Les séances de l’Académie*
* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot
Séance dédiée :
« Sclérose en plaques et syndromes démyélinisants dysimmuns : des maladies curables ? »
Organisateur : Jean-Michel VALLAT
Introduction, Pr Jean Michel Vallat, Service de Neurologie, CHU de Limoges
La sclérose en plaques représente 110.000 cas en France dont 5.500 nouveaux cas /an. Trois sur 4 sont des femmes entre 25-35 ans. C’est une cause majeure de handicap acquis de l’adulte jeune. Il y a une interaction immunologique entre le système adaptatif et l’inné pour essayer de la comprendre. La structure cérébrale montre qu’autour de l’axone (neurone) existe la névroglie avec les astrocytes qui ont un rôle de soutien, la microglie (macrophage) qui a un rôle immunitaire, les oligodendrocytes qui forment les gaines de myéline et, entre les segments de gaine de myéline, un amincissement, les nœuds de Ranvier. Quelle est la localisation des plaques ? quel est le rôle de l’inflammation dans la perte de l’axone ? atteinte spécifique du nerf optique ? ce sont quelques-unes des questions qui se posent sur les affections démyélinisantes par dysfonctions immunitaires.
Mécanismes physiopathologiques actuels de la Sclérose en Plaques Pr Catherine LUBETZKI, Service de Neurologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière-APHP, Paris
La sclérose en plaques est une maladie inflammatoire du système nerveux central. Elle peut évoluer en 3 phases : début rémittente (inflammation focale), progressive sur 15-20 ans (atteinte tissulaire), ou d’emblée progressive. C’est une maladie auto-immune dont le déclenchement est favorisé par des facteurs génétiques (gène HLA classe II), viraux (virus EB, cf. Science 2022), environnementaux (tabac, déficit en vitamine D, obésité). Le point de départ du processus pathologique (en périphérie ou dans le système nerveux central) reste controversé. La composante inflammatoire, qui associe immunité adaptative (lymphocytes T et B) et immunité innée, induit, dans les phases rémittentes de la maladie, des lésions focales dans la substance blanche (les « plaques »), associant démyélinisation et atteinte axonale. Lors des phases progressives de la maladie, la pathologie devient plus diffuse, avec une neuro-dégénérescence qui touche la substance blanche et la substance grise, associée à une prédominance de la réaction immune innée.
Le développement des immunothérapies (immuno-modulateurs et immuno-supresseurs) a considérablement réduit la fréquence des poussées, directement liées à l’inflammation focale. En revanche, ces immunothérapies n’ont qu’une efficacité modeste sur l’accumulation du handicap au cours des phases progressives de la maladie. La remyélinisation par stimulation de la microglie, qui permet de réparer certaines lésions et de prévenir la neuro-dégénérescence, peut être extensive chez certains patients. Son efficacité diminue avec l’âge et la durée de la maladie. La connaissance des mécanismes impliqués dans le processus de régénération myélinique a fait émerger une recherche translationnelle active, avec des résultats prometteurs de certains essais thérapeutiques de phase précoce.
Neuromyélite optique : d’Eugène Devic au concept de gliopathies autoimmunes Pr Romain MARIGNIER, Service de Neurologie, Hôpital Pierre Wertheimer, CHU de Lyon
Le concept de « neuromyélite optique » (NMO) a considérablement évolué au cours du temps, en suivant les avancées majeures de la médecine moderne. Cette pathologie, pendant longtemps considérée comme une forme particulière de sclérose en plaques, a d’abord été identifiée et caractérisée par Eugène Devic grâce à l’utilisation de la méthode anatomo-clinique à la fin du XIXe siècle. Il a fallu attendre plus d’un siècle, et l’apport de l’imagerie médicale diagnostique, pour aboutir à la première proposition de critères modernes en 1999. C’est ensuite l’arrivée d’une médecine moléculaire qui a permis de faire évoluer les critères diagnostiques en incluant l’utilisation d’un biomarqueur, l’anticorps NMO-IgG. C’est enfin l’avènement de l’ère des pathologies à auto-anticorps qui a fait proposer le terme de « gliopathies auto-immunes », passant d’une description nosologique clinique vers une classification basée sur la cible cellulaire de cette auto-immunité.
Avec l’identification de l’aquaporine 4 (protéine de l’astrocyte et de l’épendyme) a été défini en 2005 la NMO à aquaporine 4, touchant 5 femmes pour 1 homme, d’âge entre 40 et 80 ans. Puis, deux autres cibles gliales d’auto-anticorps ont été identifiées chez des patients présentant un tableau clinique de « neuromyélite optique » : la « myelin oligodendrocyte protein » (MOG exprimée uniquement par l’oligodendrocyte) touchant également ; quel que soit le sexe, des sujets jeunes, et très récemment la « glial fibrillary acidic protein » (GFAP, exprimée uniquement par l’astrocyte), ici aussi quel que soit le sexe vers 45 ans. Il s’agit d’une (r)évolution dans la classification des NMO montrant leur caractère hétérogène.
