Communication scientifique
Séance du 25 novembre 2008

Suivi médical, vie quotidienne et vêcu de jeunes adultes après transplantation hépatique dans l’enfance

MOTS-CLÉS : adaptation psychologique. qualité vie. suivi soins patient. transplantation hépatique
Medical follow-up, personal experiences and everyday life of young adults after liver transplantation during childhood
KEY-WORDS : adaptation, psychological.. liver transplantation

Jean-Paul Dommergues *, Alexia Letierce **, Olivier Bernard *, Dominique Debray *

Résumé

La transplantation hépatique (TH) chez l’enfant a connu un essor croissant depuis plus de vingt ans permettant maintenant d’en analyser les résultats à long terme chez les patients devenus de jeunes adultes. La survie à dix ans après la transplantation dépasse aujourd’hui 80 %. La littérature est encore peu abondante en ce qui concerne les différents aspects de la vie quotidienne, l’insertion socio-professionnelle, le vécu à l’âge adulte des patients transplantés dans l’enfance. L’objectif de la présente étude a été d’apporter une contribution originale en ce domaine en recueillant le témoignage direct des patients sur leur suivi médical, sur les diverses facettes de leur vie quotidienne, personnelle et familiale, leur vécu à long terme après TH, et leurs suggestions sur d’éventuelles améliorations de leur prise en charge. L’étude a été réalisée par entretiens téléphoniques à l’aide d’un questionnaire adapté chez 116 jeunes adultes volontaires, d’âge moyen 21 fi 4 ans, avec un recul médian de quinze ans depuis la TH. Le suivi médical spécialisé était essentiellement ambulatoire et sans retentissement important sur la vie quotidienne pour la très grande majorité des patients qui « menaient une vie normale ». Pour les patients poursuivant des études en lycée (65 %), un retard scolaire supérieur ou égal à deux ans était constaté chez 36 % des patients. Le pourcentage de bacheliers était significativement inférieur à celui de la population de référence pour les hommes et similaire pour les femmes. Treize pour cent des patients n’étaient détenteurs d’aucun diplôme Le pourcentage de jeunes sans emploi (12 %) n’était * Pôle adolescent mère enfant Hôpital Bicêtre AP-HP et Faculté de Médecine Paris-Sud ** URC Faculté de médecine Paris-Sud Tirés à part : Professeur Jean-Paul Dommergues, même adresse Article reçu le 14 avril 2008, accepté le 30 juin 2008 pas statistiquement différent de celui de la population générale de même âge (17 %). Les consommations de tabac et de cannabis n’étaient pas significativement différentes de celles de la population générale des mêmes tranches d’âge. La consommation d’alcool était significativement très inférieure.

Summary

Over the last two decades liver transplantation for children (pLT) with life-threatening acute or chronic liver diseases has yielded high long-term success rates. Long-term follow-up of pLT recipients has focused mainly on somatic complications (infections, chronic rejection, biliary problems, cancer occurrence, etc.). Other studies have examined precise aspects of everyday life, and particularly health-related quality of life. In contrast, no global surveys of everyday life, including educational and vocational issues, academic performance, personal feelings and concerns and at-risk behaviors have yet been carried out among adults who received liver grafts during childhood. We conducted a global survey of these young adults’ everyday lives. Population and methods: The study was based on a structured questionnaire administered during phone interviews. One hundred sixteen pLT patients managed in a single pediatric liver unit since 1986 were interviewed between April 2005 and July 2006 by the same pediatrician (JPD), who was not involved in their personal medical management. Mean age at interview was 21 fi 4 (17-33) years ; mean age at pLT was 7.0 fi 4.6 (0.5-16) years ; and the mean and median follow-up periods after LT were respectively 13.9 fi 3.9 years and 15 years. Three-quarters of the patients said they were satisfied with their quality of life and 81 % were satisfied with their health status. A significant difference in the age at which LT was performed was found between patients reporting ‘‘ good or very good ’’ quality of life and patients reporting ‘‘ neither good nor bad ’’ quality of life (mean age at LT 6.2 fi 4.1 vs 9.4 fi 1.4 years ; p = 0.0002) Two-thirds of the patients were still attending school. One-third were in age-appropriate school grades, and 31 %, 23 % and 13 % were respectively 1, 2 and J3 years behind. Twenty-five per cent of patients were in paid employment and 12 % were unemployed. Reported at-risk behaviors (tobacco and cannabis use) were not more frequent than among these patients’ peers, and alcohol consumption was significantly lower (p<0.0001). Strict adherence to medications was reported by only 55 % of patients. Concerns about their future health were expressed by 53 % of patients. Many patients were reluctant to speak openly to their peers about their LT status. The vast majority of patients wished to discuss personal problems with a physician (quality of life, vocational problems, future health, sexuality, pregnancy), and also wanted more medical information from caregivers. A large majority of young adults transplanted during childhood have good quality of life. Educational level and academic performance are lower than among these patients’ peers. This study highlights personal difficulties encountered by a noteworthy proportion of young adults transplanted during childhood. This needs to be taken into account both by pediatricians and by adult medical care providers.

