’un à la suite d’un arrêt de traitement, l’autre à la suite d’un œdème aigu du poumon après retour en dialyse. Aucun malade du groupe B n’est décédé. Cette différence n’est pas significative.

Au total, bien que les complications urologiques soient plus fréquentes dans le groupe A que dans le groupe B, ces complications n’ont pas de retentissement significatif sur la fonction rénale, ni sur la survie des malades et des greffons dans cette série.

DISCUSSION

Les anomalies urologiques sont la cause la plus fréquente de l’insuffisance rénale terminale de l’enfant. Il s’agit essentiellement des VUP : 15 à 20 % des enfants porteurs de V.U.P. parviennent au stade de la dialyse à l’âge de 15 ans [8, 13]. Le mécanisme est multifactoriel : dysplasie congénitale, reflux persistant, et surtout anomalies définitives de la fonction vésicale (le « valve bladder syndrom » des anglo-saxons) [14]. Les vessies neurologiques conduisent beaucoup plus rarement à la dialyse : 3 % des cas désormais, alors que cette proportion était de l’ordre de 50 %
auparavant. Les anomalies congénitales enfin, sont beaucoup plus rares depuis le diagnostic anténatal.

La préparation à la greffe

Pour accueillir un greffon rénal, le bas appareil urinaire doit être de capacité suffisante, compliant, continent, facile à vidanger totalement, soit naturellement, soit par l’intermédiaire d’un cathétérisme intermittent. Il est indispensable que l’enfant et sa famille aient parfaitement maîtrisé cette technique, et soient en mesure de l’appliquer avant la greffe.

Il faut donc décider avant la greffe s’il est possible de greffer sur la vessie intacte, ou s’il est nécessaire de l’agrandir ou de la dériver. Une rétention chronique, une hyperactivité vésicale sont de mauvais pronostic, témoignant d’anomalies persistantes. L’étude urodynamique doit être systématique. En cas d’oligo-anurie, on peut s’aider de remplissages itératifs de la vessie. Une pression intravésicale supérieure à 40 cms H20 entraîne constamment des lésions tubulaires [15, 16]. Un défaut de compliance vésicale, des troubles mictionnels, des pressions de fuite supérieures à 40 cms d’H20, une paroi vésicale très remaniée et épaissie doivent faire poser l’indication d’un agrandissement ou d’une dérivation.

Il est préférable d’agrandir la vessie avant la transplantation, pour tester le montage [17-19], mais l’entérocystoplastie reste possible après la greffe [20, 21]. En cas d’anurie, il existe certains inconvénients : défaut d’ampliation de la nouvelle vessie, accumulation de mucus. On recommande dans ce cas la réalisation quotidienne de lavages vésicaux.

Le sphincter artificiel peut être utilisé en cas de greffe rénale, même chez l’enfant [37].

Nous n’avons pas cette expérience.

Une néphrectomie est nécessaire lorsqu’il existe une dilatation majeure des cavités pyélocalicielles, et/ou une infection chronique. Un reflux sur uretères fins, sans infections ne constitue pas une indication de néphrectomie. En cas d’hypertension artérielle difficile à équilibrer, une néphrectomie est réalisée avant la greffe (le plus souvent par coelioscopie), l’autre rein étant retiré pendant la greffe.

Les complications urologiques après la greffe

En cas d’anomalie du bas appareil urinaire, les complications urologiques sont plus fréquentes : fistules urinaires, hypersécrétion de mucus, lithiases, pyélonéphrites, sténoses urétérales sur Bricker, infections urinaires [22]. Ces dernières peuvent aboutir à la perte du greffon, voire au décès [23].

Les complications sont différentes selon le type de montage.

— Les dérivations cutanées non continentes (simples ou trans-intestinales) peuvent se compliquer de sténose urétérale [24], de fistules [12] et d’infections graves [6, 25]. Les pyélonéphrites incrustantes à Corynebactéries sont redoutables,
conduisant régulièrement à la perte du greffon. La survie du greffon à cinq ans (46 %) est moins bonne qu’en cas d’entérocystoplastie (78 %) [6]. Enfin, la qualité de vie est gravement compromise par l’incontinence, particulièrement chez l’enfant. Il est donc nécessaire, chaque fois que cela est possible, de recourir à des montages continents.

— Les gastrocystoplasties ont été abandonnées du fait du risque d’hématuriedysurie [17, 26] ou de perforation [27].

— L’urétérocystoplastie est exceptionnellement réalisable [28].

— En pratique, on utilise l’intestin grêle ou le colon [29], avec le risque d’accumulation de mucus et d’obstruction urétrale [12], de lithiases [30, 31], d’acidose métabolique [17]. Des adénocarcinomes tardifs ont été décrits [32, 33]. Les infections urinaires sont fréquentes (70 %) [6], et potentiellement graves [23].

