Communication scientifique
Session of 25 février 2003

Contrôle nerveux central de l’érection

MOTS-CLÉS : érection pénis. hypothalamus.. moelle épinière. système nerveux autonome. voies efférentes
Central neuronal regulation of penile erection
KEY-WORDS : autonomic nervous system. efferent pathways. hypothalamus.. penile erection. spinal cord

J-P. Rousseau, O. Rampin, F. Giuliano

Résumé

L’érection résulte de l’activation d’un centre médullaire segmentaire constitué de deux niveaux : un étage effecteur proérectile représenté par les noyaux de la moelle sacrée qui sont à l’origine des voies efférentes végétatives, parasympathiques destinées au pénis et des voies efférentes somatiques destinées aux muscles striés périnéaux. Par ailleurs, puisque le tonus sympathique est responsable de la flaccidité de la verge en contractant les artérioles terminales du pénis et les cellules musculaires lisses du tissu érectile, des noyaux sympathiques thoracolombaires participent aux mécanismes qui vont être responsables de la levée de ce tonus, afin de permettre l’efficacité complète des mécanismes proérectiles. Cet étage effecteur est assujetti à un niveau segmentaire d’intégration : les réseaux d’interneurones qui parce que nourris des informations afférentes d’origine périphérique véhiculées par les fibres végétatives et somatiques issues de la sphère génitale et périnéale, sont capables d’organiser une réponse érectile réflexe. Ce centre médullaire est toutefois sous la dépendance d’influences suprasegmentaires descendantes dont les plus directes sont issues de la région bulbopontique et de l’hypothalamus (noyau paraventriculaire et aire préoptique médiane). Ces structures sont vraisemblablement impliquées pour déclencher l’érection dans le cadre des réponses intégrées de l’organisme qui caractérisent le comportement sexuel. En recevant également les informations ascendantes issues de la sphère génitale, elles peuvent en assurer le renforcement. La mise en évidence de médiateurs impliqués à certains niveaux de la circuiterie est évoquée.

Summary

Penile erection is caused by a change of the activity of efferent autonomic pathways to the erectile tissues and of somatic pathways to the perineal striated muscles. The sympathic outflow is mainly antierectile, the sacral parasympathic outflow is proerectile and the pudendal outflow, through contraction of the perineal striated muscles, enhances an erection already present. Spinal neurones controlling erection are activated by afferents from the genitals. It is likely that these primary afferents do not directly stimulate the spinal sympathetic, parasympathetic and somatic nuclei, but do through spinal interneurones. This spinal network is able of integrating information from periphery to elicit reflexive erections. It also receives supraspinal descending pathways from pons and hypothalamic nuclei, among the latter, the paraventricular nucleus and the medial preoptic area. These structures are likely involved to regulate penile erection in more integrated and coordinated responses occurring during sexual behavior. By receiving ascending projections from the spinal level which convoy informations from genitals, they could reinforce penile erection. Role of putative neuromediators or regulatory peptides is evoked.

INTRODUCTION

L’augmentation de la pression intracaverneuse observée au cours de l’érection résulte de phénomènes végétatifs et somatiques [1]. La chute de la résistance vasculaire des parois des artères caverneuses et hélicines dans le pénis autorise l’augmentation du débit sanguin dans les artères caverneuses. Le relâchement des cellules musculaires lisses qui constituent les parois des lacunes des corps caverneux permet alors la tumescence. Le gain en volume et en pression des corps caverneux assure la compression du réseau veineux localisé entre les corps et la tunique albuginée, réduisant considérablement le drainage du sang hors du pénis. Cette hémodynamique locale ainsi que l’état du tonus musculaire des parois lacunaires sont sous la dépendance du système nerveux autonome. Des phénomènes somatiques sont également impliqués, puisque les muscles ischiocaverneux et bulbospongieux qui enveloppent en partie les corps érectiles, participent aux mécanismes de l’érection [2]. Leur contraction propulse le sang de la partie proximale vers la partie distale des corps érectiles et provoque une augmentation considérable de la pression intrapénienne pendant l’érection, qui détermine une plus grande rigidité indispensable à l’intromission chez certaines espèces animales.

