Rapport
Séance du 17 juin 2003

Recommandations de l’Académie nationale de Médecine pour l’avenir des centres Hospitaliers et Universitaires.

MOTS-CLÉS : centre hospitalier universitaire.
Recommendations issued by the french national Academy of medecine for the future of University Hospitals
KEY-WORDS : hospitals, teaching.

Pierre Ambroise-Thomas

Résumé

Pour faire face à la situation actuelle dans les CHU, l’Académie nationale de médecine propose, comme mesure générale, la re-création d’un Comité Interministériel pour les questions hospitalo-universitaires auprès du Premier Ministre. A l’hôpital, — la composition des CME et des conseils d’administration devrait être modifiée, — la complémentarité régionale des compétences et des moyens serait organisée à l’échelon régional et ouverte aux différents établissements de soins, — les médecins responsables d’un service ou d’une unité de soins devraient disposer d’une autorité effective sur tout leur personnel, médical ou non médical. Surtout, est proposée la création d’un Institut des Hautes Etudes de Santé, ouvert aux futurs directeurs généraux de CHU mais aussi aux futurs doyens et présidents de CME. A la Faculté la place de l’enseignement doit être mieux reconnue (conditions d’accès à l’agrégation) et disposer de nouveaux moyens, (personnels, locaux), notamment pour préparer l’intégration de l’enseignement médical dans le système européen LMD (Licence-Master-Doctorat). Enfin la recherche médicale clinique, bioclinique et épidémiologique, doit disposer de moyens spécifiques (notamment de la part de l’hôpital et de l’industrie). Continuant une collaboration fructueuse avec les grands organismes de recherche, elle doit voir sa place, affirmée au sein de l’Université et, son statut dérogatoire d’établissement public confirmé.

Summary

The French national Academy of medicine suggests, as a general measure, the re-creation of the Interministry Committee on University Hospital matters under the French Prime Minister’s authority, to deal with current problems in University Hospitals related to their three missions : patient care, teaching, and research. Concerning hospitals, — the composition of CME (Medical Advisory Board) and Administration Board should be modified, — regional complementarity of competence and means will be set-up on the regional level and opened to all healthcare institutions — physicians heading a health-care unit should effectively hold authority on all their personnel, whether medical or not. Above all, the French national Academy of medicine suggests creating a High Academic Study Healthcare Institute, opened to future general directors of University Hospitals, but also to the future CME presidents and deans. For the university mission, the importance of medical teaching at different levels (normal cursus, specialization, etc.) should be better acknowledged (conditions for candidacy to become professor in medicine) and be given new means (personnel, building space), especially to prepare the integration of medical teaching within the European system (Bachelor-MasterDoctorate). Finally, clinical, bio-clinical and epidemiological medical research should be given specific means (especially from hospital and industry). Its role should be strengthened within the University and its special status confirmed and it should keep-up its rewarding collaboration with national research agencies.

RAPPORT au nom de la commission XIV (enseignement et problèmes hospitalouniversitaires)

Recommandations de l’Académie nationale de médecine pour l’avenir des Centres Hospitaliers et Universitaires

Recommendations issued by the french national Academy of medecine for the future of University Hospitals

Pierre AMBROISE-THOMAS, Daniel LOISANCE

La situation des Centres Hospitaliers et Universitaires est critique. Plusieurs groupes de travail diligentés par le Ministère de la Santé ont proposé diverses mesures susceptibles d’y remédier. Ayant tenu compte de ces propositions, l’Académie nationale de médecine tient, quant à elle, à se limiter aux recommandations qu’elle juge essentielles et dont la première concerne l’ extrême urgence des décisions à prendre.

Afin de lever l’ambiguïté crée par la loi hospitalière de 1991 dénommant ‘‘ centres hospitaliers universitaires ’’ les centres hospitaliers régionaux faisant partie des CHU (disposition contre laquelle se sont élevés, à l’unanimité, les Présidents d’université et les Doyens), ce texte distingue nettement ce qui revient en propre à chaque composante, l’Hôpital et la Faculté.

Coordination à l’échelon national

Les Centres Hospitaliers et Universitaires ont plusieurs missions : soins, enseignement universitaire, recherche, mais aussi formation professionnelle des futurs médecins et des autres professionnels de santé. Ces missions relèvent de différents ministères : éducation nationale, santé, affaires sociales, recherche. Pour coordonner leurs actions et en assurer l’indispensable cohé-
rence à l’échelon national, il est essentiel de les placer de nouveau sous l’autorité d’un Comité Consultatif Inter Ministériel pour les questions hospitalouniversitaires . Ce Comité avait été créé auprès du Premier Ministre en 1976, mais il n’a pas été réuni depuis plusieurs années et il a disparu en pratique. Il est urgent de le recréer et de lui confier la réalisation effective et le suivi des réformes qui seront décidées. Outre son rôle de conseiller pour les grandes orientations hospitalo-universitaires ce comité aura, entre autres, la responsabilité de prévoir les flux nécessaires d’étudiants en médecine ( numerus clausus ), de préparer l’évolution de certaines spécialités médicales et de préciser les conditions d’accès, le statut et la position des médecins étrangers voulant exercer en France.

