Résumé
Nés du laboratoire d’Hygiène de la Marine (1887), installés à Bethesda, MD (1940), refondés en Agence Nationale de la Recherche Médicale par F.D. Roosevelt (1944), les National Institutes of Health (NIH) ont une double vocation. Elle est de définir des axes de recherche adaptés aux besoins en santé publique et d’allouer des fonds à des laboratoires de recherche, le Directeur devant justifier de ses décisions devant le Congrès. 84 % du budget subventionne 300 000 scientifiques et personnels de recherche extra muros dans plus de 3 000 universités. 16 % seulement du budget est attribué aux NIH lui-même (10 000 scientifiques intra muros et administration des Instituts). Il existe aujourd’hui 27 Instituts et Centres créés au fil du temps depuis le National Cancer Institute (1937) jusqu’au National Institute of Biomedical Imaging and Bio-engineering (2000). Un réseau, que l’on peut comparer à un éco-système, relie NIH, public, Congrès, universités, Food and Drug Administration (FDA), industriels et financiers. L’impact de la recherche biomédicale au cours des trente ans écoulés se mesure aisément aux résultats obtenus : augmentation de six ans de l’espérance de vie, réduction de 65 % de la mortalité due à la maladie coronaire et de la mortalité par accident vasculaire cérébral, réduction du taux de mortalité par cancer, réduction des taux d’incapacité de 2 % par an depuis quinze ans. Malgré ces progrès réels dans le contrôle des manifestations aiguës de beaucoup de maladies, cinq nouveaux défis se présentent en santé publique : le passage à la chronicité des maladies aiguës, le vieillissement de la population, les inégalités en santé, l’émergence ou la réémergence de maladies infectieuses, l’émergence de maladies non contagieuses (obésité, maladies mentales). Pour répondre à ces défis, la nécessité d’une transformation des stratégies médicales s’impose. L’anticipation « moléculaire » de la maladie à sa phase pré-clinique représente l’avenir. Intervenir avant l’apparition des symptômes à partir des évènements moléculaires pré- cliniques et détecter les patients à risques demande de se plier au « futur paradigme des 4 P : la médecine doit être prédictive, personnalisée, préemptive et participative. Aujourd’hui, l’obstacle fondamental aux avancées scientifiques réside dans notre capacité réduite à comprendre la complexité des réseaux biologiques. Le plan de route pour accélérer la découverte médicale doit explorer de nouvelles voies de recherche, susciter la formation d’équipes de chercheurs adaptées au futur et entreprendre la réorganisation de la recherche clinique. Si on prend l’exemple de la génétique moléculaire, la route sera longue entre l’analyse du génome avec la découverte de nouveaux polymorphismes nucléotidiques et la mise en application de nouveaux traitements. Le plus grand risque en science serait de cesser de prendre des risques !
Summary
The NIH, which originated from the Marine Hospital Laboratory of Hygiene (1887), was established as the national agency for medical research by President F. D. Roosevelt in 1944. The NIH rests on its independent, world-class peer review process and its distinctive scientific and public advisory structure. The two-fold mission of NIH is to define research priorities based on public health needs and to allocate funding. Eighty-four percent of the budget supports 300,000 extramural scientists and research workers at more than 3,000 universities. Only 16 % of the budget is spent within the NIH itself (on administration and the 27 institutes and centers, including some 10,000 intramural scientists, that make up NIH today). The ecosystem of science and biotechnology connects NIH, the public, Congress, universities, the FDA, industry, and investors. The budget, which in 2007 was $29 billion, is submitted to Congress by the Director. The impact of biomedical research over the last 30 years is demonstrated by an increase in life expectancy and a decrease in death and disability from many diseases. Five evolving challenges in public health include acute conditions becoming chronic, the aging of the population, health disparities, emerging or re-emerging infectious diseases, and emerging non-communicable diseases (obesity, mental illness). Medical strategies must clearly be transformed for the 21st century. Molecular diagnosis of preclinical disease is the paradigm of the future : intervening before symptoms appear because the preclinical molecular events are known and because we have the ability to detect at-risk patients constitutes the ‘‘ future paradigm of the 4 P’s. ’’ Currently, the fundamental scientific barrier is our limited understanding of the complexity of biologic networks. New theoretical concepts are needed in this ‘‘ hardware-to-software phase. ’’ Any roadmap for the acceleration of medical discovery will have to integrate new pathways, future research teams, and the restructuring of clinical research.