L’érection est donc le résultat de la mise en jeu d’une commande centrale véhiculée de façon ordonnée par des efférences végétatives, les nerfs pelviens et caverneux à destination du pénis et des efférences somatiques, les nerfs honteux innervant les muscles périnéaux. La méthode la plus efficace pour obtenir une augmentation de la pression intracaverneuse chez l’animal anesthésié est en effet de stimuler électriquement les nerfs pelviens ou caverneux. Des stimulations des aires périnéales, de la verge, du gland déclenchent des érections réflexes par l’intermédiaire de fibres afférentes que l’on peut considérer comme somatiques, comme celles courant dans le nerf dorsal du pénis. D’autres afférences, végétatives, issues des corps caverneux ou de l’urètre, provoquent aussi des érections réflexes ; ceci est parfaitement démon-
tré par l’obtention d’une réponse érectile consécutive à la distension de l’urètre proximal. Les stimulations appliquées à la région génitale ne sont cependant pas les seules à provoquer l’érection ; la présentation de rattes en oestrus à des rats, en l’absence de tout contact physique, déclenche une érection chez ceux-ci [3]. Les stimulations visuelles, olfactives générées par le partenaire sexuel, la vue de scènes érotiques, les représentations mentales sont efficaces. Il existe donc un niveau suprasegmentaire capable d’intégrer ces types d’informations, dont la sortie se projette sur le niveau segmentaire, essentiellement la moelle sacrée, pour que l’acte soit biologiquement efficace. Le but de cette communication est de rappeler nos connaissances sur l’organisation de ces deux niveaux et d’explorer leurs relations.

LES ÉTAGES SEGMENTAIRES : MOELLE SACRÉE ET THORACOLOMBAIRE

Le recrutement des fibres sensitives en provenance des organes génitaux, lors de la rétraction de la gaine du pénis, de la masturbation ou de la stimulation du nerf dorsal du pénis déclenche des érections réflexes. Chez le rat éveillé, on enregistre alors une augmentation des pressions intraspongieuse et intracaverneuse et une activité des muscles striés périnéaux : sur une phase en plateau de la pression intracaverneuse dont la valeur reste en dessous de la pression systolique, se produit une série de brefs pics de pression, suprasystoliques, correspondant à l’activation phasique des muscles ischiocaverneux et bulbospongieux [4, 5]. Les afférences d’origine pénienne sont donc capables d’activer les efférences végétatives et somatiques permettant l’expression de la réponse érectile. Toutefois, leur implication semble plus déterminante chez le rat que chez le singe ou le lapin. La persistance de ces réponses réflexes après la section de moelle en T8, donc au-dessus des étages sympathique thoracolombaire et parasympathique sacré, confirme bien la réalité d’un niveau segmentaire capable d’organiser la réponse physiologique, lorsqu’il reçoit des informations d’origine périphérique (Fig. 1).

La moelle sacrée

La stimulation électrique des racines sacrées, des nerfs pelviens ou des nerfs caverneux provoque, chez le rat éveillé ou anesthésié, selon les types d’enregistrement, une érection visible, une augmentation du volume de la verge ou de la pression intracaverneuse [6-8]. Chez l’Homme, la stimulation peropératoire du nerf caverneux induit l’érection [9]. Les neurones moteurs impliqués dans l’érection sont les neurones préganglionnaires parasympathiques. Ils ont leur corps cellulaire localisé dans la corne intermédiolatérale au niveau des segments L6-S1 et constituent le noyau parasympathique sacré (NPS). Ils envoient leur axone dans les nerfs pelviens et font relais dans les ganglions pelviens majeurs d’où naissent les nerfs caverneux constitués de fibres postganglionnaires (Fig. 2). Ces dernières libèrent dans le pénis du monoxyde d’azote responsable du relâchement musculaire [10]. Les neurones pré-

FIG. 1. — Schéma général des voies négatives parasympathiques et sympathiques et des voies somatiques pelviennes impliquées dans l’érection.