INTRODUCTION

La transplantation hépatique s’est largement développée chez l’enfant dans les vingt-cinq dernières années, restant la seule méthode susceptible d’éviter une issue létale aux enfants atteints d’insuffisance hépatique terminale [1-5]. Les pédiatres qui prennent en charge ces patients ont en règle à assumer un suivi médical de long cours dans lequel la TH constitue un événement majeur. Grâce à un traitement immunosuppresseur continu, la majorité de ces patients transplantés ont une croissance normale [6, 7]. Cependant, la situation particulière des jeunes parvenus à l’âge adulte et ayant bénéficié d’une TH dans l’enfance a encore été peu étudiée. La qualité de vie et le vécu après TH dans l’enfance n’ont guère jusqu’ici été appréciés que chez des patients encore en âge pédiatrique [8-15].

Le service d’hépatologie pédiatrique de l’hôpital Bicêtre étant entré dans un programme de TH en 1986, un nombre important de patients transplantés sont maintenant parvenus à l’âge adulte, qu’ils soient suivis en pédiatrie ou en médecine adultes. L’importance de cette casuistique nous a incités à entreprendre une démarche originale visant à connaître leur devenir à long terme.

Objectifs

La présente étude avait donc pour objectifs : — de s’informer des modalités du suivi médical et de recueillir les suggestions des patients dans le but d’améliorer leur prise en charge ; — apprécier le retentissement de la TH sur leur vie quotidienne ; — évaluer certains facteurs de risque.

Matériel et population

Tous les patients ont été recrutés dans le service d’hépatologie pédiatrique du centre hospitalier de Bicêtre. Nous avons retenu les dossiers des patients satisfaisant à l’ensemble des cinq conditions suivantes : — avoir eu une transplantation hépatique dans l’enfance ; — avoir atteint ou dépassé l’âge de dix-sept ans au 1er janvier 2005 ;

— avoir un recul supérieur à un an depuis la TH ; — ne pas avoir de déficit cognitif ou sensoriel majeur qui n’aurait pas permis de mener à bien un entretien téléphonique ; — résider en France métropolitaine. Parmi les 514 survivants après transplantation hépatique réalisée entre mars 1986 et décembre 2004, 181 patients étaient âgés de dix-sept ans ou plus. Cinq patients vivants à l’étranger, six patients ayant des problèmes neurocognitifs ou sensoriels majeurs, deux patients avec un recul insuffisant depuis la TH ont été exclus. Cent soixante huit patients remplissaient les critères d’inclusion et ont été contactés par courrier les invitant à participer à l’étude lors d’un entretien téléphonique. Trente-neuf patients (23,7 %) n’ont pas répondu et n’ont pu être joints malgré des appels téléphoniques itératifs. Parmi les 129 répondant, 13 (10 %) ont refusé de participer en invoquant le manque de temps ou leur réticence à parler du passé. Finalement, 116/181 (64 %) des patients âgés de dix-sept ans et plus au moment de l’étude ont pu être interviewés entre mars 2005 et juillet 2006 par le même médecin (JPD) à l’aide d’un questionnaire pré-établi servant de support à l’entretien. L’élaboration des questions a été guidée par des contacts pris auprès de professionnels ayant l’expérience de questionnaires pour adolescents ou jeunes adultes [16].

 

En raison de l’éloignement géographique important d’un grand nombre des patients transplantés (30 % d’entre eux seulement résidant en Ile de France au moment de l’enquête), la méthode de l’entretien téléphonique sur rendez-vous a été retenue.