INTRODUCTION
Cette conférence invitée à la Tribune de l’Académie nationale de médecine comporte deux parties. La première évoque les National Institutes of Health (NIH), leur histoire et leur fonctionnement quotidien au présent. Le chapitre budgétaire détaille les missions de l’institution dont celle de soutien à des laboratoires extérieurs aux instituts. La deuxième partie résume, rapidement, l’impact et les bénéfices de la recherche biomédicale dans les trente dernières années. Face aux cinq défis majeurs qu’a fait naître l’évolution de la santé publique, une nouvelle stratégie médicale se dessine au XXIe siècle tenant compte des progrès de la génétique et de la biologie moléculaire.
LES NATIONAL INSTITUTES OF HEALTH (NIH), BETHESDA, MD, USA
La fondation des National Institutes of Health (NIH), Bethesda, Maryland, USA :
une histoire déjà longue.
A la fin du XIXe siècle, le Dr Joseph J. Kinyoun (1860-1919), médecin bactériologiste, s’inspire des avancées européennes en bactériologie, auxquelles il est venu s’initier.
Dans cet esprit, il fonde le premier laboratoire d’hygiène au sein de l’hôpital de la Marine américaine, à Staten Island (NY) en 1887. Dès 1891, le laboratoire est transféré à Washington D.C. Au cours de ses voyages en Europe, Joseph Kinyoun travaille à l’Institut Pasteur, où il apprend la technique de préparation de l’antitoxine diphtérique (1894). En 1921, l’American Chemical Society publie, sous la plume de J.S. Ariel et coll , un rapport intitulé « l’indépendance future et le progrès de la médecine américaine à l’âge de la chimie ». Cet ouvrage inspire la vision d’un « National Institute of Health ».
En 1930, le « Randsell Act » fonde le « National Institute of Health » par transformation du laboratoire d’hygiène. Les sénateurs américains parrainent, ensuite, la fondation du « National Cancer Institute » (NCI 1937). Le 31 octobre 1940, le Président Franklin Delano Roosevelt attribue le terrain et ses immeubles au nouveau NIH. Quatre ans plus tard, le même président est à l’origine de la Loi fédérale de fondation du NIH et de la NSF (National Science Foundation).
Dans son article de « Science » (1945), Vannevar Bush (1890-1974), ingénieur, docteur du Massachussets Institute of Technology (Harvard), futur directeur de la NSF et conseiller du Président F.D. Roosevelt, écrit, sous le titre « Science, la frontière sans fin » : « (…) Le Gouvernement devrait assumer un rôle actif dans la
diffusion au plan international de l’information scientifique (…) ». Comprenant que la science est « globale » c’est-à-dire « mondiale », il crée des réseaux scientifiques et des collaborations croisées à travers le monde.
Les National Institutes of Health : une vocation et une organisation.
Dans son organisation, deux « pierres angulaires » supportent l’édifice des NIH :
— un processus d’expertise scientifique de niveau mondial et, — une structure administrative associant la société civile aux chercheurs dans la composition des conseils consultatifs. Le processus d’expertise scientifique est mandaté par le Congrès. Son niveau de qualité est le meilleur au plan mondial. Il est à la fois indépendant (conduit par des experts extérieurs) et compétitif (les demandes étant financées pour 22 % environ). L’association de représentants de la société civile (« Public Representatives ») aux chercheurs dans les conseils et comités est systématique.
Le fonctionnement du système est sans ambiguité. Le schéma suivant résume les étapes du processus que suit la demande d’un chercheur.
