Communication scientifique
Séance du 29 juin 2004

Hernies ventrales antérolatérales dites de Spiegel. 51 cas

MOTS-CLÉS : hernie paroi abdominale.
Spiegelian hernias. A serie of 51 cases.
KEY-WORDS : hernia. ventral.

Marcel Guivarch *, Olivier Boche, Antoine Scherrer, Jean-Claude RoulletAudy

Résumé

Les auteurs rapportent 51 observations de hernies de Spiegel et font une étude critique de la littérature. Une masse isolée (17 cas), des douleurs abdominales (17 cas, une complication (14 cas : occlusion 8, étranglement 6), furent les signes révélateurs. Dans 3 cas la découverte fut fortuite. Le diagnostic fut pré-opératoire 31 fois, fait ou confirmé à l’intervention 17 fois. Le grand intérêt de l’échographie (10 cas) et de la tomodensitométrie (6 cas), à froid et en urgence est discuté. L’orifice profond était situé 47 fois à hauteur de l’arcade de Douglas dans le sillon latéral de l’abdomen. Le collet était inférieur à 3 cm dans 16 observations, et le sac herniaire dans tous les cas en position interstitielle, sous l’aponévrose du grand oblique. Le contenu était incarcéré ou étranglé dans 14 cas. 48 malades furent opérés, 3 malades différés. La voie d’abord fut latérale dans 43 cas, médiane dans 5. Les indications actuelles de la laparoscopie pour l’abord et la réparation sont discutées.

Summary

We describe 51 cases of Spiegel’s hernias, and report a critical review of the relevant literature. The patients presented with an isolated mass in 17 cases, abdominal pain in 17 cases, and a complication in 14 cases (intestinal occlusion in 8, incarceration in 6). The hernia was discovered fortuitously by compute tomography in three cases. The diagnosis was made preoperatively in 31 cases and during surgery in 17 cases. Sonography was contributory in 10 cases and compute tomography in 6 cases. In 47 cases the deep orifice was located at the level of Douglas’ arch, in the anterolateral abdomen. The hernial sack remained interstitial in every case, under the aponeurosis of the external oblique. The contents were irreducible or strangulated in 14 cases. Surgery was necessary in all but three cases. The approach was lateral in 43 cases and medial in 5 cases. The indications of laparoscopy in this setting are discussed.

INTRODUCTION

C’est à Ledran, dans le

Traité des opérations de chirurgie de 1742, vingt ans avant

Klinkosch si souvent cité, qu’on doit les quatre premières observations cliniques de hernies du sillon latéral de l’abdomen, dites de Spiegel par une erreur étonnamment tenace puisque cet anatomiste flamand enseignant à Padoue au XVIIe siècle, décrivit bien en 1626 la ligne semi circulaire d’insertion de l’aponévrose antérieure du muscle transverse, mais ni le sillon latéral de l’abdomen, ni ses points faibles, ni ses hernies.

Leur intérêt a été relancé depuis dix ans par l’apport décisif de l’imagerie à un diagnostic préopératoire réputé difficile, et par la laparoscopie dont la place croissante pour l’abord et la réparation de ces hernies reste encore à évaluer et à codifier.

On peut estimer que 1100 cas ont été publiés à ce jour, si l’on ajoute aux 950 relevés par Onal en 1992 [25], les 120 cas indexés et publiés depuis dans 99 articles ! Mais la recherche est difficile et sûrement incomplète : Spangen [28] l’a poursuivie dans 280 articles antérieurs à 1989 et note dans son relevé de 876 observations que trois séries seulement dépassent 20 cas : la sienne 45, Stucke 43, Houlihan 31. De son côté, Moreno-Egea [21] a compilé entre 1970 et 2002, 479 cas dans 159 articles disséminés dans 85 revues, dont 40 % médicales ou de spécialités. Parmi les articles parus depuis dix ans, deux séries nous ont semblé intéressantes par leur nombre et leurs dates :

81 cas de Larson à la Mayo Clinic [15] entre 1976 et 1997 ; 28 cas de Moreno-Egea [21] à Murcie entre 1994 et 2001. Beaucoup de publications de 1 à 4 cas isolés le sont pour l’imagerie, ou proviennent d’unités ou de centres de chirurgie herniaire, ou laparoscopique ou les deux.

