Rapport
Séance du 17 février 2004

Sur l’évaluation de l’efficacité de la crénothérapie utilisant l’eau de la source « Ophélia » à Digne les Bains (Alpes de Haute-Provence) dans les rhinites et sinusites chroniques

MOTS-CLÉS : digne-les-bains (alpes de haute-provence).. eau minéralisée. source ‘‘ ophelia ’’
KEY-WORDS : mineral waters.

Eugène Neuzil *

RAPPORT

Au nom de la commission no XI (Climatisme, Thermalisme, Eaux minérales) sur l’évaluation de l’efficacité de la crénothérapie utilisant l’eau de la source « Ophélia » à Digne-les-Bains (Alpes de Haute-Provence) dans les rhinites et sinusites chroniques.

Eugène NEUZIL *

Par lettre en date du 25 août 2003, adressée à la Commission XI, Monsieur le Président de la Communauté des Vallées (Alpes-de-Haute-Provence) sollicite l’avis de l’Académie nationale de Médecine sur un rapport d’étude concernant le captage « Ophélia » de l’Etablissement thermal de Digne-les-Bains et sur l’utilisation de cette eau pour le traitement des affections respiratoires. Le Professeur J. Magnan, oto-rhino-laryngologiste à l’Hôpital Nord de Marseille, est l’investigateur principal de cette étude, dont les résultats font l’objet d’un mémoire rédigé par le Docteur. S. Icard et le Professeur P. Ambrosi, du Laboratoire de thérapeutique et de méthodologie des essais cliniques de la faculté de médecine de Marseille.

Historique et situation géographique

Digne (appelée traditionnellement Digne-les-Bains), chef-lieu des Alpes-deHaute-Provence, est une ville d’environ 15.000 habitants située à 110 kms au nord-est de Marseille et à 90 kms au nord-ouest de Nice ; elle occupe un emplacement important au confluent de la Bléone, des Eaux-Chaudes et du Mardaric. Dès le deuxième siècle avant J-C, les Romains firent de ce véritable verrou stratégique vers les Grandes Alpes une cité, « Dinia », dont ils exploitèrent les eaux thermales. Cette activité n’a cessé de se développer et les bains de Digne étaient déjà réputés sous l’Ancien Régime. Les thermes, après avoir changé plusieurs fois de propriétaire, ont été rachetés en 1905 par la municipalité : l’ancien centre thermal, qui datait du XVIIIe siècle, a été démoli et
remplacé par un Etablissement thermal très moderne qui a ouvert ses portes en 1983, associé à un hôtel de 80 chambres. Depuis 1991, la gérance des thermes de Digne est confiée au groupe Eurotherme . L’établissement thermal se trouve situé à 650 mètres d’altitude, dans un vallon abrité des vents, jouissant d’un climat exceptionnel avec un ensoleillement de 300 jours par an ; ouvert plus de dix mois sur douze, il accueille plus de 10.000 curistes par an.

Les eaux thermales de Digne-les-Bains

Les sources « Les Étuves » et « Saint-Robert » ont alimenté pendant longtemps l’établissement thermal de Digne. Leur contamination bactériologique a conduit à les abandonner et à les remplacer par l’eau du forage « Dinia ».

L’exploitation de ce forage a été autorisée par arrêté ministériel du 28 janvier 1993, à la suite de l’avis favorable donné dans sa séance du 3 novembre 1992 par l’Académie nationale de Médecine, qui avait adopté à l’unanimité le rapport du Professeur. Claude Laroche 1, suivi du rapport technique de G. Popoff, du Laboratoire national de la Santé. La production de la source « Dinia » s’étant révélée insuffisante et de nouveaux problèmes de contamination étant apparus, un nouveau forage profond de 861 mètres, le forage « Ophélia », a finalement donné toute satisfaction aussi bien pour la composition et la qualité des eaux que pour l’importance du débit. L’eau de la source « Dinia », réservée jusqu’à présent aux soins ORL, ne peut évidemment plus être utilisée en raison de cette pollution.

Les avis favorables donnés en 1994 pas la DRIRE, par la DDASS et par le Conseil départemental d’Hygiène, rappelés dans un nouveau rapport du professeur Claude Laroche 2, la pureté de l’eau de la source « Ophélia », en rapport avec la profondeur du forage, ainsi que la similitude d’origine et de composition chimique avec l’eau de la source « Dinia », soulignées dans l’exposé très détaillé de G. Popoff, directeur du Laboratoire national des Etudes hydrologiques et thermales, ont conduit l’Académie de Médecine à donner en 1996 un avis favorable à l’utilisation de l’eau de la source « Ophelia », en réservant son emploi à l’usage externe. Cette eau minérale naturelle n’ayant pas été employée jusqu’à présent dans l’indication « maladies des voies respiratoires », une étude d’efficacité était donc nécessaire.

