Communication scientifique
Séance du 20 mars 2007

Localisations réno-aortiques de la maladie de Takayasu

MOTS-CLÉS : artere renale. hypertension renovasculaire. maladie de takayasu
Renal and aortic involvement in Takayasu’s disease
KEY-WORDS : hypertension, renovascular.. renal artery. takayasu’s arteritis

Michel Lacombe

Résumé

De 1972 à 2003, vingt-cinq patients (dix-sept femmes, huit hommes) porteurs d’une atteinte réno-aortique de la maladie de Takayasu ont été opérés. L’âge moyen était de 18,5 fi 11,2 ans. Tous ces patients avaient une hypertension artérielle sévère non contrôlée par le traitement médical. Dix-neuf avaient des lésions aortiques et rénales associées, six des lésions isolées de l’artère rénale, dix des lésions des artères digestives. L’angioplastie endo-luminale des artères rénales, tentée dans quatre cas, a été constamment suivie d’échec. Du fait de lésions bilatérales chez treize patients, le traitement chirurgical a comporté trente-huit gestes chirurgicaux (trois néphrectomies et trente-cinq réparations de l’artère rénale). Un pontage aortique a été effectué chez sept patients et la revascularisation d’autres artères viscérales chez quatre. Le suivi va de un à vingt ans (moyenne : cinq ans). Il n’y a pas eu de mortalité chirurgicale dans cette série. Trois thromboses post-opératoires sont survenues : rénale (N = 2), mésentérique (N = 1). Les résultats immédiats sur l’hypertension artérielle ont été une normalisation des chiffres de tension chez dix-huit patients (72 %), une amélioration chez quatre (16 %) et un échec avec tension inchangée chez trois (12 %). À terme, une évolution de la maladie a été observée chez onze patients (44 %) : quatre récidives de sténose de l’artère rénale, trois évolutions au niveau des troncs supra-aortiques, trois aggravations de lésions aortiques sans atteinte des rénales avec pontage prothétique chez un patient à trois ans, enfin, une atteinte coronaire (pontage chez un patient à huit ans et demi). À longue échéance, du fait des dégradations anatomiques secondaires ou tardives, les résultats du traitement chirurgical sur l’hypertension artérielle ont été les suivants : guérison chez quatorze patients (56 %), amélioration chez cinq (20 %), échec chez six (24 %).

Summary

From 1972 to 2003, we surgically treated 25 patients (17 females) for aortic and renal complications of Takayasu’s disease. Their mean age was 18.5 fi 11.2 years. Despite heavy medical treatment, all had severe uncontrollable hypertension. Nineteen patients had associated lesions of the aorta and renal arteries, 6 had isolated lesions of a renal artery, and 10 had lesions of the mesenteric arteries. Percutaneous transluminal angioplasty of the renal artery or arteries was attempted in four cases and was always unsuccessful. Thirteen patients with bilateral lesions underwent nephrectomy (three cases) and renal artery repair (35 cases). Aortic bypass was performed in 7 patients and revascularization of other visceral arteries in 4 patients. Follow-up ranges from 1 to 20 years (mean 5 years). There were no deaths. Three thromboses occurred post-operatively, two in a renal artery and one in the superior mesenteric artery. Immediately after the operation blood pressure normalized in 18 patients (72 %), was improved in 4 (16 %) and remained unchanged in 3 (12 %). The disease progressed in 11 patients (44 %), with four recurrent stenoses of renal arteries, 3 aggravations of aortic lesions (requiring an aortic bypass in one patient at three years), 3 aggravations of supraaortic artery involvement, and one case of coronary insufficiency requiring bypass at 8.5 years. Long term blood pressure normalized in 14 patients (56 %), was improved in 5 patients (20 %) and remained unchanged in 6 patients (24 %), owing mainly to secondary or late anatomical deterioration.

INTRODUCTION

En 1908, Takayasu, ophtalmologiste japonais, décrivit des anévrysmes artérioveineux avec anastomose en couronne péri-papillaire chez une femme de 21 ans [1].

La même année, Onishi observa des lésions semblables et signala leur association avec une abolition des pouls aux membres supérieurs. Les descriptions initiales de la maladie de Takayasu faisaient état uniquement d’atteintes des troncs artériels supra-aortiques mais les études ultérieures ont montré que la maladie pouvait atteindre la totalité de l’aorte et de ses branches. Les lésions des artères rénales et de l’aorte sont la cause majeure de l’hypertension artérielle chez ces patients. Elles sont retrouvées chez 40 à 60 % des patients explorés par angiographie [2-4] Le traitement chirurgical de cette localisation particulière de la maladie, la possibilité de détériorations secondaires ou tardives des réparations artérielles liées à son évolution et l’étude des résultats à longue échéance de ces réparations justifient la présentation de notre série.

