Rapport
Session of 25 février 2003

Sur la demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau des captages « Les Cuirassiers » et « St Arbogast » situés sur la commune de Morsbronn-les-Bains (Bas-Rhin)

MOTS-CLÉS : eau minéralisée. morsbronn-les-bains (bas-rhin). sources les cuirassiers et saint-arbogast.
KEY-WORDS : france.. mineral waters

E. Fournier

RAPPORT au nom de la Commission XI (Climatisme — Thermalisme — Eaux minérales)

Sur la demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau des captages « Les Cuirassiers » et « St Arbogast » situés sur la commune de Morsbronn-les-Bains (Bas-Rhin).

Étienne FOURNIER Par lettre du 16 septembre 2002, la direction Générale de la Santé, en application du décret du 28 mars 1957, soumet à l’examen de l’Académie nationale de médecine le dossier des sources Argobast et les Cuirassiers situées à Morsbronn-les-Bains (Bas-Rhin). La Commission thermalisme a examiné le dossier le 10 décembre 2002 sous les présidences de MM. les professeurs Claude Laroche et Claude Boudène.

Le dossier comprend le descriptif détaillé du site, des moyens d’exploitation, — pompes, tuyaux et transfert à l’établissement — l’avis de la DRIRE, de la DDASS et du Conseil Départemental d’Hygiène, le dernier renouvellement d’exploitation datant du 22 février 1996.

Les conditions géologiques sont précises, les pompages se faisant à la profondeur de 300 m sous un couche de marnes imperméables. Le périmètre d’exploitation est vaste, protégé et sans polluants : les eaux des deux sources sont mêlées pour approvisionner l’établissement.

Des contaminations occasionnelles par Pseudomonas pneumophilae et Listeria pneumophilae ont été notées en 1993 aux points d’utilisation. L’installation a été modifiée et contrôlée.

La composition minérale des eaux de pompage est connue, pratiquement constante. Sa salinité est élevée (6 g de résidu sec par litre). L’eau est chlorurée sodique, contient du fer, du manganèse, du strontium, pas de
nitrates, pas de nitrites ni d’hydrocarbures, de l’arsenic à un taux notable (1,98 mg/L).

La discussion d’une toxicité éventuelle de l’eau utilisée par voie orale est sans objet car d’une part il s’agit d’une eau rapidement louche et jaunâtre à l’air, de goût salé et métallique, éminemment non potable et, d’autre part, l’établissement ne comprend que des piscines et des baignoires, sans buvette, sans distribution publique.

Concernant le risque d’intoxication potentielle par inhalation de brouillards, les jaccousis et les autres inhalations thérapeutiques par jets ou brumisation ont été supprimés.

Seule la présence d’éléments radioactifs doit être examinée.

Le rapport OPRI concernant les eaux des deux sources indique une grande similitude et quelques différences mineures touchant les types d’atomes et leur radioactivité :

Présence de potassium naturel, présence des isotopes 234 et 238 de l’Uranium naturel en déséquilibre, présence de Radium 226.

Aucune activité significative en Plomb 210 et en Radium 228 n’a été mesurée au-dessus des limites de détection.

Elément important, les activités alpha globale et bêta globale résiduelle sont supérieures aux valeurs guide respectivement de 0,1 Bq/L et 1 Bq/L, recommandées par l’OMS.

Nous notons aussi quelques différences : la présence à un taux plus élevé de Radon dans l’eau de la source des Cuirassiers et la présence à un taux plus élevé de Thorium 228 dans l’eau de la source St Arbogast.

Ces différences s’expliquent par les fluctuations dans les équilibres entre Radium 226 et ses descendants, ainsi qu’entre les isotopes naturels de l’Uranium.

Selon les dosages présentés, les taux visés de Radon (19 fi 3 pour les Cuirassiers et moins de 20 pour St Arbogast) ne peuvent être tenus pour formellement différents.

De même les taux de Radium 226 (0,32 fi 0,05 pour les Cuirassiers et moins de 20 pour St Arbogast) ne peuvent être tenus pour formellement diffé- rents.

Pour donner une idée de la dangerosité potentielle : la dose efficace induite pour une consommation de 730 L/an (2 L/J) calculée par l’OPRI en admettant que cette eau soit une eau de boisson quotidienne, serait pour chacune des deux sources, de l’ordre de 0,40 mS/an.

Ces résultats sont à mettre en regard de la valeur paramétrique de 0,1 mS/an prescrite dans la Directive d98/83 CE du 3 novembre 1998.

Cette évaluation indique qu’une durée de cure de trois mois avec consommation orale de deux litres d’eau par jour rejoindrait les normes communautaires.

Or l’activité de l’Etablissement ne comprend qu’une absorption orale potentielle très minime au cours des bains.

Conséquences pratiques pour l’établissement :

— en raison de la présence d’atomes radioactifs, les malades cancéreux ou présentant un risque élevé de cancers ne sont pas admis, par précaution, depuis plusieurs années ;

— compte tenu des études déjà connues sur l’absorption percutanée des contaminants — radioactifs ou non — de l’eau utilisée, cette absorption peut être considérée comme minime pendant une cure sans aucun effet néfaste médicalement appréciable sur la Santé Humaine. La Commission propose de donner un avis favorable à l’exploitation, sur le mode actuel, des sources Les Cuirassiers et Saint Argobast , à Morsbronn-les-

Bains ;

— le taux de radioactivité dans l’air ambiant et l’absorption imposée au personnel permanent doivent être contrôlés selon les normes en vigueur pour un poste de travail.

Concernant l’exposition au Radon 222, il est indiqué qu’il s’agit d’un gaz à période courte (3,8 jours) et que l’eau subit un dégazage partiel. Ce terme est imprécis. La recommandation de sécurité sanitaire peut être précisée par contrôle régulier de la teneur en Radon 222 dans les salles de cures et aux recommandations de mesures de précaution pour le personnel, en particulier l’interdiction de fumer, l’association tabagisme et exposition au Radon ayant été étudiée et jugée défavorable.

En conclusion générale les sources Les Cuirassier s et Saint Argobast peuvent être exploitées. La teneur en Radon des atmosphères de cure et de travail doit être précisée par des dosages effectués à intervalle régulier.

Utilisation comme eau minérale naturelle en vente libre — L’eau des sources

Les Cuirassiers et Saint Argobast ne peut être considé- rée comme potable du simple point de vue organoleptique.

— Le taux des sels minéraux, dont celui des fluorures, est trop élevé pour accepter le produit comme une boisson d’appoint substituée à l’eau potable.

— Le taux d’arsenic, proche de deux milligrammes par litre, est très supé- rieur à la norme acceptable pour une eau de boisson, norme inférieure à 0,1 mg/L.

En conclusion, l’absorption d’eau des sources

Les Cuirassiers et Saint Argobast ne pourrait être proposée par voie orale qu’après des études complètes au titre d’un produit nouveau à effet thérapeutique éventuel.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 25 février 2003, a adopté ce rapport à l’unanimité.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 2, 439-442, séance du 25 février 2003