Rapport
Séance du 27 novembre 2001

Sur une demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, à l’émergence, après transport à distance et après mélange sous le nom de Mélange Renouveau, l’eau des captages Charles, Sans Souci, Giraudon et Say, situés sur la commune de Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme)

MOTS-CLÉS : arsenic. eau minéralisée. évaluation risque.. radon. saint-nectaire (puy-de-dôme). source charles. source giraudon. source renouveau. source sans souci. source say
KEY-WORDS : arsenic. mineral waters. radon. risk assessment.

Cl. Boudène

RAPPORT au nom de la Commission XI (Climatisme — Thermalisme — Eaux minérales) sur une demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, à l’émergence, après transport à distance et après mélange sous le nom de Mélange Renouveau, l’eau des captages Charles, Sans Souci, Giraudon et Say, situés sur la commune de Saint-Nectaire (Puy-de Dôme)

Claude BOUDÈNE Par lettre en date du 16 janvier 2001, la Direction Générale de la Santé, sous-direction de la gestion des risques du milieu, a demandé à notre Académie de réexaminer cette autorisation d’exploitation, qui a fait l’objet d’un précédent rapport le 30 novembre 1999, en prenant en compte l’évaluation du risque lié à des expositions à l’arsenic par voie cutanée pendant des durées de temps limitées d’une part, et les résultats des mesures de radon dans l’établissement thermal, ainsi que les durées quotidiennes moyennes de séjour dans l’établissement (curistes et personnel), d’autre part.

Évaluation du risque lié à la présence d’arsenic dans l’eau

En complément des informations contenues dans le précédent dossier qui ont permis la rédaction du précédent rapport du 30 novembre 1999, la DGS nous a communiqué la photocopie d’une ordonnance en date du 23/01/01, rédigée par le médecin thermal de l’établissement, d’après lequel « la plupart des curistes, soit 450 personnes, consomment 2 fois 80 g d’eau bicarbonatée calcique et sodique, soit 160 g/jour. Dans de très rares cas d’acidose et d’insuffisance rénale déja avancée, ils peuvent consommer 500 cc de ces eaux bicarbonatées par jour pour élever leur réserve alcaline ».

Compte tenu d’une concentration moyenne de cette eau en arsenic de 1 500 µg/l et d’une durée de cure annuelle de 18 jours (6 × 3) cela correspond à un apport hebdomadaire de 1 440 µg d’arsenic par semaine, dont on peut estimer que la résorption intestinale est supérieure à 90 %.

En ce qui concerne l’apport par voie cutanée, d’après la publication de T.

Dutkiewicz 1, l’immersion de la queue d’un rat Wistar dans une solution 0,01 M 1. DUTKIEWICZ T. — Experimental studies on arsenic absorption routes in rats. Environ. Hlth.

Perspect. , 1977, 19 , 173-177.

d’arsenic entraîne une résorption cutanée d’arsenic de 1,14 µg/cm2/h. Or une telle solution contient 500 fois plus d’arsenic que l’eau de Saint-Nectaire. Si l’on respecte une relation linéaire, cela correspondrait pour cette dernière à une résorption percutanée de 2,2 ng/cm2/h. On peut dès lors extrapoler cette relation à la peau de l’homme avec un certain facteur de sécurité puisque sa peau serait moins perméable que celle du rat (Casarett & Doull’s). Pour cela, si l’on se réfère aux tables utilisées par les physiologistes, on peut estimer la surface corporelle moyenne d’un individu adulte normal (1,70 m et 65 kg), tous sexes confondus, à 1,8 m2, ce qui correspondrait pour un curiste adulte à une résorption percutanée horaire d’environ 40 µg d’arsenic. Or, d’après nos informations, les bains ou douches ont une durée moyenne de 10 minutes et leur nombre est limité à quatre par jour ; cela représenterait un apport maximum en arsenic de 30 µg/j.

La somme de ces deux apports équivaudrait à une résorption totale pour un curiste de 1,62 mg d’arsenic par semaine, soit moins du double de la DHTP 2.