PATIENTS ET MÉTHODES

Population

De 1972 à 2003, vingt-cinq patients porteurs d’une atteinte rénale et/ou aortique de cette maladie ont été opérés. Il s’agissait de dix-sept femmes et huit hommes, âgés de
7 à 54 ans (moyenne : 18,5 fi 11,2). Leur origine géographique était la suivante :

bassin méditerranéen (N = 8), Afrique noire (N = 2), Antilles (N = 2), Ile Maurice (N = 1), Portugal (N = 1), Extrême Orient (N = 1), France (N = 10).

Tous avaient une hypertension artérielle symptomatique avec, notamment, des céphalées et, chez une patiente, une encéphalopathie hypertensive sévère avec coma, régressive sous traitement médical. Cette hypertension n’était pas contrôlée malgré le traitement médical. Sous traitement, la moyenne de la pression artérielle de l’ensemble des patients était à 207,2 fi 27,9 mm Hg pour la pression systolique et à 115,4 fi 18,2 mm Hg pour la pression diastolique.

Trois patients avaient, au moment de leur prise en charge, une altération modérée de la fonction rénale. Les autres avaient une fonction rénale strictement normale.

Quatre avaient des symptômes dans le territoire des troncs supra-aortiques, notamment des signes de déficit circulatoire aux membres supérieurs.

Dix avaient une atteinte cardiaque (valvulopathie, atteinte coronaire, cardiopathie hypertensive éventuellement décompensée).

Aucun n’avait de troubles artériels aux membres inférieurs.

L’ensemble des données concernant cette série de patients figure sur le tableau 1.

Bilan pré-opératoire

Il a comporté :

— L’évaluation du retentissement de l’hypertension artérielle par l’exploration de l’état cardiaque (E.C.G., échocardiographie) et l’examen du fond d’œil, — L’étude de la fonction rénale : dosages de créatininémie, mesure de la clairance de la créatinine.

— Des investigations vasculaires morphologiques : radiographies d’abdomen sans préparation à la recherche de calcifications artérielles, écho-Doppler, opacification vasculaire par aorto-artériographie classique ou, depuis 1982, angiographie numérisée par voie artérielle, tomodensitométrie abdominale sans et avec injection pour étudier les modifications de la paroi aortique et de l’atmosphère péri-aortique, scanner 3D et/ou angioIRM pour les cas les plus récents.

— La recherche d’un syndrome inflammatoire : mesure de la vitesse de sédimentation, dosages du fibrinogène, de la C réactive protéine, des fractions du complé- ment.

— Le bilan de l’atteinte des autres territoires artériels : en dehors de l’atteinte aorto-rénale abdominale, l’exploration de l’aorte thoracique, des troncs supraaortiques, des coronaires a été effectuée par écho-Doppler et éventuellement tomodensitométrie ou opacifications vasculaires spécifiques.

Traitements pré-opératoires

Tous ces patients recevaient un traitement médical lourd qui contrôlait mal l’hypertension artérielle. Dix-huit d’entre eux avaient une trithérapie associant un diurétique, un beta-bloquant et un inhibiteur de l’enzyme de conversion, les sept autres avaient une quadri-thérapie avec, en plus du traitement précédent, un inhibiteur calcique ou un anti-hypertenseur central.

Deux patients ont eu un traitement anti-tuberculeux en raison d’un antécédent d’atteinte pulmonaire : une tri-thérapie par isoniazide, rifampicine et éthambutol a été instituée pendant six mois à un an.

Quatre patients avaient un syndrome inflammatoire (myalgies, élévation de la vitesse de sédimentation ou de la CRP). Un traitement corticoïde par prednisone (1mg/kg/jour) a été institué. La durée du traitement a été de une à cinq semaines.

L’intervention n’a été effectuée qu’après régression du syndrome inflammatoire (normalisation de la vitesse de sédimentation, baisse de la CRP au dessous de 12).

Aucun des patients de cette série n’a eu de traitement immuno-suppresseur.

Enfin, quatre patients ont eu une tentative de dilatation endo-luminale des artères rénales avec un échec immédiat complet dans tous les cas, l’aspect radiologique de la sténose restant inchangé au contrôle après angioplastie. La dilatation a été impossible malgré des pressions élevées de gonflage du ballonnet et même après utilisation du rotablator chez une patiente porteuse de calcifications aortiques massives (fig. 1).

Par voie de conséquence, l’échec de l’angioplastie sur le contrôle de l’hypertension artérielle a été constant.

Traitement chirurgical

Du fait de la bilatéralité des lésions des artères rénales chez treize patients, le traitement chirurgical a comporté trente-huit gestes chirurgicaux soit trente-cinq réparations de l’artère rénale et trois néphrectomies. Les réparations ont été effectuées par chirurgie conventionnelle sur le rein en place dans vingt-quatre cas et par chirurgie extra-corporelle suivie de réimplantation du rein dans onze cas. Les techniques réparatrices utilisées figurent sur le tableau 2.