La première étape relève du chercheur scientifique lui-même qui soumet une demande de subvention aux NIH. Cela peut être un nouveau projet ou la poursuite d’un projet en cours. Dans un deuxième temps, un jury scientifique composé d’experts (« Peer Review »), évalue la valeur scientifique de la demande de subvention. En l’absence de rejet, un expert désigné entre en contact avec le demandeur et l’aide à réviser son projet en fonction des remarques faites. L’étape suivante est celle des comités consultatifs où interviennent des membres de la société civile, Comités des Instituts et Comité Consultatif National des Instituts. Des représentants de la société civile y siègent. Les Comités évaluent les différents programmes préalablement retenus et approuvent ou rejettent les demandes. Le Comité Consultatif National siège auprès du Directeur. Les représentants de la société civile, dont plusieurs sont nommés (six nominations annoncées à la réunion du 26 octobre 2007), donnent leur avis dans tous les domaines de la recherche médicale. Clé de voûte ultime du processus d’attribution des fonds de recherche, le directeur des NIH prend la décision finale. Auparavant, il a eu connaissance de l’avis des deux commissions citées plus haut, indépendantes l’une de l’autre, le Comité Consultatif National de l’Institut et le Conseil des représentants du public.
Le budget 2008 des NIH : 29 milliards (Mds) de Dollars alloués dont 84 % à l’extérieur de l’établissement.
Le budget des N.I.H., pour l’année 2007, atteint 29 milliards (Mds) de dollars, sous la forme de 50 000 bourses supportant plus de 300 000 chercheurs et associés, et aides destinées à plus de 3 000 universités, écoles médicales et autres, de tous les états du monde. Ce budget finance pour seulement 16 % les « dépenses intra-NIH » (4,8 Mds $) dont celles affectées aux 18 000 employés de l’institution. 10 % du budget (2,8
Mds $) va aux projets des 6 000 chercheurs des laboratoires des NIH (10 000 personnes, scientifiques et personnels techniques) qui travaillent sur le campus de Bethesda, MD. 4 % (1,1 Md $) représente des coûts administratifs et 2 % (0,7 Md $) les autres coûts (NLM, OD…). 84 % du montant (soit 23,8 Mds $ du budget de l’année fiscale 2007, est consacré à 325 000 chercheurs et personnels techniques « hors les murs NIH » travaillant dans plus de 3 000 institutions nationales ou étrangères.
Quelques chiffres résument la valorisation apportée par la recherche à l’industrie aux États-Unis. 3 114 technologies nouvelles ont été introduites sur le marché, entre 1998 et 2004, à la suite des découvertes faites dans 185 institutions grâce aux co-financements du gouvernement et de l’industrie privée. De 1980 à 2004, 4 543 nouvelles compagnies ont été créées autour de ces nouvelles technologies dont 2 671 étaient encore en activité en décembre 2004. Il existe maintenant un véritable éco-système de la science et de la biotechnologie qui repose sur un réseau réunissant, autour des NIH, le Congrès, le public et les universités, la « Federal Drug Administration (FDA) », des industries, des compagnies start-up et de capital-risque.
Il est intéressant de comparer les deux pyramides inverses dessinant les recherches soutenues respectivement par les NIH ou le secteur privé. Dans le cas des NIH, la base de la pyramide correspond à la recherche fondamentale ; elle se transforme en partie en recherche « translationnelle » qui, elle-même, aboutit pour une part encore plus faible à la recherche clinique. Dans le cas du secteur privé, une large base clinique donne naissance à une recherche « translationnelle » plus étroite qui aboutit à une recherche fondamentale encore plus étroite. L’essentiel est de maintenir l’effort fédéral sur la recherche fondamentale à long terme et sur les problèmes de santé qui ne peuvent être assumés par le secteur privé.
L’aide au financement de la recherche internationale a augmenté, du simple au double puis au quadruple, depuis les années 1997-2001. La plus grande part correspond à l’attribution par les Etats-Unis de récompenses à des chercheurs étrangers travaillant sur le sol américain ou de récompenses directes à des recherches faites à l’étranger. [NDLR : directement corrélées avec la nomination de l’auteur, en 2002]. La répartition des partenariats internationaux soutenus par les NIH indique leur importance relative : 48 % pour l’Europe et le Canada, 15 % pour l’Asie, 13 % pour l’Amérique Latine et 11 % pour l’Afrique. Les chiffres des partenariats avec la France, en 2006, sont à noter : 14 subventions directes à des chercheurs français, 100 subventions de collaboration avec des scientifiques français, 140 chercheurs visiteurs accueillis chaque année aux campus du NIH.