FIG. 2. — Représentation schématique du niveau segmentaire impliqué dans le contrôle de l’érection.

ganglionnaires sont cholinergiques et contiennent aussi des peptides comme la dynorphine, la somatostatine ou la substance P ; les techniques de double marquage montrent qu’ils sont au contact de terminaisons peptidergiques (substance P, calcitonine gene-related peptide, ocytocine, neuropeptideY) et sérotonergiques. Toutefois, rien ne prouve que de tels neurones ainsi immunologiquement identifiés soient la voie finale impliquée dans l’érection car des neurones du NPS innervent aussi la vessie et d’autres viscères pelviens. Il est donc essentiel d’identifier ceux qui sont moteurs de l’érection. L’injection dans les corps caverneux d’un traceur rétrograde permet de ne détecter que les neurones postganglionnaires du ganglion pelvien majeur. Il faut utiliser un traceur transneuronal comme le virus de la pseudorage (souche Bartha atténuée du virus de la maladie d’Aujeszki, utilisé en neuroanatomie pour ses propriétés neurotropes) pour marquer les neurones du NPS d’intérêt [11].

Un second marquage par un anticorps dirigé contre un peptide permet de vérifier si ces neurones reçoivent des connexions caractéristiques de ce peptide. Un double marquage de ce type montre ainsi dans la moelle sacrée que des fibres ocytocinergiques, bien qu’éparses, font synapse avec des neurones préganglionnaires moteurs de l’érection [12]. Récemment, il a été démontré que l’injection intrathécale d’ocytocine en regard de la moelle sacrée déclenche des érections chez le rat anesthésié [13]. Un très grand nombre de neurones du NPS sont au contact de varicosités sérotonine-immunoréactives. Les techniques autoradiographiques ont permis d’établir une carte des différents types de récepteurs de la sérotonine [14] . Elles montrent un abondant marquage des sites de liaison de la sérotonine aux récepteurs des sous-types 5-HT1A, 5-HT1B et 5-HT2 [12, 14, 16]. On n’a pas de preuve directe qu’il s’agit de neurones impliqués dans l’érection ; toutefois un agoniste des récepteurs 5-HT2C administré par voie intraveineuse augmente l’activité spontanée des nerfs caverneux et non celle des nerfs de la vessie [17]. Il existe donc aussi un contrôle sérotonergique des neurones du NPS impliqués dans la commande de l’érection. Les études électrophysiologiques, quant à elles, restent globales, mais ne manquent pas d’intérêt : on vérifie si l’injection d’antagonistes d’une catégorie de récepteurs modifie la réponse érectile réflexe déclenchée par la stimulation des afférences issues du pénis. Un antagoniste des récepteurs NMDA glutamatergiques provoque la diminution de cette réponse réflexe chez des rats spinalisés, laissant supposer l’existence, au niveau segmentaire, d’un maillon glutamatergique entre les afférences périphériques et les neurones efférents. Les sous-types NMDA et AMPA des récepteurs du glutamate sont effectivement présents dans les réseaux de neurones spinaux sacrés contrôlant les organes pelviens [18, 19]. Il manque une approche électrophysiologique cellulaire pour préciser si ce type de connexion affecte directement les neurones préganglionnaires ou des interneurones situés plus en amont ; rien ne prouve en effet que les afférences périphériques attaquent les premiers de façon monosynaptique. Ce type d’approche permettrait aussi d’identifier les médiateurs auxquels ils sont sensibles.

La stimulation des nerfs honteux provoque la contraction des muscles bulbospongieux et ischiocaverneux. Actifs pendant l’érection, ces muscles assurent une aug-
mentation de la rigidité du pénis et de la pression intracaverneuse, mais à eux seuls n’induisent pas l’érection. Les fibres efférentes qui courent dans ces nerfs ont leur corps cellulaire dans la corne ventrale de la moelle sacrée (noyau d’Onuf chez le singe et le chat), dans les noyaux dorsomédian et dorsolatéral au niveau de la moelle L5-L6 chez le rat [20]. Ces motoneurones sont cholinergiques et on observe dans leur voisinage d’abondantes fibres à met-enképhaline, substance P, somatostatine, noradrénaline et sérotonine [21, 22].

