Rapport
Séance du 23 octobre 2001

Recrutement et sélection des médecins étrangers désireux de recevoir une formation complémentaire en France

MOTS-CLÉS : enseignement médical .. médecin diplôme étranger
Recruitment and selection of foreign M.D. wishing to acquire complementary training in a medical speciality in France
KEY-WORDS : education, medical.. foreign medical graduates

L. Hollender

RAPPORT au nom de la Commission XIV (Enseignement et problèmes hospitalouniversitaires)

Recrutement et sélection des médecins étrangers désireux de recevoir une formation complémentaire en France

Recruitment and selection of foreign M.D. wishing to acquire complementary training in a medical speciality in France

Louis HOLLENDER Le recrutement, la sélection et la formation des médecins étrangers dans les Facultés et hôpitaux français n’ayant jusqu’à présent pas donné entière satisfaction, malgré des ajustements réglementaires répétés, la Commission hospitalo-universitaire de l’Académie nationale de médecine a tenu à élaborer un projet dans le but d’améliorer la réglementation en vigueur. L’Académie estime, en effet, que la France ne peut rester absente de ce mouvement mondial, car les stages au stade de la spécialisation sont bénéfiques pour les deux parties : stimulants dans l’immédiat par le travail commun, ils s’avèrent, en outre, garants de collaborations poursuivies dans l’avenir.

Notons que les plus nombreux des candidats viennent d’Afrique francophone, du Moyen Orient, quelques-uns du Viêt-Nam, d’Amérique du Sud ou encore de Roumanie. Précisons aussi que nous laisserons délibérément de côté les médecins originaires de la Communauté Européenne, puisqu’ils sont soumis à des réglementations communautaires propres et bien précises, ainsi que les étrangers hors Communauté Européenne qui ont accompli l’ensemble de leurs études médicales en France.

La formation des médecins spécialistes doit avoir trois buts :

— assurer un complément de formation aux médecins spécialistes déjà qualifiés ou en cours de spécialisation et qui désirent perfectionner leurs connaissances ;

— donner une formation complète dans une spécialité à des médecins provenant de Facultés jeunes, dont le pays d’origine est demandeur ;

— permettre à des médecins étrangers de se spécialiser, voire de se perfectionner, dans les Laboratoires bio-médicaux de l’INSERM et du CNRS implantés dans nos CHU.

L’Académie nationale de médecine tient à insister sur la primauté qui doit être donnée à une formation médico-scientifique. Les médecins accueillis assumeront le plus souvent, à leur retour, des fonctions importantes, et auront pour ambition de devenir des chefs de service, des enseignants et des chercheurs.

Dans notre pays, le niveau des sciences médicales ne cesse de s’élever et les médecins français sont dans de nombreuses branches à la pointe du progrès et des techniques nouvelles. Les médecins étrangers qui viennent parfaire leur formation en France doivent pouvoir bénéficier de toutes les avancées de notre médecine. De la réussite de la formation de ces médecins étrangers dépend, pour une bonne part, le renom international de notre pays en matière scientifique.

IDÉES À PRIVILÉGIER

Pour permettre au système que nous proposons de générer des solutions optimales, quatre idées méritent d’être posées en exergue :

— la décentralisation du recrutement des médecins étrangers s’impose en premier lieu. Elle est le seul moyen d’assurer au projet du candidat le point d’insertion optimum, les possibilités de recrutement et de formation étant très variables d’un CHU, voire d’une région à une autre ;

— le recrutement doit être organisé sous la responsabilité des médecins ;

— il est indispensable de créer un système de recrutement et de formation s’adaptant à chaque candidat, mais aussi à chaque service clinique, ainsi qu’à chaque unité biologique d’accueil, c’est-à-dire d’offrir aux candidats une formation adaptée à ce qu’ils souhaitent apprendre en France ;

— il est primordial qu’un financement adéquat soit prévu.

