Cette note s’inscrit dans la continuité de la réflexion que conduit l’Académie nationale de médecine sur la formation des médecins. Elle fait suite à quatre rapports de la commission XV ( anciennement Commission XIV ) consacrés à la formation des médecins : «
Désaffection pour les carrières hospitalouniversitaires » (14/11/2000) ; « Recommandations pour l’avenir des Centres hospitalo-universitaires » (17/06/2003) ; « Recommandations pour la formation initiale des étudiants en médecine » (4/10/2005) ; « Organisation des Études de Médecine, Pharmacie, Odontologie et Maïeutique dans le cadre du système européen LMD »(24/01/2006).
Les réflexions qui suivent concernent très précisément l’admission des étudiants en première année de formation (L1) et la sélection qui se fait actuellement en fin de première année. Il s’agit bien de mettre en place les conditions permettant d’éviter qu’un contingent six à sept fois supérieur aux possibilités concrètes d’un enseignement de qualité et aux besoins reconnus ne s’engage à tort en première année de formation. Il convient de diminuer ce nombre excessif d’étudiants qui s’engagent actuellement en première année, afin de permettre un véritable enseignement de qualité, de reconnaître les étudiants les plus aptes et les plus motivés aux professions de santé avant l’actuel barrage de fin de première année, d’ajuster le nombre des candidats admis en première année au numerus clausus actuellement appliqué en fin de première année .
Cette préoccupation est constatée dans les pays comparables à la France.
Pour ne considérer que l’Europe, le contrôle du flux des étudiants entrant dans une formation repose sur le relevé des notes obtenues pendant la ou les deux dernières années d’études secondaires (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie, Portugal, Pologne, Danemark, Norvège), données complétées par un examen classant (Espagne, Italie, Portugal) ou un entretien associé à des épreuves psychométriques et des test d’aptitude aux professions médicales (Royaume-Uni, Allemagne, Suisse). En Belgique et en Grèce, le résultat à un examen classant spécifique est seul à intervenir.
Dans ce contexte, trois ordres de mesures sont proposés :
La première année doit permettre une formation réelle préparant les étudiants à un examen classant permettant l’orientation définitive vers la médecine, la pharmacie, l’odontologie et la maïeutique. Cette première année est donc conforme aux dispositions européennes de la réforme LMD.
Les jeunes en fin de scolarité doivent tous pouvoir disposer d’une information bien documentée et objective sur les professions de santé :
la médecine, mais aussi la pharmacie, l’odontologie et la maïeutique.
Il faut que le choix du jeune étudiant repose d’une part sur une information complète et précise sur les particularité de la formation des étudiants en médecine et celle des autres professions de santé, sur l’originalité et la grande variété des différentes formes d’exercice de la médecine et sur les contraintes propres à chacune d’entre elles, d’autre part sur un attrait authentique pour ces diverses professions. L’accès à une formation aux professions de santé ne doit plus être la conséquence passive d’aptitudes moyennes dans les matières scientifiques comme dans les matières littéraires.
Pour assurer cette information efficace, il faut favoriser toutes les initiatives qui contribuent à mettre très tôt les jeunes lycéens en contact avec des professionnels de la santé (conférences d’information, préstages dans des centres médicaux et sociaux). Une information plus générale et plus complète, facile à diffuser largement (cdrom et/ou site Internet dédié) devrait être mise en place.
Ces supports d’information pourraient être réalisés par les Académies de chacune des professions de santé, sous le contrôle de la Conférence des Doyens.
Accorder une place déterminante à l’examen individuel de chaque candidat
Cette évaluation, confiée à plusieurs universitaires appartenant aux facultés de santé, reposera sur :
— l’examen détaillé des résultats scolaires obtenus les trois dernières années (leur importance est démontrée régulièrement par la cohérence entre le niveau obtenu aux examens des études secondaires et les résultats au concours de P1). Il permettra de s’assurer d’un niveau suffisant dans les matières considérées comme nécessaires au succès des études médicales et/ou de santé en général ;
— la connaissance des résultats obtenus à des tests psychométriques et des test d’évaluation de l’aptitude aux études des professions de santé qui devront être réalisés avant l’entretien individuel. Ces moyens d’orientation ont fait partout en Europe la preuve de leur efficacité.
— un entretien libre d’une durée suffisante pour juger de la motivation du candidat. Cet échange pourrait être l’occasion d’évoquer l’intérêt de professions paramédicales, souvent mal connues, et qui constituent pourtant un recours naturel si le candidat ne peut pas être orienté vers son premier choix.
— une attention particulière sera accordée aux candidats ayant reçu une formation littéraire. Une épreuve rédactionnelle affectée d’un coefficient élevé serait utile. La recommandation d’une formation scientifique complé- mentaire préalable à l’inscription en première année pourrait être proposée.
Cette évaluation, réalisée dans les mois qui précèdent l’entrée éventuelle dans la filière de formation, permettrait de restreindre l’accès à cette première année de formation à la fois aux étudiants les plus aptes à une profession de santé, quelle que soit leur formation scientifique ou littéraire antérieure et aux étudiants les plus motivés pour entreprendre des études longues et difficiles. Le concours de fin de première année aurait alors pour objectif essentiel l’orientation des étudiants vers l’une des quatre formations, la médecine, la pharmacie, l’odontologie ou la maïeutique. Les rares étudiants qui ne satisferont pas aux exigences de cet examen classant seront orientés vers une formation paramédicale. Ceux ayant obtenu la moyenne à cet examen de fin de P1 conserveront le titre de licencié L1, facilitant l’accès à un IUT.
Au total, l’Académie nationale de Médecine, suivant les propositions de la Commission XV et de son groupe de travail sur les Études médicales, dans la continuité de ses recommandations antérieures, soulignant l’urgence d’apporter une solution satisfaisante humainement et économiquement à la sélection des étudiants en fin de P1 (L1) telle qu’elle est réalisée actuellement, propose les éléments d’un dispositif qui devrait permettre d’améliorer la situation, sans compromettre le niveau des étudiants orientés vers les professions de santé.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 24 juin 2008, a adopté le texte de ce communiqué avec deux voix contre et onze abstentions.
* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine
Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 6, 1229-1231, séance du 24 juin 2008