On peut donc estimer que, compte tenu du concept même de ce type de dose limite, elle peut être exceptionnellement dépassée, dans des proportions modérées, pour une période de 3 semaines par an, sans inconvénient pour l’organisme. Nous n’avons évidemment pas pris en compte, dans cette évaluation, l’administration occasionnelle de 500 ml de cette eau pour corriger la réserve alcaline ; pour ce faire, il appartiendra au médecin responsable du traitement de prescrire une préparation magistrale contenant la quantité équivalente de bicarbonate de sodium.

Évaluation du risque lié à la présence de radon dans l’eau et dans l’air

En raison du caractère particulier de ce risque la Commission a tenu à recueillir l’avis d’un spécialiste de l’évaluation de ce risque dont la compétence soit reconnue tant en France qu’à l’étranger. À cette fin elle a invité à participer à la discussion de ce point de l’ordre du jour le Pr. Roland Masse, membre de l’ICRP et président honoraire de l’OPRI.

Il a résulté de cette discussion que la transposition complète dans le droit national des directives fixant les limites à respecter en matière d’eaux destinées à la consommation humaine est en cours. Actuellement, les eaux de la distribution générale sont réglementées par la Directive de qualité pour l’eau de boisson publiée par l’OMS en 1994 qui précise que la limite de dose résultant de l’utilisation de ces eaux est de 0,1 mSv par an et propose des valeurs guides de 1 Bq/l pour les émetteurs β et de 0,1 Bq/l pour les émetteurs α évalués en activité totale. Le dépassement de ces valeurs guides impose de faire une étude spécifique de la dose individuelle résultante pour une consommation normalisée à 730 litres par an.

2. Bull. Acad. Natle Méd. , 2001, 185 , no 8, 1601-1603, séance du 27 novembre 2001.

Dans le cas présent, les eaux analysées par l’OPRI montrent un dépassement des valeurs guides de l’OMS d’un facteur de l’ordre de 40 pour les α et de l’ordre de 10 pour les β. La traduction en termes de dose est donc nécessaire et doit faire appel à un scénario reflétant la consommation réelle de l’eau considérée.

Quel que soit ce scénario, il est vraisemblable que la valeur de 0,1 mSv serait dépassée dans le cadre d’une consommation courante, ce qui conduit à interdire l’utilisation des buvettes publiques, qui ne sont pas placées sous contrôle médical, aux termes de l’article 30 du décret 66-450 modifié 88-521.

Il n’en est évidemment pas de même du volume de 160 ml ingérés quotidiennement, sous contrôle médical, pendant les 18 jours d’une cure annuelle et dont on peut estimer l’administration parfaitement tolérable du point de vue de la santé publique.

En ce qui concerne l’évaluation du risque lié à la présence de radon dans l’atmosphère des différents locaux de l’établissement thermal, les mesures de l’OPRI, exprimées en activités volumiques cumulées sur 63 jours soit 1 512 heures, ont une valeur maximale de 315 000 Bq/h/m3, ce qui correspond à une activité volumique moyenne de l’ordre de 200 Bq/m3, valeur qui ne justifie pas une surveillance particulière des personnels au titre de la publication no 65 de la Commission Internationale de Protection Radiologique.

Dans ces conditions, il paraît évident que ces conditions d’exposition sont a fortiori acceptables pour des curistes dont la durée de séjour quotidienne, pendant 18 jours par an, varie de 1h10 à 1h50 selon la cure.

En conclusion , la Commission XI, réunie le mardi 23 octobre sous la présidence du Pr Claude Boudène, propose à l’Académie :

— de confirmer l’avis qu’elle avait déjà exprimé dans son rapport du 30 novembre 2000 concernant la fermeture des buvettes publiques, — de maintenir la pratique de bains et de douches, au nombre habituel de quatre par jour, — de maintenir la pratique d’une ingestion quotidienne de l’eau minérale naturelle correspondant au mélange Renouveau, sous contrôle médical, en limitant sa prise quotidienne à 160 ml pendant 18 jours par an.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 27 novembre 2001, a adopté ce rapport à l’unanimité.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 8, 1601-1603, séance du 27 novembre 2001