Communiqué
Séance du 29 janvier 2002

Sur le dépistage du cancer colorectal

MOTS-CLÉS : dépistage systématique. hémoglobines. peroxidases.. sang occulte. tumeur colorectale
Screening for colorectal cancer
KEY-WORDS : blood, occult. colorectal, neoplasms. hemoglobins. mass screening. peroxidases.

Michel BOUREL

Communiquédépistage systématique, hémoglobines, peroxidases., sang occulte, tumeur colorectaleScreening for colorectal cancerblood, occult, colorectal, neoplasms, hemoglobins, mass screening, peroxidases.M. Bourel

COMMUNIQUÉ au nom de la Commission I (Biologie Immunologie Génétique) *

sur le dépistage du cancer colorectal screening for colorectal cancer

Michel BOUREL L’Académie nationale de médecine ayant, après étude de l’épidémiologie des cancers colorectaux, pris en compte :

— leur incidence élevée , en augmentation régulière (environ 35 000 nouveaux cas identifiés chaque année) et leur gravité (voisine de 16 000 décès annuels… soit environ une guérison sur deux) ;

— leur histoire naturelle : elle débute, dans la majorité des cas, par un état précancéreux (le polype adénomateux) avant le stade de dégénérescence du polype, puis de cancer invasif ; habituellement asymptomatique pendant une ou deux décennies, ces lésions peuvent être l’occasion de saignements non remarqués par le patient (saignements occultes), notamment lorsque la taille des adénomes dépasse 1 cm (diamètre au-delà duquel le risque de cancérisation est accru) ;

— l’existence d’un test de détection de saignement occulte dans les selles (détection de l’hémoglobine par la coloration de la résine de gaïac : le test Hemoccult® II), test d’acceptabilité aisée, non instrumental, de coût raisonnable, ayant une excellente spécificité (98-99 % de tests négatifs chez les sujets sains), mais de sensibilité moyenne (50 % de lésions observables à la coloscopie chez les sujets positifs) ce qui ne permet de dépister qu’un cancer sur deux et, de ce fait, oblige à renouveler le test au minimum tous les deux ans. Si ces conditions sont réunies, on peut prévoir que 2 % seulement de la population aura un test positif et près de la moitié des tests positifs permettra de découvrir une lésion précancéreuse à risque ou un cancer ;

* Experts invités : Pr Gérard DUBOIS (CHU Amiens), Pr Gérard DURAND (Icones Rennes),

Pr Jean FAIVRE (CHU Dijon), Pr Jacques FOURNET (CHU Grenoble), Dr Guy LAUNOY (CHU Caen), Pr Jean-Yves LE GALL (CHU Rennes).

— la démonstration faite qu’il est possible de diminuer la mortalité spécifique du cancer colorectal de 15 à 20 % en réalisant ce test de sélection tous les deux ans à la condition qu’au moins la moitié de la population concernée (sujets de 50 à 74 ans) participe au dépistage et qu’une coloscopie de détection soit faite en cas de test positif. Cette stratégie pourrait également permettre à moyen terme de diminuer l’incidence de ce cancer par l’exérèse endoscopique des lésions à risque ;

formule les recommandations suivantes :

Organiser le dépistage de masse du cancer colorectal en régions pilotes

Il pourrait se faire dès maintenant : avis favorables d’une Conférence de Consensus (1998) ou émanant de nombreux Comités d’experts (Experts cancérologues de l’Union européenne ; novembre 1999), de Comités scientifiques mis en place par la DGS, du Conseil scientifique de la Caisse nationale d’Assurance maladie des Travailleurs salariés et appel d’offres émanant du CA de la CNAMTS (décembre 2001).

Utilisant le test Hemoccult® II, ce dépistage devrait obéir aux conditions suivantes :

— limitation à la population de la tranche d’âge 50-74 ans ;

— limitation à quelques départements ou régions pilotes afin de confirmer les résultats obtenus par quatre études européennes contrôlées mais effectuées dans des conditions de recherche ;

— réalisation en deux temps :

• distribution des plaquettes Hemoccult® II par les médecins généralistes et les médecins du travail qui devraient bénéficier d’une rémunération spécifique indispensable à leur participation active et à l’information des sujets. Ce temps de distribution devra être doublé d’un envoi postal pour les sujets qui ne consultent pas. La lecture des plaquettes sera faite par des biologistes, de façon centralisée, par département ou région ;

• indication, en cas de test positif, d’une coloscopie prescrite par le médecin généraliste et effectuée par un gastroentérologue ;

— renouvellement du test tous les deux ans.

Ce dépistage devra se faire selon un programme d’organisation rigoureux et régulièrement évalué :

— information et éducation de la population et de tous les professionnels de santé par les divers médias afin d’obtenir un niveau maximum de participation ;

— information et formation des médecins généralistes et du travail par le biais de séminaires fondés sur le modèle des formations organisées par la Société nationale Française de Gastroentérologie et les professionnels de l’Institut de Veille Sanitaire ;

— établissement d’un cahier des charges sous contrôle de la DGS définissant les règles de fonctionnement général (registres, convocations, mises au point, rappels…), les règles d’évaluation, le type de structures impliquées (établissements publics, exercice libéral), le statut des centres de gestion et de lecture ainsi que leurs règles propres de fonctionnement (financement, rétribution des acteurs…).

Etablir un bilan évaluatif

Avant de s’engager dans la décision d’un dépistage de masse généralisé à toute la population, une période d’analyse des résultats enregistrés dans les régions pilotes aura permis une évaluation :

— au plan médico-économique : étude des rapports coût-bénéfice, coûtefficacité ;

— au plan épidémiologique : étude de la compliance de la population ; devenir des patients testés positifs ou testés négatifs ; pourcentage de coloscopies proposées, acceptées ; topologie et histologie des lésions ayant nécessité une exérèse ; étude de la mortalité spécifique (comparaison de survie en régions de dépistage et en régions témoins).

Promouvoir la recherche

Cette recherche, d’ordre technologique, devrait porter sur l’affinement des méthodes de détection de l’hémoglobine dans les selles :

— chimiques : leur standardisation, leur reproductibilité…

— immunochimiques : utilisant un anticorps anti-hémoglobine humaine ; elles ont l’avantage d’une rigoureuse spécificité et sans doute d’une plus grande sensibilité.

— biologiques moléculaires : détection dans les selles de mutations significatives du gène APC ( adenomatous polyposis coli ).

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 29 janvier 2002, a adopté le texte de communiqué.

 

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Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 1, 205-208, séance du 29 janvier 2002