Le 10 avril 2018 s’est tenue une séance commune des commissions II (Thérapeutique, Pharmacologie, Toxicologie, Médicaments et autres produits de santé), IV (Maladies cardiovasculaires) et XI (Appareil digestif, Nutrition, Alimentation, Maladies métaboliques). Cette réunion, organisée par les professeurs J. Bringer et C.H. Malbert, avait pour thème : « Apports des agonistes du récepteur du GLP-1 (GLP1-RA) dans le traitement du diabète et la protection cardiovasculaire (Pr B. Charbonnel, Nantes), de l’obésité (Pr J. Delarue, Brest) et des hépatopathies métaboliques (Pr R. Thibault, Rennes) ».
Le Pr. Charbonnel a d’abord rappelé que le diabète était avant tout une maladie vasculaire, avec des complications à la fois microvasculaires (rétinopathie, neuropathie, néphropathie) et macrovasculaires (cardiaques) et qu’un bon contrôle glycémique (valeur cible d’HbA1C ≤7%) permettait de réduire ces complications (surtout microvasculaires). A côté des antidiabétiques classiques, une nouvelle classe de médicaments, les incrétines, permet d’atteindre cette cible : il s’agit des agonistes du récepteur du GLP-1 (glucagon-like peptide-1). Le GLP-1 est une hormone digestive, produite au moment des repas, qui stimule l’insuline et freine le glucagon. Donnée d’importance, son action est glucorégulée, ç.à.d. que lorsque la glycémie approche de la normale, cette hormone n’est plus stimulée, ce qui évite le risque d’hypoglycémie. Il existe deux approches pharmacologiques pour augmenter le GLP-1 : soit maintenir le taux de GLP-1 endogène en recourant à des inhibiteurs de sa dégradation enzymatique, soit remplacer l’hormone par des agonistes du récepteur de GLP-1 (GLP-1 RA). Deux principaux agonistes : le liraglutide (commercialisé en France) qui agit sur environ 24 heures et requiert donc une injection sous-cutanée quotidienne, et le dulaglutide qui agit sur plus d’une semaine. A côté de leur efficacité hyplogycémiante puissante, ces composés entraînent une perte pondérale. Ils sont globalement bien tolérés (troubles digestifs dans 20% des cas). Mais outre un antidiabétique, le GLP-1-RA est aussi un protecteur cardiovasculaire, ainsi qu’il a été démontré pour le liraglutide par l’étude LEADER portant sur 9340 patients atteints d’un diabète de type 2. Le mécanisme de cet effet reste à élucider. Il est possible qu’à côté d’une sommation de bénéfices métaboliques (réduction de la glycémie, du poids, de la tension artérielle), le GLP-1 exerce une action directement vasculaire. Ainsi émerge aujourd’hui un nouveau paradigme pour lutter contre les complications du diabète de type 2 : non seulement réduire l’hyperglycémie mais recourir à des médicaments antidiabétiques ayant démontré un bénéfice cardiovasculaire dont le liraglutide.
Entretien avec le Pr. Charbonnel à l’ANM le 10/04/2018 :
Le Pr Delarue rappelle que l’obésité en France touche environ 17% des hommes et des femmes (avec toutefois une stabilisation entre 2006 et 2015), et qu’il existe un relatif échec des approches thérapeutiques non pharmacologiques (régime, exercice physique). En effet, une reprise pondérale est observée au bout de 5 ans, correspondant à un retour à des concentrations basales des hormones qui régulent la prise alimentaire, avec conjointement retour de la sensation de faim. Dans ce contexte, le recours aux agonistes du GLP-1 s’est avérée une approche intéressante. Ces agonistes (au premier rang desquels le liraglutide) agissent par un double mécanisme : avant tout une action centrale, des récepteurs de ces agonistes existent en effet au niveau du cerveau et il se produit une inhibition de la prise alimentaire. S’y associe une action périphérique consistant en un ralentissement de la vidange gastrique qui participe aussi à l’action satiétogène. Les résultats des essais cliniques du liraglutide dans l’obésité permettent de retenir : i) des points positifs : une perte pondérale de 8 kg (avec une posologie de 3mg/j) et un maintien d’efficacité pendant toute la durée du traitement ; ii) des points négatifs : l’arrêt de l’effet à l’arrêt du traitement, l’existence de non-répondeurs, une tolérance digestive parfois problématique, le coût du traitement, et l’absence de recul pour évaluer le bénéfice cardiovasculaire à long terme.
Le Pr. Thibault expose l’intérêt de ces agonistes dans les hépatopathies métaboliques. Il rappelle la fréquence de ces hépatopathies (10 à 24% de la population) avec une prévalence de 2-3% pour la « NASH » (hépatite stéatosique non alcoolique) ainsi que leur gravité : 20% des NASH évoluent vers la cirrhose (avec le risque de carcinome hépatocellulaire) et les NASH représentent environ 10% des indications actuelles de transplantation hépatique. Les mécanismes physiopathologiques, et donc les cibles thérapeutiques potentielles, sont nombreux dans la NASH mais sans, à ce jour, de médicament dûment prouvé efficace et bien toléré. Le recours à des agonistes du récepteur de GLP-1, et particulièrement au liraglutide, provient des données expérimentales ayant montré chez la souris que ce médicament réduisait la captation hépatocytaire des acides gras, augmentait la bêta-oxydation des acides gras, et réduisait la lipogenèse de novo. L’évaluation clinique princeps provient de l’étude LEAN, étude prospective, randomisée, en double aveugle, contre placebo, de 52 patients porteurs d’une NASH histologiquement prouvée avec surpoids et ayant reçu, pendant 48 semaines, une injection quotidienne de liraglutide à la posologie de 1,8 mg. Les résultats, basés sur des critères stricts d’évolution histologique hépatique, ont montré une efficacité significative du médicament sur les lésions de NASH. Il est certainement prématuré de conclure à une indication généralisée des agonistes du récepteur de GLP-1 dans la NASH, de nouvelles études de confirmation étant nécessaires, mais on peut déjà entrevoir son intérêt en cas de NASH à haut risque de complications soit métaboliques et vasculaires (association à un diabète de type 2) soit hépatiques (risque de cirrhose en cas de fibrose marquée initiale).
Entretien avec le Pr. Thibault à l’ANM le 10/04/2018 :