Un pontage aortique par prothèse a été fait chez sept patients. Chez un, il a été effectué préalablement à une réparation artérielle rénale, réalisée dans un second temps. Chez les six autres il a été fait simultanément à la revascularisation rénale.

Enfin, chez deux de ces sept patients, une réparation de l’artère rénale opposée a été faite secondairement après pontage aortique et réparation artérielle rénale unilaté- rale.

Une revascularisation mésentérique a été associée à la revascularisation rénale chez quatre patients.

FIG. 1. — Radiographie d’abdomen sans préparation montrant des calcifications massives de l’aorte chez une jeune fille de 18 ans atteinte de maladie de Takayasu sévère.

Un substitut artériel rénal a été utilisé vingt fois. Chez ces sujets jeunes, l’autogreffe artérielle (le plus souvent, artère hypogastrique) a été préférée chaque fois que possible (dix-sept fois sur vingt).

Surveillance post-opératoire

Tous les patients ont eu un contrôle angiographique de leur(s) réparation(s) arté- rielle(s) avant leur sortie.

TABLEAU 2. — Techniques réparatrices de l’artère rénale Réimplantation aortique — directe (dans une prothèse aortique) 5 — indirecte par substitut artériel 17 } • autogreffe artérielle 9 • autogreffe veineuse 2 12 } • mixte (prothèse + artère) 1 Anastomoses splanchno-rénales — spléno-rénales 5 7 } — hépato-rénales 2 Chirurgie extra-corporelle avec réimplantation du rein • simple 3 11 } • avec autogreffe artérielle 8 Ultérieurement, la surveillance a été clinique et par écho-Doppler. Une opacification artérielle a été faite secondairement chez dix patients, notamment en cas de récidive de l’hypertension artérielle et chez les patients les plus jeunes afin d’étudier le devenir des réparations artérielles avec la croissance.

Le suivi des patients va de 1 à 18 ans (moyenne : 5 ans).

RÉSULTATS

Mortalité, morbidité

Aucune mortalité post-opératoire n’a été observée dans cette série.

Trois thromboses post-opératoires sont survenues : deux d’une artère rénale réparée entraînant la perte du rein et une d’une revascularisation mésentérique ; cette dernière thrombose est restée cliniquement muette du fait de la suppléance circulatoire digestive par une grosse arcade de Riolan.

Lésions observées

Chez six patients seulement (24 %), l’atteinte des artères rénales était isolée sans aucune autre localisation de la maladie au moment de la prise en charge chirurgicale.

Dix-neuf patients (76 %) présentaient des lésions multiples. A l’étage abdominal, des lésions de l’aorte étaient associées à l’atteinte des artères rénales et, chez dix patients, existait aussi une lésion des artères digestives (anévrysme, sténose ou obstruction), intéressant le plus souvent la mésentérique supérieure.

Six patients (24 %) avaient des atteintes des troncs supra-aortiques : sténoses, obstructions ou anévrysmes des axes huméro-sous-claviers et/ou carotidiens.

Six patients (24 %) avaient une ou plusieurs autres atteinte(s) : valvulopathie cardiaque mitrale et/ou aortique (N = 2), atteinte des artères pulmonaires (N = 2), malformation artério-veineuse médullaire (N = 1), coronarite (N = 2) ; l’atteinte coronarienne était stabilisée au moment de la prise en charge chirurgicale chez ces deux patients.

L’examen histologique des lésions artérielles a été effectué chez vingt patients (80 %). Les difficultés de dissection n’ont pas permis de prélèvement artériel chez les cinq autres patients. Cet examen a montré, dans la majorité des cas, des lésions essentiellement fibreuses souvent infiltrées de néo-vaisseaux et plus rarement des infiltrats inflammatoires lympho-plasmocytaires. Des adénopathies avec réaction inflammatoire ont été observées à plusieurs reprises au voisinage des vaisseaux, notamment de l’aorte.

Résultats anatomiques

Les contrôles angiographiques post-opératoires immédiats ont tous montré un bon résultat anatomique, en dehors des trois thromboses signalées plus haut.

L’évolution de la maladie a entraîné une dégradation secondaire ou tardive des réparations artérielles rénales chez quatre patients (16 %). Ceux-ci ont eu, au cours de la première année, une récidive de sténose d’une artère rénale après réimplantation de celle-ci dans l’aorte. Elle était due soit à une atteinte de l’artère rénale réimplantée soit à l’aggravation de lésions de l’aorte, peu marquées au moment de l’intervention. Deux de ces patients n’ont pas été réopérés car la sténose récidivée n’était pas très serrée, les deux autres ont été réopérés après tentative infructueuse de dilatation endo-luminale. Une réparation itérative par prothèse en PTFE a été effectuée chez eux. Une nouvelle récidive de sténose est survenue chez un des deux patients.