A propos de la présente série de 51 malades observés dans notre hôpital entre 1970 et 2002, nous souhaitons étudier les manifestations et le diagnostic cliniques, la place de l’imagerie et préciser les modalités actuelles du traitement chirurgical. Par souci de clarté, nous n’avons pas retenu dans notre étude les hernies inguinales directes hautes parfois appelées Spiegel basses, sortant sous le ligament de Hesselbach, et les éventrations abdominales post-opératoires au bord externe du muscle grand droit.

LA PAROI ABDOMINALE : BREF RAPPEL ANATOMIQUE.

Le péritoine doublé de sa graisse est séparé par le fascia transversalis du plan profond de la sangle abdominale, formé au milieu par le grand droit dans sa gaine et latéralement par le muscle transverse. Celui-ci s’insère sur la ligne blanche par une aponévrose antérieure qui naît du corps charnu selon une ligne semi-circulaire, la
ligne décrite par Spiegel, laquelle s’écarte progressivement du muscle grand droit.

Le sillon latéral aponévrotique de l’abdomen , entre le corps charnu du transverse et le bord externe du grand droit, est étroit et solide dans ses deux tiers supérieurs où l’aponévrose s’unit au feuillet postérieur du petit oblique pour former la paroi postérieure de la gaine du droit. Dans son tiers inférieur, le sillon est plus large et plus fragile, car les deux aponévroses passent en avant dans la gaine du droit. Ce changement de direction est marqué sur la paroi postérieure de ladite gaine et sur le sillon latéral par l’arcade de Douglas, fibreuse, tranchante, concave en bas. En dehors du droit et devant le péritoine, il n’y a plus que le fascia transversalis, fibro-celluleux, renforcé par une cravate fibreuse qui se détache du bord externe de l’arcade de Douglas, descendant en bas et en dehors pour contourner en dedans puis en bas le cordon ou le ligament rond, c’est le ligament de Hesselbach. (Fig 1a, b).

MALADES ÉTUDIÉS .

De 1970 à 2002 inclus, 51 hernies dites de Spiegel (HS), ont été observées à l’hôpital Foch, chez 48 malades, 24 femmes et 24 hommes, (car 1 récidive et 2 hernies bilatérales) ; d’âge moyen 71 ans avec des extrêmes de 48 et 92 ans. Le siège était 47 fois sous ombilical, 2 fois para ombilical et 2 fois sus ombilical ; et le côté droit dans 29 cas, gauche dans 22 cas. La taille du sac était supérieure à 5 cm dans 27 cas, inférieure à 5 cm 17 fois, imprécisée dans 7. La taille du collet était 17 fois inférieure à 3 cm, entre 3 et 5cm dans 20 cas, supérieure à 5cm dans 3 cas, imprécisée dans 11.

Le contenu était l’épiploon (9 fois), le grêle (13), le coecum) (3), le sigmoïde (2), l’appendice (2) ; dans 26 cas le sac était vide au moment de l’intervention. Les motifs de consultation furent une masse pariétale dans 17 cas, des douleurs abdominales dans 17 cas, une complication dans 14 cas soit 27 % : occlusion 8 fois, étranglement 6 fois. Dans 3 cas la HS fut découverte fortuitement sur un scanner. Le diagnostic préopératoire fut exact 31 fois, fait ou confirmé par l’intervention dans 17 cas. 48 malades furent opérés , (pour 3 malades, une maladie grave et l’absence de troubles ont fait différer l’opération). La voie d’abord fut latérale, centrée sur la hernie 43 fois, médiane 5 fois. Le sac péritonéal fut réséqué 39 fois, réintégré ou négligé dans 9 cas avec 1 récidive. Une résection d’épiploon fut nécessaire 1 fois, du coecum et de l’iléon 1 fois, du grêle 1 fois. Il n’y eut aucun décès postopératoire.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DES H.S.

