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Session of 27 mars 2012

De l’introduction en France de la nutrition parentérale totale au premier succès de la transplantation intestinale chez l’enfant

MOTS-CLÉS : intestins/chirurgie. procédures de chirurgie digestive. transplantation d’organe. transplantation intestinale
From the advent of total parenteral nutrition to the first successful pediatric intestinal graft in France
KEY-WORDS : intestine/surgery. organ transplantation.

Denys Pellerin *

Résumé

Dans son propos introductif à la séance dédiée par l’Académie nationale de médecine le 7 février 2012 à l’« Insuffisance intestinale chronique et transplantation » Bernard Launois a rappelé que le premier succès mondial de transplantation intestinale avait été obtenu en 1987, en France à l’Hôpital des Enfants-Malades, à Paris. Ayant eu le bonheur d’être l’animateur de cette belle aventure, après en avoir été modestement et presque par hasard l’initiateur, Denys Pellerin rapporte ici les circonstances, les difficultés et les péripéties qui en ont marqué les étapes successives.Aux espoirs et succès de la nutrition parentérale dans la prise en charge au long cours des « grêles courts » ont succédé les déconvenues et la certitude que s’imposeraient les limites de la méthode. La seule issue à cette impasse ne pouvait être que la transplantation intestinale. La poursuite ininterrompue et simultanée de la recherche clinique et d’une recherche expérimentale sur le porcelet, appuyée sur les compétences multiples des équipes rassemblées aux Enfants-Malades, devaient finalement conduire — après dix huit ans d’efforts, au fragile mais encourageant succès du 21 mars 1987, unanimement reconnu comme le premier succès mondial d’une transplantation intestinale chez un enfant.

Summary

In his opening remarks to Academy of Medicine meeting devoted to Chronic Intestinal Failure and Transplantation on 7 February 2012, Bernard Launois recalled that the first successful intestinal transplantation worldwide was performed in 1987, in France, at Hôpital Necker-Enfants-Malades in Paris. Having had the pleasure of leading this great adventure, and being modestly (and almost by accident) its initiator, Denys Pellerin recalls the circumstances, the difficulties and the vicissitudes of the successive phases. The early hopes and successes of parenteral nutrition in the management of long-term short-bowel syndrome were followed by setbacks and a growing realization of the limits of this approach. Intestinal transplantation was the only way out of this impasse. Uninterrupted research conducted simultaneously in the clinic and on piglets, drawing on the expertise of multiple teams grouped together at Necker-Enfants-Malades, would ultimately lead, after 18 years of intense efforts, to a fragile but encouraging success on 21 March 1987, unanimously recognized as the first-ever successful pediatric intestinal transplant.

INTRODUCTION

Le 7 février 2012, l’ordre du jour de notre Compagnie comportait une séance dédiée « à l’Insuffisance intestinale chronique et transplantation ». Dans son propos introductif, notre confrère Bernard Launois qui avait été à l’initiative de cette séance a rappelé que le premier succès mondial de TI avait été obtenu en 1987, en France à l’Hôpital des E-M, et a bien voulu citer mon nom.

J’ai eu effectivement le bonheur d’être l’animateur de cette belle aventure pendant vingt ans, après en avoir été modestement et presque par hasard l’initiateur, il y a maintenant plus de quarante ans. En hommage à tous ceux qui en ont été les acteurs, je souhaite par cette courte note historique évoquer les dix-huit années d’efforts qui, étape après étape devaient finalement conduire à ce fragile, mais encourageant succès du 21 mars 1987.

1968 — Un concours de circonstances

Peu après la tumultueuse rentrée universitaire et les examens de médecine qui avaient mis un terme aux événements que l’on sait, je devais participer au deuxième Symposium mondial de chirurgie pédiatrique qui se tenait en novembre à Mexico parallèlement au congrès de l’Association internationale de pédiatrie. Je profitais de cette opportunité pour visiter à New-york mon ami Bob Santulli. Il avait depuis peu quitté l’Australie pour la Columbia University et le Babies Hospital de New York. Je l’accompagnais dans sa visite. Il me montra l’un de ses petits patients, opéré nouveau-né d’un très sévère gastrochisis. Il était alors âgé de six mois. Sa croissance était parfaite. À l’époque, la survie d’un enfant porteur de ce type de malformation était exceptionnelle. Il me confia qu’il était l’un des tout premiers enfants totalement nourri par voie cardiaque (sic) selon une toute nouvelle méthode initiée par Stanley

Durdrik, un jeune et nouveau collaborateur de son équipe.

