Communication scientifique
Séance du 25 juin 2002

Prévention des complications cutanées de l’immunodépression chez les transplantés

MOTS-CLÉS : carcinome annexes cutanées, prévention et contrôle. sarcome kaposi, prévention et contrôle.
Prevention of skin manifestations induced by immunosuppressive therapy of transplant-recipient
KEY-WORDS : carcinoma, skin appendage, prevention and control.

C. Francès

Résumé

Les manifestations cutanées après transplantation d’organe sont souvent handicapantes et parfois mortelles, d’où la nécessité de rechercher des moyens de prévention efficace. Le groupe d’étude « Peau et Greffe d’organe », de la Société Française de Dermatologie, a orienté ses travaux sur les carcinomes et la maladie de Kaposi. Les carcinomes cutanés sont les tumeurs les plus fréquentes après transplantation d’organe. Plusieurs facteurs interviennent dans leur genèse, notamment génétiques, environnementaux et iatrogènes. Leur prévalence est particulièrement élevée chez les sujets de phototypes clairs, âgés au moment de la transplantation, ayant eu un traitement immunosuppresseur de longue durée avec de nombreuses expositions solaires et des kératoses multiples, souvent d’origine virale à papilloma virus. La prévention repose essentiellement sur l’éducation des transplantés, la photoprotection et le traitement des lésions précancéreuses comme les kératoses. La maladie de Kaposi du transplanté apparaît lorsque coexistent une infection par le virus Herpès Humain 8 (HHV-8), l’immunodépression iatrogène et des cofacteurs qui sont en cours d’identification dans une étude prospective nationale sur la morbidité de l’infection HHV-8 après transplantation rénale. L’infection HHV-8 est plus souvent préalable à la greffe que transmise par le greffon. Le traitement repose essentiellement sur la baisse de l’immunosuppression tout en ne compromettant pas la fonctionnalité de l’organe transplanté.

Summary

As skin diseases after organ transplantation are often disabling and sometimes lethal, it is essential to develop preventive measures. The group « Skin and organ transplantation » of the French Society of Dermatology concentrated one’s efforts on skin carcinomas and Kaposis’s sarcoma. Skin carcinomas are the most frequent tumors observed in transplant recipients. Many factors participate to their pathogenesis such as genetic, environmental and iatrogenic. Their prevalence is very high in elderly transplant recipients with fair complexion, long time of immunosuppression, long time of sun exposure, multiple keratoses and warts. Preventive measures consist educational training, sun avoidance and treatment of keratoses. Transplant recipients who develop Kaposi’s disease are all infected with Human Herpes Virus 8 (HHV-8). HHV-8 promoinfection occurred frequently before transplantation. Cofactors involved in the development of Kaposi’sarcoma will be probably identified by the results of an ongoing national prospective study of kidney transplant recipients. Immunosuppressive therapy should be tapered to the lowest possible level compatible with allograft function.

Sarcoma, Kaposi, prevention and control.

INTRODUCTION

Après greffe d’organe, la majorité des manifestations cutanées en relation avec l’insuffisance de l’organe transplanté régresse en quelques mois. Il en est ainsi du prurit, de la mélanodermie diffuse qui contribue avec l’anémie au teint terreux des insuffisants rénaux, ou de la circulation collatérale, de l’ictère et des angiomes stellaires des insuffisants hépatiques. En revanche d’autres manifestations cutanées apparaissent, favorisées par l’immunosuppression chronique. Leur fréquence augmente avec l’allongement de l’espérance de vie de ces malades. Certaines de ces manifestations dermatologiques altèrent considérablement la qualité de vie des transplantés pouvant même parfois compromettre leur pronostic vital, d’où la nécessité d’une prévention. Au sein de la Société Française de Dermatologie s’est constitué un groupe d’étude de la peau des transplantés, dont les travaux sont actuellement orientés sur la prévention des carcinomes et de la maladie de Kaposi.

Aussi ai-je choisi de parler de ces 2 thèmes et de ne pas aborder toutes les autres complications infectieuses afin d’éviter une revue générale sûrement plus exhaustive mais plus rébarbative de l’ensemble des manifestations dermatologiques du transplanté.

CARCINOMES CUTANÉS

Les carcinomes cutanés sont de loin les tumeurs les plus fréquemment observées chez les transplantés, apparaissant en moyenne 20 à 30 ans plus tôt que dans le reste
de la population. Leur prévalence est élevée. Aux Pays-Bas, 10 % des transplantés sont concernés dix ans après la transplantation et 40 % vingt ans après la transplantation [1, 2]. En Australie, ces chiffres sont encore plus élevés à 40 et 70 % respectivement [3]. Plusieurs facteurs interviennent dans la genèse de ces carcinomes notamment génétiques, environnementaux et iatrogènes.