L’orifice herniaire siège dans 90 % des cas au tiers moyen de la ligne qui joint l’ombilic à l’épine iliaque antéro-supérieure, au bord externe de la gaine du droit à son intersection avec l’arcade de Douglas (Fig 1a,b). Cette dernière est plus ou moins nette selon que les fibres du transverse passent devant le grand droit en un ou plusieurs niveaux, ce qui peut expliquer les rares cas de HS multiples. Les hernies situées sous le ligament de Hesselbach, prêtant à confusion avec les hernies ingui-

FIG. 1.

1A . — à gauche de la figure, le sillon antéro latéral de l’abdomen. 1 : gaine du droit. 2 : ligne semi-circulaire de Spiegel (transverse). 3 : siège des HS (flèche).

à droite de la figure , 1 : grands droits et ligne blanche. 2 : ligne semi-circulaire. 3 : bord externe du droit. 4 : petit oblique. 5 : grand oblique.

1B . — A : grand oblique. B : petit oblique. C : transverse. D :ligne de Spiegel. E : artère iliaque externe.

F : grand droit. G : sillon antéro latéral. H : arcade de Douglas. I : artère épigastrique inférieure.

J : ligament de Hesselbach. Grande flèche : orifice des HS.

1C. — Hernie de Spiegel interstitielle : 1 : grand oblique. 2 : petit oblique. 3 : transverse. 4 : péritoine.

En noir, le sac de la hernie.

nales directes hautes nous les avons exclues de notre étude. L’orifice était 47 fois sous et para ombilical, et 4 fois à hauteur ou au dessus de l’ombilic. Il mesurait moins de 5 cm dans 75 % de nos cas, cette petite taille et son bord supérieur tranchant expliquant la fréquence et la gravité des complications (27 %) d’occlusion du grêle et
d’étranglement. L’imprécision dans 11 de nos cas est hélas retrouvée dans la littérature : ainsi dans la thèse de Fonteny [10], la taille du collet n’est précisée que pour 170 des 478 cas, et dans 130 il est inférieur à 3 cm, soit 76 %. On peut donc s’étonner que le chirurgien dans beaucoup d’observations récentes le juge « assez large » pour justifier une plaque.

Le sac herniaire est dans 90 % des cas et tous les nôtres interstitiel (Fig 1c ) , développé latéralement en dehors vers l’épine iliaque, au travers des fibres charnues du petit oblique, et sous l’aponévrose du grand oblique, solide ou amincie et éraillée.

Souvent un lipome pré-herniaire ou la graisse sous péritonéale refoulée en augmentent le volume. Mais le siège n’est précisé que 233 fois sur 478 dans la Thèse de Fonteny [10], 2 fois profond sous le petit oblique et devant le transverse, 2 fois bi-sacculaire, et 35 fois superficiel devant le grand oblique soit 15 %, variété que Spangen [28] ne signale que dans 1,7 % de ses 876 cas. Ce trajet horizontal, en chicane, fixé par le grand oblique, et le lipome préherniaire, expliquent la difficulté d’une réduction complète et d’un repérage préopératoire précis.

Quant au contenu , le sac est souvent trouvé vide au moment de l’intervention, soit 26 % de nos cas, du fait de l’anesthésie et du décubitus. Mais il est fréquent d’y trouver, pincé au niveau du collet mais rarement adhérent : l’épiploon, le grêle, le coecum et l’appendice à droite, le sigmoïde à gauche. Dans la littérature, on mentionne l’estomac ou la vésicule dans les variétés hautes, la vessie dans les variétés basses, une appendicite, une Meckelite ou une sigmoïdite, ou ces organes non infectés [28] ; un myome utérin, un ovaire ; un tenia ; et chez le jeune garçon un testicule cryptorchide. Nous y reviendrons.

PATHOGÉNIE

Trois hypothèses pathogéniques ont tenté d’expliquer la HS. Aucune n’est satisfaisante, et l’intérêt pratique en est limité :

— un point faible vasculo-nerveux : l’orifice siègerait au point de pénétration soit d’une branche de l’artère épigastrique, soit de la branche antérieure du dernier nerf intercostal. Mais on ne trouve pas au niveau du collet de gros élément vasculaire ou nerveux et sa fermeture serrée ne donne jamais de névralgie post opératoire.