Évolution de la tension artérielle

Avant l’intervention, tous ces patients avaient une hypertension sévère qui s’accompagnait d’un retentissement cardiaque important chez sept (28 %) sous forme d’une cardiopathie hypertensive avec hypertrophie ventriculaire gauche, cardiomyopathie dilatée, et épisodes d’œdème aigu du poumon, parfois révélateurs. Cette cardiopathie hypertensive était majorée chez deux patients par une lésion valvulaire associée (mitrale chez un, mitro-aortique chez l’autre).

TABLEAU 3. — Valeur des chiffres de tension artérielle avant et à long terme après l’opération Patients TA pré-opératoire *

TA post-opératoire éloignée *

Série globale (N = 25) 207,2 fi 27,9 / 115,4 fi 18,2 133,9 fi 31,5 / 74,3 fi19,5

Patients guéris (N = 14) 198,2 fi 30,4 / 111,07 fi 18,5 114,5 fi 8,5 / 62,6 fi 4,5

Patients améliorés (N = 5) 226 fi 16,7 / 128 fi 13 129 fi 5,4 / 68 fi 5,7

Patients inchangés (N = 6) 211,6 fi 22,9 / 113,3 fi 16,3 184,1 fi 20,6 / 105 fi14,1 * Les chiffres indiqués sont les valeurs moyennes et l’écart-type L’évolution post-opératoire immédiate s’est faite vers la normalisation complète des chiffres de tension artérielle chez dix-huit patients (72 %) qui n’ont ni régime ni traitement particulier et une amélioration de l’équilibre tensionnel chez quatre autres (16 %), pour qui le traitement anti-hypertenseur a pu être allégé de façon très importante et réduit à une bithérapie voire une simple monothérapie. Enfin, chez trois patients (12 %), un échec avec persistance sans changement de l’hypertension artérielle a été observé.

À distance, la dégradation des résultats anatomiques s’est accompagnée d’une altération parallèle des résultats sur l’évolution de la maladie hypertensive : le pourcentage de guérisons a baissé de 72 à 56 % (N = 14), celui des améliorations est passé de 16 à 20 % (N = 5), celui des échecs a doublé, à 24 % (N = 6).

Les chiffres de tension artérielle avant et à long terme après l’opération sont indiqués sur le tableau 3.

Évolution de la fonction rénale

Vingt-deux patients avaient une fonction rénale normale avant l’intervention et celle-ci est restée normale pendant toute la durée du suivi (tableau 1).

Trois patients avaient une altération de la fonction rénale au moment de leur prise en charge chirurgicale. Cette altération était modérée deux fois : créatininémie respectivement à 124 et 130 µmol/l pour des clairances à 75 et 70 ml/min. Elle était un peu plus marquée chez le dernier patient avec une créatininémie à 180 µmol/l et une clairance à 45 ml/min. Après l’intervention, une seule normalisation de la fonction rénale a été observée après revascularisation d’un rein unique porteur d’une sténose serrée. Les deux autres patients ont conservé une fonction rénale stable au cours de leur suivi (tableau 1).

Évolution de la maladie artérielle

Outre les récidives de sténoses des artères rénales signalées ci-dessus et responsables de la réapparition de l’hypertension artérielle, une évolution s’est produite dans d’autres territoires chez sept patients (28 %).

Chez trois (12 %), une aggravation des lésions de l’aorte sans atteinte des artères rénales réparées est apparue. Pour l’un d’eux, elle a nécessité la réalisation d’un pontage aortique, trois ans après la réparation artérielle rénale.

Chez trois (12 %), des troubles sont apparus ou se sont aggravés au niveau des troncs supra-aortiques. Deux ont développé une sténose carotidienne et n’ont pas été opérés. Un a eu une thrombose de l’artère humérale avec deux tentatives successives de revascularisation chirurgicale de cette artère et évolution finale vers la thrombose définitive.

Chez un des deux patients atteints de coronaropathie (4 %), un syndrome de menace coronarien est survenu à huit ans et demi et a nécessité un pontage coronarien en urgence. Les investigations vasculaires effectuées à cette occasion ont montré la bonne qualité de la réparation artérielle rénale ancienne.

DISCUSSION

La maladie de Takayasu est une artériopathie inflammatoire granulomateuse à cellules géantes. Sa répartition est ubiquitaire avec de grands foyers japonais, indiens, mexicains et africains. L’origine géographique de nos patients était très variée avec une prédominance de pays du bassin méditerranéen (Maghreb, ProcheOrient, Turquie), les français de souche étant loin d’être épargnés.

La pathogénie de la maladie est incertaine.