Au plan des récompenses individuelles, les NIH ont créé la « NIH Director’s Pionneer Award » (ou « Prix » « Pionnier » du Directeur des NIH> »). Son objectif est d’aider au développement d’hypothèses originales non encore vérifiées, mais potentiellement innovantes dans tous les domaines de la science, des neurosciences à la chimie et aux sciences du comportement. Les critères de sélection sont hautement compétitifs. L’examen du dossier est confié à trois experts. Ce dossier consiste
en une demande de longueur limitée, concentrée sur le chercheur et le problème posé et donnant les preuves du caractère innovant de l’hypothèse explicative. Un comité de douze experts rencontre et soumet le demandeur à une interview. La publication dans Nature du 5 avril 2007 est exemplaire à cet égard. Le lauréat 2005 de la « Pionneer Award », Karl Deisseroth, MD, PhD, Stanford University, y publie son idée d’exploitation multimodale de la lumière pour la compréhension des circuits neuronaux.
LA RECHERCHE BIOMÉDICALE AUX NIH, UN IMPACT SUR LA SANTÉ DEPUIS TRENTE ANS, DES DÉFIS POUR LE FUTUR
L’impact de la recherche depuis trente ans s’impose en quatre faits.
L’espérance de vie a augmenté de six ans.
Les maladies cardiaques coronaires et la mortalité par accident vasculaire cérébral ont été réduites de 60 à 70 %, entraînant une économie annuelle de 1 500 Mds de dollars pour la collectivité.
La chute du taux absolu de mortalité par cancer repose sur la prévention, les stratégies diagnostiques et l’augmentation de la survie.
Pour les plus de soixante-cinq ans, le taux d’incapacité est réduit de 2 % par an depuis quinze ans.
Quels défis majeurs dans l’évolution de la santé publique ?
Cinq lourds défis peuvent être identifiés :
— Les situations pathologiques précédemment aiguës deviennent chroniques, — L’avance en âge de la population, — L’inégalité en santé, — L’émergence et la réémergence des maladies infectieuses et — L’émergence de maladies non contagieuses, telle l’obésité et les maladies mentales.
Pour l’obésité, cinquième et dernier défi, l’auteur cite une réglementation récente proposée dans une ville nord-américaine sur la base de recherches nouvelles :
L’obligation de ne pas utiliser les ascenseurs dans les immeubles au-dessous du troisième étage, afin de contraindre les habitants de ces résidences à un exercice physique minimum leur évitant de devenir obèses.
Une nouvelle stratégie médicale pour le XXIe siècle
Le paradigme du XXe siècle a été « gérer la maladie ». Trois périodes interviennent dans le temps : la phase pré-clinique, silencieuse pour l’individu, la phase compensée ou « maladie tolérable » où apparaissent les symptômes avec leurs coûts importants,
suivie de la troisième phase, celle de « l’intolérable » ou décompensée où intervient, obligatoirement, la thérapeutique.
Le XXIe siècle introduit ce nouveau paradigme : « précéder la maladie ». Le premier temps devient pré-clinique, avec l’approche moléculaire et préventive de la maladie.
Ceci a pour conséquence l’étalement des coûts et leur réduction, la gestion des symptômes intervenant plus tard, comme le traitement curatif, au troisième temps « intolérable » de la maladie. Cette « anticipation moléculaire » est illustrée par les trois stades (précoce, intermédiaire et tardif) de la maladie rhumatoïde. Depuis 2006, la génétique en a révélé les trois gènes responsables.
Si l’on oppose, point à point, les stratégies respectives du XXe siècle et du XXIe siècle, on peut les résumer ainsi.
— Le XXe siècle traite la maladie quand les symptômes apparaissent et que la fonction normale est perdue. Au XXIe siècle, en revanche, on intervient avant que les symptômes apparaissent et alors que la fonction normale est encore préservée, le plus longtemps possible.
— Le XXe siècle ne comprend pas les événements moléculaires et cellulaires qui conduisent à la maladie. Le XXIe siècle, lui, comprend les évènements moléculaires et marqueurs biologiques pré-cliniques et offre la capacité de détecter les patients à risque.
— Enfin, la stratégie médicale du XXe siècle est coûteuse au plan financier et en terme d’incapacité physique et psychique. Le XXIe siècle est celui d’une plus grande efficacité.