Motoneurones honteux et neurones parasympathiques sacrés constituent l’étage efférent dont l’activation induit la réponse érectile (Fig. 2). Chez le rat anesthésié, on peut effectivement mimer ce type de réponse complexe lorsque pendant la stimulation du nerf caverneux, on pratique celle des nerfs honteux. Les neurones effecteurs ne reçoivent pas directement les afférences d’origine périphérique, lesquelles se projettent sur un réseau d’interneurones spinaux (Fig. 2). La commissure grise dorsale constitue vraisemblablement cet étage d’intégration. C’est la région qui reçoit effectivement les afférences périphériques puisque des neurones de la commissure grise sont activés par la stimulation du nerf dorsal du pénis [23]. Elle contient des neurones synthétisant des peptides, au voisinage desquels sont observées des fibres peptidergiques (VIP, substance P, ocytocine etc.) et aminergiques (noradré- naline, sérotonine).

La moelle thoracolombaire : les noyaux sympathiques

Les fibres efférentes sympathiques préganglionnaires à destination des viscères de l’abdomen et de la cavité pelvienne et de leur vascularisation ont deux origines différentes (Fig. 1). Un premier groupe ont leur corps cellulaire dans la colonne intermédiolatérale des derniers étages thoraciques et des premiers étages lombaires de la moelle ; à leur sortie, elles empruntent la chaîne sympathique paravertébrale et y font relais (voie paravertébrale). Les fibres postganglionnaires qui atteignent le pénis quittent la chaîne paravertébrale au niveau sacré et empruntent les nerfs honteux. Un second groupe ont leur corps cellulaires localisés dans la commissure grise des niveaux L1-L2 chez le rat ; elles font relais avec des neurones postganglionnaires des ganglions prévertébraux, dont les axones courent dans les nerfs hypogastriques (voie prévertébrale). La stimulation de la voie sympathique paravertébrale, en provoquant une vasoconstriction locale et la contraction des fibres musculaires lisses des parois lacunaires dans les corps caverneux, a des effets anti-érectiles [24, 25]. En revanche la stimulation des nerfs hypogastriques (voie prévertébrale) donne des résultats divers selon l’espèce animale et les modalités expérimentales. Ceux-ci suggèrent que des fibres dont les effets sont opposés, seraient présentes dans les nerfs hypogastriques. Des études rapportent la possibilité d’érection après lésion de la moelle sacrée, lésion qui démasquerait l’action possible de fibres proérectiles courant dans ces nerfs et rejoignant les nerfs caverneux au-delà du plexus pelvien. On peut également supposer la mise en jeu réflexe de ce contingent, consécutive à des stimulations génitales, qui aurait pour conséquence un renforcement de l’érection.

Les neurones préganglionnaires sympathiques sont cholinergiques, l’acétylcholine étant colocalisée avec le monoxyde d’azote ou différents neuropeptides parmi lesquels on peut citer les enképhalines, la substance P, la neurotensine, la somatostatine. Leurs corps cellulaire sont au voisinage de fibres peptidergiques et glutamatergiques.

Schématiquement, la moelle épinière contient donc un niveau effecteur : les noyaux qui sont à l’origine des voies efférentes végétatives, parasympathiques et sympathiques, destinées au pénis et des voies efférentes somatiques destinées aux muscles striés périnéaux. Ce niveau est assujetti à un niveau segmentaire d’intégration : les réseaux neuroniques nourris des informations afférentes d’origine périphérique véhiculées par les fibres végétatives et somatiques issues de ces organes. Par ailleurs, puisque le tonus sympathique est responsable de la flaccidité de la verge en contractant les artérioles terminales du pénis et les cellules musculaires lisses du tissu érectile, ce centre segmentaire de l’érection participe aux mécanismes qui vont être responsables de la levée de ce tonus, afin de permettre l’efficacité complète des mécanismes proérectiles. Toutefois, les érections réflexes sont modulées par les niveaux suprasegmentaires ; la transsection médullaire les améliore, suggérant l’existence d’un contrôle inhibiteur supramédullaire. Des influences excitatrices doivent être aussi évoquées, puisque le bloc de la conduction des voies entre le cerveau et la moelle déprime ces réponses.