— u ne zone de transition embryologique entre les muscles larges (nés des myotomes thoraciques inférieurs et lombaires), et les grands droits (nés du mésoderme médian). Comme la ligne blanche médiane, le sillon antéro latéral serait un raphé de moindre résistance. Mais l’orifice profond est couvert par les muscles larges, et les aplasies du sillon latéral sont exceptionnelles (nous en possédons une observation), même chez le nouveau-né où l’association à des hernies inguinales ou à d’autres anomalies est pourtant fréquente.

— la théorie de la fasciculation invoque la structure et la direction des trousseaux fibreux des aponévroses du transverse et du petit oblique : ils se croisent et se
renforcent en haut mais sous l’ombilic ils sont parallèles et séparés par des fentes où s’engageraient des lobules graisseux puis un sac péritonéal. Zimmermann [32] a étudié sur 250 cadavres les zones de faiblesse du sillon latéral : il en trouve 22 % sur le petit oblique, 16 % sur le transverse, mais elle ne se superposent que dans 0,4 % des cas. Ces facteurs peuvent s’associer…

CLINIQUE

Les notions de fréquence varient avec l’imprécision et le nombre des observations colligées. La prédominance chez la femme, répétée depuis les travaux de Spangen [28] n’est pas vérifiée dans toutes les séries, dans celle de Larson[15] et dans la nôtre elle est identique dans les deux sexes. De même l’âge moyen est de 63 et 71 ans, plus élevé que les 50 ans donnés par Spangen sur 876 cas colligés et par Fonteny [10] sur 478. En fait, la HS n’est nullement l’apanage de sujets âgés à mauvaise paroi, et les publications récentes se multiplient concernant l’enfant et le nourrisson, Losanoff [19] en 2003 en collige 35 dont une dizaine chez le nouveau-né.

Le début des troubles est progressif et imprécis, datant de plus de six mois dans 42 % des cas, dont 16 % de plus d’un an, et de 10 et même 20 ans dans plusieurs hernies géantes ! mais il est parfois précis, à la suite d’un effort abdominal violent, d’une chute à respiration bloquée, d’un traumatisme fermé direct (guidon, ruade), et une déclaration d’accident de travail ou de sport a pu le matérialiser.

Les premiers signes sont des douleurs abdominales, une masse, une complication.

Mais la banalisation de l’imagerie, échographie et surtout tomodensitométrie permet de découvrir fortuitement des hernies totalement asymptomatiques.

Les douleurs abdominales sont notées dans 68 % des 478 observations colligées par

Fonteny [10]. Elles dominent la plainte dans 33 % de notre série et 24,5 % de celle de Larson[15]. Isolées, elles sont imprécises, iliaques hautes ou para ombilicales, en dehors du grand droit, nettement au dessus des aires herniaires inguinales, elles sont majorées par l’effort ou en position assise, cèdent au repos allongé. Elles on souvent justifié des investigations négatives. Champault[4], suit 99 cas de douleurs isolées de la fosse iliaque droite dont 57 ont justifié une laparoscopie. Sur 26 cas où l’appendice avait été enlevé et normal en histologie, la récidive des douleurs a fait découvrir 1 HS droite méconnue opérée un mois plus tard.

— Une masse palpable isolée est découverte dans 36 % des cas de notre série, dans 36 % de celle de la Mayo Clinic[15]. L’association d’une masse et de douleurs spontanées est notée dans 70 % des 335 cas retenus par Fonteny.[10]. Elle est évocatrice quand la masse siège au bord externe du grand droit sur la ligne joignant l’ombilic à l’épine iliaque, à fortiori si elle est impulsive à la toux, se réduit avec un bruit de gargouillement. Mais elle a tendance à s’étendre horizontalement en dehors, à se réduire partiellement, et la dépression où s’enfonce le doigt n’est pas évidente si la paroi est épaisse et obèse. L’examen en position debout, respiration
bloquée, facilite la recherche des petites hernies, inférieures à 3 cm soit 12 % de notre série. La masse varie de la noix à l’orange. Mesurée dans 250 observations, dans 89 elle est inférieure à 5 cm, dans 131 entre 5 et 10cm, dans 30 supérieure à 10 cm, pour atteindre 20 cm dans certaines hernies à large collet, connues parfois depuis plus de 10 ans [5, 14, 26]. Une complication est révélatrice dans 12,5 % des cas de la série de

