Rapport
Séance du 4 octobre 2005

Rapport 05-15 Recommandations de l’Académie nationale de médecine pour la formation clinique initiale des étudiants en médecine

MOTS-CLÉS : medecine clinique/enseignement et education
Recommendations for improvement of the clinical training of medical students
KEY-WORDS : clinical medicine/education

Pierre-Ambroise Thomas, Daniel Loisance, au nom de la Commission XIV

Résumé

La formation clinique initiale des étudiants en médecine devrait être améliorée par le développement de cours théoriques et de stages hospitaliers permettant une véritable intégration de l’étudiant dans l’équipe hospitalière. Former le plus tôt possible le comportement de l’étudiant dans la relation avec le malade est souhaitable. Ceci impose une forte implication des personnels hospitaliers, qui devrait être prise en compte dans la carrière de ceux-ci.

Summary

Young medical students’ initiation into clinical activity and clinical responsabilities could be improved by developing theoretical courses and clinical activities under the strict control of senior medical staff. Such teaching activities should be taken into account in career advancement.

L’Académie nationale de médecine, soucieuse d’une adaptation de l’enseignement clinique des jeunes étudiants en médecine (P2-D1) aux évolutions
récentes de la médecine et aux nouvelles conditions de la vie hospitalière, a réalisé une enquête auprès des médecins hospitaliers en exercice, Membres correspondants de la Compagnie [1], et insiste sur l’importance de plusieurs mesures concrètes permettant d’améliorer la formation des étudiants en médecine aux cours des premières années de leurs études (deuxième année du premier cycle -P2 et première année du deuxième cycle -D1).

Les facteurs qui ont modifié les conditions de cette formation sont multiples et de nature très diverse. Ils tiennent aux modifications des maladies prises en charge en milieu hospitalo-universitaire (les maladies les plus courantes sont bien souvent traitées dans des structures privées ou des hôpitaux généraux), à la durée d’hospitalisation (une tendance très forte à la réduction des durées de séjour est l’un des objectif d’une meilleure gestion hospitalière), aux nouveaux traitements (qui conduisent eux aussi à la réduction du temps de séjour hospitalier), mais également à la démographie médicale (forte réduction du nombre d’Internes et de Chefs de Clinique disponibles pour la formation clinique). La spécialisation croissante et l’attrait considérable pour les nouvelles techniques d’investigation (biologie, imagerie…) tendent enfin à réduire l’importance du contact direct patient-médecin. Le cadre et les acteurs de l’enseignement clinique ont ainsi profondément changé.

Les deux premières années (P2-D1) de la formation des médecins doivent être consacrées à l’enseignement de la séméiologie et à l’apprentissage des comportements du médecin. La formation initiale des étudiants en médecine pourrait avec profit être préparée au niveau de P1, par l’apprentissage des gestes de secourisme élémentaire. Cet enseignement sera utile quel que soit le résultat du concours de fin d’année. A la fin de P1, pour les étudiants ayant franchi avec succès cette étape, le stage infirmier devrait être généralisé, pendant les vacances avant même l’entrée en P2.

Le but de l’année P2 est l’étude analytique des signes et des symptômes [2]. L’enseignement a pour but de développer les sens et l’aptitude à l’analyse des signes. Il comprend l’apprentissage des gestes capables de détecter les contours du corps normal, des viscères et les anomalies principales dont il peut être porteur. Il s’y ajoute l’apprentissage des gestes complémentaires (prise de la tension artérielle, examen du fond d’œil, examens ORL…). Cet enseignement doit être théorique en amphithéâtre avec tous les moyens pédagogiques modernes (films pédagogiques, vidéo projections, mannequins) et assuré par un senior. Les étudiants eux-mêmes peuvent être impliqués et devenir des sujets d’examen. L’enseignement doit aussi être pratiqué au lit du malade ou dans les consultations, par petits groupes, par un Chef de Clinique, pendant une durée qui ne saurait être inférieure à deux mois.

Le but de l’année D1 est l’apprentissage de l’analyse synthétique des signes, de leur agencement et de leur intégration dans le contexte plus général de la maladie [2]. Cette année est en outre pour l’étudiant l’occasion de
comprendre le pourquoi et le comment de l’acte médical. Il doit apprendre à hiérarchiser les données de l’examen clinique, être familiarisé à l’intégration des signes dans l’arsenal plus général permettant le diagnostic (examens biologiques, diverses techniques d’imagerie…). La raison et les résultats attendus des examens complémentaires quels qu’ils soient doivent être discutés. La formation doit se compléter par un apprentissage de la mise en forme des informations recueillies pour déboucher sur « l’observation » et le dossier partagé qui, à côté des informations administratives, permettra de reconnaître rapidement les particularités du malade (familiales, sociales, professionnelles ….), ses habitudes de vie, son passé pathologique et son parcours médical, enfin les caractéristiques cliniques et les données complé- mentaires permettant le diagnostic. Les moyens modernes de communication (banque d’images et de vidéo) et de gestion de l’information (bases de données, outils statistiques) doivent être mis à la disposition des enseignants et devenir familiers à l’étudiant.