Méthodologie statistique

Les données qualitatives ont été décrites en termes d’effectif et de pourcentage, soit par rapport à l’ensemble des sujets, soit par rapport à des sous-groupes d’intérêt, comme précisé dans le texte. Les données quantitatives ont été décrites en termes d’effectif, de moyenne, d’écart-type, complétées par les valeurs extrêmes et la médiane. Les comparaisons entre deux groupes ont été effectuées avec un test du chi-2 ou de Fisher selon les effectifs pour les variables qualitatives, et avec un test de Student pour les variables quantitatives. Tous les traitements statistiques ont été réalisés avec le logiciel SAS 9,1 (SAS Institute Inc., Cary, NC, USA). Chaque fois que possible, nos données ont été comparées avec les plus récentes fournies par l’INSEE sur la population française de même tranche d’âge. Beaucoup de données disponibles sur le portail de l’INSEE concernant la tranche d’âge 20-24 ans, ceci nous a incités à classer les patients en trois groupes avec une tranche d’âge intermé- diaire pour les patients âgés de 20 à 24 ans.

Résultats

Données générales

Les données générales concernant la maladie causale, le sex ratio , l’âge moyen au moment de l’entretien, l’âge moyen et médian au moment de la première TH, le recul moyen et médian depuis la TH sont résumées dans le tableau I.

Les TH avaient été effectuées dans le service de chirurgie hépato-biliaire de l’hôpital Cochin pour 73 patients (63 %), dans le service de chirurgie viscérale pédiatrique de l’hôpital Bicêtre pour 43 patients (37 %).

Suivi médical

Pour 81 % des patients interviewés, la maladie s’était manifestée dès la première année de vie, ce qui avait nécessité une prise en charge pédiatrique spécialisée précoce et prolongée dans laquelle la TH s’inscrivait plus ou moins rapidement dans la trajectoire d’un suivi médical de long cours. Le suivi médical spécialisé au moment de l’étude était toujours assuré en pédiatrie dans 55 % des cas. Pour les 45 % restants, le suivi était assuré en médecine d’adultes, le transfert ayant eu lieu à un âge moyen de dix-huit ans, (fig.1).

Ces patients avaient tous au moment de l’étude un suivi ambulatoire auprès du médecin spécialiste responsable du suivi. Le rythme des consultations spécialisées au moment de l’étude était de une fois tous les deux ans dans 7 % des cas, une à deux fois par an dans 61 % des cas, de trois à quatre fois par an dans 14 % des cas et plus

Fig. 1. — Histogramme illustrant l’âge au moment du transfert en médecine adulte Âge moyen 18 ½ ans fréquent dans les 18 % de cas restants. Un bilan biologique hépatique était prescrit tous les trois à quatre mois. Cinquante-trois pour cent des patients avaient été hospitalisés une ou plusieurs fois dans les cinq dernières années, dans la majorité des cas pour réaliser un bilan (comportant le plus souvent une ponction-biopsie hépatique proposée à tous ceux ayant un recul de dix ans après la transplantation), plus rarement du fait d’une complication intercurrente.

Vie quotidienne personnelle et familiale

Cent-sept patients (92 %) étaient célibataires, sept étaient mariés (6 %), un séparé, un divorcé. Six avaient un enfant, et trois avaient deux enfants. L’âge de leurs enfants était compris entre six mois et sept ans.

Dans la tranche d’âge 20-24 ans, 62 % des patients habitaient encore chez leurs parents, sans différence significative avec les 58 % pour les données fournies par l’INSEE dans cette tranche d’âge.

Un autre membre de la fratrie était atteint de la même maladie dans neuf familles, deux autres membres dans deux autres familles.

Le quart des patients estimait que la maladie avait joué un le rôle défavorable dans les relations au sein de la fratrie.

 

Vie sociale, professionnelle ou étudiante

Parmi les 116 patients, 75 (65 %) ont déclaré poursuivre des études ; 23 % avaient une activité professionnelle, 14 (12 %) étaient sans emploi (versus 17,3 % dans la population générale dans la tranche d’âge 15-29ans (données de l’INSEE année 2005 différence non significative p=0,21).

Études et niveau de diplômes : Quatre faits sont à souligner : — Pour les patients poursuivant encore des études, 33 % d’entre eux n’avaient aucun retard dans leur cursus scolaire, 31 % avaient un retard d’un an, 36 % un retard de deux ans ou plus.

— Le taux de scolarisation était supérieur à celui des moyennes nationales entre les âges de 17 à 21 ans probablement conséquence des retards scolaires constatés. – On a noté chez les patients lycéens une orientation préférentielle vers les filières technologiques avec une orientation vers un baccalauréat technologique ou professionnel très supérieur à celui de la population générale (79 % vs 46 % pour l’ensemble des élèves de lycée). — Le diplôme le plus élevé obtenu était pour 33 % le BEPC, pour 14 % un CAP, pour 5 % un BEP, pour 24 % le baccalauréat, pour 9 % le niveau Bac+2 ou au-delà. Le pourcentage de bacheliers dans la tranche d’âge 20-24 ans n’était pas différent de celui de la population de référence INSEE pour les filles transplantées mais significativement très inférieur pour les garçons. Treize pour cent des patients n’avait obtenu aucun diplôme.