Facteurs génétiques

Le phototype défini en fonction de la couleur de la peau, la couleur des yeux, la couleur des cheveux et l’aptitude à bronzer constitue le principal facteur génétique.

En effet, les carcinomes surviennent essentiellement chez les sujets à peau claire, aux yeux bleus ou verts, aux cheveux roux ou blonds qui bronzent difficilement [4, 5]. D’autres facteurs génétiques ont été incriminés, notamment le système d’histocompatibilité qui joue en rôle majeur dans la réponse immune vis-à-vis des antigènes viraux ou tumoraux. Ainsi les transplantés porteurs de l’antigène HLAA11 seraient partiellement protégés des carcinomes alors que ceux porteurs de l’antigène HLA DR7 ou HLA B27 seraient plus exposés [6]. Le polymorphisme génétique des enzymes intervenant dans la détoxification des ions superoxydes générés par les ultraviolets, comme la glutathion S tranférase, pourrait également intervenir [7, 8]. Il sera vraisemblablement possible, dans les prochaines années, de distinguer un sous-groupe de transplantés génétiquement exposés à un risque élevé de cancers cutanés sur lequel devront principalement porter les efforts de prévention.

Facteurs environnementaux

L’irradiation solaire, notamment aux ultraviolets (UV), est un facteur de risque majeur des carcinomes des transplantés qui sont localisés principalement sur les zones exposées. Ce facteur explique les variations de prévalence des carcinomes du transplanté en fonction des pays et à l’intérieur d’un pays en fonction de la latitude.

L’irradiation totale reçue depuis la naissance par le transplanté semble intervenir, d’où l’importance d’une éducation de toute la population vis-à-vis du risque solaire.

Les mécanismes de photocarcinogenèse encore incomplètement compris font notamment intervenir les altérations photo-induites de l’ADN induisant des mutations, l’activation de l’ornithine décarboxylase ayant un rôle de promotion, la péroxydation lipidique induisant la génération d’aldéhydes mutagènes, la photoimmunosuppression en rapport avec une diminution des cellules présentatrices d’antigènes de l’épiderme (cellules de Langerhans) et la libération photo-induite par les kératinocytes de cytokines immunosuppressives. Cette action immunosuppressive explique la tolérance des cancers photo-induits. Les infections virales à papillomavirus humains (PVH) ont probablement aussi un rôle dans l’oncogenèse cutanée des transplantés. En effet, ces infections sont particulièrement fréquentes dans cette
population. Les PVH ont été détectés en peau normale (32 %) avec un réservoir dans les follicules pileux, sur les lésions kératosiques précédant les carcinomes ou qui leur sont associées et dans les carcinomes des transplantés [9]. Ainsi dans l’étude de Harwood et coll., des acides desoxyribonucléiques de PVH ont été mis en évidence dans 82,5 % des carcinomes épidermoïdes, 75 % des carcinomes basocellulaires et 88 % des lésions kératosiques [10]. Les PVH étaient souvent multiples au sein d’une même lésion avec une nette prédominance des types de l’épidermodysplasie verruciforme. Les mécanismes exacts du rôle des PVH dans la carcinogenèse ne sont pas encore clairement élucidés. Un effet promoteur de divers PVH ou de certains d’entre eux serait possible en coordination avec d’autres facteurs, telle l’irradiation solaire.

Facteurs iatrogènes

L’immunosuppression thérapeutique chronique prescrite dans le but d’obtenir la tolérance du greffon est un facteur important à l’origine de l’augmentation de la prévalence des carcinomes cutanés dans la population des transplantés par rapport à une population non immunodéprimée. Bien que le degré d’immunodépression et les différents médicaments utilisés aient probablement un rôle propre, aucune étude ne permet actuellement d’incriminer plus particulièrement un schéma d’immunosuppression par rapport à un autre alors que certains immunosuppresseurs tels que l’azathioprine sont connus pour être mutagènes. Il n’existe d’ailleurs pas chez le transplanté de critère simple et fiable, tel que le taux de CD4 chez les malades atteints du SIDA, qui permet de quantifier l’importance de l’immunodépression. Un consensus existe en revanche quant à la corrélation entre la durée de l’immunosuppression et l’augmentation de la prévalence des carcinomes cutanés.

