La technique des forages à grande profondeur permettait à la fois l’acquisition d’une eau de grande pureté microbiologique et d’une température apte à la pratique des soins externes rhumatologiques. La profondeur des forages n’est pas précisée dans le dossier.
Les nouveaux captages ont fait l’objet d’une demande d’autorisation d’exploiter à l’émergence en septembre 1991 pour « Boussange » et en octobre 1992 pour « Antoine ».
L’autorisation d’exploiter à l’émergence en tant qu’eau minérale naturelle a été accordée par arrêté ministériel du 29 mars 1996 pour les deux forages pour une durée de 30 ans.
La demande actuelle porte donc sur le transport à distance, le traitement et le mélange de l’eau des deux captages. Elle est aussi l’occasion de préciser les conditions de l’exploitation.
Transport à distance
L’autorisation de transport à distance est subordonnée à la vérification de l’absence de modification de la composition physico-chimique et bactériologique de l’eau au terme de son trajet et du respect des procédures de contrôle de la qualité des canalisations.
L’absence de modification de la composition physico-chimique et bacté- riologique de l’eau à l’issue du transport a été reconnue à la suite des analyses effectuées sur deux séries de prélèvements, les 6 novembre 2000 et 25 avril 2001, par les soins du Laboratoire d’études et de recherche en hydrologie de l’Afssa (conclusions du comité d’experts spécialisé « Eaux » de l’Afssa dans sa séance du 12 novembre 2002).
La qualité des canalisations a été vérifiée par la DRIRE de l’Allier qui a rendu un rapport favorable le 12 août 1996.
L’eau de la source « Boussange » est transportée depuis le captage jusqu’au sous-sol du centre thermal, où est située la station de dégazage et de mélange, par une canalisation de 3034 m, constituée de différents tronçons de matériaux différents : d’abord en inox sur quelques mètres, puis en PVC alimentaire sur lit de sable à 80 cm de profondeur le long de la nationale 209 sur112,3 m, puis en fonte sur1548 m et, enfin, en acier inox sur les 1374 m de la dernière partie qui franchit l’Allier suspendue au tablier du pont de Bellerive avant de parvenir aux thermes. La protection et le calorifugeage de la canalisation sont assurées de manière satisfaisante tout au long du parcours. Toutes les soudures de la conduite ont fait l’objet d’une radiographie. Le débit de l’eau minérale transportée est de l’ordre de 15 m3/h, avec une pression en tête de forage de 2,8 bars.
Il est maintenu à cette valeur par un jeu de vannes. L’ensemble de la conduite a été éprouvé à 35 bars.
L’écoulement de l’eau s’effectue grâce à la gravité (de 259,6 à 251 m) et à la pression d’émergence.
Le transport de l’eau de la source « Antoine », depuis le captage jusqu’au sous-sol du centre thermal, emprunte une canalisation d’une longueur totale de 3965 m. La technologie, plus récente, fait appel à des tubes d’acier inoxydable étirés sans soudure en longueur de 12 m, de 3 mm d’épaisseur et de 141,3 mm de diamètre intérieur. Les soudures d’aboutement ont été radiographiées et la canalisation a subi une épreuve à 35 bars. L’ensemble de la canalisation a reçu un traitement cathodique. La protection et le calorifugeage ont été assurés de façon différente selon les segments du parcours avec l’aide de couches de polypropylène, de revêtement anticorrosion et de film anti-roche.
Le débit artésien du captage est de l’ordre de 29,5 m3/h, avec une pression en tête de forage de 3,3 bars.
Traitement
L’autorisation de traitement est subordonnée à l’assurance qu’aucun procédé n’a été utilisé en dehors des deux seuls autorisés que sont le dégazage et la déferrisation.
Le traitement subi par les eaux des deux captages « Boussange » et « Antoine » n’a consisté qu’en un dégazage, appliqué différemment pour chacun d’eux.
Par ailleurs l’eau est refroidie.
Pour l’eau du captage « Boussange », le dégazage se fait naturellement, dans l’atmosphère, au niveau de la tête de forage et au niveau de la bâche de mélange.
Le dégazage de l’eau du captage « Antoine » fait appel à une installation spécifique qui permet le stockage et la réutilisation du gaz : l’eau passe dans une cuve de dégazage et le gaz est refroidi par échange tubulaire ; il sert à alimenter un gazomètre puis est comprimé par trois compresseurs de type alimentaire et stocké dans 3 cuves d’une capacité unitaire de 20 m3 sous une pression de 10 bars.
Le refroidissement est nécessaire pour amener l’eau à une température compatible avec les soins thermaux. Il permet aussi d’agir sur l’équilibre carbonique de l’eau dans le but de limiter le risque d’entartrage.