LES ÉTAGES SUPRASEGMENTAIRES : CONTRÔLE SUPRAMÉDULLAIRE DE L’ÉRECTION

On vient de voir que l’érection peut résulter de la mise en jeu par des stimulations périphériques de la sphère génitale, d’une circuiterie polysynaptique intégrée à l’étage spinal. L’érection est aussi une réponse physiologique qui se produit dans un cadre plus intégré de comportement sexuel ou qui peut survenir en l’absence de tout contact, pendant le sommeil ou à la suite d’une stimulation sexuelle visuelle, olfactive, voire par l’évocation d’images mentales, toute réponse décrite sous le nom d’érection sans contact ou d’érection « psychogène ». Ces observations sont en faveur de l’existence de mécanismes centraux capables de mobiliser l’étage segmentaire.

Le noyau paragigantocellularis (Npgi)

Ce noyau de la région bulbopontique mérite d’être mentionné car il innerve les motoneurones de la moelle sacrée, responsables de la contraction des muscles ischiocaverneux et bulbospongieux. Cette innervation est sérotonergique ; la lésion du NPGi facilite les érections réflexes provoquées par la stimulation de l’urètre et mime les effets d’une lésion neurotoxique du système sérotonergique par la 5,7 dihydrotryptamine [26-28]. Le NPGi exercerait donc une inhibition descendante qui devrait être levée pour que les motoneurones honteux puissent s’activer pour
participer à l’érection. Ce mécanisme n’est pas spécifique à l’érection ; il devrait intervenir dans des fonctions pelviennes autres où sont impliqués ces muscles, comme la miction ou la défécation.

Le noyau hypothalamique paraventriculaire (NPV)

Il s’agit de la partie parvocellulaire de ce noyau. Sa lésion diminue le nombre d’érections sans contact chez le rat et la latence de celles qui subsistent. Elle supprime aussi les épisodes d’érection induits par des injections sous-cutanées d’apomorphine [29]. Sa stimulation induit des augmentations de la pression dans le pénis et des érections chez le rat et le singe [30, 31]. L’injection de traceurs transsynaptiques, tels que les virus neurotropes, dans les corps caverneux ou dans les muscles ischiocaverneux ou bulbospongieux est suivie, chez le rat, d’un marquage de neurones dans le NPV [11, 32]. Cette structure contient en quelque sorte des neurones prémoteurs qui se projettent dans la moelle et vraisemblablement sur les neurones de la commissure grise des segments sacrés, là où l’on observe des terminaisons peptidergiques et aminergiques, voire directement sur quelques neurones moteurs sacrés qui présentent des contacts synaptiques ocytocinergiques (cf.

supra). Les voies issues du NPV et descendant dans la moelle présentent la même variété de médiateurs (ocytocine, vasopressine, enképhalines, dopamine) que celle observée dans les terminaisons au contact des neurones médullaires. Le NPV projette également vers l’hippocampe par une voie ocytocinergique impliquée dans les effets érectiles centraux de l’apomorphine [33]. L’ocytocine est vraisemblablement un neuromédiateur ou neuromodulateur majeur dans le contrôle central des niveaux segmentaires d’autant qu’il a été observé une diminution de l’expression des mARN de l’ocytocine dans le NPV chez des rats impuissants [34]. Le NPV reçoit des entrées d’origine périphérique et centrale : les neurones de la région parvocellulaire répondent à la stimulation du nerf dorsal du pénis [35], ce qui montre que les afférences péniennes se projettent aux deux niveaux segmentaire et supramédullaire et peuvent participer à un processus de renforcement de l’influence centrale sur le niveau effecteur sacré ; il reçoit également des projections de l’aire hypothalamique préoptique médiane (APOM) qui joue un rôle clé dans le comportement sexuel.

