Résumé
L’introduction dans la loi 2002-303 du 4 Mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a introduit le droit pour toute personne à « l’accès à l’ensemble des informations concernant sa santé, détenues par des professionnels et établissements de santé » Cette novation conduit nécessairement à revoir certains articles du code de la santé publique qui traitaient du dossier médical et de la conservation des données personnelles de santé. Sollicitée pour donner son avis sur ce sujet, l’Académie nationale de médecine exprime globalement une approbation du texte proposé. Néanmoins elle tient à formuler quelques observations et remarques dont elle souhaite qu’il soit tenu compte dans la rédaction définitive du texte.
Summary
French law 2002-303 of 4 March 2002 relating to patients’ rights and health care quality states that ‘ all citizens are entitled to access all information concerning their individual health which is held by health professionals or institutions ’’. This innovative notion implies modifying certain articles of the Public Health Code relating to patients’ medical files and archiving of individual health information. The French National Academy of Medicine, called on to give its opinion, globally approves the draft texts. However, the Academy makes a number of observations and remarks that it wishes to be taken into account in the final texts.
Par lettre du 26 avril 2004, le Ministre de la santé et de la protection sociale, Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, Bureau droits des usagers et fonctionnement général des établissements de santé, sollicite l’avis
de l’Académie nationale de médecine sur un projet de texte relatif aux conditions de conservation par les établissements de santé, des dossiers médicaux à caractère personnel mentionnés à l’article R. 1112-2 du code de la santé publique (CSP). Ce projet de texte modifie l’article R. 1112-7 du CSP.
L’ANALYSE DU PROJET DE TEXTE — Le principe proposé consiste à ne retenir qu’une seule durée de conservation quelle que soit la pathologie du patient et le statut public ou privé de l’établissement de santé.
La durée de conservation serait de vingt ans à compter du dernier passage de son titulaire dans l’établissement pour y recevoir des soins ou à l’occasion d’une consultation externe.
— Les informations de santé concernant des mineurs doivent être conservées au moins jusqu’au vingt-huitième anniversaire des intéressés.
— La durée de conservation est fixée à dix ans à compter du décès du patient lorsque ce délai expire moins de vingt ans après son dernier passage dans l’établissement.
— A l’inverse, ces délais de conservation sont suspendus en cas d’introduction d’un recours gracieux ou contentieux, tendant à mettre en cause la responsabilité médicale de l’établissement de santé.
— Les informations concernant la santé des patients sont soit conservées au sein des établissements de santé qui les ont constituées, soit déposées par ces établissements auprès d’un hébergeur dans les conditions prévues à l’article
L. 1111-8.
— Le directeur de l’établissement veille à ce que toutes dispositions soient prises pour assurer la garde et la confidentialité des informations ainsi conservées ou hébergées.
— Les cartes électroniques utilisées pour assurer la confidentialité des échanges électroniques 1 des informations contenues dans le dossier mentionné à l’article R. 1112-2 sont conformes aux dispositions des articles R. 161-52 à R. 161-54 du code de la sécurité sociale.
— A l’issue des délais de conservation, les dossiers peuvent être éliminés.
Toutefois, l’original d’un dossier médical peut être transmis, sur leur demande, à son titulaire, à ses représentants légaux, à ses ayants droit ou à un hébergeur désigné par les personnes susmentionnées.
Cette formule ne peut concerner que les dossiers constitués sur un support papier ou un film radiographique, 1. « Informatisation des données médicales et confidentialité » Bull. Acad. Natle Méd ., 2000, 184 , no 4, 827-845, séance du 18 avril 2000.
Si le support est informatique, les intéressés peuvent s’en faire remettre une copie dans les conditions ordinaires d’accès aux sites informatiques.
La décision d’élimination ou de transmission est prise par le directeur de l’établissement après avis conforme du médecin responsable de l’information médicale.
Les procédés d’élimination des dossiers médicaux doivent garantir, à toutes leurs étapes, la confidentialité des informations de santé à caractère personnel qui y figurent jusqu’à la destruction complète de celles-ci.
Afin de donner aux établissements et associations d’usagers le temps nécessaire pour informer les patients des nouvelles règles applicables à la conservation de leurs dossiers médicaux, les dispositions transitoires du projet de texte diffèrent l’application du nouveau dispositif pendant un délai de douze mois suivant la publication du décret.
LES REMARQUES DE L’ACADÉMIE
L’Académie nationale de médecine exprime globalement une approbation du texte proposé. Néanmoins elle tient à formuler quelques observations et remarques dont elle souhaite qu’il soit tenu compte dans la rédaction définitive du texte.
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Concernant la durée de conservation du dossier médical :
— Le délai de vingt ans, s’il est tout à fait raisonnable, peut néanmoins appeler quelques exceptions. Il en est ainsi de certaines pathologies qui peuvent demeurer muettes pendant une durée supérieure à vingt ans et se réactiver. La connaissance des informations portées sur le dossier initial est tout à fait utile. Un délai de conservation supérieur à vingt ans devrait pouvoir être accordé à la demande du médecin qui a posé ou seulement suspecté le diagnostic d’une telle affection lors de la constatation des premiers symptômes.
— Il en est de même de certaines pathologies susceptibles de s’inscrire dans un risque sériel faisant l’objet d’une vigilance particulière de santé publique.
— Il serait souhaitable qu’une même harmonisation de la durée de conservation des dossiers médicaux soit étendue aux dossiers médicaux des Services Médicaux des caisses d’assurance maladie et aux dossiers médicaux d’expertise judiciaires.
• Concernant les responsabilités respectives du Directeur de l’Etablissement et de l’Hébergeur :
L’Académie nationale de médecine conçoit très bien que lorsque le dossier médical est conservé au sein même d’un établissement, la responsabilité de sa
garde, de sa conservation et le respect de sa confidentialité soient de la responsabilité du directeur de l’établissement.
Mais dès lors que le dossier serait confié à la garde d’un hébergeur il lui apparaît qu’en application de l’article 1384 du Code Civil, cette responsabilité incombe totalement à l’hébergeur. Dès lors le titulaire du dossier médical et le médecin hospitalier ou libéral responsable de sa rédaction doit être parfaitement informé de l’identité de l’hébergeur et des modalités du contrat qui le lie à l’établissement de soins et des conditions de sécurité et du respect de la confidentialité des informations personnelles figurant dans le dossier hébergé.
• A l’approche de l’issue du délai de conservation , toutes dispositions devraient être prises pour que le malade ou ses ayants droits soient informés de l’échéance réglementaires et soient interrogés sur leur souhait de reprendre possession du dossier ou de le laisser détruire.
Dans la première hypothèse, si la demande était formulée par des ayants droits, toutes dispositions devraient être prises pour que leur soient notifiée l’éventuelle « volonté contraire exprimée par la personne avant son décès ’’, conformément aux dispositions de l’article L.1110-04 § 7.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 29 juin 2004, a adopté le texte de ce rapport (une voix contre, une abstention).
Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 6, 1079-1081, séance du 29 juin 2004