 

Le principe de sa méthode consistait à introduire un cathéter jusque dans la veine cave supérieure dont, me dit-il, le flux important tolérait la perfusion de substances nutritives que ne toléraient pas les fines veines périphériques de nos très petits opérés 1.

Quelques jours plus tard à Mexico lors la conférence magistrale qu’il donnait pour la clôture du Congrès de pédiatrie, j’entendis Robert Gross, le maître incontesté de la nouvelle chirurgie pédiatrique aux USA, évoquer cette nouvelle méthode , persuadé, disait-il, qu’elle serait une révolution pour la réanimation des nouveau-nés, comme l’avait été précédemment l’anesthésie, au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Stupéfait, je mesurais alors seulement quel privilège avait été le mien et ce qui me restait à faire … J’avais en poche une feuille dactylographiée sur laquelle figurait, sans autre précision, la liste effectivement surprenante des nutriments qu’il convenait de perfuser. Bob Santulli me l’avait confiée, souhaitant que je puisse reproduire et évaluer ce nouveau procédé. Il avait insisté sur le fait qu’il fallait impérativement interposer un filtre 3M®, nouveauté technique, dont je rapportais la référence.

De retour à Paris je m’en suis ouvert à mon ami Pierre Royer. Je lui faisais valoir qu’en dépit des succès techniques de plus en plus nombreux de nos interventions en période néonatale, notamment pour des anomalies digestives sévères, nous étions de plus en plus fréquemment confrontés à des situations dans lesquelles toute alimentation orale de nos très jeunes opérés demeurant impossible. Ils survivaient certes, mais ne pouvaient supporter une alimentation suffisante pour répondre à leurs besoins nutritionnels. Les techniques de réanimation par voie intraveineuse devenaient insuffisantes et aléatoires.

Je lui exprimais ma conviction que ce serait un progrès considérable si nous pouvions en effet disposer d’une méthode de nutrition artificielle prolongée, susceptible d’assurer les besoins nutritionnels nécessaires à la croissance normale du bébé.

Ne pourrions-nous pas ensemble poursuivre cette ambition dans le cadre privilégié de l’Hôpital des Enfants Malades ?

Il en convint, mais me dit n’être pas en mesure d’ajouter un nouveau thème à son programme de recherche déjà très ambitieux. Néanmoins, après une courte réflexion, il voulut bien encourager mon projet. Il me proposa de confier l’aspect médical et biochimique de ce programme à l’un de ses élèves pédiatre et biochimiste, Claude Ricour, chef de clinique dans le secteur de gastro-entérologie… qu’il avait ouvert au sein de la Clinique des maladies du rein et du métabolisme chez l’enfant dans l’ancien service de Maurice Lamy auquel il avait récemment succédé. Il y mettait cependant une condition : pour autant que je puisse, l’an prochain l’intégrer, dans les effectifs chirurgicaux car il ne pourrait, plus longtemps, le maintenir dans son 1. J’ignorais tout du travail expérimental de S. Durdrick, qui portait sur six « puppies », publié moins d’un an au par auparavant. Nous ne disposions à cette époque ni de bases de données, ni d’Internet. Bernard Launois a très justement rendu l’hommage qui convient à Stanley Durdrick qui n’imaginait certainement pas, alors, le retentissement mondial que connaîtrait sa géniale initiative.

emploi de chef de clinique. Mais dès maintenant et pour l’année à venir je pourrais l’associer à mon projet, qu’il approuvait.