PRÉREQUIS

Le candidat doit avoir terminé ses études de médecine dans son pays d’origine, posséder la langue française — il est capital que nos missions diplomatiques à l’étranger en assurent le contrôle -, établir un dossier comportant un « curriculum vitae » complet, les photocopies de ses diplômes et de ses publications, ses projets d’avenir, ainsi qu’un avis favorable du doyen de sa faculté et du professeur de la spécialité envisagée, tous deux assurant l’aptitude du candidat à la discipline choisie et l’intérêt de cette formation pour le pays d’origine du postulant. Le candidat doit aussi préciser s’il envisage un stage d’une durée de
trois à douze mois en fonction de l’objectif recherché, ce qui paraît la solution à privilégier, ou s’il veut acquérir une formation complète dans la spécialité choisie. Le dossier sera examiné par une commission « ad hoc » de la Faculté sollicitée, par un collège de spécialistes, ou par une Unité de l’INSERM-CNRS s’il s’agit de chercheurs. Ajoutons que dans certains cas une préparation des candidats dans leur Faculté d’origine, avant leur venue en France, peut s’avérer utile, comme cela a été préconisé par plusieurs doyens de Facultés étrangères.

RECONNAISSANCE DE LA FORMATION CLINIQUE ACQUISE EN FRANCE

Elle sera différente selon qu’il s’agit d’une période limitée de stage, ou d’une formation complète dans une spécialité. Mais quelle que soit la modalité envisagée il est important de rappeler que pendant leur stage d’activité clinique, ces médecins étrangers sont forcément affectés à des services hospitaliers. Le chef du service auquel ils sont rattachés, peut les autoriser à pratiquer des actes médicaux sous sa responsabilité, et de ce fait sous celle du CHU ou de l’hôpital concerné, comme c’est le cas pour les étudiants français. Le chef de service organisera aussi les stages nécessaires, en conformité avec la maquette du DES correspondant, dans les cas où l’impétrant souhaite acquérir une formation complète.

— Les médecins étrangers qui auront accompli des stages de durée limitée, se verront délivrer par le chef de Service un certificat de stage, contresigné par le doyen de la Faculté et précisant en détails les activités suivies, les fonctions exercées et éventuellement le ou les travaux entrepris. Cette attestation ne peut ouvrir droit à une dérogation à la réglementation en vigueur concernant l’exercice de la médecine en France.

— Ceux d’entre eux qui auront accompli l’ensemble de leur formation spécialisée en France, se verront décerner l’équivalent d’un DES français sous réserve d’une approbation du ministre de l’Education nationale. De ce fait, il n’y a pas lieu de prévoir de DES à titre étranger, ce à quoi la très grande majorité des doyens des Facultés de médecine francophones est opposée.

OFFRE DES POSTES

En pratique, trois éventualités se présentent :

— le plus souvent, ce sont les relations professionnelles entre chefs de service français et étrangers qui se trouvent à l’origine de la venue en France de jeunes collaborateurs désireux d’y parfaire leurs connaissances. Il s’agit donc bien d’un contrat personnel entre un demandeur et un chef de Service.

Ces relations, source d’échanges fructueux et bien adaptés, méritent d’être stimulées et développées, puisqu’elles faciliteront aussi la création de postes;ˆ
— il appartient aux CHU d’établir trois listes de postes : une, en médecine et spécialités médicales, une deuxième en chirurgie et spécialités chirurgicales, une troisième en biologie, explorations fonctionnelles et sciences fondamentales (épidémiologie, immunologie, parasitologie, etc.). Si dans la très grande majorité des cas, ces postes sont localisés dans les CHU mêmes, ils peuvent aussi l’être dans des hôpitaux généraux, le CHU régional se portant alors garant de la valeur formatrice du poste en question. Ce qui incite à souligner à nouveau le rôle primordial d’un financement loco-régional ;

— s’agissant de Services liés à une Unité INSERM-CNRS, organismes qui ont leur recrutement propre de stagiaires étrangers, il est souhaitable de prendre leur avis dans les cas où le dossier du demandeur est axé sur un projet de recherche biologique et pas seulement clinique. Afin d’éviter les maldonnes, chaque unité clinique ou biologique donnera la référence des quatre dernières publications qu’elle estime être les plus démonstratives de son activité.