Les patients exerçaient les métiers suivants : administrateur de réseau informatique, agent immobilier, agriculteur maraîcher, assistant commercial, assistant comptable, assistante maternelle, chargé d’affaires transport, deux chauffeurs livreurs, coiffeuse, conseiller financier, dessinateur industriel, deux employés de mairie, employé SNCF, hôtesse d’accueil, ouvrier qualifié, employé de bureau, deux employés de restauration, cinq : médecin et secteur paramédical.

Un projet professionnel était formulé par 72 % des répondants et 97 % d’entre eux pensaient qu’ils avaient autant de chances qu’une autre personne d’y arriver.

Activités diverses

L’état de santé constituait un frein à la pratique des sports pour 29 patients (25 %) et interdisait d’autres activités pour 25 % également. Les patients citaient spontané- ment : l’interdiction de certains métiers (trois) (policier, pompier, aide humanitaire), l’interdiction des sports de combat (neuf), les risques de voyages lointains (sept), l’impossibilité de porter des charges lourdes (trois), la réticence à se montrer en maillot de bain en raison de la cicatrice (deux). La limitation des activités physiques était rapportée à l’existence de douleurs (deux cas), à la sujétion d’une dialyse rénale (un cas).

Parmi les patients âgés de 18 ans à 24 ans, 37 % étaient titulaires du permis de conduire et ce pourcentage est significativement différent de celui de la population générale dans les mêmes tranches d’âge (50 %) (données INSEE).

 

Appréciation globale de l’état de santé et de la qualité de vie

Globalement, 75 % des patients se sont déclarés satisfaits ou très satisfaits de leur qualité de vie, et 81 % satisfaits ou très satisfaits de leur état de santé. Il n’y avait pas de liaison significative entre les réponses concernant la qualité de vie et celles concernant l’état de santé (p=0,13). Une différence significative a été trouvée concernant l’âge moyen des patients au moment de la TH entre ceux considérant leur qualité de vie comme « bonne ou très bonne » (âge moyen à la TH : 6,2 È 4,1 ans) et ceux considérant leur qualité de vie comme « ni bonne ni mauvaise ou mauvaise » (âge moyen à la TH : 9,4 È 1,4 ans (p=0,0002) .

 

Difficultés du vécu

Globalement, 46 % des patients ont déclaré qu’ils se sentaient moins libres que les jeunes de leur âge.

Ressentir « parfois ou souvent » un sentiment de solitude était exprimé par 31 patients (26 %) même si 90 % d’entre eux s’estimaient comme étant suffisamment entourés. Un pourcentage important de patients (43 %) ne parlait jamais ou ne parlait que rarement de leur vie avec la maladie. Dans 39 % des entretiens, les interviewés ont estimé que le regard des autres comptait beaucoup, voire énormé- ment. L’importance accordée au regard des autres ne différait pas en fonction de l’âge ou du sexe.

À la question « vous arrive-t-il d’être angoissé par rapport à votre santé ? », 61 patients (53 %) ont répondu par l’affirmative, et certains en ont précisé les circonstances de survenue : à l’occasion d’ennuis de santé tels l’apparition d’une fièvre, de douleurs abdominales, une intervention chirurgicale simple, une maladie bénigne intercurrente. Certains ont rapporté avoir traversé également des phases d’angoisse dans l’attente des résultats des prises de sang, au moment des visites à l’hôpital, aux dates anniversaires de la TH, en pensant au long terme après transplantation (« on a pas encore de chiffres », « peur qu’un jour, tout s’arrête », « un rejet est toujours possible », « peur que la maladie revienne », « peur pour les enfants que j’aurai … »).

Vingt-neuf patients (25 %) avec une prédominance féminine (59 %) ont répondu avoir « parfois » (vingt-six) ou souvent (trois) des idées noires. Dans au moins trois de ces cas, les patients étaient dans un état dépressif avéré avec des antécédents suicidaires et une patiente avait une anorexie mentale. Treize de ces sujets (45 %) bénéficiaient d’un suivi psy régulier.

