Publié le 7 décembre 2021

Les séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

Séance des membres correspondants de la 1re division

Organisateur : Xavier Bertagna

 

Place de la médecine connectée dans la détection de la fibrillation atriale. Nadir Saoudi, Service de cardiologie, Centre Hospitalier Princesse Grace, Monaco.

 

Depuis le début des années 2010, les technologies numériques ont trouvé une large application en cardiologie. La médecine connectée, ou santé digitale qui en résulte, utilise les technologies de l’information et de la communication pour colliger, partager et analyser les informations à visée médicale dans le but d’améliorer la santé des patients. La fibrillation atriale qui est l’arythmie la plus fréquente (600 à 700 cas pour 100 000 habitants en Europe) est une des grandes pourvoyeuses de complications emboliques (AVC inaugural dans 25-40% des cas) et d’insuffisance cardiaque. Dans presque la moitié des cas (34%), elle est cependant asymptomatique avec une surmortalité de 2,96% et ces technologies ont grandement aidé à son diagnostic. Les outils de dépistage associent des systèmes basés sur l’électrocardiogramme (ECG) : capture d’une ligne de l’ECG et Holter prolongé ; la photopléthysmographie ; l’oscillométrie ; les montres diagnostiques connectées ; les enregistreurs sous-cutanés permettant d’analyser les évènements de haute fréquence des appareils intracardiaques implantés ou la charge en fibrillation. Ces technologies, sous contrôle médical, ont un fort pouvoir diagnostique et une réelle influence dans la prise en charge thérapeutique. L’introduction récente de l’intelligence artificielle augmente fortement la puissance diagnostique des technologies classiques et influencera considérablement dans un avenir proche les processus de décision.

 

 

Réanimation et Covid. Bertrand Guidet, Sorbonne Université, INSERM, Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique, service de réanimation, Hôpital Saint-Antoine, Paris.

 

La crise sanitaire liée à la COVID-19 a mis l’ensemble de l’hôpital en tension. Les services de réanimation, qui représentent 10 à 15% des coûts hospitaliers totaux, ont été en première ligne pour prendre en charge les cas les plus graves. Le bilan des entrées et de l’occupation des lits de réanimation a été, et est toujours, un élément clé de mesure de l’intensité de la crise. Largement méconnue du grand public, la réanimation soulève des questions majeures en particulier sa capacité d’augmentation de l’offre de soins sans altérer la qualité de la prise en charge et la perte de chance pour les malades non COVID du fait de la déprogrammation. Les évacuations sanitaires, les déprogrammations et le recrutement de personnel en renfort permettent de réduire la pression sur les lits de soins critiques. Les facteurs limitants de l’augmentation de la capacité sont multiples (taille des locaux, matériel, équipements de protection individuel) mais la principale difficulté concerne la mobilisation de personnel formé à la réanimation et la relative pénurie de médicaments dont certains sont en tension (curares, hypno-anesthésiques, analgésiques, anti-inflammatoires). L’inadéquation entre la demande et l’offre a conduit à édicter des règles de priorisation d’accès à la réanimation identifiant trois situations : bonne ne remettant pas en cause les pratiques basées sur un principe égalitaire ; mauvaise dans laquelle les capacités d’admission ont été augmentées sachant qu’au-delà de 200% le risque de diminuer la qualité des soins est admis ; horrible imposant des choix (échelle de fragilité) ne relevant plus de la médecine mais de la société. Une communication claire, loyale et sincère doit être assurée avec la famille et les proches du patient. Une homogénéisation des soins est nécessaire.

 

 

Cancer de la thyroïde: le surdiagnostic doit aussi être évité chez l’enfant et l’adolescent. Martin Schlumberger, Institut Gustave Roussy, Université Paris-Saclay, Villejuif.

 

Le surdiagnostic des cancers de la thyroïde chez l’adulte est lié à l’existence d’un important réservoir de formes asymptomatiques dans la population générale (11% de cancers thyroïdiens sont présents lors des autopsies) et à la large disponibilité de l’échographie complétée d’une cytoponction à l’aiguille fine, moyen sensible de détection. Il existe une nette prédominance féminine (ratio F/H de 4,4/1). Les données obtenues à la suite de l’accident de Fukushima ont montré qu’un réservoir important de formes asymptomatiques existe aussi chez les enfants et les adolescents. Les études de registres ont par ailleurs confirmé l’augmentation de l’incidence du cancer de la thyroïde chez les enfants et les adolescents et suggéré que cette augmentation est au moins en partie liée au surdiagnostic. Le surdiagnostic conduit au surtraitement susceptible d’induire des complications et un traitement hormonal substitutif à vie. Ces données suggèrent de ne pas pratiquer de dépistage du cancer de la thyroïde chez l’enfant ou l’adolescent asymptomatique et sans facteur de risque.

 

 

L’intentionnalité dans l’observance aux traitements à long terme. Gérard Reach, Laboratoire Éducations et Promotion de la Santé, EA 3412, Université Sorbonne Paris Nord.

 

L’observance dans les traitements à long terme, définie par l’adéquation entre les comportements des patients et les prescriptions médicales,  est analysée du point de vue de l’intentionnalité, c’est-à-dire du rôle de la formation d’une intention dans la décision d’accomplir un geste thérapeutique comme, par exemple, prendre un comprimé. La non-observance peut être intentionnelle, conséquence d’une décision active du patient  (l’intention étant de ne pas prendre le comprimé), ou non-intentionnelle, phénomène passif qui ne dépend pas de sa volonté : simple oubli, mauvaise compréhension, difficulté d’accès aux médicaments sans sous-estimer le rôle de l’irrationalité tel le déni relevant de la duperie de soi ou le phénomène de faiblesse de la volonté. Inversement, l’observance est le plus souvent intentionnelle, le but étant d’éviter les complications de la maladie. Mais elle peut aussi ne pas être précédée par la formation d’une intention et être accomplie par habitude, conduisant à proposer le concept d’observance non-intentionnelle, associé à la confiance dans le médecin et à une information suffisante sur la maladie et son traitement. Cette réflexion sur la place de l’intentionnalité dans l’observance a des implications pratiques et éthiques : rectifier de fausses croyances, surmonter l’oubli par la boîte de médicaments ou l’utilisation d’alarmes, s’appuyer sur les quatre principes de l’éthique médicale : bienfaisance, non-malfaisance, justice, respect de l’autonomie des patients.