Je n’avais pas l’illusion d’être en mesure de composer une équipe opérationnelle avant plusieurs mois. Je devais dans quelques mois succéder à mon Maître Févre à la chefferie de service de la Clinique chirurgicale infantile. Il serait alors de ma seule responsabilité de prendre sur le contingent de vacations d’attachés de chirurgie du service que j’allais devoir remanier pour lui offrir un modeste pseudo plein temps de onze vacations. Claude Ricour qui n’ignorait pas la précarité de sa situation accepta de bonnes grâces ma proposition 2. Pour moi cela s’inscrivait parfaitement dans mon souhait d’officialiser la collaboration entre les disciplines complémentaires de pédiatrie médicale, chirurgicale et biologique dont je bénéficiais depuis mon arrivée aux Enfants-Malades, il y avait bientôt vingt ans !

Ébauche d’un programme de recherche médicochirurgicale

Claude Ricour et moi nous mîmes rapidement d’accord sur les grandes lignes d’un programme de recherche. La première étape était nécessairement de parvenir à mettre au point la méthode et l’utiliser sur un modèle animal qui ne pouvait être que le très jeune porcelet. En l’absence de toute structure officielle de recherche chirurgicale susceptible de nous accueillir 3 nous espérions pouvoir prochainement béné- ficier de l’animalerie de la toute nouvelle Faculté de Médecine Necker-Enfants Malades dont l’ouverture, prochaine, était impatiemment attendue. Nous pourrions peut-être même bénéficier des conseils avisés d’un docteur vétérinaire dont le recrutement était, en principe, prévu en 1970. Sans attendre, il fallait s’employer à décoder le secret de la composition des « nutriments » à perfuser. Cela était bien dans les compétences de Claude Ricour, et de l’environnement biologique dont il pouvait bénéficier au sein de l’unité de gastro-entérologie à laquelle il appartenait encore en cette année 1969. Il fallait aussi en assurer la production. Aussitôt sollicité, A. Goris, Pharmacien chef de l’Hôpital Necker Enfants-Malades voulut bien accepter de nous aider, et proposa que trois de ses internes 4 soient chargés de la pharmacotechnie. Il alla jusqu’à mettre pour cela à leur disposition, le petite pièce contiguë à son bureau de pharmacien chef, qu’il s’était réservée pour satisfaire à ses recherches personnelles en botanique !

Au-delà de mon rôle de coordinateur dans la conception du programme, et l‘élaboration de ses nécessaires étapes successives, mon rôle immédiat le plus difficile fut d’assurer le financement de cette recherche 5. Je demeure aujourd’hui encore très 2. Il en fut ainsi, le moment venu, non sans la grimace de quelques-uns et quelques observations de l’administration : Il n’était pas prévu de donner des vacations de chirurgie à un « médecin » !

3. La seule unité chirurgicale de l’Inserm, implantée dans la clinique néphrologique du Pr. Hamburger, venait de fermer et devait être transférée à Créteil, dans l’Hôpital Henri Mondor dont l’ouverture était prochaine.

4. Philippe Beaune, Patrick Pellerin et bientôt Anne Regnat.

5. Rien n’existait alors pour encourager de telles initiatives. Les crédits publics étaient distribués reconnaissant à la

Fondation pour la Recherche Médicale qui voulut bien porter intérêt au projet d’une jeune équipe en formation et nous accorda la première dotation. Elle fut versée à la Fondation Claude Bernard de la Ville de Paris , qui en assurera la gestion.

1970 — L’année de toutes les improvisations .

L’année 1970 fut celle de la mise en route, en fait, de toutes les improvisations.