Une origine infectieuse a été évoquée. L’hypothèse d’une infection streptococcique basée sur l’existence d’arthralgies et d’un taux élevé d’anticorps anti-streptolysines [5, 6] a été abandonnée. Le rôle de la tuberculose a été incriminé car une tuberculose active est plus fréquente chez les patients atteints d’artérite de Takayasu que dans la population générale [7]. A tout le moins, leurs antécédents tuberculeux sont fré- quents : plus de 26 % des cas pour Nakao et al. [6], 48 % pour Lupi-Herrera et al. [5], 31 % pour Fiessinger et coll. [8]. Mais, il n’a jamais été mis en évidence de bacille de Koch ou de nécrose caséeuse à l’examen des lésions artérielles et la relation de cause à effet entre les deux affections n’a pas été formellement démontrée. Il se peut que les agents infectieux éventuels entraînent une artérite spécifique, proche de l’artérite de Takayasu, mais distincte de celle-ci.

L’origine immunitaire repose sur l’association possible de la maladie à des affections dysimmunitaires (lupus, maladie de Crohn, spondylarthrite ankylosante, thyroïdite de Hashimoto, maladie de Stil). La maladie de Crohn y paraît cent fois plus fréquente que dans la population générale [9]. Et l’association d’une spondylarthrite ankylosante à une artérite de Takayasu n’est pas une simple coïncidence [10].

Maladie de Crohn et spondylarthrite peuvent être associées et semblent partager une étiologie commune, les antigènes bactériens des germes intestinaux pouvant jouer un rôle pathogène sur les articulations ; elles partagent aussi une prédisposition génétique attestée par leur survenue dans les mêmes familles et par l’antigène

HLA-B27 commun aux deux maladies. Ces associations font considérer actuellement la maladie de Takayasu comme une maladie auto-immune [11, 12]. Une action pathogène des agents infectieux sur le système artériel peut être évoquée ; elle pourrait être liée à un mécanisme immunitaire, les antigènes bactériens déclenchant une réaction d’hypersensibilité au niveau de la paroi artérielle.

Une prédisposition génétique est possible du fait de la répartition régionale et ethnique de la maladie. L’étude du système HLA a retrouvé une association fréquente avec les antigènes HLA-B52 et HLA-B39 [13] ainsi qu’avec des antigènes de classe II (DRB1-1502 et DPBI-0901) au Japon, avec les antigènes HLA B5 en Inde et avec les antigènes HLA DR 4 et MB 3 aux Etats-Unis. La répartition différente des antigènes HLA dans les diverses ethnies atteintes suggère une origine polygénique de la maladie. Le mécanisme de la susceptibilité génétique à la maladie reste à déterminer.

Les lésions artérielles sont très variables d’un patient à l’autre car la maladie peut toucher l’ensemble du système artériel.

L’atteinte des artères rénales peut être isolée, sans anomalie aortique radiologiquement visible. Le plus souvent, la sténose rénale est longue, commençant dès l’origine du vaisseau et intéressant la majeure partie de la longueur de l’artère. Cette atteinte est la cause essentielle de l’hypertension artérielle au cours de la maladie [12].

L’atteinte de l’aorte abdominale et/ou thoracique est fréquente. Elle s’associe souvent à des lésions des artères rénales et cette association est observée chez, pratiquement la moitié des patients atteints de maladie de Takayasu [2-4]. L’extension de la maladie en hauteur et son siège sont variables d’un patient à l’autre ainsi que la sévérité des lésions de l’aorte : tous les intermédiaires peuvent être observés entre les lésions discrètes qui altèrent peu l’image radiographique de l’aorte et les mutilations sévères de sa paroi (fig. 1 et 2).

Une atteinte des artères digestives est fréquemment associée (40 % de nos patients) aux lésions rénales et aortiques, les lésions prédominant sur l’artère mésentérique supérieure. Habituellement, les obstructions n’ont pas de traduction clinique du fait de la suppléance circulatoire par le développement de l’arcade de Riolan.

Les lésions à distance sont de siège très divers avec une prédominance au niveau des axes carotido-sous-claviers.

Les circonstances de découverte sont représentées essentiellement par l’hypertension artérielle. En règle générale, celle-ci est symptomatique, avec fréquemment des céphalées. Elle est sévère avec, dans plus de la moitié des cas, des chiffres de pression systolique supérieurs à 200 mmHg, malgré le traitement médical. Elle peut être masquée par les lésions de sténose ou d’obstruction des axes sous-claviers et axillaires rendant sa mesure précise impossible aux membres supérieurs et même aux membres inférieurs en cas de sténose aortique serrée.

L’hypertension s’accompagne souvent d’un retentissement neurologique ou cardiaque. Ce dernier constitue un risque à prendre en compte pour l’indication chirurgi-

FIG. 2. — Reconstruction par scanner 3 D de l’aorte thoracique de la même patiente que figure 1, montrant l’extension des calcifications à toute la hauteur de l’aorte thoracique descendante.

cale. Il est dû à la gravité de la maladie hypertensive et à l’association possible de lésions coronariennes ou valvulaires liées à la maladie. Les complications neurologiques ou cardiaques peuvent être révélatrices.