Au cours de ces deux premières années de formation clinique, l’apprentissage de la relation médecin-malade est déterminant pour la qualité future du jeune médecin : l’étudiant doit développer ses aptitudes psychoaffectives, apprendre à ajuster sa présentation et son comportement aux exigences du malade et aux circonstances particulières et à créer ce climat de confiance sans lequel ne peut se dérouler l’acte médical le plus simple. Il doit apprendre l’interrogatoire, étape essentielle de l’examen, qui doit être mené avec doigté, habileté verbale. Il doit aussi apprendre à susciter le dialogue avec le malade. Il doit se faire accepter par le malade et pouvoir palper, percuter, ausculter. Empathie et respect de la pudeur du malade sans pour autant hésitation devant le contact sont des éléments importants de ce « colloque singulier ». L’appétit de réflexion « éthique » du jeune étudiant doit enfin être renforcé par l’exemple des aînés [3]. En effet cet enseignement est délivré au mieux par un médecin senior, au lit du malade. C’est bien au contact du malade, par l’exemple du « maître », que s’acquière « l’intelligence de la main » [4].

L’enseignement est organisé par le Chef de Clinique, dont la mission d’enseignement est prioritaire, sous la responsabilité du Chef de Service et du Doyen de la Faculté de Médecine, et par compagnonnage avec les médecins seniors du Service et notamment de façon informelle et permanente avec les internes.

Cet enseignement est délivré au cours de stages hospitaliers obligatoires, d’une durée suffisante. La bonne intégration de l’étudiant dans l’équipe médicale est indispensable à la bonne transmission de ce savoir et de ce savoir faire. La participation des étudiants aux consultations doit être également encouragée. L’enseignement de la clinique doit être facilité dans les centres hospitaliers non universitaires, après évaluation de la compétence pédagogique et de la motivation des médecins, dans le cadre d’un contrat de collaboration avec la Faculté.

Les objectifs du stage doivent être clairement précisés dans un carnet de stage.

Le contrôle des connaissances est une étape importante. Il doit être assuré par les médecins seniors. Il doit tenir compte non seulement de l’assiduité mais aussi des connaissances acquises (théoriques et pratiques), et du comportement de l’étudiant vis-à-vis du malade, en s’assurant que les principaux champs de la séméiologie ont été abordés. La validation du stage sur ces bases est indispensable pour le passage dans l’année suivante.

Avec l’accord du Doyen, seront précisées, dans chaque Faculté, les modalités d’un examen de rattrapage pour les étudiants n’ayant pas satisfait à ces épreuves.

L’implication personnelle des médecins seniors du service doit être encouragée par les Doyens des Facultés de Médecine. La valorisation de ces activités doit intervenir dans l’avancement des médecins hospitalouniversitaires au même titre que la production scientifique [5].

BIBLIOGRAPHIE [1] Enquête auprès des médecins hospitalo-universitaires sur l’enseignement clinique (Académie nationale de médecine, février-mars 2005).

[2] RICHET G. — Bâtir la Science Clinique, notes personnelles, 2005.

[3] PELLERIN D. — A propos du rapport Cordier : Ethique et Professions de santé. Médecine et humanisme. Bull. Acad. Natle. Méd. , 2004, 188 , no 3, 539-546.

[4] MONDOR H. — Les diagnostics urgents, Paris, Ed. Masson, 1930.

[5] CHARPENTIER B. — Audition du 25 janvier 2005 par la Commission XIV de l’Académie nationale de médecine.

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier pour leur collaboration les Professeurs G. Richet, J.B.

Paolaggi et R. Mornex et pour leur participation à l’enquête les Professeurs Benabid, Lelord, Da Moneret, Sénécal, Hoerni, Salle, Vigneron, Blanc, Le Gall, Lelord, Bricaire, Vallancien, Bousser, Béani, Sancho-Garnier, Bazex, Léophonte, Bontoux, Tran Ba Hui, Didelot, Guidicelli, Haas, Debry, Rouëssé.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 4 octobre 2005, a adopté le texte de ce rapport par trente neuf voix pour, trois contre et onze abstentions.

* Membre de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 7, 1561-1564, séance du 4 octobre 2005