Il nous fallut surmonter d’innombrables difficultés, plus techniques et matérielles que scientifiques, Les locaux de l’animalerie de la nouvelle Faculté Necker étaient prévus pour les petits animaux et les chiens. Nous dûmes, à nos frais, les doter de cages adaptées à nos porcelets de 10 à15 Kg et progressivement en faire une « cage métabolique » permettant le recueil séparé des urines et des selles. Notre chef anesthésiste, Madame Louise Delègue, participa en personne à la mise au point d’un protocole d’anesthésie. Mes deux chefs de clinique Patrick Bertin et Roland Parc prirent en charge l’acquisition de la technique de mise en place du cathéter par abord chirurgical. Les pharmaciens s’efforçaient de satisfaire les demandes de Claude Ricour. Ils devaient modifier — et souvent plusieurs fois — la composition et les dosages du précieux nutriment qu’ils devaient préparer en fonction de nos observations quotidiennes. L’obstacle initial majeur fut le stress des porcelets, souvent mortel, et plus simplement leur incessante agitation. Une porcelet qui bouge sans cesse ne facilite pas l’exigence du maintien en bonne place d’un cathéter (on disait alors en silastic ) introduit sous anesthésie générale, par la veine jugulaire interne jusqu’à flotter à bon niveau dans la veine cave supérieure. Finalement afin de prévenir infection et déplacement du cathéter, le dispositif retenu dissociait l’entrée vasculaire de la sortie cutanée située sur le dos de l’animal par un trajet sous-cutané de 20 à 30 cm. En outre une gaine en vinyle protégeait la portion extra-cutanée du cathéter, raccordé, dès qu’il nous fut possible dans disposer, à une pompe qui devait assurer la régularité du débit au cours des vingt-quatre heures. Toutes les bonnes volontés furent sollicitées et efficaces, pour assurer la surveillance des perfusions la nuit, en l’absence de tout personnel de l’animalerie et durant le week-end. Claude Ricour l’homme-orchestre de l’équipe naissante surmonta toutes les difficultés. Au fil du temps, sous la direction de Madame le Docteur vétérinaire Touboul, l’animalerie devenait plus opérationnelle.

La maîtrise de la méthode fut acquise en quelques mois, et, avec elle son efficacité confirmée par la croissance des porcelets exclusivement nourris ainsi, identique à celle des animaux témoins, nourris par alimentation animale conventionnelle.

dans le cadre des organismes officiels INSERM et CNRS. Les unités disposaient pour la plupart d’un personnel spécialement chargé de ne passer à côté d’aucun appel d’offre, d’où qu’il vint, de l’établissement des projets de recherche dans des formes imposées qui m’étaient étrangères et au suivi du cheminement complexe des demandes de contrats. Il fallait donc débuter par nos fonds propres et solliciter quelques générosités. Une modeste association Loi 1901, ARCHIP (Association de recherche en chirurgie pédiatrique) fut constituée entre nous, à cet effet.

 

Cependant les conditions techniques initiales vraiment artisanales et parfois périlleuses imposaient de différer encore leur utilisation chez l’enfant. Deux difficultés persistaient qui devaient être surmontées : la fréquence des précipitations, lors des ajouts d’oligoéléments et de vitamines aux solutés protidoglucidiques dont nous disposions alors, et plus encore la qualité bactériologique des solutés qui n’était encore assurée qu’à posteriori par un ensemencement sur boîte de pétri avant distribution. L’acquisition impatiemment attendue d’une cuve à filtration millipore contribua à l’acquisition de la stabilité des solutés hyperosmolaires. Ce ne sera qu’en 1974 que la dotation par l’Assistance Publique d’une hotte à flux laminaire, à l’occasion de la reconstruction de la Pharmacie de NEM, permettra à Dominique Porquet, qui allait alors en assurer le conditionnement, de le réaliser enfin, dans les conditions de sécurité incontournables.

Vers la nutrition parentérale totale (NPT) en clinique humaine. Une unité de réanimation digestive.

Dès février 1971, en dépit des conditions artisanales de préparation aujourd’hui inimaginables [1] il devint envisageable de commencer à utiliser la méthode sur quelques-uns de nos nourrissons dont nous étions impuissants à traiter la dénutrition. Mais, à l’évidence, les strictes et sévères modalités de la surveillance qu’elle nécessite et la haute technicité qu’elle requiert, imposaient que soit mis en place, au sein de l’hôpital des Enfants Malades, une infrastructure adaptée. Les remaniements qui, à l’initiative du Pierre Royer contribuaient alors à la réorganisation des services de pédiatrie, en fournirent l’occasion.

Un petit secteur du nouveau service de Jean Rey, gastro-entérologie pédiatrique, y fut identifié à cet effet, confié à Claude Ricour 6 qui ne tarda pas en faire une unité spécialisée de réanimation digestive de l’enfant . Elle allait travailler en étroite coopé- ration avec l’ensemble des spécialités pédiatriques cliniques, pharmaceutiques et biologiques, à commencer, tout naturellement avec notre équipe chirurgicale et la toute récente équipe de réanimation médico-chirugicale 7.