1. LAROCHE C. — Sur la demande d’autorisation d’exploiter comme eau minérale naturelle, à l’émergence et après transport à distance et traitement de réchauffage ; l’eau du captage Dinia situé à Digne-les-Bains (Alpes de Haute-Provence). Bull. Acad. Natle Méd. , 1992, 176 , no 8, 1185-1201.

2. LAROCHE C. — Sur la demande d’autorisation d’exploiter comme eau minérale naturelle, à l’émergence et après transport à distance, l’au du captage Ophélia situé à Digne-les–Bains (Alpes de Haute-Provence). Bull. Acad. Natle Méd. , 1996, 180 , no 1, 231-243 (séance du 30 janvier 1996).

L’eau de source « Ophélia » dans les rhinites et sinusites chroniques

Les soins thermaux utilisant l’eau de la source « Ophélia » dispensés à l’Etablissement Thermal de Digne sont variés : ils consistent en humages, pulvérisations, aérosols soniques, bains nasaux, irrigations nasales au bock, inhalations collectives, méthode de Proetz. La cure se déroule sur 21 jours dont 18 jours de traitement, avec 5 à 6 soins quotidiens. Des examens cliniques, réalisés à J0 et à J18 par deux praticiens différents, portent sur la symptomatologie fonctionnelle (obstruction nasale, caractères de la rhinorrhée antérieure ou postérieure ainsi que sur les signes physiques (présence de sécrétions, aspect de la muqueuse nasale, des cormets et du méat moyen ; recherche de polypes éventuels). Un indice de satisfaction comportant cinq niveaux d’appré- ciation (de très amélioré à aggravé) est établi en fin de cure.

L’efficacité de cette eau thermale a été déterminée en suivant, au plus près possible, les directives données pour une évaluation contrôlée des résultats thérapeutiques 3, critères précis d’inclusion ou d’exclusion des curistes, comparaison entre un groupe de « cure immédiate » et un groupe de « cure différée », ce deuxième groupe servant de témoin. Le nombre relativement restreint de curistes atteints de rhinite ou de sinusite chronique et choisis pour l’évaluation n’a pas permis une randomisation. Les améliorations apportées par l’utilisation de l’eau de source « Ophélia » sont indiquées dans le tableau ci-dessous.

Cure

Cure différée immédiate (Témoins)

P Obstruction nasale 10/18 1/10 0.049 Rhinorrhée antérieure 11/18 0/10 0.005 Rhinorrhée postérieure 4/18 0/10 0.29 État de la muqueuse 9/18 0/10 0.02 Indice de satisfaction 18/18 0/10 <0.0001 Seule la rhinorrhée postérieure n’est pas significativement améliorée. Ces résultats sont voisins de ceux obtenus aux thermes d’Eugénie-les-Bains chez des patients atteints de sinusite chronique4.

3. BANWARTH B., BOUVENOT G., QUENEAU P. Évaluation clinique du thermalisme.

In QUENEAU P., Médecine thermale. Faits et preuves. Bonnes indications. Bonnes pratiques, 1 vol., 282 p., Collection Abrégés de Médecine, Masson, Paris 2000 ; pp. 31-35.

4. BRIANÇON S., COLLIN J.F., LOMBARD F., BOULANGÉ M. — Cures thermales versus traitement médicamenteux sur les sinusites chroniques à Eugénie-les-Bains. Journée pratique d’hydrologie thérapeutique, Médec, Paris 1993.

Après avoir pris connaissance des rapports antérieurs établis par la commission XI sur le haut niveau de surveillance de la qualité de l’eau utilisée à Digne-les-Bains pour les soins thermaux et des résultats positifs de l’expérimentation thérapeutique réalisée à l’Etablissement thermal, cette même commission, réunie le 9 décembre 2003 sous la présidence du Professeurr Claude Boudène enregistre l’effort d’évaluation clinique réalisé par la station de Digne-les-Bains.

Toutefois, elle note que cette étude ne répond que partiellement aux exigences méthodologiques requises pour évaluer l’efficacité thérapeutique de cette nouvelle orientation. Elle demande donc aux praticiens de cet Etablissement de reprendre une étude minutieuse des résultats thérapeutiques selon une méthodologie stricte répondant aux recommandations et critères de l’ANAES, et comportant, entre autres, une puissance supérieure (nombre de curistes plus élevé). Dans ces conditions et dans la seule mesure où les critères de telles études sont en cours d’élaboration, la Commission XI propose à l’Académie de donner un avis favorable à l’utilisation de l’eau thermale de la source « Ophé- lia » dans le traitement des rhinites et sinusites chroniques.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 17 février 2004, a adopté ce rapport à l’unanimité.

* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 2, 339-342, séance du 17 février 2004