Séance dédiée :
« Nouvelles perspectives en Immunothérapie du cancer
dans la décennie à venir »
Organisation : Yvon LEBRANCHU et la Commission III (cancérologie)
Introduction par Yvon LEBRANCHU
L’immunothérapie anti-cancéreuse a fait une percée décisive dans les 10 dernières années avec les anticorps anti récepteurs inhibiteurs et les Car-T cells. Néanmoins, une réponse clinique durable ne s’observe que chez une minorité de patients. Aussi, de nouvelles perspectives doivent être envisagées pour améliorer l’efficacité de l’immunothérapie, tels que : 1 l’augmentation de l’immunogénicité de la tumeur. 2 l’activation de l’immunité innée. 3 le ciblage des lymphocytes T résidants mémoires. 4 l’analyse du rôle du microbiote intestinal. Le développement des connaissances de la réponse immunitaire anticancéreuse et les avancées majeures représentées par les anticorps anti récepteurs inhibiteurs et les Car-T cells devraient permettre dans les 10 ans à venir une percée décisive de l’immunothérapie dans le traitement du cancer.
Communications
Vaincre les résistances aux anti récepteurs inhibiteurs (immune Check point inhibitors ICI) en augmentant l’immunogénicité de la tumeur (chimiothérapie, radiothérapie, vaccination in situ, etc.) par Aurélien MARABELLE (Laboratoire de Recherche Translationnelle en Immunothérapie, Institut Gustave Roussy)
Les immunothérapies utilisant des anticorps monoclonaux antagonistes de récepteurs de co-inhibition des lymphocytes T (« checkpoint blockers ») révolutionnent depuis 10 ans la cancérologie. Ils ont permis des gains significatifs en survie globale dans de nombreux cancers et font parler de guérison pour certains patients atteints de cancers métastatiques jusqu’alors considérés comme incurables. De plus, ils changent de manière radicale notre compréhension de la maladie cancéreuse en démontrant qu’elle peut être considérée comme une maladie dysimmunitaire. Cependant, ces premières générations d’immunothérapies ne sont pas efficaces chez tous les patients. Un enjeu de taille est donc de mieux comprendre le mécanisme d’action de ces traitements chez l’Homme afin de lever les résistances à leur efficacité. Plusieurs approches thérapeutiques sont en cours pour tenter de rendre ces traitements plus efficaces. L’une d’entre elle consiste à essayer de rendre les tumeurs plus visibles pour le système immunitaire ou « immunogènes ». L’immunothérapie intra-tumorale est une de ces stratégies émergentes qui vise à utiliser la tumeur comme son propre vaccin en injectant directement dans la tumeur des thérapies immunostimulantes. Notre capacité à analyser plus finement les sous- populations immunitaires des cancers, leur phénotype et leur évolution dans le temps permettra de mieux comprendre les voies de tolérance immunologique en jeu et d’imaginer des combinaisons thérapeutiques rationnelles voire personnalisées Le développement de telles approches soulève de nouveaux défis en recherche clinique et translationnelle.
Activer l’immunité innée par Éric VIVIER (Immunologie, Marseille Immunopôle, Université Aix-Marseille)
Les récents développements en immunothérapie se sont concentrés sur la génération de réponses immunitaires des cellules T spécifiques d’antigènes tumoraux et ont conduit à un changement de paradigme dans le traitement de nombreux cancers. Malgré ces succès, la réponse et la durabilité du bénéfice clinique obtenu restent limitées à certains patients et types de tumeurs. Une approche innovante en immuno-oncologie vise à élargir et à amplifier les réponses immunitaires anti-tumorales en exploitant le système immunitaire inné. Nos approches dans la manipulation des cellules tueuses naturelles (NK) permettent de renforcer leur rôle direct dans l’élimination des tumeurs, mais aussi leur fonction d’induction d’une réponse immunitaire multicellulaire menant à un contrôle immunitaire durable des tumeurs. Ainsi, des données précliniques et cliniques obtenues constituent une base pour continuer l’exploration du monalizumab comme nouvel inhibiteur de point de contrôle immunitaire à large spectre, avec un effet double sur les cellules NK et T. Différentes thérapies ciblant ces cellules pourraient induire une activité anti-tumorale tout en limitant la toxicité, en comparaison avec la manipulation des lymphocytes T.