Disposer d’un modèle expérimental assimilable aux états de malnutritions graves dont souffraient certains de nos opérés.

Nous avons alors entrepris la deuxième étape de notre programme de recherche.

L’objectif était de mettre à profit notre modèle expérimental porcelet qui nous était devenu familier pour parvenir à disposer d’un modèle expérimental assimilable aux états de malnutritions graves dont souffraient nos opérés dès lors que la plus grande 6. C. Ricour avait alors parmi ses jeunes collaborateurs F. Arnaud Battandier et J.F. Duhamel qui est aujourd’hui l’un de nos Confrères.

7. Que j’étais parvenu à créer de toutes pièces au sein de la Clinique chirurgicale infantile (1970, J.P. Fourrnet). Elle sera plus tard transférée au sein du Département de pédiatrie et officialisée (M. Cloup, Ph. Hubert).

partie de leur intestin était absente, malade, ou inutilisable. On commençait à parler de « grêle court ».

Pour cette phase, la contribution chirurgicale devenait majeure. Aux cotés de Roland Parc puis d’un de mes nouveaux chefs de clinique, Abderahim Harrouchi, auquel je la confiais, toute l’équipe chirurgicale fut mise à contribution. Le matériel chirurgical provenait du bloc opératoire du service, comme d’ailleurs l’infirmière panseuse indispensable au déroulement de nos interventions 8. Les porcelets ont été choisis âgés de trois et douze semaines du fait que leur processus de digestionabsorbtion intestinale avait été récemment démontré similaire à ceux de l’homme.

Vingt-trois laparotomies ont été réalisées sans incident. Après mensuration du grêle, 90 ou 95 % de celui-ci était réséqué, en respectant le duodénum et la valve iléocaecale. Seuls étaient conservés 5 ou 10 % du grêle distal en amont de la valve. Le rétablissement de la continuité digestive était assuré par une anastomose terminoterminale. Le contrôle du grêle restant via une sonde duodénale à demeure, puis par gastrotomie, se révéla impossible. Nous y avons rapidement remédié par la mise au point d’une canule fixée sur la première anse intestinale, soit latéralement, soit sur une anse montée en Y. Cinquante biopsies intestinales 9 ont pu ainsi être effectuées par cette voie.

— Trois porcelets témoins de douze semaines ont subi la laparotomie sans résection intestinale . Puis reprise de leur nutrition entérale normale. Après un blocage pondéral d’une dizaine de jours, un rattrapage pondéral a été observé en deux à trois mois.

— Sur sept porcelets de douze semaines fût effectuée une résection de 90 % du grêle suivie de nutrition entérale normale Leur courbe de croissance pondérale fut rapidement similaire à celle des témoins, témoignant de façon surprenante de l’ excellente adaptation du grêle restant.

— Sur treize porcelets de trois semaines, la résection de 95 % du grêle fut suivie d’un blocage durable de croissance pondérale sous alimentation entérale , le décès survenant en huit à dix semaines dans un tableau de grande dénutrition avec atrophie de la muqueuse intestinale. Leur état était identique à ce que nous observions chez l’enfant pour des privations cependant moins grandes. En revanche, sous nutrition parentérale exclusive , la croissance pondérale des animaux était satisfaisante. L’adaptation intestinale de la courte portion d’intestin conservée chez un porcelet recevant désormais exclusivement, soit une nutrition parentérale, soit une nutrition entérale fractionnée, se fait essentiellement au niveau du jéjunum — par augmentation du nombre des cellules absorbantes de la muqueuse.

8. À cette époque, notre administration hospitalière locale — qui n’en ignorait rien — voulut bien ne rien voir de notre initiative « sauvage ». Elle était encore dans les traditions.

9. Dès lors la contribution de Christian Nezelof, chef du service d’anatomo-pathologie de l’Hôpital Necker Enfants Malades, et de son collaborateur d’alors J.Jos, deviendra constante et essentielle.

 

Ce travail préliminaire effectué sur le porcelet démontrait qu’il était nécessaire de réséquer 95 % du grêle pour réaliser un modèle expérimental assimilable aux dénutritions de l’enfant . Il confirmait [2] que :

— La nutrition parentérale exclusive permet initialement, contrairement à l’alimentation entérale fractionnée d’obtenir une croissance normale et joue un rôle important dans le développement de l’hypertrophie compensatrice du grêle après résection subtotale.

