Ancien Secrétaire Général de la Présidence de la République, Conseiller d’État, Président de l’Institut des neurosciences de la Pitié-Salpêtrière, Monsieur Salat-Baroux prononce une conférence sur le bilan et les perspectives de la réforme de l’État dans le secteur de la santé (1996 2018).
Après deux décennies de déficit, l’assurance-maladie est quasi à l’équilibre cette année mais « même si beaucoup a été fait, tout reste encore à faire ». Pourquoi la réforme du système de santé est-elle si délicate ?
La santé représente près de 12 % du PIB, pourcentage multiplié par deux depuis 1970. L’hôpital s’est imposé comme le lieu de l’excellence médicale et de l’État-providence. Les dépenses de prévention ne représentent que 2 % des dépenses de santé, insuffisance qui explique les faiblesses de notre système totalement orienté vers une médecine de soins. Aucune économie ne peut supporter une santé dont les dépenses sont supérieures à la richesse nationale et dont la croissance et supérieure à la croissance économique; il n’existe pas de système de référence dans les autres pays. Il convient, en conséquence, d’inventer notre propre système de réformes. Le Parlement fixe chaque année les objectifs de dépenses (ONDAM); le bon échelon de gestion semble la région par le biais des ARS et des SROS; la qualité des soins et la maîtrise des dépenses sont les objectifs centraux du système de santé; le médecin généraliste est le pivot du système.
Les acquis restent importants: malgré les inégalités, notre système de santé est un des meilleurs du monde ; l’ONDAM a été tenu chaque année ; la CNAM a mis en place des innovations majeures et des dispositifs de rémunération innovante des médecins ; le nombre de lits d’hospitalisation a diminué d’un quart tout en respectant les qualités des soins et de prise en charge des patients. Ces résultats sont cependant fragiles en raison de plusieurs facteurs : les dépenses de santé qui augmentent plus vite que la croissance économique, le bicéphalisme institutionnel État – CNAM, des reculs notables des SROS remplacés par de simples indicateurs, des seuils d’activité non généralisés, une T2A non effective dans toutes les structures.
Quelques pistes de réflexion peuvent être suggérées : abandon des logiques gestionnaires dangereuses et illusoires ; installation d’une logique de coordination des soins et de prise en charge entre la ville et l’hôpital ; élévation des objectifs de santé publique au niveau des objectifs économiques ; achèvement de la réforme institutionnelle au profit d’une Agence Nationale de Santé qui serait responsable de l’ONDAM ; mise en place d’un tronc commun de tous les professionnels de santé ; généralisation du dossier médical partagé ; rattrapage du retard dans les données de soins, d’économie et de qualité des soins (médicaments génériques, prise en charge ambulatoire, hospitalisation à domicile).
Prenant en compte les nouvelles technologies, notamment d’intelligence artificielle, un système triangulaire médecin – patient – intelligence artificielle pourrait être imaginé, au cœur duquel se situeraient les questions éthique et déontologique.