Par contre, les lésions de l’aorte, mêmes importantes, n’entraînent pas, en général, de signes de déficit circulatoire des membres inférieurs du fait de la suppléance par la circulation collatérale et notamment par une arcade de Riolan généralement très développée. Celle-ci explique que l’atteinte des troncs artériels digestifs reste cliniquement silencieuse.

Les critères diagnostiques de la maladie, en l’absence de preuve histologique, varient selon les équipes. Les plus constamment pris en compte sont :

— l’âge jeune des patients, en règle générale, inférieur ou égal à 40 ans, — leur provenance d’un pays d’endémie, — l’absence de facteur de risque vasculaire chez les sujets atteints, — l’existence d’un syndrome inflammatoire, — l’association d’une maladie systémique, — la multiplicité des atteintes artérielles dans différents territoires, et notamment, l’atteinte des troncs supra-aortiques, avec des symptômes au niveau des membres supérieurs ou du système nerveux, et l’atteinte des artères pulmonaires, — l’épaississement des parois artérielles à l’échographie ou au scanner et l’aspect des lésions artérielles à l’angiographie.

L’évolution spontanée de la maladie est dominée par l’hypertension artérielle qui est directement responsable de la plupart des décès par complication neurologique ou insuffisance cardiaque. Une étude autopsique de seize cas [15] a montré que l’hypertension était présente chez quatorze de ces sujets (87 %) : l’âge moyen des décès était de 19,5 ans et l’hypertension était responsable de la moitié de ceux-ci par hémorragie cérébrale, insuffisance cardiaque ou encéphalopathie. Dans l’étude de Teoh et al.

[14], cinq sur neuf des patients traités médicalement dont l’hypertension n’était pas contrôlée sont décédés de causes directement imputables à celle-ci. Les séries de Lagneau et coll. [16], de Takagi et al. [17] font état d’une mortalité de 13 %, celle de

Ishikawa [18] d’une mortalité de 16 %. Dans la classification clinique de ce dernier auteur [18], l’hypertension fait partie des facteurs de mauvais pronostic. Chez l’enfant hypertendu, le pronostic est plus péjoratif encore avec une mortalité à cinq ans de 35 % [19]. Il s’agit souvent de formes très évolutives avec syndrome inflammatoire actif et atteintes artérielles multiples mais la précocité de mise en œuvre du traitement corticoïde peut améliorer le pronostic vital.

Le traitement par angioplastie a été un échec chez tous nos patients où ce geste a été tenté. La longueur du rétrécissement de l’artère rénale, la constance d’une fibrose importante, artérielle et péri-artérielle, constatée opératoirement, et, chez un patient, l’existence de calcifications massives de l’aorte expliquent l’inefficacité de ce mode de traitement dans notre série.

Les publications de la littérature font état d’assez nombreuses tentatives d’angioplastie. La plupart des publications insistent sur les difficultés techniques de ce geste et la possibilité de complications : outre les complications classiques (spasme artériel, hématome au point de ponction, embolies, dissection de l’artère dilatée) observées dans 10 à 15 % des cas, une observation de rupture de la veine rénale lors d’une angioplastie de l’artère a été rapportée [20]. Le pourcentage de succès techniques immédiats est voisin de 85 % dans toutes les séries [21-23] mais, fréquemment, persistent des sténoses résiduelles de 15 à 30 % [23, 24] considérées néanmoins par les opérateurs comme des succès techniques. La réponse tensionnelle immédiate est favorable chez 75 % des patients environ mais le taux de re-sténose, entraînant la
récidive de l’hypertension artérielle, à moyen terme va de 15 à 25 % selon les séries ;

Fava et al. [25] n’ont que 33 % de perméabilité à cinq ans. Les facteurs qui semblent favoriser la survenue d’une re-sténose sont : le sexe masculin, les sténoses commençant à l’ostium rénal, les sténoses longues, la persistance d’une sténose résiduelle d’au moins 20 % après angioplastie. Les résultats sont donc moins favorables que pour les dysplasies ou l’athérome au prix de difficultés plus grandes et de complications plus fréquentes. Les indications de l’angioplastie doivent donc être sélectives.

Le traitement chirurgical est motivé par la sévérité de l’hypertension artérielle dont les patients sont porteurs, par l’inefficacité du traitement anti-hypertenseur et par l’échec des tentatives d’angioplastie endo-luminale.

L’existence d’un syndrome inflammatoire actif nécessite un traitement pré- opératoire par les corticoïdes jusqu’à normalisation des tests de l’inflammation et notamment de la vitesse de sédimentation. Un délai de plusieurs semaines est parfois nécessaire pour la disparition du syndrome inflammatoire mais une intervention rapide peut être indiquée si l’hypertension artérielle paraît menaçante.