Elles justifient une antibio-prophylaxie prolongée. Elles sont favorisées par la mauvaise vidange du montage, et sont de ce fait plus fréquentes en cas de montage continent (68 %) qu’en cas de dérivation non continente (11 %) [34].

Trois de nos malades (deux entérocystoplasties et une dérivation selon Bricker) ont eu une complication infectieuse grave (pyélonéphrites récidivantes dans 2 cas, et abcès du rein conduisant à la perte du greffon dans un cas. La perforation d’une vessie agrandie est rare, mais particulièrement grave. Sa fréquence peut atteindre 10 % des cas [35, 36].

Le cathétérisme intermittent

Longtemps accusé de favoriser les infections, le cathétérisme intermittent se révèle en fait moins dangereux que l’urétérostomie cutanée. Si les infections urinaires sont effectivement fréquentes, elles sont également moins graves. Le cathétérisme intermittent peut être pratiqué par l’urètre, ou par l’intermédiaire d’un conduit selon Mitrofanoff [38]. Une de nos malades porteuse vidange sa vessie par cathétérisme intermittent après entérocystoplastie. Le recul est actuellement de treize ans, sans aucune complication.

Le pronostic

Chez l’adulte, le pronostic à dix ans est identique à celle d’une population ayant un bas appareil normal (86 %), ainsi que la survie du greffon (61 % en cas de vessie normale, 66 % en cas de vessie anormale) [25].

Chez l’enfant, le pronostic doit être interprété en fonction de l’âge (les résultats sont moins bons chez les enfants entre 0 et 2 ans), et également de l’origine du donneur :

la survie à un an et cinq ans est respectivement de 91 % et 77 % en cas de donneur vivant, et de 81 % et 61 % en cas de rein de cadavre [39]. Les séries nord-américaines et scandinaves (où la proportion de donneurs vivants est plus importante) doivent être réinterprétées à la lumière de ce fait. La survie globale du greffon pour l’ensemble des greffes rénales à un an, et cinq ans est respectivement de 92,6 % et 83,2 % pour les greffes réalisées depuis 1996. Elle est légèrement meilleure que chez
l’adulte, où la survie du greffon pour la période la plus récente est de 90,8 % à un ans et de 79,7 % à cinq ans [40]. La survie globale du greffon à dix ans est de 57,8 % pour la période 1985-1995.

En cas d’anomalie du bas appareil urinaire, les premières séries rapportées faisaient état d’une moins bonne survie à long terme du greffon : 57 % à quatre ans en cas d’agrandissement vésical, et 62 % en cas de greffe sur vessie non reconstruite dans la série de Mac Gregor en 1986 [41], 40 % à cinq ans en cas de VUP en 1988 [42].

A l’heure actuelle, la prise en charge précoce du dysfonctionnement vésical parvient à gommer l’effet délétère qu’il représente pour le greffon [3, 17, 43] à condition que certaines conditions soient respectées : bas appareil urinaire de capacité suffisante, se laissant distendre à basse pression, continent, facile à vidanger sans résidu.

Fontaine [17] en 1998 à propos de 14 cas trouve une survie du greffon à cinq ans et dix ans respectivement de 84 et 73 %, ce qui est identique au pronostic du reste de la série. Capizzi en 2004 retrouve une survie du greffon de 82.4 % à huit ans sur une série de vessies reconstruites, identique à celle du reste de la série [44]. Warholm compare le devenir de transplantations réalisées sur des dérivations continentes ou non continentes à une série témoin présentant un bas appareil urinaire normal : la survie du greffon à cinq ans est identique dans les deux séries [45]. Enfin, en 2005, Mendizabal trouve une survie du greffon à un an et cinq ans comparable entre enfants porteurs ou non d’une anomalie du bas appareil urinaire [12].

Deux remarques doivent nuancer cette affirmation. En premier lieu, le taux de complications chirurgicales est plus important [46, 47]. Par ailleurs, l’avenir à long terme montre une dégradation tardive de la fonction rénale [9]. Chez l’adulte [25] on constate une dégradation rapide de la fonction du greffon après 10 ans d’évolution :

la demi-vie du greffon est de quinze ans en cas d’anomalie du bas appareil urinaire, alors qu’elle est de 29 à 33 ans, dans le reste de la série. Enfin, la créatininémie est significativement plus basse lorsque la vessie est normale. [15] Chez l’enfant, l’équipe de Necker [3, 48] a comparé 66 transplantations rénales sur V.U.P. à un groupe de 116 transplantés pour uropathies hautes : la survie du greffon est identique à cinq ans et à dix ans, mais la créatininémie augmente plus rapidement après dix ans dans le premier groupe.