L’aire hypothalamique préoptique médiane (APOM)

La stimulation de l’APOM produit des érections chez les rats et singes éveillés, ainsi que des augmentations de la pression intracaverneuse chez les rats anesthésiés [30, 31, 36, 37]. L’activité de neurones de cette région augmente lors de l’érection chez le singe et les traceurs viraux transsynaptiques en marquent les corps cellulaires après injection dans les corps caverneux ou les muscles ischiocaverneux et bulbospongieux. Bien que la stimulation du nerf dorsal du pénis active des neurones de l’APOM [38], ceux-ci peuvent être stimulés en l’absence de ces afférences d’origine génitale, comme le suggère l’augmentation de l’expression de la protéine c-fos, observée lorsque le rat mâle extériorise un comportement sexuel sans avoir de
contact avec la femelle [39, 40]. Cette aire est sensible à l’action de l’apomorphine et de la dopamine dont les effets sur les érections réflexes dépendent de la nature des sous-types de récepteurs D1 ou D2 stimulés. L’APOM apparaît comme un centre d’intégration qui reçoit des informations de sources diverses, centrales et périphériques, nerveuses et endocrines, pour ensuite les redistribuer vers les structures hypothalamiques comme le NPV, ou bulbopontiques comme le noyau paragigantocellularis, qui assujettissent directement les structures médullaires segmentaires effectrices.

Autres régions du cerveau

Chez le singe, la simulation du noyau dorso-médian du thalamus, de la région périventriculaire, du tegmentum ventral, de l’hippocampe, du gyrus cingulaire provoque des érections [31]. On peut penser que l’érection étant une des séquences du comportement sexuel, toute région participant à l’élaboration de ce comportement, à l’intégration des informations visuelles, olfactives, mnésiques spécifiques est capable de contrôler la réponse érectile. Chez l’Homme, l’utilisation des techniques modernes d’imagerie cérébrale devrait permettre de visualiser les régions cérébrales d’un sujet répondant à une situation sexuelle (projection de séquences courtes d’images suggestives, par exemple), régions qui participeraient in fine à la mise en jeu des structures sous-corticales contrôlant l’étage segmentaire [41].

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

L’avancée dans la compréhension des mécanismes périphériques de l’érection a permis de mettre au point des traitements pour les patients souffrant de dysfonctions érectiles qui sont efficaces et dont l’effet est périphérique : injections intracaverneuses de phentolamine, papavérine, ou prostaglandines, prise orale de chlorhydrate de sildénafil (Viagra-R). Le développement de certains de ces traitements s’est accompagné d’un grand succès commercial. En revanche, malgré des avancées certaines dans la compréhension des mécanismes centraux de l’érection, il manque une vision intégrative de leur rôle, et les traitements à action centrale qui ont été proposés n’ont pas pu concurrencer les précédents. Il reste à déterminer, pour des produits à effet central, si leur effet ne s’explique que par une action sur les mécanismes moteurs de l’érection, que nous venons de rappeler, ou si également certains produits peuvent agir en amont, sur les mécanismes gouvernant la sexualité. Pour répondre à cette interrogation, il faut dépasser les techniques utilisées jusqu’ici, qui ont permis de tisser le canevas des circuiteries neuronales responsables de l’érection et qui ont apporté des informations sur les médiateurs possibles ; une approche microélectrophysiologique des neurones impliqués dans le seul contrôle de l’érection en les sollicitant par des stimulations connues pour déclencher le phénomène pourrait être une voie à privilégier.

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DISCUSSION

M. René MORNEX

Actuellement, on peut explorer les mécanismes de la stimulation génitale à l’aide des positons. Quelle est la localisation cérébrale identifiée expérimentalement (aire préoptique ou noyau paraventriculaire) qui est mise en cause chez l’Homme ?

L’imagerie cérébrale fonctionnelle a été utilisée effectivement pour visualiser les zones mises en jeu lors de l’excitation sexuelle ; ce sont des aires corticales et limbiques impliquées dans la cognition et l’expression comportementale ; ces régions du cerveau pourraient participer à la mise en jeu des régions sous-corticales dont j’ai parlé.

M. René KÜSS

Quel est le rôle des androgènes dans ce mécanisme si compliqué de l’innervation de l’érection ?

Des régions de l’hypothalamus sont sensibles aux stéroïdes sexuels. Concernant l’érection, nous avons montré la présence de récepteurs des androgènes sur les neurones du ganglion pelvien innervant les corps caverneux chez le rat.