Autres facteurs

L’âge au moment de la transplantation est un facteur important, les carcinomes apparaissant beaucoup plus rapidement après la transplantation chez les sujets âgés que chez les sujets jeunes. Bien que dans certaines études, la prévalence des carcinomes ait été trouvée plus élevée chez les transplantés cardiaques que chez les transplantés rénaux, en fait le type d’organe transplanté n’intervient pas dans les analyses multivariées [4]. L’intoxication tabagique passée ou présente pourrait être associée à une augmentation du risque de carcinome épidermoïde [11].

Clinique

Dans la population caucasienne, les carcinomes basocellulaires (b) sont plus fré- quents que les carcinomes épidermoïdes (e), le rapport e/b étant en moyenne de 0,14.

Chez les transplantés, les carcinomes épidermoïdes sont plus fréquents avec des
rapports e/b variant de 0,7 à Glasgow jusqu’à 5,9 à Brisbane [12]. Les carcinomes épidermoïdes ont un aspect clinique souvent atypique : nodule ulcéré évoquant un kérato-acanthome, verrue vulgaire à base parfois érythémateuse ou douloureuse ou aspect de kératose inflammatoire. En revanche, les carcinomes basocellulaires n’ont pas de particularité séméiologique et conservent leur grand polymorphisme clinique : lésion perlée, pigmentée, ulcérée, cicatricielle, sclérodermiforme ou érythémato-squameuse pouvant simuler une maladie de Bowen. Alors que les carcinomes épidermoïdes sont électivement localisés sur les zones exposées, les carcinomes basocellulaires se développent également sur le dos. Le traitement des carcinomes cutanés est essentiellement chirurgical, avec exérèse carcinologique de la lésion. Il est indispensable de reprendre les exérèses incomplètes avec une marge de sécurité suffisante. Dans certains cas, heureusement relativement peu nombreux, l’évolution de ces carcinomes est très sévère, avec extension profonde et destructrice, et risque de dissémination fatale. En présence de ces cas de carcinome infiltrant à « haut risque », la réduction du traitement immunosuppresseur doit être d’emblée discutée. Celle-ci doit également être envisagée en cas de carcinomes multiples et récidivants. La radiothérapie n’est utilisée qu’en deuxième intention ou en cas de contre-indication du traitement chirurgical.

Prévention

La prévention des carcinomes repose sur l’éducation des transplantés, la photoprotection et sur la destruction systématique des dermatoses pré-carcinomateuses telles que les kératoses et la maladie de Bowen. L’éducation des transplantés est fondamentale. Elle doit être faite le plus tôt possible. À cette fin, une fiche d’information rédigée par les membres du groupe « Peau et Greffe d’organe » de la Société Française de Dermatologie est donnée à tous les transplantés. Une visite annuelle chez un dermatologue est préconisée. Celui-ci doit s’assurer à chaque consultation que les messages de cette fiche ont été bien compris. L’auto-examen cutané y est expliqué avec le dogme que tout bouton, croûte ou plaie ne guérissant pas rapidement doit être montré à un médecin. Les mesures de photoprotection y sont largement expliquées, notamment les intérêts de la photoprotection vestimentaire et les limites des écrans solaires [12].

Le traitement systématique des dermatoses précarcinomateuses comporte la destruction des kératoses par cryothérapie ou applications locales de 5-fluoro-uracile.

Les maladies de Bowen sont volontiers atypiques se présentant comme une kératose, un kérato-acanthome, une verrue ou un carcinome épidermoïde. Aussi, la confirmation histologique du diagnostic est-elle indispensable avant d’envisager une destruction locale par laser C02 ou cryothérapie. Des applications locales de 5-fluoro-uracile isolé ou en association avec de l’imiquimod faisant sécréter de l’interféron sont des alternatives thérapeutiques. Au moindre doute diagnostique, l’exérèse chirurgicale est préférable.

MALADIE DE KAPOSI

La maladie de Kaposi (MK) est à l’opposé des carcinomes une maladie rare en France. Elle apparaît lorsque coexistent une infection par le virus Herpès Humain 8 (HHV-8) et une immunodépression.

Épidémiologie-Facteurs de risque

La prévalence de la MK après transplantation d’organe semble corrélée à la prévalence de l’infection HHV-8 dans la population générale (Tableau 1) [13]. Dans une étude prospective épidémiologique nationale, ayant débuté en octobre 2000, portant actuellement sur 1 907 donneurs et 2 534 receveurs de rein, la séroprévalence globale des donneurs est de 1,15 % et des receveurs de 2,81 % avec des variations régionales, les zones de séroprévalence les plus élevées étant en Ile-de-France et dans le Midi. Différents modes de contamination par HHV-8 sont possibles. Le virus est excrété par les muqueuses, notamment celles de la sphère oro-pharyngée [14]. Dans les régions à forte séroprévalence, la transmission prédominante semble être intrafamiliale (transmission mère-enfant et transmission à l’intérieur de la fratrie) [15].

