PRÉSENTATION
Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en relation avec cet article
Jean NATALI * et Yves LOGEAIS *
Les sujets qui vous sont proposés aujourd’hui sont bien différents et témoignent de l’extraordinaire diversification des méthodes destinées à lutter contre les lésions de l’appareil cardiovasculaire.
Le premier , le remplacement transcathéter de la valvule aortique par voie percutanée vous montrera comment la lésion d’une valve intracardiaque pathologique peut être traitée sans ouvrir le cœur.
Le second concerne les lésions anévrismales sur la crosse de l’aorte dans une région dont l’interruption provoque une telle élévation de la post-charge cardiaque, qu’elle entraîne une mort irréversible en quelques instants et les rend inaccessibles à toute action directe.
À noter que le prix Delannoy-Robe décerné à Fabien Koscas en 2000, lui a permis de mener directement à bien ce travail.
Le troisième est consacré à la dissection aortique qui est l’un des événements les plus catastrophiques qui puisse frapper un être humain. La douleur dont elle est responsable est souvent décrite comme la douleur la plus sévère qu’on puisse imaginer.
Dans la mesure ou la dissection aortique est prise pour une crise cardiaque, son incidence réelle est volontiers sous-estimée. En effet, lorsqu’une personne d’un âge moyen ou plus âgée se présente au service d’Urgences avec une douleur thoracique aiguë, se plaint de son thorax et meurt rapidement, il est probable que le diagnostic posé sera celui d’un infarctus du myocarde, alors que beaucoup seraient des dissections aortiques non diagnostiqués.
Concernant l’histoire naturelle des dissections aortiques, mes élèves Édouard Kieffer et Jean Noël Fabiani ont indiqué dans un livre publié il y a quelques années, qu’il s’agit : « d’une bête particulièrement fière », car une fois que la dissection s’est produite elle comporte un pronostic sévère à moyen et à long terme.
Présentation simplifiée de la dissection aortique figurant dans ce livre.
Références : Édouard KIEFFER et Jean-Noël FABIANI, Chirurgien des dissections aortiques, 2002, Ed. AERCV 23, rue Royale — Paris
Jean Natali Le remplacement trans-cathéter de la valve aortique (trans-catheter aortic valve implantation ou TAVI) est une nouvelle technique de traitement du rétrécissement aortique calcifié. Elle nous sera présentée par le Professeur Alain Cribier, qui en est l’inventeur.
Chef du Laboratoire d’Hémodynamique, puis du service de Cardiologie du CHU de Rouen, le Professeur Cribier possède, de longue date, une notoriété internationale, ayant été en 1985 le créateur de la valvuloplastie aortique , qui consiste à ouvrir la sténose aortique par cathétérisme, grâce à une dilatation au ballonnet. Cette manœuvre à efficacité souvent spectaculaire mais non durable, venait d’ouvrir une voie nouvelle. Vingt années de recherche et d’expérimentation animale, ont été nécessaires à la réalisation, avec le concours du laboratoire Edwards, d’une prothèse valvulaire souple, incorporant une valve biologique, montée dans un stent métallique, qui peut être conduite par cathétérisme et insérée sur le site aortique.
C’est en 2002, que lui revenait de réaliser, à Rouen, la première implantation humaine de la valve qui porte son nom.
Cette innovation qui permet de traiter des malades inopérables est un progrès nouveau et suscite un immense intérêt. Plus de quarante mille valves ont été implantées dans le monde, dans plus de cinq cents centres et l’agrément de la FDA a été obtenu en novembre 2011. Cette reconnaissance a valu à Alain Cribier des récompenses honorifiques des grandes sociétés internationales de cardiologie.
Avant de lui donner la parole, je rappellerai que le rétrécissement aortique (RA) est l’atteinte valvulaire la plus fréquente dans les pays industrialisés. Sa fréquence va en augmentant avec l’âge et on considère qu’en Europe, à partir de 75 ans, près de 3 % des sujets sont porteurs d’un RA.
La définition du RA sévère fait l’objet d’un consensus des Sociétés de Cardiologie européennes et américaines : surface de l’orifice aortique inférieure à 1 cm2 (ou 0,6 cm2/m2), gradient de pression moyen égal ou supérieur à 40 mmHg.
Ce RA entraîne une gêne fonctionnelle d’effort invalidante, de stade NYHA 3 ou 4, caractérisée par une douleur angineuse, une dyspnée, voire une syncope. Il raccourcit par ailleurs l’espérance de vie de plusieurs années.
Il n’existe pas de traitement médical. Jusqu’à ces dernières années, l’unique traitement était le remplacement de la valve aortique (RVA) , au moyen d’une bioprothèse, grâce à une intervention chirurgicale à cœur ouvert. Intervention d’une relative importance et non dénuée de risque chez les sujets âgés, souvent porteurs de co-morbidités.
À la date du 31 décembre 2009, nous avons recueilli à Rennes une expérience de près de 16 000 opérés de remplacements valvulaires, tous orifices confondus : 12 957 étaient des RVA, 8 150 des RVA isolés (sans geste associé sur une autre valve, les coronaires ou l’aorte ascendante) et 1 347 (16 %) étaient âgés de plus de 79 ans.
De 2000 à 2009, sur un total de 6 034 RVA opérés, 1 193 étaient âgés de 80 à 96 ans (âge moyen 82,5) et 881 étaient des RVA isolés , sans chirurgie associée des coronaires ou de l’aorte ascendante.
La mortalité opératoire (par convention celle du premier mois) a été de 5,9 % (52 opérés), (elle était de 4,5 % entre 70 et 79 ans et de 2,2 % avant 70 ans).
La survie éloignée, étudiée sur une série plus ancienne de 988 patients , opérés entre 1978 et 2004, est égale à 81,7 % à deux ans, 58,9 % à cinq ans, 22,9 % à dix ans. Elle rejoint la survie de la population française normale, appariée par âge et par sexe. Il faut y ajouter l’amélioration en général remarquable de l’état fonctionnel, 97 % des patients se situant aux stades I et II de la classification NYHA et ayant une existence normale.
Le RVA chirurgical demeure le traitement de référence du RA (HAS), pour deux raisons. D’une part, l’expérience et les progrès ont permis d’en diminuer régulièrement le risque opératoire. D’autre part, de longues années de recul lui ont permis de faire ses preuves et ont validé la très bonne qualité des résultats tardifs. C’est par comparaison avec les résultats de la chirurgie, que se fera dans les prochaines années, l’évaluation du remplacement valvulaire aortique par cathétérisme.
Je passe la parole à Alain Cribier.
Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 3, 655-657, séance du 27 mars 2012