M. Jacques BATTIN

Quel est le mécanisme de l’érection nocturne, automatique, survenant à certaines phases du sommeil, ce qui permet son évaluation pléthysmographique ?

Des érections se produisent au cours de 60 % des épisodes de sommeil paradoxal ; dans ces phases, le cerveau serait moins sous la dépendance de la sérotonine qui joue plutôt un rôle de frein sur l’érection.

M. Roger BOULU

Que pensez-vous du rôle des structures dopaminergiques dans les mécanismes que vous évoquez ?

Les noyaux hypothalamiques impliqués dans l’érection (noyau paraventriculaire, aire préoptique médiane) sont sensibles à l’action de l’apomorphine et de la dopamine ; par exemple, la lésion du noyau paraventriculaire supprime les épisodes d’érection induits par les injections sous-cutanées d’apomorphine.

M. Louis HOLLENDER

Il fut un temps, nous pratiquions des sympathectomies lombaires étendues de L1 à L5, pour des artérites des membres inférieurs. Or un certain nombre de nos opérés ont, dans les suites de ces interventions, présenté des troubles sévères irréversibles de l’érection, ce qui nous a incité à ne pas remonter au-dessus de L2 et à ne réséquer que les 3ème, 4ème et 5ème ganglions sympathiques lombaires, avec leurs chaînes correspondantes. Pouvez-vous expliquer ces constatations ?

La voie paravertébrale est décrite comme ayant des effets anti- érectiles. Mais chez le rat, un second groupe de neurones pré ganglionnaires sympathiques à corps cellulaire localisé dans la moelle L1-L2 fait relais dans les ganglions pré-vertébraux qui donnent naissance aux nerfs hypogastriques ; or la stimulation de ces nerfs provoque des érections chez des rats dont la moelle sacrée est lésée, ce qui suggère que cette lésion démasque l’action possible de fibres sympathiques pro-érectiles courant dans ces nerfs. Il faudrait faire l’hypothèse que de telles fibres vasodilatatrices existent aussi sur la voie paraverté- brale et s’en échappent en L1 et L2. Le système sympathique soulève encore des questions, votre observation en est la preuve.

RAPPORT au nom de la Commission XI (Climatisme — Thermalisme — Eaux minérales ) sur la demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, à l’émergence, l’eau du captage ‘‘ Les Capucins ’’ situé sur la commune de St-Jean d’Angely (Charente-Maritime)

Patrice QUENEAU Par pétition présentée le 19 mai 2000, Monsieur Jean Combes, maire de St Jean d’Angély, sollicite l’autorisation d’exploiter comme eau minérale naturelle à l’émergence, l’eau du captage ‘‘ Les Capucins ».

Cette demande est présentée en application du décret du 28 mars 1957 portant règlement d’administration publique sur la police et la surveillance des eaux minérales et eaux potables préemballées.

Préambule

Le pétitionnaire a limité la portée de l’instruction de ce dossier à l’autorisation à l’émergence , à la suite de contaminations constatées lors des analyses sur les installations de transport.

Contexte de la demande

Cette demande fait suite à la réalisation d’un forage de reconnaissance exécuté en février 1997, profond de 938 m, qui a permis de mettre en évidence l’existence d’une ressource et d’effectuer les premières analyses.

Dès lors, la municipalité de St-Jean d’Angély sollicite l’autorisation d’exploiter comme eau minérale naturelle à l’émergence, l’eau du captage ‘‘ Les Capucins ’’, en espérant que ses qualités thermiques et chimiques puissent favoriser son agrément pour certaines orientations thérapeutiques (rhumatologie, phlébologie). L’eau sera utilisée après transport, pour alimenter les thermes.


* Professeur émérite — Université Pierre et Marie Curie — Paris. Tirés-à-part : Professeur Jean-Paul ROUSSEAU, 65 Bd Maréchal Joffre, Bat C7 — 92340 Bourg-laReine. Article reçu le 16 décembre 2002, accepté le 27 janvier 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 2, 417-429, séance du 25 février 2003