Les formes atypiques de Sclérose en Plaques et formes frontières. Pr Pierre LABAUGE, Service de Neurologie, CHU de Montpellier
Les critères diagnostiques de Sclérose en Plaques (SEP) permettent un diagnostic précis et rapide défini dès la première poussée sur l’âge 25-45 ans, la notion de poussées, la présence dans le LCR de BOC (Bande OligoClonale d’IgG), et sur les images d’IRM lorsqu’elles remplissent les critères de dissémination spatiale et temporelle. Les critères sont ceux de la classification de 2018 (Diagnosis of multiple sclerosis: 2017 revisions of the McDonald criteria. Lancet Neurol. 2018). Il existe d’autres maladies inflammatoires démyélinisantes, formes atypiques de diagnostic plus difficile, avant tout de diagnostic IRM et dont le pronostic évolutif est corrélé à l’expression phénotypique IRM. Les neuromyélites optiques NMO sont séparées de la SEP du fait de la découverte d’un anticorps spécifique (anti-aquaporine 4). La sclérose concentrique de Balo est une alternance de préservation et de destruction de la myéline, très bien vue en IRM. La maladie de Schilder et le variant de Marburg de la SEP, d’évolution rapide, se présentent avec des anomalies diffuses touchant la substance blanche. Les lésions démyélinisantes pseudotumorales (TDL) survenant isolément ou dans l’évolution d’une SEP se présentent comme une lésion unique bien délimitée. Suivant la diversité des aspects en IRM, il y a une tentative de caractérisation des lésions en imagerie et de précision du pronostic avec la classification du groupe MAGNIMS (Magnetic resonance Imaging in MS – multiple sclerosis) : la sclérose solitaire, la SEP cavitaire ….. La question du lien avec les maladies du spectre NMO (pathologie primaire de l’astrocyte avec démyélinisation secondaire) est importante, car le traitement de la SEP (démyélinisation primaire) classique pourrait être délétère dans ces formes NMOSD. Le diagnostic différentiel des lésions démyélinisantes aiguës se fait avec les tumeurs cérébrales (glioblastomes, lymphomes), les vascularites cérébrales, les formes inflammatoires d’angiopathie amyloïde cérébrale, certaines leucodystrophies ou leucoencéphalopathies héréditaires.
Les formes atypiques peuvent maintenant être classées en formes cavitaire, sclérose solitaire, pseudo-leucodystrophique, forme se révélant sous la forme d’une ADEM (Acute Disseminated EncephaloMyelitis). Il existe des formes inclassables de lésions démyélinisantes. Les études de corrélation entre l’IRM et l’évolution ont permis de mieux classer d’emblée les formes rémittentes des formes progressivement évolutives.
Traitement de fond de la Sclérose en Plaques : état des lieux et perspectives Pr Laurent MAGY Service de Neurologie, Hôpital Dupuytren, CHU de Limoges
La sclérose en plaques est considérée comme une maladie auto-immune spécifique d’organe. Elle est soit rémittente (SEP-R), inflammatoire, soit progressive secondairement ou d’emblée, dégénérative. Des avancées substantielles ont été réalisées ces dernières années dans la compréhension de sa physiopathologie, en particulier grâce à l’IRM. Corollaire de ces avancées, les 4 critères NEDA (No Evidence of Disease Activity) permettent de guider les traitements : poussées, progression, augmentation du nombre de lésions, atrophie cérébrale. Le développement des thérapeutiques a permis d’infléchir l’histoire naturelle de la maladie dans la forme récurrente-rémittente, en utilisant des molécules de plus en plus efficaces. Les traitements de première ligne comportent : interférons bêta et acétate de glatiramère ; diméthylfumarate et teriflunomide ; ocrélizumab ; ofatumumab ; en seconde ligne : mitoxantrone, natalizumab, fingolimod, cladribine…). Toutefois, il n’existe pas de consensus actuel sur la stratégie idéale à adopter à l’échelon individuel, en effet cette stratégie dépend de l’activité du patient, de l’age, d’une grossesse, de comorbidité, du souhait du patient, du but recherché controle ou rémission de la maladie ce qui souligne la nécessité de développer des marqueurs prédictifs d’évolution de la maladie,
Enfin, aucun traitement n’a démontré à ce jour sa capacité à infléchir de façon décisive le cours évolutif des formes progressives de sclérose en plaques. Des efforts collaboratifs d’envergure doivent être faits pour développer de nouvelles approches thérapeutiques pour ces patients dont le handicap évolue malheureusement encore inexorablement.