Ainsi peut on résumer le paradigme du futur qui caractérisera le XXIe siècle. C’est le paradigme des « 4 P », celui d’une médecine « Prédictive, Personnalisée, et Préemptive, Participative ».
DE NOUVEAUX CONCEPTS POUR LE FUTUR, AVEC LA GÉNÉTIQUE ET LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
Aujourd’hui, l’obstacle scientifique fondamental est celui de notre faible capacité à étudier les systèmes biologiques complexes et dynamiques, aussi bien chez l’homme sain que malade.
Cette complexité des réseaux biologiques est illustrée dans les schémas compliqués de la biologie moléculaire. Il existe, en effet, de multiples niveaux de croisement entre les différentes voies moléculaires. Plusieurs cibles moléculaires sont isolables dans les réseaux intriqués de signalisation. En conséquence, un nouveau besoin conceptuel s’exprime, au plan expérimental comme au plan théorique.
Ainsi apparaît le véritable défi scientifique, démêler la complexité de l’organisation des inter-relations en biologie. Si l’on juxtapose le schéma de la réponse cellulaire au
dommage provoqué et celui d’un diagramme de montage électronique, on y retrouve une analogie entre complexité biologique et complexité électronique.
On peut résumer ainsi le futur de la recherche biomédicale : cette recherche passe, aujourd’hui, de sa phase « hardware » (physique concrète, de type électronique) à sa phase « software » (celle du logiciel, étape de l’abstraction et de l’intégration fonctionnelles des composants biologiques individuels).
Une nouvelle carte de route (« roadmap ») se dessine en recherche médicale pour accélérer la découverte et, donc, améliorer la santé, qui emprunte trois voies :
— Explorer les nouvelles voies de la découverte, — Constituer les équipes de recherche pour le futur et — Réorganiser la recherche clinique.
Voies de découvertes, la biologie moléculaire et la génétique sont un modèle dans l’accélération des connaissances.
A titre d’exemple, l’accélération des contributions de la génétique (confirmées) aux maladies humaines communes, d’avril 2007 à septembre 2007, est impressionnante.
En avril 2007, le rythme de progression de découverte des gènes impliqués dans les maladies communes, qui était un tous les deux ans, s’accélère. Ce ne sont plus, en septembre 2007, sept maladies (hypercholestérolémie, obésité, maladies coronaires, cancer de la prostate, dégénérescence maculaire liée à l’âge, maladie de Crohn, diabète de type II) pour lesquelles on a identifié trente gènes responsables, mais dix-neuf maladies qui relèvent de soixante-neuf gènes. On a pu ainsi impliquer trente neuf gènes de plus en cinq mois, soit le double de ce qui avait été isolé en cinq ans !
L’exploration pangénomique « Genome Wide Association Study (GWAS) » démontre cette accélération dans les publications qui lui sont consacrées.
La connaissance de nouveaux SNP (Single Nucleotide Polymorphism) conduit à de nouvelles voies thérapeutiques ; mais, on est devant une « longue route semée d’embû- ches ». Au début, il s’agit de replications et de séquençage de gènes couplés à des études fonctionnelles. Ensuite, on passe à une translation de premier ordre afin d’obtenir la meilleure réponse au traitement avec le minimum d’effets secondaires.
La translation de deuxième ordre a pour objectif de développer des traitements préventifs ou curatifs à partir de l’identification de cibles obtenue par des études pangénomiques. Il faut pour tout cela de nouveaux outils, sous formes de trousses capables d’explorer non seulement la cible étudiée initialement, mais aussi l’ensemble de la voie métabolique à laquelle elle appartient. Les ARNm peuvent être neutralisés par les petits ARN interférants (siRNA) ; des vecteurs conduisent à la cible choisie et des sondes moléculaires sont fabriquées à partir de banques.
L’exemple de profilage moléculaire orientant la décision du traitement est démontré dans le cas du lymphome de Burkitt (LB) et du lymphome diffus à grandes cellules B (LDGCB).
Histologiquement et histopathologiquement, les deux maladies sont voisines. Pourtant elles exigent un traitement différent et il faut faire appel à leurs signatures génétiques respectives pour les distinguer, parce que les histopathologistes experts commettent une erreur diagnostique dans 17 % des cas. Le profilage moléculaire permet, seul, un diagnostique différentiel certain.
