Communication scientifique
Séance du 15 janvier 2002

Présentation L’insuffisance cardiaque au début du XXIe siècle

MOTS-CLÉS : insufisance cardiaque.
Heart Failure at the beginning of the XXIst century
KEY-WORDS : heart failure, congestive.

A. Vacheron Académie nationale de médecine

Séance thématique « L’insuffisance cardiaque au début du XXIe siècle »

Heart Failure at the beginning of the XXIst century

Présentation

André VACHERON *

L’insuffisance cardiaque constitue aujourd’hui un problème majeur de santé publique justifiant l’intitulé d’une Euroconférence organisée par l’Institut Pasteur les 26 et 27 juin 2000 : Insuffisance cardiaque : une épidémie du xxie siècle ? Deux facteurs expliquent son incidence croissante :

— le vieillissement de la population, conséquence du progrès social et de l’amélioration des conditions de vie ;

— les progrès réalisés dans le traitement de l’infarctus du myocarde et de l’hypertension artérielle qui ont augmenté l’espérance de vie des cardiaques sans enrayer totalement les effets myocardiques délétères de l’ischémie et de l’hypertrophie myocardiques.

Comprise entre 3 et 20 p. 1 000, la prévalence augmente rapidement avec l’âge passant de 8 p. 1 000 entre 49 et 59 ans à 66 p. 1 000 entre 80 et 89 ans. L’incidence double à chaque décennie après 45 ans et dépasse 10 p. 1 000 après 75 ans [1 et 2].

Les causes de l’insuffisance cardiaque ont changé depuis 50 ans [3]. La maladie coronaire qui n’était à l’origine que de 22 % des insuffisances cardiaques en 1950 intervient aujourd’hui dans près de 70 % des cas. La part de l’hypertension artérielle, souvent associée à la cardiopathie ischémique, et surtout la part incombant aux valvulopathies ont diminué alors qu’elles sont prédominantes dans les pays en voie de développement. Quelle que soit la cause, l’hypertrophie et la dysfonction ventriculaire gauche, le plus souvent systolique, jouent un rôle majeur dans l’évolution de la maladie qui apparaît aujourd’hui comme le résultat d’interactions complexes et multiples, notamment neurohormonales mettant en jeu le système nerveux sympathique, le système rénine angiotensine, l’arginine vasopressine, l’endothéline, les cytokines, les facteurs de croissance. La surexpression des cytokines et l’activation de certains gènes conduisent les cardiomyocytes à l’hypertrophie. La concentration
tissulaire en collagène augmente et la fibrose diminue la compliance ventriculaire entraînant une dysfonction diastolique souvent prédominante chez les sujets âgés.

A mesure qu’elle progresse, l’insuffisance cardiaque altère de plus en plus la qualité de la vie rendant toute activité impossible au terme de son évolution. Son pronostic est sombre. Dans l’étude de Framingham, la médiane de survie à 5 ans est de 25 % chez les hommes et de 38 % chez les femmes. Dans les formes sévères, la mortalité peut atteindre 50 % à un an.

Le coût de l’insuffisance cardiaque est considérable et représente 1 à 2 % du budget des soins dans notre pays. Ce poids économique est dû principalement aux hospitalisations très fréquentes et itératives. L’insuffisance cardiaque est la première cause d’hospitalisation après 65 ans.

Le traitement classique de l’insuffisance cardiaque par l’association digitalodiurétique a été transformé en moins d’un demi siècle avec l’apparition successive des diurétiques de l’anse de Henlé (furosémide en particulier) au début des années 60, qui ont amélioré le confort de vie des patients puis celle des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine au début des années 80, qui ont amélioré la survie à tous les stades de l’insuffisance cardiaque [4]. En 1996, les bêtabloquants à faibles doses augmentées très progressivement, ont pris place dans l’arsenal thérapeutique au vu des résultats obtenus avec le carvédilol [5]. Ces résultats ont été confirmés par les essais CIBIS II avec le bisoprolol [6] et MERIT HF avec le métoprolol [7]. En 1999, l’étude RALES a démontré l’intérêt de l’addition à un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et à un diurétique de l’anse de Henlé d’une faible dose (25 mg) de spironolactone [8].

A côté des médicaments, la resynchronisation cardiaque par stimulation biventriculaire peut être bénéfique chez les malades avec troubles conductifs intraventriculaires gauches.

Enfin dans les insuffisances cardiaques évoluées résistant au traitement médical, la transplantation cardiaque initiée par Christian Barnard en 1967 peut, chez les patients bien sélectionnés, transformer la qualité de la vie et augmenter la survie au prix de contraintes et d’effets iatrogéniques importants. La pénurie actuelle des greffons disponibles a fait rechercher des alternatives et développer les techniques d’assistance circulatoire qui permettent d’attendre la transplantation et d’observer parfois la récupération myocardique. Mais la solution idéale sera évidemment l’implantation définitive d’un cœur artificiel.

Tout récemment, la transplantation cellulaire et l’autogreffe de myoblastes squelettiques viennent d’ouvrir une nouvelle voie prometteuse [9]. Quant à la thérapie génique, elle en est encore au stade de l’expérimentation.

Les différents orateurs qui ont accepté de participer à cette séance vont développer successivement :

— l’épidémiologie et les perspectives d’avenir (Jean-Brieuc Bouhour),
— l’apport de la génétique dans les maladies du muscle cardiaque désignées autrefois sous le terme de cardiomyopathies primitives (Michel Komadja), — la resynchronisation cardiaque par stimulation biventriculaire (Jean-Claude Daubert, l’un des initiateurs de la technique), — l’assistance circulatoire (Daniel Loisance), — enfin l’autogreffe de myoblastes squelettiques (Philippe Menasché, l’un des réalisateurs de cette technique).

BIBLIOGRAPHIE [1] Ho K., Pinsky J.L., Kannel W.B. et al . —The epidemiology of heart failure : The Framingham study.

J. Am. Coll. Cardiol. , 1993, 22, 6A-13A.

[2] Davis R.C., Hobbs F.D.R., Lip G.Y.H. — ABC of heart failure. History and epidemiology.

B.M.J., 2000, 320, 39-42.

[3] Kannel W.B., Ho K., Thom T. — Changing epidemiological features of cardiac failure.

Br.

Heart J., 1 994, 72, 5-9.

[4] The SOLVD investigations. — Effects of enalapril on survival in patients with reduced left ventricular ejection fraction and congestive heart failure. N. Engl. J. Med., 1991, 325, 293-302.

[5] Packer M., Bristow M.R., Cohn J.N. et al. — The effect of carvedilol on morbidity and mortality in patients with chronic heart failure : US Carvedilol heart failure study group.

N.

Engl. J. Med., 1996, 334, 1349-1355.

[6] CIBIS II investigators and committees. — The cardiac insufficiency bisoprolol study II (CIBIS II) : a randomised trial. Lancet, 1999, 353, 9-13.

[7] Goldstein S., Hjalmarson A. — The mortality effect of metoprolol CR/XL in patients with heart failure : results of the MERIT-HF trial. Clin. Cardiol., 1999, (suppl. 5), V30 — V35.

[8] Pitt B., Zannad F., Remme W.J. et al . — The effect of spironolactone on morbidity and mortality in patients with severe heart failure. Randomized aldactone evaluation study investigators. N. Engl. J. Med., 1999, 341, 709-717.

[9] Scorsin M., Hagege A.A., Dolizy I. et al . — Can cellular transplantation improve function in doxorubicine induced heart failure ?

Circulation, 1998, 32, 1825-1831.


* Membre de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 1, 15-17, séance du 15 janvier 2002