Published 2 October 2018

Les aspects médicaux, socio-économiques et éthiques des CAR-T cells sont le thème de cette séance organisée par François Guilhot (Poitiers) et conclue par Yvon Lebranchu (Tours). Elle a comporté trois communications de Roman Galetto (Collectis SA, Paris), Jérôme Larghero (Paris, hôpital Saint-Louis) et André Baruchel (Paris, hôpital Robert Debré).

En introduction, F. Guilhot souligne que les cellules CAR-T (Chimeric Antigene Receptor) sont une des grandes avancées en cancérologie au XXIème siècle. La mise en place des CAR-T cells a été récemment autorisée en France et les premiers patients traités. Cette nouvelle approche thérapeutique complète une trilogie incluant les inhibiteurs de tyrosine kinase, et les anticorps anti point de contrôle (avancée couronnée par le prix Nobel de Médecine 2018, décerné cette semaine à James P. Allison et Tasuku Honjo).

Communications

CAR-T cells allogéniques (UCART) par Roman GALETTO (Cellectis SA, Paris)

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Résumé :

Les cellules T armées de récepteurs antigéniques chimériques (CAR-T cells) utilisées en immunothérapie font partie des approches les plus innovantes dans le traitement des tumeurs liquides. Les CARs, récepteurs recombinants exprimés à la surface des lymphocytes T leur procurent des propriétés anti-tumorales : les CAR-T cells ont donc des médicaments vivants se multipliant dans l’organisme au contact de l’antigène tumoral.

La plupart des études cliniques ont été effectuées avec des CAR-T cells autologues ciblant l’antigène CD 19 dans les leucémies à cellules B : elles ont montré des résultats encourageants, plus de 80 % de rémission complète. De nombreuses nouvelles cibles exprimées par les cellules tumorales sont en cours de validation afin de cibler un plus grand nombre de cancers. Le coût de ces traitements est très élevé car il s’agit d’une thérapie personnalisée dans laquelle les cellules du patient sont modifiées ex-vivo, aussi sa diffusion est-elle actuellement économiquement difficile. Une approche alterne pourrait utiliser des cellules T allogéniques génétiquement modifiées provenant de donneurs sains. Afin d’éviter une réaction du greffon contre l’hôte, similaire à ce qui se produit après greffe de cellules souches hématopoïétiques, le récepteur T de ces cellules est délété. Ces CAR-T cells universelles (UCART) pourraient être produites à des milliers d’exemplaires et administrées à un grand nombre de patients. Dans un avenir proche, ces traitements et les nouvelles générations de CAR-T cells allogéniques en cours de développement pourraient devenir des traitements de référence de certains types de cancer.

 

CAR-T cells dans un projet institutionnel par Jérôme LARGHERO (module Biothérapie du CIC Inserm 1427, Hôpital St Louis)

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Résumé :

Les lymphocytes T génétiquement manipulés pour exprimer un récepteur chimérique à l’antigène (CAR) sont des médicaments de thérapies innovantes (MTI). Les CAR-T cells sont des médicaments de thérapie génique, sous-catégorie de MTI. La production académique de CAR-T cells est soumise à une réglementation de bonnes pratiques.

– Organisation des établissements de santé pour la production, la délivrance et l’administration des CAR-T cells fabriquées industriellement.

Le processus se déroule en trois étapes : collecte par cytaphérèse du produit cellulaire au sein d’une unité autorisée par l’ARS ; expédition du produit cellulaire par le biais d’une unité de thérapie cellulaire vers un site centralisé de fabrication du médicament final ; envoi du médicament à l’hôpital où il sera administré aux patients au profit duquel il a été manufacturé.

– Production, distribution et administration des CAR-T cells préparées sous le statut de MTI ou de médicaments expérimentaux.

La production à petite échelle pour un usage local et sur prescription nominative de médicaments répondant à la définition de MTI préparés ponctuellement est autorisée en France par une infrastructure hospitalière ou l’Etablissement Français du Sang à condition que ces structures respectent les bonnes pratiques de fabrication. La proximité géographique de l’unité de production cellulaire et des services cliniques permet une distribution directe et une réduction des coûts de production.  Le centre « MEARY à l’hôpital Saint-Louis est une structure de recherche dédiée au développement académique français de CAR-T cells dont le coût pourrait être ainsi considérablement diminué.

Les interfaces entre industriels et établissements de santé restent à définir et à valider avec l’aide des tutelles et des agences réglementaires.

CAR-T cells et leucémies aiguës lymphoblastiques de l’enfant et de l’adulte par André BARUCHEL (Hématologie, Hôpital Robert Debré. Équipe de recherche  du Pr Dombret (EA 3518))

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Résumé :

Les CAR-T cells ont pour objectif de cibler un antigène le plus spécifique possible de la tumeur. Le CD19 étant exprimé à fort niveau dans les leucémies aiguës lymphoblastiques B, les CAR-T cells anti-CD19 sont l’indication de choix du traitement de cette forme de leucémie. Les essais cliniques publiés de phases 1 et 1/2 chez l’adulte et chez l’enfant ont montré des taux de réponse variant de 60 à 93 %, permettant d’obtenir des rémissions complètes voire des guérisons avec maladie résiduelle indétectable. Cependant, une rechute dans la première année concerne 30 à 45 % des patients et les résultats à long terme ne sont pas connus, mais il faut prendre en compte que les premiers essais concernaient des patients antérieurement multi traités et souvent sans autre possibilité thérapeutique. Les effets secondaires toxiques sont dominés par le syndrome de relargage cytokinique observé chez 50 à 75 % des patients et une toxicité neurologique réversible dans 10 à 40 % des cas. Les résultats obtenus légitiment l’utilisation des CAR-T cells dans des indications plus larges à la place d’une allogreffe de moelle ou lors des premières rechutes des leucémies aiguës lymphoblastiques à haut risque. Dans un futur proche, les concepts possibles pourraient être le remplacement de l’allogreffe par des CAR-T cells autologues persistantes ou l’utilisation de CARs T cells allogéniques. Empêcher l’évolution clonale, améliorer la production de ces cellules, maîtriser leurs effets secondaires, maîtriser leur persistance dans l’organisme, maîtriser leurs coûts élevés sont les objectifs nécessaires pour permettre d’étendre leurs indications thérapeutiques à d’autres pathologies telles le myélome.

Dans le débat qui a suivi cette communication, il a été précisé que les résultats des cellules CAR-T dans les tumeurs solides sont pour l’instant décevants et leur efficacité non démontrée.

 

En conclusion, Y Lebranchu estime que les CAR-T cells représentent une avancée technologique comparable à celle apportée par les anticorps thérapeutiques et sont une véritable révolution conceptuelle. Il souligne que les CAR-T cells actuellement disponibles sont une première étape vers les CAR-T de deuxième génération, qu’elles soient bispécifiques, allogéniques, ou régulatrices. De nombreux problèmes scientifiques et médicaux demeurent : optimisation des doses et des populations, compréhension des phénomènes de résistance et d’échappement, maîtrise des effets secondaires, bioproduction sur des sites certifiés aux États-Unis et en Europe. Mais la principale difficulté est financière : le coût du traitement proprement dit est élevé, 320 000 €, et le coût global de la prise en charge du patient est de 1 million €, rappelant qu’une innovation n’a de valeur que si elle est accessible ; des questions éthiques pourraient alors surgir telles la sélection des centres et la sélection des indications.