Il est évident que le poste retenu suppose l’accord du chef de Service et surtout son engagement personnel d’assurer la formation du candidat étranger qui lui est confié et aussi de lui permettre l’accès à des responsabilités, dans la limite de ses compétences. C’est donc une formation de haut niveau, homogène, parfaitement ciblée et délimitée, qui sera délivrée à l’impétrant.

FINANCEMENT DES POSTES

Il est primordial et conditionne la réussite du programme. La création de bourses qui doit connaître une très grande souplesse peut provenir de diverses origines :

— le pays d’origine qui doit être susceptible d’assurer, au moins partiellement, le financement de tels séjours de perfectionnement, — les organisations internationales (OMS, UNICEF, Banque Mondiale, Banque Africaine), — le ministère des Affaires étrangères ou de la Coopération, — les collèges de Médecine des Hôpitaux, — les CHU qui, en accord avec l’agence régionale d’hospitalisation, envisageront dans leur budget annuel une somme permettant de verser une indemnité aux médecins étrangers retenus. Il est souhaitable de créer dans chaque CHU une « Commission hospitalo-universitaire pour la coopération » laquelle pourra recenser les demandes et s’efforcera de disposer en propre d’un certain nombre de postes budgétisés par l’hôpital, — les collèges de spécialités,
— les sociétés savantes, — les régions, — l’industrie pharmaceutique.

Quelles que soient ces sources de financement, elles doivent être contractualisées pour mettre les services à l’abri de difficultés administratives. Le reversement de ces fonds à l’hôpital permettra à ce dernier d’assurer la couverture juridique du candidat.

PUBLICATION DES POSTES

Les postes proposés sont portés à la connaissance des diverses instances concernées :

— les doyens des facultés de médecine des pays francophones, — les ministères de l’Éducation nationale, de la Santé et des Affaires étrangères, — les services culturels des ambassades de France qui seront chargés de demander aux pays respectifs quelles formations leur semblent prioritaires, — en même temps, ils seront diffusés sur « Internet », sur les sites Santé — Éducation Nationale — Affaires Étrangères — sous le titre « Recrutement et Sélection des Médecins Étrangers désireux de recevoir une formation complémentaire en France ».

Cette publication sur « Internet » est particulièrement importante, car ainsi la liste sera accessible à l’étranger où sa diffusion facilitera le rôle des services culturels des ambassades de France. Informés des postes disponibles, éventuellement des besoins de chaque pays, les services culturels peuvent de leur côté les faire figurer sur leur propre réseau « Internet », où ils seront consultés tant par les candidats que par les Universités françaises elles-mêmes. Parallèlement, les médecins étrangers pourront obtenir des informations sur le CHU, la région, la ville où ils sont susceptibles d’être accueillis ainsi que le nom du doyen du CHU et du chef de service de la spécialité concernée.

L’Académie nationale de médecine tient encore à préciser qu’elle n’est pas favorable à la création d’un Internat pour les médecins étrangers.

Pour résumer, les étapes suivantes doivent être respectées :

— l’offre de recevoir un stagiaire, — la demande de l’impétrant qui contacte directement le Patron du service concerné et lui communique son dossier, pièces justificatives à l’appui, — si le Patron receveur souhaite accueillir ce stagiaire il présente le dossier et aide le candidat à trouver le financement central, régional, local, total ou complémentaire, indispensable.

En conclusion, l’Académie nationale de médecine estime que les propositions qu’elle formule, sont conformes à la politique générale de coopération de notre pays et qu’elles s’avéreront bénéfiques pour toutes les parties prenantes, car elles constituent le meilleur moyen de participer au rayonnement international de notre médecine et de notre langue.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 23 octobre 2001, a adopté ce rapport à l’unanimité.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 7, 1355-1360, séance du 23 octobre 2001