Publié le 16 mars 2021

Surveiller les variants du SARS-CoV-2 : comment et pourquoi ?

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Surveiller les variants du SARS-CoV-2 : comment et pourquoi ?

Communiqué de l’Académie nationale de médecine

16 mars 2021

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, le SARS-CoV-2 avait acquis une réputation de faible variabilité, le seul évènement ayant retenu l’attention des virologues étant la mutation D614G apparue à la fin du mois de janvier 2020, donnant naissance au variant plus infectieux et plus transmissible qui, en six mois, a remplacé dans le monde entier la souche initiale identifiée à Wuhan. Cette relative stabilité a été remise en question depuis le mois de décembre 2020 par l’émergence de variants issus de différentes lignées de SARS-CoV-2. Les trois principaux (variants d’intérêt) sont le variant 501Y.V1 dit « britannique », le variant 501Y.V2 dit « sud-africain » et le variant 501Y.V3 dit « brésilien ». Porteurs de plusieurs mutations concernant essentiellement la protéine « S » (spike), ces variants ont un meilleur potentiel de transmission et supplantent la souche de SARS-CoV-2 qui circulait depuis 10 mois. En France, le variant 501Y.V1 est suspecté dans 66% des cas et les variants 501Y.V2 et 501Y.V3 dans plus de 5% des cas, dépassant 45% en Moselle [1]. Cette évolution est très hétérogène sur le territoire national, une haute prévalence de variants étant souvent corrélée à un taux d’incidence élevé, sauf dans certains départements.

Survenant indépendamment en plusieurs endroits de la planète, l’émergence de multiples variants constitue un nouveau défi dans la lutte contre la pandémie alors que la vaccination se développe dans le monde entier. La sélection de ces variants serait facilitée chez les patients immunodéprimés, chez lesquels l’infection est plus prolongée et les charges virales sont plus élevées, lorsqu’ils sont traités par sérum de convalescent [2].

L’impact de ces nouveaux variants devenus dominants dans le panorama épidémique actuel reste à préciser, mais il faut déjà considérer plusieurs menaces : outre leur plus forte contagiosité, il semble que les variants 501Y.V2 et 501Y.V3, porteurs de la même mutation E484K, aient la capacité d’échapper, du moins partiellement à la réponse immunitaire induite pas la vaccination. Certaines mutations affectent aussi des gènes codant des protéines virales autres que la protéine S et pourraient induire une virulence augmentée chez certains variants. Il est donc nécessaire d’intensifier la surveillance épidémiologique de cette épidémie au plan moléculaire pour détecter la présence de nouveaux virus plus pathogènes ou échappant à l’immunité vaccinale. Les deux méthodes disponibles sont la RT-PCR ciblée qui détecte les variants d’intérêt porteurs de mutations connues et le séquençage (du génome complet ou du gène codant la protéine S) qui permet d’identifier les variants connus ou non. Les données du séquençage peuvent être exploitées pour des études d’épidémiologie moléculaire et de phylo-dynamique virales afin d’analyser les facteurs géographiques de propagation des différents variants sur le territoire (climats, densités de population, échanges internationaux, etc.).

Préoccupée par la progression des variants du SARS-CoV-2 dont l’aggravation pourrait compromettre l’efficacité de la campagne nationale de vaccination, l’Académie nationale de médecine recommande :

– d’accroitre aussi vite que possible la couverture vaccinale contre la Covid-19 ;

– d’intensifier l’application des mesures barrière en rappelant qu’elles gardent toute leur efficacité pour prévenir la transmission des différents variants du SARS-CoV-2 ;

– de renforcer les capacités de séquençage à haut débit pour maintenir une surveillance permanente sur des échantillons représentatifs d’origine humaine et environnementale (eaux usées) ;

– de développer des techniques de phylo-dynamique moléculaire appliquées au SARS-CoV-2 en croisant les analyses génomiques avec les données épidémiologiques internationales ;

– de mettre en commun l’ensemble des données collectées par les formations publiques et privées en les considérant comme biens publics à partager par toutes les structures de recherche impliquées dans la lutte contre la pandémie ;

– de stimuler l’effort de recherche et de développement autour de l’interaction variants-vaccins, en particulier dans le cadre du programme européen de l’incubateur HERA.

 

 

[1] Avis du Conseil Scientifique du 12 février 2021 : « Variant Sud-Africain » 501.YV2 et départements de l’Est de la France.

[2] Kemp SA et al. SARS-CoV-2 evolution during treatment of chronic infection. 2021 Feb 5.