Larson [15], 28 % dans la nôtre, et 31 % du relevé plus ancien de Fonteny[10] sur 153 cas utilisables. Il s’agit soit d’occlusion du grêle, soit d’incarcération brutale ou après plusieurs épisodes régressifs.10 à 21 % des cas sont ainsi opérés en urgence.[18, 28] Une masse fébrile avec sub-occlusion et hyper leucocytose a pu révéler une appendicite[3], une diverticulite de Meckel [7], une sigmoïdite [14], un pyocholécyste intra herniaires. Enfin, la découverte fortuite d’une HS totalement asymptomatique comme dans 3 de nos observations est un apport récent de l’imagerie.

La HS s’observe chez l’enfant : Losanoff [19] en 2003 en relève 35 cas publiés, dont une dizaine chez le nouveau-né ou le nourrisson. 25 % sont bilatérales, 20 % associées à une ou des hernies inguinales. Le collet mesure 1,7 cm à 5cm, donc relativement large par rapport à la taille, et le sac contient de l’épiploon ou du grêle, mais surtout dans 21 % des cas le testicule cryptorchide, ou l’ovaire. La masse est aisément perceptible voire visible sous la mince paroi. Son siège iliaque haut, une bourse vide, sont évocateurs. L’ultra-sonographie, préférable au scanner chez l’enfant, aide au diagnostic en montrant la masse intramusculaire, le sac et son contenu, moins bien l’orifice para rectal, guide la réduction [19, 31], qui permet une intervention à froid pour réséquer ou refouler le sac, abaisser éventuellement le testicule dans la bourse, traiter une hernie associée. Cette intervention prévient une occlusion possible, toujours grave chez un nourrisson.

LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES .

La radiographie sans préparation et les opacifications barytées ont été depuis 20 ans supplantées même en urgence par l’échographie et la tomodensitométrie.

L’échographie, avec un balayage sagittal bilatéral et comparatif, et des coupes verticales en position debout, objective quatre bandes : l’une profonde de la graisse pré péritonéale et du péritoine, les trois autres musculaires déjà décrites et en dedans l’image de 8 horizontal des grands droits dans leur gaine. Bien qu’opérateur dépendante, l’ultrasonographie est rapidement accessible, peu coûteuse, répétable, non agressive pour l’enfant. Elle est performante si la paroi est mince, affirmant le siège de la masse, intra musculaire, interstitiel, latéral, en dehors de la gaine du droit. Elle précise le contenu, aérique et digestif, grêle, épiploon, appendice et chez le nourrisson la présence du testicule ou de l’ovaire [19, 31]. L’interprétation est plus difficile chez l’adulte obèse, pour localiser en l’absence de masse palpable le collet des petites hernies à sac vide. En urgence elle a pu guider la réduction d’une hernie occluse [1, 20] et ainsi différer le moment et la voie de l’intervention. Mais en l’absence d’occlusion il est préférable de garder la masse comme repère pour l’incision. Elle
permet d’éliminer un hématome du droit (paramédian, dans la gaine, hypo dense avec des échos dus aux caillots) ; un sérome post-traumatique (bien limité voire enkysté, hypo dense et superficiel ; un abcès pariétal (à contour irrégulier et centre liquidien) ; une tumeur profonde, péritonéale, épiploïque ou viscérale étendue à la paroi ; et surtout une tumeur pariétale, moins l’exceptionnel sarcome vite étendu à la peau, que les tumeurs bénignes : angiome, fibrome et surtout tumeur desmoïde ou endométriose (de densité homogène, solide, mal limitée et développée sur une cicatrice), exposant à des difficultés opératoires. L’échographie est dans beaucoup de cas suffisante pour le diagnostic.