Un nombre important des interviewés (42 %) estimait que leur état de santé avait pu ou pouvait poser problème dans leur vie intime, amoureuse ou sexuelle. 47 % disaient avoir actuellement, ne plus avoir (37 %) ou n’avoir jamais eu (13 %) de petit(e) ami(e) . Un patient faisait état de son homosexualité. Plusieurs patients ont fait part de leur angoisse à l’idée de devoir révéler leur transplantation au partenaire ( si amoureux, comment dire ?)…

 

Tableau II. — Suivi long terme TH* Comportements à risque (n=116) Nos patients TH

Données INSEE 2005 p Tabac 31 % 35 % NS Alcool « occasionnel » 51 % 86 % 0,0001 Alcool « régulier » 5 % 35 % 0,0001 Cannabis 11 % 12 % NS Défaut d’observance 45 % * TH : transplantation hépatique pédiatrique Situations à risque

Consommation tabac, alcool, drogues (tableau II)

Le pourcentage de fumeurs n’était pas significativement différent de celui de la population française de même âge. La consommation d’alcool des jeunes transplantés était significativement très inférieure à celle de la population générale (p<0,001) .

Cette consommation d’alcool n’était pas significativement différente selon le sexe (p=0,2) ni selon les tranches d’âge.

La consommation de cannabis n’apparaissait pas significativement différent de celui de la population générale (données INSEE).

Problèmes d’observance médicamenteuse Les médicaments prescrits au moment de l’étude étaient la prednisone à faibles doses (44 % des patients), l’azathioprine (16 %), la ciclosporine (60 %), le tacrolimus (39 %), le mycophénolate mofétil (11 %), l’acide ursodesoxycholique (30 %), la vitamine D (7 %), le calcium (30 %). Le nombre médian de médicaments pris quotidiennement était de deux avec des extrêmes de un à cinq. Cinquante-cinq pour cent des patients ont déclaré « prendre très sérieusement » leur traitement, 38 % le prendre « juste sérieusement », 7 % le prendre « pas très sérieusement » ou « pas sérieusement du tout ». Nous n’avons pas constaté de différence significative dans l’observance ni selon le sexe (53 % des hommes et 58 % des femmes déclaraient suivre très sérieusement leur traitement) ni selon les classes d’âge (que l’on divise les patients en deux classes (17-20 et 21-33 ans) ou en trois classes (17-20, 21-25, 26-33 ans). Nous n’avons observé de différence significative dans l’observance ni selon le sexe, ni selon la nature du suivi (pédiatrie vs médecine adulte), ni selon le nombre de médicaments prescrits, ni selon l’existence ou non de difficultés psychiques repérées.

Suggestions des patients

La compétence professionnelle du médecin assurant le suivi spécialisé était jugée très satisfaisante par 100 % des patients encore suivis en pédiatrie et pour 87 % des patients suivis en médecine adultes. Au delà de la prise en charge somatique, la grande majorité des patients exprimaient le souhait de trouver auprès du médecin spécialiste une écoute sur leurs problèmes personnels, tels leur qualité de vie (73 %), leurs difficultés professionnelles (74 %), leur sexualité (71 %), leurs interrogations sur la santé dans l’avenir (76 %) et les grossesses éventuelles (84 %). Enfin, si les informations médicales étaient jugées faciles à obtenir en consultation spécialisée dans 69 % des cas, ce n’était le cas que dans 23 % des hospitalisations en service d’adultes.

DISCUSSION

La transplantation hépatique (TH) a pris un essor considérable au cours de la décennie 1980 pour se stabiliser actuellement aux alentours de sept cents à huit cents TH par an en France. La TH chez l’enfant représente 12 à 13 % des TH faites chaque année en France. La plupart des décès ont lieu dans les trois premiers mois après la TH. L’équipe de Cochin-Bicêtre, comme la plupart des équipes, font actuellement état d’un taux de survie actuarielle de 80 % à 90 % à un an et de 70 à 80 % à 5 et 10 ans [1-5]. Il paraît important d’évaluer maintenant le retentissement à long terme sur la vie quotidienne des patients transplantés dans l’enfance et ayant atteint l’âge adulte. La présente étude a permis d’évaluer les modalités de leur suivi médical et s’est intéressée à préciser les différents aspects de leur vie quotidienne, de leur vécu.

Parmi les 514 survivants à long terme au moment de notre étude, après transplantation hépatique réalisée dans l’enfance, 181 patients étaient âgés de dix-sept ans ou plus avec une médiane de quinze ans de recul depuis la TH, 116 patients joignables et volontaires pour participer ont pu être inclus.

