RAPPORT au nom de la Commission XI (Climatisme — Thermalisme — Eaux minérales) sur la demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage « Renaissance », situé sur la commune de Castéra-Verduzan (Gers)
An application to market water, collected at the source named « Renaissance » and after long distance transport in Castéra-Verduzan (Gers), as a natural mineral water
Patrice QUENEAU Par pétition présentée le 13 juin 2000, Monsieur le Président du Conseil Général du Gers sollicite l’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle à l’émergence, l’eau de la source « Renaissance » (forage CV1), située sur la commune de Castéra-Verduzan (Gers). Cette source, destinée à alimenter les thermes de Castéra-Verduzan et les Laboratoires Soludia (produits pharmaceutiques), doit se substituer aux anciennes sources autorisées en 1965 (autorisations trentenaires caduques). Elle est présentée comme un recaptage de ces dernières.
Par pétition du 26 mars 2001, la demande d’autorisation est étendue au transport pour l’alimentation des installations des thermes.
Ces demandes sont sollicitées en application du décret du 28 mars 1957 modifié, portant règlement d’administration publique sur la police et la surveillance des eaux minérales, et du décret du 6 juin 1989 relatif aux eaux minérales et eaux potables préemballées.
Historique
Les thermes de Castéra-Verduzan ont été exploités par la commune jusqu’en 1996. A la suite de contaminations bactériennes de la ressource hydrominérale, l’établissement a été fermé.
En outre, les autorisations ministérielles d’exploiter les anciennes sources « Grande Fontaine » et « Petite Fontaine » sont devenues caduques (autorisations trentenaires arrivées à échéance).
Il a été décidé, avec l’aide du Conseil Général du Gers, de procéder à un recaptage des eaux. Dans ce but, un nouveau forage a été réalisé en 1997. En 1998, la commune a cédé le patrimoine thermal (forage et établissement) au Conseil Général du Gers qui, après avoir procédé à l’équipement technique du forage et au suivi de la qualité de l’eau recaptée, a décidé de rénover le bâtiment thermal et de construire une extension. Cette construction a démarré en janvier 1999 et s’est achevée en avril 2000.
Recaptage de la ressource hydrominérale
Le forage « Renaissance » (CV1) a pour but de recapter l’eau minérale précédemment exploitée par les sources « Grande Fontaine » et « Petite Fontaine ».
L’étude de ce forage mis en service en pompage continu depuis mai 1998 s’est déroulée en 2 phases d’observations, avec pour objectifs :
— de tester l’aquifère thermal afin de déterminer un débit d’exploitation possible ;
— de montrer que l’eau minérale du nouveau forage présente les mêmes caractéristiques physico-chimiques que l’eau minérale des anciennes sources de Castéra-Verduzan ;
— d’observer la stabilité dans le temps de la qualité bactériologique et physico-chimique de cette eau.
Contexte hydrogéologique et thermal
Le forage capte l’eau dans un aquifère dénommé intra-molassique constitué de calcaires karstifiés correspondant à des dépôts évaporitiques d’âge triasique.
C’est grâce au lessivage de ces roches que l’eau de Castéra-Verduzan acquiert sa minéralisation.
Toutefois, cet aquifère se trouve intercalé entre l’aquifère intra-molassique d’eau bicarbonatée, calcique et faiblement sulfatée et l’aquifère de subsurface d’eau froide de faible capacité.
Caractéristiques de l’eau
L’eau d’origine profonde est caractérisée par une remarquable stabilité dans le temps, elle est principalement sulfatée (680 mg/l), calcique (2 109 mg/l) et magnésienne (61 mg/l). A noter un taux de fluor de 2,3 mg/l. La minéralisation est importante (1,11 g/l) et la conductivité d’environ 1 500 micro S/cm. La température d’émergence est de 22° C.
Contexte environnemental et conditions d’exploitation
Même si l’aquifère est naturellement protégé des pollutions en raison d’un recouvrement important de terrains molassiques, il présenterait une certaine vulnérabilité si les conditions d’exploitation n’étaient pas strictement respectées.
En effet, l’émergence se situe dans une cuvette en zone agglomérée dans laquelle circulent en surface des eaux froides en contact avec différentes pollutions potentielles (rivière, égouts…). Du point de vue hydrodynamique, l’aquifère thermal est sensible aux prélèvements ou aux surcharges hydrauliques en période de pluviométrie élevée.
Dans ces conditions, le débit maximal d’exploitation ne peut pas excéder 6 m3/h. En outre le niveau de l’aquifère thermal devra être maintenu à une cote toujours supérieure à celle de l’Auloue d’au moins 30 cm.
Mesures de protection
L’ensemble du local technique de captage (abri de tête de forage et local technique de mesure) constituera le périmètre sanitaire d’émergence.