Lymphocytes T-CD8 et immunothérapie anti-tumorale : rôle et ciblage thérapeutique par Éric TARTOUR (Centre de Recherche Cardiovasculaire, Hôpital Européen Georges Pompidou APHP. Université de Paris)
Bien que de nombreuses cellules immunes jouent un rôle dans les mécanismes d’action de l’immunothérapie anti-tumorale, les LT-CD8 sont le plus souvent considérés comme les effecteurs majeurs. Au cours de ces dernières années de nouvelles technologies (analyse en cellules uniques, cytométrie multidimensionnelle, analyse multiplexe in situ…) ont permis de définir de nouvelles sous- populations de LT-CD8 et de mieux comprendre les cellules ciblées par les traitements d’immunothérapie par anti-PD-1 ou anti-CTL14 ou dans le cadre de vaccination anti-tumorale.
Suite à de nombreux travaux, deux principales populations ont émergé, les LT-CD8 résidents mémoires (TRM)(CD103, CD49a, CD69) et les LT-CD8 épuisés progéniteurs (TCF1) comme jouant un rôle prédominant dans le mécanisme d’action des anti-PD-1. Ces deux types cellulaires peuvent s’expandre après traitement par anti-PD-1 et des études convergent pour leur conférer un rôle de biomarqueur prédictif de réponse à l’immunothérapie. Les LT-CD8 résidents mémoires sont nécessaire pour l’efficacité thérapeutique de vaccins anti-tumoraux. L’induction de ces TRM nécessite une voie mucosale d’immunisation, et l’identification des cellules dendritiques (CD103, Clec9a, CD1c, CD63) à l’origine de leur activation stimule différentes approches thérapeutiques ciblant ces cellules présentatrices d’antigènes. Des progrès récents ont été obtenus dans l’analyse du rôle du ganglion dans l’efficacité des traitements par anti-PD1/PD-L1 via l’activation d’une population de LT-CD8 épuisée progénitrice. Ils pourraient aussi déboucher sur le développement de traitements néoadjuvants pour optimiser l’efficacité de l’immunothérapie avant l’exérèse chirurgicale des ganglions associés à la tumeur.
Impact de la dysbiose intestinale dans la résistance à l’immunothérapie des cancers : description, modes d’action, corrections par Laurence ZITVOGEL (Unité INSERM « Immunologie des tumeurs et immunothérapie », Institut Gustave Roussy. Université Paris XI)
Un nombre grandissant d’études précliniques et cliniques démontre l’influence cruciale de la composition taxonomique du microbiote intestinal sur le bénéfice aux thérapies anticancéreuses, que ce soit pour la chimiothérapie, la radiothérapie ou pour les immunothérapies. Des interactions causatives entre certaines bactéries ou leur phage et la réponse immunitaire innée et acquise antitumorale ont été mises en évidence récemment. La compréhension des mécanismes de communication entre les microenvironnements intestinaux et tumoraux ouvre la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques sur le microbiote intestinal. Les effets immunomodulateurs du microbiote intestinal et les effets délétères des antibiotiques sur ce système ont été mis en évidence. Ces constats doivent amener à faire évoluer la prescription des antibiotiques. Les études des interactions du microbiote avec le système immunitaire ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques. Parmi celles qui sont à l’étude, figurent la transplantation de microbiote fécal, l’utilisation de bactéries immunogènes ou probiotiques, ainsi que les interventions diététiques visant à moduler le microbiote intestinal et le métabolisme.