Missions hospitalières

La mission essentielle des hôpitaux universitaires est de constituer des pôles médicaux de référence et de permettre à la médecine de bénéficier des acquis de la recherche. Il est pour cela fondamental de prévoir une nouvelle organisation, basée sur la régionalisation et sur la création de structures à caractère contractuel , la priorité étant donnée aux malades et donc aux objectifs médicaux.

La cohérence d’ensemble étant assurée à l’échelon national par le Comité Inter-Ministériel pour les questions hospitalo-universitaires, la régionalisation et la contractualisation permettront de garantir localement la souplesse et l’adaptabilité indispensables. Sous l’autorité d’un Comité Régional pour les questions hospitalo-universitaires, (comprenant notamment des représentants des collectivités locales, les doyens, les présidents de CME et les directeurs généraux des hôpitaux universitaires, des hôpitaux militaires d’instruction, des hôpitaux généraux, des centres anti-cancéreux et des établissements privés de la région susceptibles d’être associés à l’action des hôpitaux universitaires, seront définies les priorités locales, évalués les compétences et les moyens disponibles, organisées entre les établissements d’une même région une complémentarité et une émulation véritables.

Au niveau des hôpitaux universitaires, la présence d’hospitalo-universitaires doit être renforcée dans les conseils d’administration. De même, la composition des commissions médicales d’établissement doit être modifiée, de façon à comprendre majoritairement des médecins responsables d’unités, de services ou de départements médicaux. On permettra ainsi à ces commissions de pleinement jouer leur rôle stratégique dans l’étude des choix médicaux .

Le pilotage des hôpitaux universitaires doit s’appuyer sur une coordination étroite entre équipe de direction et corps médical. Il faut faciliter la compréhension mutuelle entre ces responsables appelés à collaborer étroitement. Pour cela, l’Académie nationale de médecine demande la création d’un Institut des Hautes Etudes de Santé , créé dans l’esprit de l’Institut des Hautes Etudes de
la Défense Nationale. Cet Institut sera ouvert aux futurs directeurs généraux qui souhaitent acquérir une formation complémentaire, ainsi qu’aux médecins hospitalo-universitaires disposant déjà d’une ancienneté et d’une large expé- rience professionnelle médicales et désireux d’être candidats à des responsabilités particulières au sein de leur hôpital (doyen, président de CME).

La responsabilité médicale des hôpitaux dépend des médecins, qui doivent avoir les moyens de l’assumer. Il est pour cela indispensable qu’ils disposent d’une autorité effective sur leur personnel médical et paramédical. Il faut aussi que, pour certaines tâches administratives, ils soient secondés, par un adjoint administratif, lorsque la taille du service ou du département médical qu’ils dirigent le justifie.

Certains services constituent à eux seuls de véritables départements, et d’autres, moins importants, sont parfois réunis dans des Fédérations Médicales , associant par exemple des services de médecine, de chirurgie, de biologie et d’imagerie spécialisés dans un même domaine . Par rapport à ce qui existe, trois modifications sont nécessaires :

— les fédérations médicales peuvent être le noyau fonctionnel de centres de responsabilité médicale . Elles doivent être le pivot de réseaux associant, éventuellement, des services issus d’établissements hors-CHU (hôpitaux généraux, hôpitaux militaires d’instruction, établissements privés de la région, centres anti-cancéreux), en fonction de leur complémentarité et de leurs compétences.

— ces fédérations et ces réseaux seront créés sur une base contractuelle et pour une durée limitée (5 ans par exemple), de façon à garantir une réelle évolutivité sans laquelle une médecine de haut niveau ne saurait se concevoir.

— ces structures devront répondre aux priorités choisies à l’échelon régional et correspondre à un projet médical précis mais aussi à un projet d’enseignement, de formation et de recherche clinique.

Dans ces fédérations ou ces réseaux, on pourra ainsi, à l’avenir, répartir les trois missions hospitalo-universitaires (soins, enseignement, recherche) entre les membres d’une même équipe , qui — pour des périodes données — se consacreraient à deux de ces missions : soins et enseignement ou bien soins et recherche. Quelle que soit cette répartition des tâches, l’essentiel est que tous les hospitalo-universitaires puissent disposer, initialement, d’une solide formation médicale et d’une formation à la recherche.

Enfin, l’ « efficience » des services doit être évaluée et reconnue pour permettre, en retour, une amélioration de leurs moyens. Parallèlement, l’assouplissement des conditions d’exercice en secteur privé hospitalier doit aider à attirer ou à maintenir l’élite médicale dans les hôpitaux universitaires et à davantage ouvrir ces hôpitaux sur les autres circuits de soins.