L’intensité du syndrome inflammatoire serait un facteur de mauvais pronostic selon Nakao et al. [6] mais un traitement anti-inflammatoire intense et précoce semble améliorer le pronostic [8].

La réparation artérielle rénale est le traitement de choix. Elle fait appel aux techniques réparatrices classiques mais la complexité des lésions vasculaires et les difficultés de dissection des vaisseaux liées à la fibrose et à l’hypervascularisation locale peuvent conduire à une réparation extra-corporelle : onze cas sur trente-cinq (31 %) dans notre série. La longueur des sténoses des artères rénales nécessite habituellement l’utilisation d’un matériau de substitution.

La réparation artérielle rénale peut être associée à un pontage aortique (sept patients de notre série), à une revascularisation mésentérique (quatre patients de notre série). Nombre de lésions aortiques n’ayant pas de retentissement hémodynamique au niveau des membres inférieurs, le pontage doit être réservé aux lésions très mutilantes du vaisseau (fig. 3). Nous avons récusé pour un pontage aortique les enfants âgés de moins de huit ans (N = 5) en raison de l’aléa du changement éventuel d’une prothèse devenue trop petite avec la croissance.

Les résultats sur l’équilibre tensionnel sont très favorables car ces patients ont une ischémie rénale importante responsable d’une hypertension réno-vasculaire sévère et le rétablissement d’une vascularisation rénale normale influence de façon décisive l’évolution de la tension artérielle. Toutes les séries importantes de la littérature [12, 14, 16, 26, 27] font état d’au moins 80 % de guérison ou d’amélioration de l’hypertension artérielle après reconstruction artérielle rénale chirurgicale.

Mais une évolution de la maladie peut se produire au niveau aortico-rénal, responsable de sténoses itératives et de récidive de l’hypertension artérielle après chirurgie reconstructrice [17, 26]. Lorsque la resténose est très serrée, une réintervention s’impose mais le risque de récidive est majoré. Le risque d’évolution vers l’insuffisance rénale est, par contre, peu élevé : une étude épidémiologique effectuée au
3A 3B FIG. 3. — Maladie de Takayasu à localisation réno-aortique chez une femme de 54 ans :

3 A : avant intervention, sténose de l’aorte abdominale aggravée rapidement, sténose de l’artère rénale gauche (flèche). L’artère rénale droite naît au dessus du segment rétréci de l’aorte et n’est pas sténosée.

3 B : résultat après pontage aorto-bi-iliaque et réimplantation de l’artère rénale gauche dans la prothèse (flèche). Guérison de l’hypertension artérielle. L’évolution des lésions aortiques s’est faite vers la thrombose de l’aorte terminale.

Japon [4] a mis en évidence une insuffisance rénale chez 11 % des patients ayant une artérite de Takayasu, la fréquence de l’atteinte de la fonction rénale augmentant avec l’âge.

L’évolution peut aussi se produire dans d’autres territoires artériels : troncs supraaortiques, artères coronaires, chacune de ces atteintes pouvant nécessiter un geste chirurgical pour son propre compte.

Enfin, chez la femme, la maladie de Takayasu ne contre-indique pas formellement la grossesse sous réserve d’une surveillance étroite et d’un contrôle strict de la pression artérielle. Une de nos patientes a accouché normalement six ans après une revascularisation rénale bilatérale, malgré une réintervention, à un an, pour sténose arté- rielle rénale itérative. La série de Takagi et al. [17] fait état de six accouchements normaux sur vingt-huit femmes opérées.

CONCLUSION

Le traitement chirurgical des lésions réno-aortiques de la maladie de Takayasu est indiqué lorsqu’existe une hypertension artérielle sévère non contrôlée par un traitement médical lourd. L’évolution spontanée chez les patients hypertendus est, en effet, grevée d’une mortalité non négligeable. Le rétablissement de la vascularisation rénale normale est le traitement de choix L’avenir de ces opérés est obéré par l’évolution de la maladie soit localement soit à distance, ce qui peut nécessiter des interventions multiples et successives. Les indications chirurgicales doivent donc être soigneusement pesées. La fréquence des dégradations tardives et l’atteinte possible d’autres territoires justifient un suivi très prolongé des patients.

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DISCUSSION

M. Pierre GODEAU

Cette importante série confirme la primauté de la chirurgie. Il faut souligner la difficulté du diagnostic d’HTA chez ces patients. L’évolutivité des lésions anatomiques n’est pas corrélée à la biologie et peut persister malgré la correction du syndrome inflammatoire. Ceci justifie une corticothérapie au long cours pour éviter l’apparition d’autres localisations. On recherche actuellement d’autres critères d’évolutivité. Il est possible que la tomographie par émission des positons apporte une réponse (PET scan). Elle est en cours d’évaluation. En avez-vous l’expérience ?

