Par lettre en date du 19 décembre 2008 (reçue début février 2009), la Direction générale de la santé sollicite l’avis de l’Académie nationale de médecine pour avis en application de l’article R. 133-39 du code du tourisme.
D’après les articles L 2231-1 et suivants du Code général des collectivités locales, il est notifié que peuvent être érigées en stations classées les communes, fractions de communes, groupes de communes qui offrent, soit :
— un ensemble de curiosités naturelles, pittoresques, historiques ou artistiques, — des avantages résultant de leur situation géographique ou hydrominéralogique, de leur climat ou de leur altitude, tels que ressources thermales, balnéaires, maritimes, sportives ou uvales.
Ce texte réglementaire a pour objet de faciliter la fréquentation de la station, de permettre son développement par des travaux d’équipement et d’entretien relatifs, notamment, à la conservation des monuments et des sites et à l’assainissement, d’embellir ou améliorer les conditions d’accès, de séjour ou de circulation. En fait, si la réglementation ne précise pas les critères d’éligibilité, la jurisprudence en évoque quatre : un plan local d’urbanisme, l’existence d’un office du tourisme, un hébergement convenable (75 chambres au moins en hôtellerie classée) et surtout des conditions sanitaires irréprochables.
Ce classement confère à la commune un certain nombre d’avantages dont un sur-classement démographique, une majoration de l’indemnité du Maire et de ses adjoints, une perception directe de la taxe sur les droits de mutation et la possibilité d’implantation d’un casino.
Le dossier doit être définitivement adopté avant le 3 Mars 2009.
Exposé du dossier et historique
Rochefort-sur-Mer, sous-préfecture de Charente-Maritime de 26 000 habitants, se situe dans un méandre de la Charente, à une dizaine de kilomètres de l’océan Atlantique et à une altitude de 60 mètres.
Des soins thermaux ont été dispensés à Rochefort au e XIX siècle dans le cadre de l’hôpital de la marine pendant une trentaine d’années et arrêtés en 1896 en raison des dépôts qui avaient fini par obstruer le captage. En effet, un forage à la recherche d’eau potable fait dans cet hôpital en 1860 avait trouvé une eau trop minéralisée [1].
Les thermes actuels ont été construits à une centaine de mètres de cet hôpital dans les années soixante et complètement rénovés en 1985. Ils sont alimentés en eau thermale par deux forages captant l’aquifère du Lias dolomitique protégé par une épaisse couverture marno-calcaire de 750 m :
• le forage dénommé « source Blondel » réalisé en 1989 et profond de 855 m, • le forage dénommé « source Empereur » (forage F3) terminé en avril 2000, profond de 848 m et à 150 m du précédent.
Ces deux sources, eaux de même profil physico-chimique provenant du même aquifère autorisent leur mélange et sont ainsi exploitées sous le nom « Clerville ». Elles sont hyperthermales (42°) sulfatées sodiques et calciques, riches en chlorures, strontium et fer. Elles contiennent également des fluorures (3 mg/l) du lithium (1,2 mg/l) et de l’arsenic (67 g/l). Aussi, la buvette est placée en unité de soins et ne peut être consommée que sur prescription médicale.
Cette station thermale bénéficie aujourd’hui de quatre orientations : rhumatologie, phlébologie, dermatologie et affections des muqueuses bucco-linguales.
L’agrément des sources et des indications thérapeutiques a fait l’objet de décisions ministérielles, après consultation et avis de l’Académie nationale de médecine le 13 juin 1995 [2] pour la source « Blondel » et le 11 janvier 2005 [1] pour la source « Empereur ». Recevant 12 000 curistes par an, elle est la neuvième station thermale française en fréquentation et est gérée depuis 1982 par l’un des plus importants groupes français d’exploitants thermaux (Eurothermes).