La tomodensitométrie (Fig 2) est cependant plus performante et de plus en plus pratiquée, même en urgence. Elle montre mieux les plans musculaires antérieurs, l’orifice à la jonction du droit et des muscles larges, la masse étalée sous le grand oblique aminci et soulevé, le sac péritonéal, le contenu : grêle, colon appendice…elle dépiste mieux une hernie bilatérale, et recherche une lésion profonde, un lithiase vésiculaire notamment susceptible de modifier l’abord de la HS. Elle a été faite de première intention, et positive, dans 6 de nos cas, plus encore dans la série de Larson [15] : 19 fois sur 81 avec 6 faux négatifs, et seulement 6 échographies. Récemment la qualité des images a suscité la publication de nombreux cas cliniques isolés. Nous ne reviendrons pas sur la discussion des autres lésions pariétales évoquées à l’échographie, qui peut très bien être couplée à la tomodensitométrie ou l’avoir précédée.

Un diagnostic pré opératoire exact, grâce à l’imagerie, est aujourd’hui formellement porté avant ou en dehors de l’intervention dans plus de 75 % des cas, [21] contre 50 %.par le seul examen clinique en 1976 [Weiss in 28]. Il l’a été dans notre série dans 34 de nos cas (66 %), mais il était fortement suspecté dans les 17 cas où l’intervention l’a affirmé sur le siége du collet et le trajet du sac. Quant à la laparoscopie pour le diagnostic de douleurs abdominales isolées, elle a été proposée mais non admise.

TRAITEMENT

La fréquence (27 %) et la gravité potentielle des étranglements imposent d’opérer les HS reconnues, sous anesthésie générale, ou pour certains malades âgés ou porteurs d’une tare majeure notamment respiratoire, sous anesthésie épidurale ou rachidienne, voire locale.

La voie d’abord latérale [3], (Fig 3). Elle est la plus utilisée, compte tenu de la solidité du plan musculaire et de sa facilité. Elle conduit directement, sans ouverture abdominale, sur le sac et sur le collet. Il est indiqué de dessiner en préopératoire l’incision au crayon feutre sur la saillie de la masse qui peut se réduire spontanément sous anesthésie. Elle comporte les temps suivants : incision cutanée oblique ou mieux transversale qui permet de bien s’exposer et de s’agrandir. Incision du grand oblique dans le sens de ses fibres. Découverte d’un éventuel lipome et du sac herniaire qu’on dissèque jusqu’au collet. Libération du collet, à l’angle fibreux de la gaine du droit et de l’arcade de Douglas, qu’on doit parfois sectionner en haut et en

FIG. 2. — TDM. HS droite. De haut en bas : peau, graisse abdominale, l’orifice herniaire entre grand droit et muscles larges. Sous l’aponévrose du grand oblique, le sac herniaire contenant le grêle étranglé.

dedans en retenant le contenu s’il est incarcéré, pour qu’il ne fuie pas dans l’abdomen. Ouverture prudente du sac s’il contient de l’épiploon, du grêle ou du colon, étranglés ou adhérents qu’on attire au dehors pour en apprécier la bonne vitalité ou la nécessité d’une résection, que nous avons dû faire 1 fois pour l’épiploon infarci, 1 fois pour nécrose et perforation du grêle avec double iléostomie, 1 fois pour nécrose iléocoecale par pincement latéral. De nombreux cas analogues ont été rapportés [17], et aussi d’ablations de l’appendice ou d’un diverticule de Meckel. La résection du sac péritonéal est préférable au simple retournement. Fermeture du collet à points séparés de fil non résorbable. Suture sans tension des muscles transverse et obliques, puis de la peau. Curieusement, Sanchez-Montès [27] a dans 6 cas obturé l’orifice par « un plug-ombrelle » (un bouchon). La fermeture directe de la paroi ne nous a jamais présenté de difficultés. Si une paroi médiocre, une hernie bisacculaire, l’association à une hernie inguinale la nécessitaient, une plaque de polypropylène nous paraîtrait préférable à un lambeau pris sur la gaine du droit ou sur le fascia lata.