Un certain nombre de points forts sont à mettre en exergue. Grâce au recrutement très important de patients atteints de maladies hépatiques de pronostic grave adressés au service d’hépatologie pédiatrique de Bicêtre (Pr Bernard), un nombre important de patients a pu être inclus dans l’étude. Les autres points forts de l’étude sont le faible pourcentage de refus de participation, le long recul évolutif médian depuis la greffe (15 ans), la réalisation de la totalité des entretiens par le même médecin et sa non implication dans les soins du patient. Ajoutons que la quasitotalité des patients ont accueilli très favorablement notre travail, ont fait preuve de disponibilité et ont formulé des commentaires très positifs à l’issue de l’entretien téléphonique perçu comme une marque d’intérêt à leur égard. Il ne faut cependant pas méconnaître que 65/181(36 %) des patients n’ont pu être inclus pour des raisons diverses. L’analyse de leurs dossiers pédiatriques nous a permis de retrouver mention de problèmes psychologiques (34 %), de problèmes familiaux (25 %), de problèmes neurosensoriels (23 %), de problèmes somatiques importants (35 %).

 

Commentaires concernant le cursus scolaire

Dans la littérature, plusieurs études portant sur les problèmes scolaires ou neurodéveloppementaux à moyen terme après transplantation hépatique ont fourni des résultats divergents. Chez le jeune enfant, Wayman et al . ont noté un retard de développement sur les échelles de Bayley chez 35 % des enfants testés 1an après transplantation pour atrésie des voies biliaires [17]. Antérieurement, l’étude de Zitelli et al ., rapportant le cursus scolaire de soixante-cinq enfants transplantés, avait conclu que celui-ci était normal ou au plus retardé de un an avec des capacités cognitives normales [18]. Tornqvist et al. dans une étude portant sur 146 patients transplantés âgés de quatre à vingt-cinq ans concluaient que leur fréquentation scolaire n’en avait été que peu ou pas affectée [15]. Debolt et al. ont rapporté chez des enfants de six à onze ans et avec un recul post-transplantation supérieur ou égal à quatre ans des problèmes scolaires « légers » et l’impact négatif de leur situation de transplantés sur leur adaptation psycho-sociale était jugée par les auteurs moins importante que dans les maladies chroniques [9]. Les résultats enregistrés dans notre étude avec un suivi à plus long terme apparaissent moins favorables, même après exclusion des quelques cas d’enfants gardant des séquelles neurologiques sévères liées aux conditions dans laquelle a été réalisée la greffe : 36 % des patients interrogés qui poursuivent des études avaient un retard scolaire égal ou supérieur à deux ans.

En ce qui concerne la vie personnelle et l’adaptation psychosociale , l’objectif d’une l’autonomisation progressive des patients est souvent posée, cet objectif étant souvent considéré comme essentiel dans la réussite de la phase de transition entre pédiatrie et médecine d’adultes [19]. Dans notre étude, le plus grand nombre de jeunes ont répondu qu’ils avaient le sentiment d’avoir acquis une certaine autonomie. Leur fréquence de cohabitation parentale, dans des pourcentages identiques à celle des jeunes de même âge nous paraît être un élément allant dans le sens de leur autonomie et accréditant leur évaluation.

En ce qui concerne les conduites à risque (tabac, cannabis), nous n’avons pas observé de différence significative par rapport aux données de l’INSEE. La consommation d’alcool était très significativement inférieure chez les transplantés. Nous n’avons pas enregistré chez nos patients de différence significative selon le sexe pour l’une ou l’autre de ces conduites à risque L’interdiction absolue des boissons alcoolisées est signifiée à tous les enfants transplantés, et ceci dès leur plus jeune âge, et à leur famille. Les réponses fournies par les patients sont-elles le reflet de la réalité ou ont-elles été formulées dans le désir d’aller dans le sens des attentes médicales ?

Nous ne pouvons trancher.

Les données concernant l’observance médicamenteuse sont préoccupantes, plus de la moitié des patients, se disant pourtant conscients des risques encourus, reconnaissant ne pas suivre leur traitement très sérieusement. Le problème est d’autant plus sérieux que les pourcentages observés dans notre étude sous-estiment très probable- ment la mauvaise qualité de l’observance en raison de la méthodologie adoptée de l’auto-évaluation. Dans le travail de Shemesh et al. portant sur des jeunes patients transplantés recevant du tacrolimus, il est en effet démontré que la non observance — définie rigoureusement par la grande variabilité des taux sanguins du médicament au cours de dosages itératifs — concerne plus de patients que ceux repérés par l’interrogatoire des patients auto-évaluant leur observance [20]. Les travaux de Bulington et al. [21] et de Fredericks et al . [22, 23]. confirment la grande fréquence de la mauvaise observance devant la variabilité des taux sanguins de tacrolimus observée chez plus des trois-quarts des TH.