L’instruction de ce dossier a débuté en 1988 et a été très longue tant du côté de la mise aux normes de l’alimentation en eau potable de la ville (avec l’établissement d’un périmètre de sécurité, son assainissement, la collecte des déchets que du côté de l’établissement thermal avec l’abandon, en 2002, d’un forage (source Empereur F1) datant de 1952 et de son obturation définitive.
Situation actuelle
Les thermes disposent de trois services, rhumatologie, dermatologie et phlé- bologie. Entre les années 2004 et 2008, la fréquentation a oscillé entre 11 943 et 13 787 curistes, en constante augmentation sur les cinq années, dont les trois quarts sont représentés par la rhumatologie. L’environnement médical est riche avec 45 médecins généralistes (dont 11 sont titulaires d’une Capacité en hydrologie), trois rhumatologues, un dermatologue, deux pédiatres, etc. (guide du thermalisme 2008). La ville dispose d’un hôpital de 469 lits datant de 1972 et en remplacement de celui-ci, un nouvel hôpital de 278 lits sera livré en 2011.
L’avis favorable du Conseil supérieur d’hygiène publique de France à la demande de classement de la ville, en date du 6 février 2007, était sous condition de lever trois réserves d’ordre sanitaire :
• la mise en œuvre du suivi bactériologique des boues de curage des lagunes et des composts, • le remplacement des branchements en plomb et l’information des habitants à ce sujet, • le rebouchage du puits abandonné par cimentation et selon les règles de l’art.
Les uniques pièces fournies par la DGS correspondent à ces dossiers.
Les travaux concernant l’aménagement d’une plate-forme de compostage sont terminés (en cours de réception) permettant un suivi bactériologique régulier.
Le remplacement des branchements plomb a débuté en 2003 : 837 sur 1 162 ont été réalisés ; un échéancier est donné jusqu’en 2012 pour en terminer la réhabilitation. Quant à l’obturation du puits « Empereur » F1, la réception des travaux a eu lieu le 24 février 2009.
Les trois points soulevés sont donc traités.
Il a été notifié des avis favorables du Ministère du tourisme le 10 novembre 2008, la commune disposant d’un office de tourisme classé, d’une capacité en hôtellerie classée supérieure à 75 chambres et de documents d’urbanisme approuvés ; du Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des collectivités territoriales le 20 janvier 2009 et le 15 janvier 2009 du préfet de CharenteMaritime.
Sur le plan sanitaire, la mairie a tenu compte des réserves émises par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France et a effectué les travaux demandés.
CONCLUSION
Au total, compte tenu des efforts de la municipalité pour améliorer la situation sanitaire, l’hygiène publique et l’alimentation en eau et vu la présence de l’établissement thermal dont les eaux ont été validées par l’Académie nationale de médecine, la Commission XII, placée sous la présidence du Professeur Claude Boudène, propose à l’Académie nationale de médecine d’émettre un avis favorable au classement la commune de Rochefort-sur-Mer en station hydrominérale.
La commission XII a accordé cet avis unanimement favorable en tenant compte du fait qu’il ne s’agit ni d’une nouvelle eau, ni d’une demande de nouvelle orientation ou de nouvelle technique. Elle exprime cependant le regret qu’aucune étude clinique ne figure dans le dossier.
BIBLIOGRAPHIE [1] Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 1, séance du 11 janvier 2005.
[2] Bull. Acad. Natle Méd., 1995, 179, no 6, séance du 13 juin 1995 *
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Il n’est procédé à aucun vote sur ce rapport du fait que l’ancienne procédure sollicitant un avis de l’Académie nationale de médecine est devenue caduque à la date du 3 mars 2009 (Décret no 2008-884 du 2 septembre 2008 relatif aux communes touristiques et aux stations classées, publié au Journal Officiel du 3 septembre 2008).
* Membre de l’Académie nationale de médecine ** Docteur en médecine, spécialiste en nutrition et médecine thermale. Maîtrise en ethnologie à Paris X — Nanterre
Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 3, 777-780, séance du 24 mars 2009