En synthèse, le rapporteur propose de se ranger à l’avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) en date du 30 janvier 2002 qui :
— considère comme satisfaisants la profondeur du captage « Renaissance » (64 m) et le débit maximal d’exploitation (6 m3/h) ;
— se montre soucieuse de la vulnérabilité de l’aquifère hydrothermal qui résulte, d’une part de la faible charge hydraulique de la nappe d’eau minérale au-dessus de la nappe des alluvions de l’Auloue et, d’autre part, des risques éventuels de contamination par l’eau de la nappe superficielle susceptible d’être polluée par des fuites du réseau collectif d’assainissement jugé défaillant ;
— note que le captage « Renaissance » est implanté sur la même parcelle que les anciens captages qui alimentaient l’établissement thermal ;
— note la constance de composition physico-chimique de l’eau (bonne stabilité des caractéristiques essentielles, les fourchettes de fluctuation demeurant inférieures à + ou — 10 %) ;
— note l’absence de contamination microbiologique :
• sur les résultats des analyses réglementaires du Laboratoire d’études et de recherches en hydrologie de l’AFSSA effectuées sur des prélèvements réalisés le 31 juillet 2000 et le 21 février 2001 sur l’eau du captage « Renaissance » ;
• après transport à distance à la buvette et à la bâche de stockage, d’après les analyses similaires effectuées sur des prélèvements réalisés le 12 juin 2001 ;
— note, en revanche, que les résultats des analyses réglementaires du Laboratoire d’études et de recherches en hydrologie de l’AFSSA ont montré que l’eau, après transport à distance jusqu’à l’entrée de la zone où sont pratiqués les soins en parodontie , était, lors des prélèvements réalisés le 12 juin 2001, contaminée par des coliformes totaux (dont des coliformes thermotolérants) et des entérocoques et, à nouveau lors des prélèvements du 28 août 2001, par des coliformes totaux.
En outre, le rapporteur prend en compte :
— le courrier complémentaire de la Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales du Gers en date du 27 novembre 2001 indiquant que le pétitionnaire renonce à la demande d’autorisation de transporter cette eau dans la zone où sont pratiqués les soins en parodontie ;
— les courriers de Monsieur Philippe Martin, président du Conseil Général du Gers adressé à Monsieur Michel Bilaud, préfet du Gers (en date du 25 mars 2002) et celui de Monsieur Michel Bilaud, préfet du Gers, à Madame la ministre de l’Emploi et de la Solidarité (en date du 12 avril 2002), ce dernier précisant notamment que :
• la zone de soins de parodontie sera alimentée par la canalisation de transport desservant la bâche de stockage et les postes de balnéothérapie situés en aval ;
• le procédé de nettoyage/désinfection sera amélioré par la réalisation d’un bouclage sur les conduites de transport permettant de faire circuler en continu des solutions désinfectantes, ce procédé offrant une sécurité accrue pour l’hygiène des installations ;
• la recherche de la contamination de la troisième conduite mise hors circuit va être confiée à un bureau d’étude spécialisé.
En conclusion, la Commission XI, réunie sous la présidence du Pr Claude Boudène, propose à l’Académie les conclusions suivantes :
1 — l’eau du captage « Renaissance » situé à Castéra-Verduzan (Gers) répond aux dispositions sanitaires applicables aux eaux minérales naturelles, à son émergence, après transport à distance de l’eau à la buvette et à la bâche de stockage ;
2 — la Commission attire l’attention sur le fait que l’état du réseau d’assainissement communal constitue un risque potentiel de contamination du gisement d’eau ;
3 — la Commission :
— émet un avis défavorable à la demande de transport de cette eau dans la zone où sont pratiqués les soins en parodontie ;
— attire l’attention sur la nécessité de rechercher l’origine des causes de la contamination observée après transport de l’eau jusqu’à l’entrée de
la zone où sont pratiqués les soins en parodontie, afin de pallier d’éventuelles contaminations au niveau des deux autres canalisations de transport, notamment par :
• une surveillance renforcée de l’eau du captage « Renaissance » ainsi que celle des anciens captages utilisés en piézomètres, • l’abandon et l’obturation, selon les règles de l’art, des anciens captages qui ne sont pas conservés comme piézomètres.
— demande, au vu des constats précités faits par l’AFSSA et les antécédents de pollution ayant conduit à la fermeture de l’établissement, qu’un rapport soit transmis à la DRIRE afin de vérifier la qualité des installations provenant du captage et celle du périmètre de protection de celui-ci ;
4 — enfin, la Commission regrette que le dossier transmis par l’AFSSA ne comporte que des données physico-chimiques et bactériologiques, à l’exclusion des données cliniques, pharmacologiques et thérapeutiques souhaitables pour évaluer l’utilité de cette eau thermale dans les indications pressenties. Il est recommandé que de telles études soient réalisées prochainement.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 18 juin 2002, a adopté ce rapport à l’unanimité.
Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 6, 1085-1089, séance du 18 juin 2002