Seule l’eau du captage « Antoine » qui parvient aux thermes à la température de 60° C est refroidie. Elle est amenée à la température de 40° C par le passage dans un échangeur à plaque inox. Les calories sont récupérées pour différentes utilisations (chauffage des bâtiments, préchauffage de l’eau sanitaire, réchauffage d’eau banale froide pour les soins).
L’eau du captage « Boussange » à 34° C n’a pas à être refroidie.
Mélange
Ne peuvent être mélangées que des eaux de même profil physico-chimique provenant du même aquifère.
Le profil physico-chimique d’une eau est donné par le diagramme de Pipper et Schoeller-Berkaloff.
Ce diagramme a été établi par le Laboratoire d’études et de recherche en hydrologie de l’Afssa pour chacun des deux captages à partir de l’eau prélevée le 25 avril 2001.
Ils montrent un profil voisin qui est celui d’une eau essentiellement bicarbonatée sodique contenant aussi des chlorures, des sulfates, du calcium et du magnésium, du fluor et de l’arsenic.
Le captage « Boussange » étant plus superficiel, l’eau de ce captage a eu davantage de temps pour se charger en sels minéraux au cours de sa remontée en même temps qu’elle se refroidissait.
La concentration en résidu sec est de 21 % plus élevée que celle de l’eau du captage « Antoine », plus profond. La proportion est la même pour chacun des sels sauf pour le calcaire qui occupe une plus grande place (tableau 1).
en mg/L Antoine Boussange variation résidu sec à 180° C 4262 5156 21,0 % TABLEAU 1 CO2 libre 563 1667 196,1 % SIO2 90,1 58 -35,6 % L’eau du captage Boussange, plus Ca++ 30 136 353,3 % proche de la surface, que celle de ++ Mg 8,8 10,6 20,5 % l’eau du captage Antoine, est plus concentrée de 21 % en sels minéraux.
Na+ 1598 1872 17,1 % En dehors d + ’une plus grande charge K 76,1 96,9 27,3 % en calcaire (CO2 libre et Ca++), la HCO3 3932 4790 21,8 % proportion des minéraux entre les 2 Cl264 352 33,3 % captages est proche l’une de l’autre.
SO4- 167 203 21,6 % La parenté des profils chimiques des eaux des deux captages s’explique par leur origine commune en provenance du même aquifère.
Le gisement hydrominéral de Vichy est alimenté par des venues d’eau remontant de la fosse de Riom au sud-ouest de Vichy dont le fond situé à plus de 2500 m de profondeur présente un léger pendage vers le nord-est.
A la faveur de certaines failles et structures, l’eau remonte dans les bancs et lentilles de sables en intercalation dans les couches de marnes, traversant les sédiments détritiques perméables dans lesquels elle se charge en corps dissous. Les anciennes sources de Vichy à émergence naturelle ont pu apparaître à la surface du sol après avoir circulé dans des fissures, parfois
agrandies par dissolution, créant des cavités souterraines désignées localement sous le nom de « lanternes ».
L’eau est d’autant moins chaude et plus minéralisée qu’elle est prélevée plus près de la surface, ce qui explique les différences de température et de concentration observée entre l’eau des captages plus profond d’ « Antoine » et plus superficiel de « Boussange ».
Les conditions du mélange de l’eau des deux captages ont été établies de façon à ce que toute l’eau des captages soit utilisée pour une température finale du mélange de 37° C.
La variable d’ajustement est donc le refroidissement de l’eau du captage Antoine qui est assurée par une installation technique informatisée « Gestion technique centralisée des établissements thermaux ».
Le mélange aux proportions de 66 % de l’eau du captage « Antoine » et 34 % de l’eau du captage « Boussange » correspond au maximum de leurs débits respectifs ( 29,5 m3/h et 15 m3/h) de façon à utiliser tout le potentiel hydrominéral.
Dans ces conditions, la température de l’eau en provenance du captage « Antoine » doit être réglée autour de 40° (38,52° C en théorie) en tenant compte des déperditions thermiques de l’installation.
Le mélange se fait dans une cuve en acier inoxydable, d’un volume de 2500 L.
L’eau de mélange est ensuite reprise par trois pompes en série. Elle est partiellement rechargée en C0 afin de limiter l’entartrage des canalisations.
2 Cette eau est acheminée jusqu’aux quatre bâches de stockage d’eau minérale chaude, d’un volume unitaire de 200 m3.
Autorisation d’exploiter
L’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, à l’émergence l’eau des captages « Antoine » et « Boussange » a été accordée par l’arrêté ministériel du 29 mars 1996 pour une durée de 30 ans.
La demande actuelle d’autorisation d’exploiter après transport à distance, après traitement et après mélange peut être comprise comme l’occasion de préciser les conditions d’application de l’arrêté ministériel en fonction des données recueillies au cours de l’enquête.
Ces données apportent des informations dans les deux domaines sensibles des applications de l’eau thermale que sont la bactériologie et la toxicologie.