FIG. 4. — Abord abdominal, HS gauche.

4A : 1 : paroi. 2 : collet. 3 : sac herniaire retourné. 4 : ligament rond. 5 : utérus. 6 : sigmoïde.

4B : suture du collet.

4C : plastie utilisant le ligament rond pour couvrir la suture de l’orifice.

La voie médiane (Fig 4) avait déjà des indications limitées : exploration pour une occlusion du grêle ou du colon d’origine indéterminée ; traitement d’une lésion associée ; premier temps opératoire d’un exceptionnel phlegmon pyostercoral herniaire. La laparoscopie s’impose aujourd’hui dans ces indications.

La voie pré péritonéale proposée par Spangen [28] pour les petites hernies non palpables, non repérées avant l’intervention, comportait une incision verticale jusqu’à la gaine du droit, puis la recherche en dehors de l’orifice de la hernie en restant en avant du péritoine. Elle était peu employée. Elle précède certains procédés de laparoscopie.

La voie laparoscopique . Depuis le premier succès de Carter en 1992, elle a suscité de nombreuses publications le plus souvent à propos d’un ou peu de cas cliniques. On
peut aujourd’hui en conclure à la faisabilité : — de la réduction d’un organe incarcéré (longue anse grêle [8], sigmoïde[16] même inflammatoire [14], appendice. — de la fermeture pariétale , soit par suture profonde de l’orifice [l6] qui laisse en place le sac et l’écartement musculaire ; soit par une plaque de propylène par extension du traitement laparoscopique des hernies inguinales, anatomiquement très différentes.

Cette plaque nous semble inutile pour obturer un petit orifice, inférieur à 5 cm dans 75 % des cas ; risquée si elle est intra péritonéale (on a décrit des adhérences du grêle avec iléus et fistules, des migrations de la plaque, et de mise en place) ; difficile si elle est extra péritonéale : la dissection au ballon [29] permet de voir l’orifice de la HS, de refouler le sac, puis de placer une plaque. Moreno-Egéa [15, 21] conclut à la supériorité de ce procédé après une étude prospective et randomisée comparant 11 cas à 11 autres opérés par une voie latérale classique. Les avantages de la laparoscopie pour traiter une HS bilatérale [11], ou associée à une hernie inguinale, ou un lésion abdominale associée (lithiase vésiculaire [9], appendicite, diverticulite), sont une moindre morbidité, mais ni précisée ni chiffrée ; non plus que les risques propres à la méthode (accidents de trocart ou de coagulation…). Il a même été rapporté [2] l’engagement d’un HS dans le trajet d’un trocart no 10 para rectal droit pour cholécystectomie antérieure. La série des 81 cas de la Mayo Clinic ne comporte qu’une seule laparoscopie, mais Larson [15] conclut à une alternative valable à la réparation classique. Alternative à la voie médiane nous semble plus juste, bien que notre série ne comporte aucune laparoscopie, que nous estimons faisable mais encore mal codifiée et mal évaluée.

RÉSULTATS

Ils sont jugés excellents et tous les articles ne signalent que six récidives après réparation par voie latérale, en reprenant le relevé — non actualisé et incomplet — de Spangen [28] de 1984 puis 1989. Or sur 876 cas, le suivi n’en concerne que 274 !

Dans l’ensemble, les séries importantes évaluent mal le recul, les malades s’y prêtant mal, et les cas isolés pas du tout. Losanoff [20] en rapporte deux cas, dont une hernie récidivée cinq fois chez un homme de 75 ans. Nous avons une récidive à 1 an, réopérée avec succès. Mais il y en a peut-être eu d’autres, réopérées par d’autres chirurgiens.

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* Professeur émérite à l’Université, chirurgien honoraire des hôpitaux de Paris, 374, rue de Vaugirard, 75015 Paris. Tirés-à-part : même adresse. Article reçu le 15 mars 2004, accepté le 26 avril 2004.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 6, 1041-1054, séance du 29 juin 2004