Je partage votre opinion concernant les difficultés du diagnostic d’hypertension artérielle chez ces patients. L’obstruction des artères des membres supérieurs et la lésion aortique masquent l’hypertension ce qui fait que celle-ci est souvent découverte à l’occasion de phénomènes liés à sa décompensation. Nos opérés n’ont pas eu systématiquement de traitement corticoïde au long cours mais uniquement en cas de syndrome inflammatoire avéré. Nous n’avons pas d’expérience du PET Scan chez ces patients.

M. Charles-Joël MENKÈS

Nous avons l’expérience d’une forme de diagnostic difficile : un homme, de trente ans, italien, adressé pour fièvre, syndrome inflammatoire et arthralgies intenses mais isolées. La maladie a été reconnue par la mise en évidence d’une dilatation du sinus de Valsalva et d’une atteinte de la mésentérique supérieure. Pour votre série, y avait-il des arthralgies révélatrices ? Les formes masculines avaient-elles une atteinte particulière du sinus de Valsalva ?

Quelques-uns de nos patients ont présenté des arthralgies : celles-ci n’étaient pas révélatrices mais s’associaient à un tableau clinique évocateur et à un syndrome inflammatoire actif. Nous n’avons pas observé d’atteinte du sinus de Valsalva dans cette série.

M. Jean NATALI

Comme tu l’as indiqué, le retentissement de l’HTA est essentiellement cardiaque et cérébral et l’insuffisance rénale apparaît peu sévère, comme cela est signalé dans la série de la Salpêtrière rapporté par E. Kieffer. Tous se passe donc comme si l’importance des lésions aortiques et rénales (en dehors de l’occlusion de ces derniers bien sûr) protégeait le parenchyme rénal et explique qu’après intervention et rétablissement d’un flux rénal satisfaisant, on observe un taux élevé des guérisons de l’HTA. As-tu eu l’occasion d’observer des cas de grossesse et accouchement dans ta série ?

Une de nos patientes a présenté une grossesse suivie d’un accouchement normal six ans après sa réparation artérielle rénale et malgré une récidive de sténose de l’artère rénale
avec réintervention un an après l’intervention initiale. Par ailleurs, la série de Takagi fait état de six femmes ayant eu des grossesses avec accouchements normaux sur vingt-huit opérées. La grossesse n’est donc pas contre-indiquée chez ces femmes sous réserve d’une surveillance étroite, notamment de la tension artérielle, au cours de la grossesse.

M. Louis AUQUIER

Y a-t-il eu, dans votre série, une association dans l’immédiat ou dans le suivi avec l’artère temporale ?

Dans notre série, aucun des opérés n’a présenté de lésion associée des artères temporales tant dans l’immédiat qu’à longue échéance.

M. Daniel LOISANCE

Votre expérience des localisations coronaires dans la maladie de Takayasu nous a surpris :

ces formes sont rarement associées à des localisations rénales. Vous avez montré la rareté des localisations coronaires dans votre expérience. Pouvez-vous commenter cette curieuse absence de lésions pluri-focales ?

Une atteinte coronarienne n’a été observée que chez deux opérés de cette série, une portugaise et un marocain. La fréquence de l’atteinte coronarienne varie probablement selon les populations sujettes à la maladie. Une prédisposition génétique en est peut-être la cause : la variabilité des antigènes HLA retrouvée dans les différentes ethnies atteintes suggère une origine polygénique avec une symptomatologie différente selon l’antigène retrouvé dans la population en cause.

M. Hedi BENMAIZ

La maladie de Takayasu a, en commun avec la maladie de Behcet, la répartition géographique, le syndrome inflammatoire, l’absence d’une cause précitée et l’effet bénéfique de la corticothérapie. Chez une de nos patientes opérée, à l’âge de dix ans, d’une maladie de Takayasu avec sténose de l’artère, nous avons vu apparaître vingt ans plus tard, une maladie de Behcet typique. Ces deux faits amènent à poser la question : y a-t-il une relation entre ces deux pathologies. Ont-elles des causes communes ?

La pathogénie des deux affections est différente. Clairement, la maladie de Behcet est une affection génétique, congénitale alors que la maladie de Takayasu est une affection acquise inflammatoire auto-immune. Toutefois, la fréquence de cette dernière affection dans les populations du pourtour du bassin méditerranéen et notamment dans les pays du Maghreb rend plausible une association possible des deux affections, avec survenue, à terme, d’une artérite de Takayasu chez une patiente porteuse d’une maladie de Behcet.


* Service d’urgences, Hôpital Beaujon, 92118 Clichy Cedex Tirés à part : Professeur Michel LACOMBE, 49 rue Guersant 75017 — Paris Article reçu le 6 décembre 2006, accepté le 12 février 2007.

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 3, 549-567, séance du 20 mars 2007