Les lésions rénales rappellent celles de la « néphropathie du reflux » [49]. L’élévation permanente de la pression intravésicale après destruction des valves est le facteur pronostique majeur [50].

Dans notre série, le taux de complications chirurgicales et infectieuses est plus important dans le groupe « anomalies du bas appareil urinaire » que dans le groupe « anomalies du haut appareil urinaire » mais la différence n’est pas significative. La survie du greffon à un an, cinq ans et dix ans est identique dans les deux groupes.

L’exclusion, dans le groupe témoin, des malades porteurs de maladie néphrologique pouvant récidiver sur le greffon, rend plus significatif ce résultat. Le dysfonctionne-
ment vésical, s’il est correctement corrigé, ne modifie pas les résultats à dix ans de la greffe rénale chez l’enfant.

CONCLUSION

La transplantation rénale constitue le seul traitement acceptable de l’insuffisance rénale terminale de l’enfant lui permettant de retrouver une vie et une croissance normales.

La continence urinaire doit être préservée à tout prix. Même en cas d’anomalie du bas appareil, il est le plus souvent possible d’utiliser la vessie native, fût-ce au prix d’un agrandissement vésical, ou une dérivation continente. Les dérivations non continentes doivent être exceptionnelles, en raison de la lourdeur du handicap qu’elles induisent chez l’enfant.

Notre série montre que la survie des malades et des greffons à un an, cinq ans, et dix ans n’est pas significativement différente de celle des malades ayant un bas appareil urinaire normal, même si les complications chirurgicales sont plus fréquentes. La dégradation tardive de la fonction rénale après quinze ans, soulignée par certaines études, rend nécessaire une surveillance chirurgicale prolongée. Tous ces enfants, devenus adolescents, puis adultes, doivent bénéficier d’un suivi très rigoureux à long terme.

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DISCUSSION

M. Géraud LASFARGUES

Le dépistage actuel anténatal et la prise en charge néonatale des lésions du bas appareil n’a-t-il pas rendu plus rare l’IR (?) et l’indication de la greffe rénale chez les enfants ayant des lésions graves du bas appareil urinaire ?

Le dépistage anténatal a rendu plus rares certaines anomalies (exstrophie vésicale, valves de l’urètre postérieur, myéloméningocèle pourvoyeuse de vessie neurologique). En permettant une prise en charge précoce, il a de plus permis de retarder l’âge de survenue de l’insuffisance rénale pour ces pathologies, même si leur taux parait globalement stable.

M. Yves CHAPUIS

Le nombre de reins provenant de donneurs vivants est faible, deux sur trente-deux. Pensezvous que l’élargissement du cercle familial des donneurs, tel que l’institue la loi de bioéthique de 2004 soit de nature à atténuer la pénurie de rein dont peuvent bénéficier des enfants ?

Vous indiquez, pour vos receveurs, un âge moyen de 14 ans. Mais je suppose qu’il y a eu de plus petits. Dans ce cas le volume d’un rein d’adulte peut-il créer des difficultés techniques ou fonctionnelles ?

La loi de bioéthique de 2004 permet l’élargissement du don aux autres personnes majeures de la famille (cousins, oncles et tantes, …) Cette disposition est de nature à augmenter le nombre de donneurs potentiels pour l’enfant. Pour ce qui concerne le rein, il n’y a pas à ma connaissance d’élargissement important de ces dons, dans la mesure où la greffe de rein n’est jamais une urgence (à l’inverse de la greffe hépatique) , et que d’autre part, les enfants de moins de 16 ans sont prioritaires par rapport aux adultes dans les listings de greffe lorsque le greffon a été prélevé sur un donneur de moins de 16 ans. De ce fait, ils restent en moyenne beaucoup moins longtemps en attente de rein que les adultes :

en 2003, la durée d’attente (médiane) a été de 2,8 mois pour les enfants, et de 15 mois pour les adultes (rapport 2004 EFG). La transplantation avec un rein d’adulte a toujours
été possible dans notre série. L’enfant le plus jeune de notre série a été greffé avec le rein de son père alors qu’il n’avait que dix-huit mois. Aucune complication chirurgicale n’est survenue.

M. Christian NEZELOF

Un certain nombre d’uropathies hautes sont associées à des malformations vasculaires.

Celles-ci jouent-elles un rôle dans l’évolution du greffon rénal ?

Nous n’avons pas cette expérience dans notre série. Le bilan pré-greffe comprend dans tous les cas une étude vasculaire par doppler, visant à évaluer la perméabilité des axes veineux.