Missions d’enseignement

L’enseignement est la mission première des Facultés de Médecine. Celles-ci devront faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants et à la nécessité d’offrir une formation complémentaire aux médecins étrangers. Elles doivent aussi faire preuve d’adaptabilité en développant l’enseignement des disciplines nouvelles. Elles doivent enfin redonner sa vraie place à l’enseignement clinique au lit du malade et assumer leurs responsabilités en matière de formation médicale continue.

Pour cela, l’enseignement médical doit voir son importance mieux reconnue et il faut :

— donner aux activités d’enseignement une place équivalente à celle de la recherche dans les pré-requis (titres et travaux) exigés pour les candidats aux concours hospitalo-universitaires. Parmi ces pré-requis, on pourrait envisager qu’à l’avenir une Habilitation à l’Enseignement Médical devienne l’équivalent de l’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR), actuellement nécessaire pour concourir.

— restaurer les épreuves pédagogiques dans ces concours — qui sont destinés à sélectionner de futurs enseignants — et les épreuves cliniques (ou biocliniques) , puisqu’il s’agit de recruter des médecins hospitaliers de haut niveau et non pas, seulement, des chercheurs.

l’enseignement médical a besoin d’être réorganisé, et il faut aussi :

— tout en veillant à une indispensable cohérence au niveau national et à leur maintien au sein des universités, instaurer pour les Facultés de Médecine une plus grande autonomie (programmes, méthodes pédagogiques, docimologie, évaluation des compétences professionnelles) tenant compte de leurs spécificités. Il convient aussi de leur redonner la personnalité morale d’établissement public que la loi de 1984 leur avait retirée et sans laquelle elles ne peuvent valablement signer et faire appliquer les conventions qui sont le fondement même du système hospitalo-universitaire .

— faciliter l’intégration de l’enseignement médical dans le cadre européen prévu pour les études supérieures (Licence-Master-Doctorat), — développer entre les Facultés une complémentarité et une émulation en matière d’enseignement médical.

l’enseignement médical a besoin de disposer de nouveaux moyens, et il faut enfin :

— créer ou développer, à l’intérieur des hôpitaux universitaires, des locaux d’enseignement pourvus des équipements nécessaires (informatique, bibliothèques, matériels de simulation, notamment),
— et surtout, pour leurs activités d’enseignement, doter les services ou les fédérations médicales de personnels techniques compétents et en nombre suffisant.

Recherche clinique, bioclinique et épidémiologique

La recherche médicale hospitalo-universitaire repose d’abord sur l’hôpital où doivent être implantés les centres de ressource biologique auxquels l’Acadé- mie nationale de médecine a récemment consacré un rapport. Elle doit être au service des malades qui en sont le point de départ et l’aboutissement.

Cette recherche est aussi universitaire , pour que ses résultats profitent à l’enseignement. Elle doit donc relever du Ministère de l’Education Nationale et, localement, des Universités. Elle doit évidemment continuer à bénéficier de l’apport essentiel des grands organismes de recherche (EPST) et pouvoir désormais s’appuyer sur le soutien financier des hôpitaux universitaires — dont c’est une des missions, notamment pour les innovations coûteuses et les transferts technologiques — et sur une participation de l’industrie, sur une base contractuelle.

Pour mener à bien ses missions, cette recherche médicale clinique, bioclinique ou épidémiologique (y compris dans les ‘‘ populations ’’extra-hospitalières) doit disposer de moyens spécifiques, avec l’affectation de personnels hospitaliers et universitaires (personnels techniques et de secrétariat) dévolus à la recherche et avec des budgets (PHRC) reconductibles sur plusieurs années. La mise à disposition de ces moyens doit s’inscrire dans un cadre contractuel et ne concerner que des projets scientifiques précis et limités dans le temps, utilisant au mieux les diverses complémentarités régionales ou nationales et soumis à une évaluation régulière et rigoureuse des résultats.

Enfin, pour être efficace, la recherche hospitalo-universitaire doit bénéficier de l’allègement de certaines contraintes, comme l’a rappelé le communiqué de l’Académie du 27 mai 2003 sur les essais cliniques.

Désireuse de s’en tenir à l’essentiel, l’Académie nationale de médecine est finalement conduite à recommander un ensemble cohérent de mesures assez complexes dont elle souligne de nouveau l’extrême urgence. Cette complexité est le reflet des problèmes auxquels est confrontée la médecine hospitalouniversitaire, située au carrefour des responsabilités d’un service public hospitalier, de l’université, de la formation professionnelle, de la recherche, qui, toutes, engagent fortement l’avenir de nos concitoyens et le prestige de la nation.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 17 juin 2003, a adopté ce rapport à l’unanimité moins une abstention.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 6, 1163-1168, séance du 17 juin 2003