Tableau 1. — Prévalence de la maladie de Kaposi chez le transplanté d’organe.

Origine T. rénale T. cardiaque T. hépatique >T. organe géographique % (n de mt) % (n de mt) % (n de mt) % (n de mt) Ile-de-France 0,45 (6229) 0,41 (967) 1,24 (727) 0,52 (7923) Lyon-St Étienne 1,5 (389) 0 (267) 2 % (150) Rennes 0 (804) Suisse (Genève) 0,97 (206) Espagne (Madrid) 0,5 (609) Italie (Milan) 1,5 (854) Italie (Rome) 3,3 (302) Arabie Saoudite 4,1 (630) Afrique du Sud 0,5 (989) Israel 2,4 (330) 11 (18) USA (Cincinnati) 4,3 (8191) USA (Pittsburgh) 0,12 (1657) USA (Détroit) 0,98 (102) Canada (Toronto) 0,54 (1300) 0,54 (189) 0,94 (426) 0,57 (2099) T : Transplantation ; % : pourcentage ; n : nombre ; mt : malades transplantés

À l’inverse, la transmission sexuelle semble prédominante dans les pays occidentaux, surtout chez les homosexuels. Dans ces pays, le risque de transmission du virus HHV-8 par les dérivés sanguins est faible [16, 17] mais possible [18]. La possibilité de transmission du virus par la transplantation d’un organe provenant d’un sujet contaminé a été formellement démontrée [19] ; les risques de cette transmission sont probablement faibles avec cependant la possibilité de tableau sévère de primoinfection comportant des anomalies hématologiques. La prévalence de la MK chez les malades préalablement séropositifs ou séroconvertissant après la transplantation n’a été calculée que dans des séries limitées (9/32 et 2/25 respectivement) [20, 21].

Dans notre expérience, la MK est apparue préférentiellement chez les sujets préalablement infectés avant la transplantation [22, 23]. Le rôle respectif de cofacteurs favorisant ou prévenant la survenue d’une MK a été soulevé par de nombreux auteurs [24, 25] sans être confirmé sur de grandes séries : choix des immunosuppresseurs, co-infection bactériennes notamment tuberculeuse [20] ou virale, traitement par le ganciclovir ou le valaciclovir. Un des objectifs secondaires de l’étude nationale en cours est d’identifier ces facteurs.

Prise en charge de la MK du transplanté

Les lésions cutanées présentes dans 90 % des cas sont multiples, localisées ou diffuses, souvent précédées d’un œdème lymphatique. Les lésions viscérales sont essentiellement digestives, ganglionnaires et pulmonaires. La confirmation histologique du diagnostic est indispensable, montrant une double prolifération cellulaire constituée de cellules fusiformes et vasculaires avec réaction de Perls positive. La conduite thérapeutique n’est actuellement pas codifiée. La MK du transplanté pose un problème cornélien au clinicien partagé entre les désirs souvent contradictoires d’arrêter l’évolutivité de la MK imposant une réduction de l’immunosuppression iatrogène et de conserver la fonctionnalité de l’organe transplanté, d’où le maintien de cette immunodépression. La régression totale des lésions de Kaposi ne doit pas être l’objectif à atteindre quel qu’en soit le prix, certains malades préférant garder notamment une bonne fonctionnalité rénale avec une MK stable et peu gênante.

En l’absence de risque vital immédiat, la réduction de l’immunodépression doit être progressive quelle que soit l’extension de la MK avec des paliers d’au moins 3 mois.

En effet, le délai moyen entre la première baisse du traitement immunodépresseur et la stabilisation était dans notre expérience de 4 mois [26]. Une destruction des lésions cutanées est envisagée en cas de gêne esthétique (cryothérapie, chirurgie, laser, …). La présence d’un handicap fonctionnel ou d’un risque vital peut conduire à envisager une chimiothérapie (bléomycine ou anthracycline liposomale).

Prévention

L’évaluation précise du risque de MK transmise par le greffon ou secondaire à une infection préalable à la greffe ainsi que l’identification des facteurs associés au
développement de la MK permettront, dans un avenir proche, de prévenir cette maladie tumorale souvent handicapante pour les malades, très rarement mortelle à condition d’être correctement prise en charge.