M. Bernard LAUNOIS

Concernant le traitement immunosuppresseur, la perte de greffons, n’y a-t-il pas eu un rôle du traitement immunosuppresseur notamment les corticoïdes ?

Certains greffons ont été perdus du fait d’un rejet chronique malgré le traitement immunosuppresseur. Dans cette série de trente-quatre transplantations, huit greffons ont été perdus, dont un pour rejet chronique, un pour rejet aigu et deux pour rejet suraigu.

Dans ces deux derniers cas, le traitement immunosuppresseur ne peut être mis en cause, puisque le rejet est survenu dès le déclampage. En revanche, dans les deux autres cas, le traitement est peut être en cause.

M. Denys PELLERIN

Vous avez courageusement abordé un sujet difficile qui ouvre une lueur d’espoir pour les enfants qui naissent porteurs d’une anomalie du bas appareil urinaire, dont les conséquences sur la fonction rénale, déjà altérée ou inévitablement menacée, conduisent à l’inéluctable insuffisance rénale terminale. Le diagnostic d’une anomalie du bas appareil, spécialement les valves de l’urètre postérieur, de même que celui de leur éventuel retentissement simultané sur les voies supérieures est aujourd’hui possible dans le cadre d’un diagnostic prénatal. Il conduit le plus souvent à faire proposer une interruption médicale de la grossesse. Vous nous avez indiqué qu’aucun des enfants de votre série n’avait ‘‘ bénéficié ’’ du D.P.N. Votre expérience, que les équipes pluridisciplinaires de DPN ne peuvent ignorer, les a-t-elle conduites à revoir leurs conclusions ? Pensez-vous pouvoir les convaincre que traitées comme vous le proposez, le devenir de ces enfants ne diffère pas de celui des autres enfants indemnes de toute anomalie du bas appareil, dont l’insuffisance rénale bénéficie grandement aujourd’hui de la transplantation rénale ? Doit-on continuer à inscrire ces anomalies du bas appareil urinaire dans la liste des situations d’une extrême gravité et incurables justifiant que soit proposée une interruption de la grossesse ?

Dans le cas présent le diagnostic anténatal est celui d’un double handicap : celui de la malformation proprement dite, et celui de l’insuffisance rénale. Les deux anomalies les plus graves, dont le dépistage est possible avant la naissance sont les valves de l’urètre postérieur et l’exstrophie vésicale (le syndrome de Prune Belly étant devenu exceptionnel). Dans le premier cas, le diagnostic anténatal participe de l’amélioration du pronostic,
puisque l’obstacle est levé dès la naissance, en même temps qu’est débuté le traitement antibiotique. Le suivi urologique durant l’enfance permet également de minimiser le retentissement rénal de la dysfonction vésicale résiduelle après section des valves. De ce fait, il est prouvé que l’insuffisance rénale survient plus tardivement, en moyenne chez l’adolescent. Tout ceci autorise effectivement une vie, sinon normale, du moins proche de la normale pour l’enfant et l’indication d’interruption de grossesse doit être mûrement pesée. En revanche, le pronostic de l’exstrophie vésicale est dominé par le double handicap lié à l’incontinence urinaire et à la dysfonction sexuelle, qui restent difficiles à traiter, en dehors de toute insuffisance rénale. Même si le pronostic des greffes réalisées sur ce terrain est proche de celui des autres greffes, l’insuffisance rénale quelle qu’en soit la cause reste un handicap sérieux, et les parents sont le plus souvent demandeurs d’une interruption médicale de grossesse lorsqu’ils sont informés avant la naissance qu’elle est probable ou certaine.

M. Bernard SALLE

A quel âge avez-vous greffé les deux enfants présentant une dysplasie multikystique bilaté- rale ? L’insuffisance rénale survenant très rapidement après la naissance !

Les deux enfants présentant une dysplasie rénale bilatérale ont été greffés respectivement à trois ans et huit ans. Ils avaient une dysplasie rénale bilatérale, multikystique d’un côté, associée à une autre forme de dysplasie rénale controlatérale, accompagnée de kystes, mais avec une préservation de parenchyme partiellement sain (et non véritablement multikystique au sens strict). La dysplasie myltikystique bilatérale totale est en effet incompatible avec la vie, et donne lieu à un syndrome de Potter avec décès dans les premiers jours de vie.


* Chirurgie viscérale pédiatrique, Hôpital Armand-Trousseau 26, rue du Dr Arnold Netter, 75012 Paris. ** Néphrologie pédiatrique, Hôpital Armand-Trousseau 26, rue du Dr Arnold Netter, 75012 Paris. Tirés à part : Professeur Christine GRAPIN-DAGORNO, même adresse. Article reçu le 9 janvier 2006, accepté le 15 mai 2006.

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 3, 569-583, séance du 20 mars 2007