Du point de vue bactériologique , le rapport du Comité d’experts spécialisé « Eaux » signale que toutes les analyses bactériologiques effectuées sur les prélèvements à l’émergence, après transport, après traitement et après
mélange montrent que l’eau des captages « Boussange » et « Antoine » est indemne de toute contamination bactérienne et qu’il n’a été décelé ni germes témoins de contamination fécale, ni pseudomonas aeruginosa , ni legionella pneumophila .
Il est fait observer, toutefois, que des résultats bactériologiques positifs ont été relevés sur deux points d’usage au sein de l’établissement thermal des Dômes et de l’établissement thermal Callou. Il s’agit de prélèvements du 6 novembre 2000 effectués au niveau d’une baignoire et d’un robinet technique et qui font état l’un et l’autre de la présence d’un pseudomonas identifié comme un burkholderia cepacia à la concentration de 200 unités dans 250 mL et de legionella spp à la concentration de 100 UFC/L en notant l’absence le pseudomonas aeruginosa et de legionella pneumophila (<50UFC/L) . A en juger d’après ces prélèvements, il n’y a donc pas lieu de réclamer une surveillance bactériologique accrue par rapport à la règle des prélèvements mensuels ou trimestriels, selon leur nature, des points d’usage des établissements.
Du point de vue toxicologique , les données du Laboratoire d’études et de recherches en hydrologie font état de la présence de fluor, de bore et d’arsenic (tableau 2).
Antoine Boussange fluor en mg/L 9 8,5 TABLEAU 2 bore en mg/L 1,9 2,1 arsenic en g/L 530 780 La recherche de composés organiques volatils et semi-volatils, de pesticides organochlorés et d’autres hydrocarbures sur l’ensemble des prélèvements s’est révélée négative dans l’eau des deux forages.
Si l’on se réfère à l’avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments en date du 10 juillet 2001 relatif à une proposition de fixation de valeurs limites pour certains constituants des eaux minérales naturelles embouteillées — à partir des recommandations européennes (annexe 1-B de la directive 98/83/CE) — qui fixe à 1,5 mg/L la dose de fluor, à moins de 1 mg/L la dose de bore et à 10 µg/L la dose d’arsenic, on voit que toutes ces valeurs sont dépassées dans l’eau minérale de Vichy.
L’Afssa, dans son rapport du 17 février 2003 a cependant accordé un avis favorable à la consommation de cette eau à la condition de ne pas être distribuée en buvette publique et d’être soumise à prescription médicale dans le cadre de cures thermales.
Le raisonnement qui a conduit à accepter le dépassement de la dose tolérée d’arsenic est que la consommation annuelle d’un sujet qui aurait absorbé ½ L par jour pendant 18 jours d’une eau médicinale à 680 µg/L d’arsenic (concentration du mélange des eaux de « Boussange » et d’ « Antoine ») resterait
inférieure à celle d’un sujet qui aurait bu 2 L par jour d’une eau de boisson à 10 g/L (6,12 contre 7,3 mg).
Conclusion
Au vu des données et des arguments présentés, la Commission XI réunie le 23 mars 2004 à 12 heures, sous la Présidence du Professeur Claude Boudène, propose de rendre un avis favorable, confirmant donc celui de l’Afssa, en renforçant toutefois les précautions vis à vis de l’utilisation de l’eau en raison de la présence, à des taux élevés, de fluor, de bore et surtout d’arsenic.
Dans ces conditions, la Commission XI propose de limiter cet avis favorable à un usage thermal externe, exclusivement.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 23 mars 2004, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.
RAPPORT
Au nom de la Commission no XI (climatisme — Thermalisme — Eaux minérales)
Sur la demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence, après transport à distance et après traitement, l’eau du captage « Doris » situé sur la commune de Meyras (Ardèche).
Étienne FOURNIER CALENDRIER 25 avril 1997-16 octobre 1997 : demande d’autorisation présentée par M. le
Président du Syndicat Intercommunal pour le thermalisme et l’environnement — SITHERE — 27 août 1998 : Lettre du Préfet de l’Ardèche à Madame le Ministre de l’Emploi et de la Solidarité — Direction générale de la Santé Avis favorable :
— de la DRIRE avec quelques réserves : 26 février 1998 — de la DDASS : 26 mars 1998 — du Conseil Départemental d’Hygiène (Ardèche) : 28 avril 1998 Analyse du laboratoire d’Etudes et de Recherche de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments sur des prélèvements effectués les 27 octobre 1995 et le 18 juillet 2000.
Avis de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, réunion du 8 octobre 2002.
4 décembre 2002 : Lettre de la Direction Générale de la Santé — Sous-Direction de la gestion des risques des milieux au Secrétaire Perpétuel de l’Académie Nationale de Médecine Par lettre du 4 décembre 2002, la Direction Générale de la Santé, en application du décret du 28 mars 1957, soumet à l’examen de l’Académie
Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 3, 565-571, séance du 23 mars 2004