La qualité de vie des jeunes transplantés ne peut être appréciée rigoureusement que par l’utilisation d’échelles validées. Une revue critique des travaux sur ce sujet a été faite par Taylor et al. [14]. Les auteurs ont conclu à l’amélioration de « la qualité de vie reliée à l’état de santé » après transplantation hépatique, cette qualité de vie restant moins bonne que celles des jeunes de même âge en bonne santé mais meilleure que celle de jeunes souffrant de maladies chroniques. Dans notre étude, les patients ont répondu dans leur grande majorité être satisfaits ou très satisfaits de leur qualité de vie et de leur état de santé et ont estimé que le traitement était « supportable ». Cette auto-évaluation est formulée par les patients malgré la fréquence avec laquelle ils ont fait état de leur anxiété ou de leur angoisse. Dans leurs commentaires libres, certains s’estiment fragiles et redoutent la survenue de complications ultérieures, même si leur état de santé actuel les satisfaits. L’âge moyen au moment de la TH des patients actuellement satisfaits de leur qualité de vie est significativement plus bas et ceci peut être mis en avant pour préconiser de « transplanter tôt » les enfants candidats à une TH.

CONCLUSION

Les résultats de cette enquête conduite par entretiens téléphoniques confidentiels avec les patients eux-même nous ont permis d’appréhender d’une façon globale les divers aspects de la vie quotidienne et du vécu de grands adolescents et de jeunes adultes ayant eu une transplantation hépatique dans l’enfance avec un important recul (recul médian de quinze ans). Plus des trois-quarts des patients se sont déclarés satisfaits de leur qualité de vie et de leur état de santé actuel. Les patients mènent dans leur ensemble une vie normale même si, pour certains, la limitation des activités physiques, le sentiment d’être moins libres et de santé plus fragile que les jeunes de leur âge, l’anxiété pour l’avenir, le retentissement sur la fratrie et sur la vie intime viennent tempérer ce constat. Leur insertion socio-professionnelle est apparue dans l’ensemble satisfaisante, même si les patients accusent dans l’ensemble un retard certain dans leur cursus scolaire et les garçons un niveau de diplôme plus faible. Les conduites « à risque » (tabac, drogues) ne sont pas d’une fréquence particulière et la consommation d’alcool rapportée par les patients très inférieure à celle de la population générale. L’observance médicamenteuse reste un problème sérieux pour un grand nombre de transplantés et ses déterminants restent en grande partie à comprendre. Les entretiens ont mis en évidence le souhait des patients d’un suivi médical personnalisé, une demande claire d’une meilleure information médicale, une prise en charge globale permettant un dialogue ouvert sur leurs besoins personnels (santé future, problèmes professionnels, sexualité, grossesses).

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DISCUSSION

M. Bernard LAUNOIS

Quel est le traitement immuno-suppresseur et notamment le traitement corticoïde ? Quelle est la taille de cette série par rapport à une série contrôle ? Avec la cyclosporine et le tacrolimus, nous observons une hyperglycémie ? S’est-elle pérennisée à l’âge adulte ? Qu’en est-il de l’hirsutisme chez les adolescentes ?

Environ la moitié des patients recevaient encore une faible dose de prednisone au moment de l’étude et restait inquiète des effets secondaires sur leur image corporelle.

Deux patients avaient un diabète insulino-dépendant. L’hirsutisme lié à la cyclosporine était toujours mal toléré. Dans la littérature, une seule série fait état d’un nombre de patients suivis à long terme plus important mais sa méthodologie est très différente et les comparaisons difficiles.

 

M. Pierre RONDOT

En cas de maladie de Wilson, avez-vous attendu la survenue d’une cirrhose ? Quel a été le suivi post-opératoire ?

La transplantation hépatique n’a été proposée que chez des malades présentant une atteinte hépato-cellulaire majeure. Le suivi proposé et les résultats d’ensemble ont été les mêmes que ceux de l’ensemble de la cohorte.