Ainsi, les différentes étapes de la recherche peuvent-elles être schématisées — Analyse des données initiales de l’analyse pangénomique mettant en évidence les régions du génome porteurs de changements associés à la maladie, — Analyse des données épidémiologiques sur la distribution de la maladie dans les diverses populations, — Séquençage des régions intéressantes du génome pour identifier les variants responsables de la maladie, — Analyse fonctionnelle, c’est-à-dire des conséquences sur le phénotype des modifications génétiques constatées, — Translation diagnostique et thérapeutique, c’est-à-dire utilisation des données précédentes pour créer des outils de diagnostic et imaginer de nouveaux traitements.
L’épigénomique sera l’étape suivante dans la compréhension du génome humain
L’épigénome inclut la totalité des modifications permanentes chromosomiques qui affectent l’activité génétique sans altérer la séquence même de l’ADN. L’épigénome varie avec le type cellulaire et reflète l’activité génétique spécifique du type cellulaire concerné. Il a été démontré que des changements épigénomiques peuvent intervenir dans quelques maladies mais, leur importance est inconnue. Notre carte de route devra définir les défis fondamentaux dans la recherche épigénomique et augmenter notre compréhension de la manière dont l’épigénome contribue à la santé et aux maladies.
Le projet « Microbiome humain » va trouver des financements, aider au développement de nouvelles technologies et d’approches informatiques pour faciliter la caractérisation du très complexe microbiome humain.
Ce projet va accroître notre savoir sur le rôle du microbiome dans la santé humaine et la genèse des maladies.
Des questions restent en suspens : quels microbes vivent-ils chez l’être humain ?
Comment contribuent-ils à la santé ? Comment contribuent-ils à la maladie ? Le microbiotope pourrait-il être manipulé pour améliorer la santé ?
Une phrase conclut cette lecture :
« Le plus grand risque de la science est d’arrêter de prendre des risques ».
REMERCIEMENTS
A Emmanuel A. Cabanis, Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine pour la rédaction de ce texte à partir des documents originaux du Professeur Elias A.
Zerhouni.
PLANCHE — Le Pr E.A. Zerhouni pendant sa conférence de presse donnée à l’Académie nationale de médecine, mardi 13 novembre 2007, avant présentation de sa conférence, à la tribune, le même jour (à sa droite, le Pr J.L. Binet, Secrétaire perpétuel de l’Académie, à sa gauche, le Pr P.
Ambroise-Thomas, Président de l’Académie, Mme le Dr Zerhouni, pédiatre, Mme M. Priollaud, chargée de la communication).
* Elias A. Zerhouni naît à Nédroma (Algérie) en 1951. Après sa thèse de Doctorat à l’École de Médecine de l’Université d’Alger (1968-1975), il part pour un séjour d’études aux États Unis, accompagné de son épouse médecin. Il a 24 ans. Résident en Radiologie diagnostique à la « Johns Hopkins University School of Medicine, Baltimore, Maryland, » il y devient résident-senior, puis instructeur (1978), professeur assistant (1979-1981), directeur assistant pour le scan Rx corps entier ; certifié par l’ « American Board of Radiology » (1980), il est nommé professeur assistant au département de radiologie de la « Eastern Virginia Medical school » et son hôpital universitaire « De Paul, Norfolk » (1981). Revenu à la « Johns Hopkins School of Medicine » comme professeur associé (1985), il devient coordinateur de la recherche clinique. Directeur de la division IRM en 1988, il est nommé Professeur de radiologie à 41 ans (1992). Trois ans plus tard, il est nommé, en plus, Professeur d’ingénierie bio-médical à la « Johns Hopkins University » (1995). Directeur du Département de radiologie (1996), puis Vice Doyen pour la recherche (1999), il devient Vice-Doyen exécutif à la « Johns Hopkins Medical School » (2000) date a laquelle il est aussi élu a l’Institut de médecine de l’Académie américaine des Sciences. Il est nommé 15ème Directeur des NIH par le Président des Etats-Unis, en 2002. Tirés à part : Professeur E.A. ZERHOUNI, Directeur des NIH, Bethesda, Maryland, USA
Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 8, 1685-1694, séance du 13 novembre 2007