CONCLUSION

Le développement de consultations spécialisées pour la prise en charge des maladies cutanées des transplantés d’organe dans chaque service de Dermatologie ainsi que la mise en commun de toutes nos expériences au sein d’un groupe d’étude de la Société Française de Dermatologie permettent de mettre en œuvre assez rapidement des programmes de prévention et d’espérer apprécier, d’ici quelques années, leur effets bénéfiques.

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DISCUSSION

M. Maurice TUBIANA

Comment envisagez vous la prophylaxie des maladies de Kaposi ? Sélection des donneurs, modulation du traitement immunosuppresseur en fonction des caractéristiques du donneur ou de l’évolution ? Qu’en est-il pour les mélanomes ?

La prophylaxie de la maladie de Kaposi reposera sur la modulation du traitement immunosuppresseur en fonction du risque lié à une infection HHV-8 préalable à la greffe ou transmise par le greffon. Ainsi la modulation du traitement immunosuppresseur a permis l’absence de récidive après une deuxième transplantation d’une maladie de Kaposi apparue lors d’une première transplantation. La récidive de la maladie de Kaposi lors des transplantations itératives était pourtant autrefois considérée comme inéluctable. L’éviction des donneurs HHV-8 positifs est actuellement impossible. La réalisation d’urgence d’une sérologie HHV-8 est en effet difficile. Au vu des premiers résultats de notre étude et de la pénurie d’organes en France, cette éviction n’est probablement pas indispensable en ce qui concerne le prélèvement des reins. Nos résultats concernant les autres organes sont beaucoup trop préliminaires pour avoir une estimation du risque de transplanter d’autres organes provenant d’un donneur séropositif pour HHV-8. D’après l’étude de L. Levêque, réalisée au sein du groupe « Peau et Greffe d’organe » de la Société Française de Dermatologie, le risque relatif d’avoir un mélanome après transplantation a été estimé à 2,5 par rapport à une population témoin.

M. Jean CIVATTE

Comment expliquer l’incidence plus fréquente de la maladie de Kaposi chez les transplantés en Ile-de-France et en région méditerranéenne ? Quels sont les arguments pour modifier en plus ou en moins le degré d’immunodépression dans les cas de maladie de Kaposi induite par la greffe ?

L’incidence plus élevée de maladie de Kaposi des transplantés en Ile-de-France et dans la région méditerranéenne est probablement le reflet de la prévalence plus élevée de l’infection HHV-8 dans ces régions. Étant donné les modes de transmission de l’infection HHV-8, deux explications semblent possibles : plus forte population dans ces régions d’immigrés provenant de pays à forte prévalence d’infection HHV-8 avec une transmission essentiellement interfamiliale avant l’adolescence ; augmentation dans ces régions de l’infection HHV-8 transmise sexuellement. En théorie, lorsqu’une maladie de Kaposi est apparue, le traitement médicamenteux immunosuppresseur devrait être réduit très progressivement pour ne pas compromettre la fonctionnalité de l’organe transplanté.

M. Jean-Daniel SRAER

Les lésions cutanées les plus inquiétantes pour le transplanteur sont l’efflorescence de verrues. Quelles sont les mesures préventives à recommander aux greffés ?

Ces verrues, souvent difficiles à différencier de kératoses actiniques ou de carcinomes épidermoïdes, surviennent principalement sur les zones exposées, d’où la nécessité d’une photoprotection rigoureuse.

M. Christian NEZELOF

Ne pensez-vous pas que les papillomes très nombreux que l’on peut observer chez les malades soumis à un traitement immunosuppresseur sont liés autant à une exacerbation d’une infection virale (PVH) qu’à une exposition solaire ?

Les infections virales à papillomavirus humains préalables à la greffe sont beaucoup plus difficiles à traiter après la greffe, d’où la nécessité d’une consultation de dermatologie avant la greffe pour traiter toutes les infections, en particulier à PVH ou à dermatophytes.

Il n’existe pas d’étude de prévalence des verrues en zone couverte chez les greffés. En revanche, les rares études faites sur les condylomes génitaux ne révèlent pas d’augmentation de fréquence significative chez les transplantés d’organe.


* Service de Médecine Interne, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83 Boulevard de l’Hôpital — 75651 Paris cedex 13, France. Tél. : (33) 1 42 17 80 37 — Fax : 33 1 42 17 80 32 — e-mail : camille.frances@psl.ap-hop-paris.fr Tirés-à-part : Professeur Camille Francès, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 13 mai 2002, accepté le 27 mai 2002.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 6, 1067-1077, séance du 25 juin 2002