M. Yves CHAPUIS

Votre enquête téléphonique par questionnaire adapté donne une parfaite information sur le vécu social, éducatif, professionnel de ces enfants devenus de jeunes adultes. Pensez-vous que des méthodes plus lourdes associant une évaluation dite objective et des critères subjectifs du type par exemple Sickness Impact Profile, tel que nous l’avions utilisé en 1992 chez soixante dix-neuf transplantés adultes, présentent dans ce contexte un intérêt ? Parmi ces adultes, certains ont sans doute bénéficié d’un don familial, père ou mère essentiellement, de lobe gauche du foie. Votre enquête fait-elle ressortir notamment au plan des relations familiales une particularité après ce type de transplantation ? Permettez-moi enfin dans l’attente de votre réponse de souligner les résultats : plus de 80 % de survie à dix ans. N’est-ce pas au moins une des raisons qui justifie la priorité, si longtemps attendue, donnée à l’enfant receveur d’un lobe gauche, d’un donneur en état de mort cérébrale âgé de moins de trente ans, priorité reconnue… en 2006 ?

Il serait sûrement intéressant d’évaluer les patients avec des échelles validées de la qualité de vie. La totalité des transplantations hépatiques a été effectuée pour ces cent-seize patients interviewés à partir d’organes cadavériques. Une étude est en cours sur les transplantés à partir de donneurs familiaux. Il est clair que nos résultats à long terme constituent un bon plaidoyer en faveur de la priorisation des greffons pour l’enfant.

M. Pierre BÉGUÉ

Quelle est l’importance de la consultation commune entre le pédiatre et le médecin d’adulte au passage du malade à dix-huit ans ? Depuis ces dernières années, cette consultation préalable au passage définitif est-elle proche de 100 % pour assurer une bonne acceptabilité de l’adolescent ? Comment explique-t-on la moindre consommation d’alcool constatée chez ces greffés hépatiques ?

Dans les hôpitaux traitant à la fois des enfants et des adultes, il est relativement aisé de programmer cette consultation commune au moment clé de la transition et du transfert des soins. Les patients, en ayant bénéficié, ont plébiscité cette modalité de consultation, même si leur nombre reste encore limité. Nous n’avons pas d’explication précise à fournir concernant la moindre consommation d’alcool chez les jeunes transplantés.

M. Pierre GODEAU

Vous avez pris comme population de référence des sujets normaux. N’aurait-il pas été plus intéressant de bénéficier comme élément de comparaison d’autres affections chroniques :

maladies auto-immunes, affections métaboliques (diabète), maladie asthmatique etc. ? Y a-t-il dans la littérature des données concernant ces types de pathologie ?

La comparaison avec d’autres affections chroniques a été menée dans la littérature (mucoviscidose, diabète, cancer). Dans l’ensemble, la qualité de vie des transplantés hépatiques est apparue comme intermédiaire entre celle des sujets normaux et celle des patients atteints de ces maladies chroniques.

M. Bernard CHARPENTIER (Président de la société européenne de transplantation)

La non compliance thérapeutique peut-elle être améliorée par une psychologue dédiée en particulier lors du passage de l’enfance à l’adolescence, puis à l’âge adulte ? Comment est supporté le fait que, de part la néphrotoxicité de la cyclosporine A et du tacrolimus, il y ait apparition d’une insuffisance rénale chronique, faisant suite à une défaillance hépatique ?

L’accompagnement psychologique personnalisé est reconnu comme un élément positif et constitue un facteur de réussite de la phase de transition. La constitution d’une insuffisance rénale terminale de nature iatrogène représente un facteur majeur de gravité d’altération de la qualité de vie et sa maltolérance paraît être la règle.

M. Denys PELLERIN

Vous avez fait état de 25 % de « difficultés psychologiques ». Pouvez-vous nous dire quelle place tient, dans ces difficultés, la notion de la « dette » : « je vis grâce au foie de quelqu’un qui est mort ou grâce à N… »(en cas de donneur vivant) ? C’est là un sujet de réflexion pour tous ceux qui se préoccupent des questions éthiques soulevées par toutes les greffes d’organe chez les enfants. Cela doit faire partie du « service après vente » que tous les médecins et chirurgiens doivent assurer à leurs patients.

La notion de dette vis-à-vis du donneur a été évoquée spontanément par certains patients en cours d’entretien, doublée d’un sentiment de culpabilité « il a fallu que quelqu’un meure pour que… » « je me dois de vivre à la hauteur de ce don… ». Cette « dette » dont on peut difficilement s’acquitter reste présente dans le vêcu à long terme.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 8, 1641-1656, séance du 25 novembre 2008