— Il paraît vraisemblable qu’en assurant un apport protido-calorique équilibré, cette méthode évite l’atrophie intestinale résiduelle secondaire à la dénutrition observée sous nutrition entérale.

— L’adjonction entérale de tryglycérides à chaîne longue aggrave la malabsorption 10. Ces résultats étaient similaires à ceux qui avaient été observés récemment chez le chien. La situation de notre modèle animal expérimental était le reflet presque parfait de celle que nous commencions à observer chez nos propres petits patients. Néanmoins il était à craindre, que l’on ne puisse, à plus ou moins long terme s’en satisfaire pour assurer à long terme l’ensemble des fonctions dévolues à l’intestin dans l’indispensable alimentation d’un enfant.

Les premiers résultats cliniques

Dès les premiers mois de son utilisation en réanimation chirurgicale post-natale, nous pouvions constater l’efficacité de la NPT dans la prise en charge de situations chirurgicales jusqu’alors grevées de conséquences souvent mortelles de la dénutrition. Les possibilités de la chirurgie du nouveau-né s’en trouvaient profondément accrues [3, 4]. Il en fut notamment ainsi d’omphalocèles graves, de laparoschisis, de certaines occlusions néonatales. Après quelques jours ou semaines de NP totale, l’apport parentéral pouvait être réduit par paliers tandis que les nutriments enté- raux, étaient progressivement augmentés en fonction de la tolérance digestive de chaque enfant. Au fil des années les indications de la NPT se sont élargies [5], notamment en faveur de pathologies néonatales jusqu’alors mal identifiées car rapidement mortelles. Il en fut ainsi de certaines occlusions néonatales dites fonctionnelles sévères et persistantes, au sein desquelles furent prises en charge et dénombrées « l’aganglionie totale du grêle » communément appelé le « Hirschsprung total » ou les « Pseudo obstructions intestinales chronique » les POIC ! Plus accessoirement, mais avec autant d’efficacité, nous avons commencé à l’utiliser avec succès chez quelques enfants plus grands dans le but de permettre la mise au repos totale transitoire du tube digestif (pancréatites, fistules du grêle, intestin radique).

L’unité de nutrition pédiatrique de C. Ricour était de plus en plus sollicitée par des confrères français ou étrangers, lui demandant d’accueillir de très jeunes patients dont la situation, pensaient-ils, ne pouvaient trouver ailleurs qu’aux Enfants10. Quel que soit l’age du porcelet et la longueur de la résection intestinale, leur adjonction dans l’alimentation déclanchait immédiatement selles liquides, dénutrition rapide et décès en deux semaines.

 

Malades, à Paris, un espoir de traitement. En février 1976, la Pharmacie des Enfants-Malades relevait qu’elle avait réalisé quotidiennement les solutions pour cent soixante-quinze enfants, pour une durée moyenne par enfant de soixantedix jours, ce qui représentait la préparation de douze mille litres de solutions individualisés [6].

Chaque année un « Séminaire de gastroentérologie pédiatrique médico-chirurgicale » 11 était l’occasion de faire le point de l’avancée des recherches cliniques. Il attirait un nombre toujours croissant de participants français et étrangers. En sont nées de fructueuses collaborations durables avec de nouvelles équipes, travaillant dans le domaine nouveau de la nutrition et de la réanimation digestive tant de l’enfant que des adultes.

Bientôt cependant s’imposa l’évidence que la majorité des enfants qui bénéficiaient le plus de la NPT allaient devoir en disposer longtemps, longtemps… Nous ignorions quand ils pourraient — ou même s’ils pourraient — en être sevrés un jour fut-ce partiellement. Nous demeurions persuadés que s’imposeraient à nous les limites de la méthode. Nous étions conscients qu’il était sans doute devenu illusoire d’espérer assurer la nutrition et la croissance d’un enfant privé définitivement de tout ou partie de son intestine grêle. Les techniques d’allongement par dédoublement ou de ralentissement du transit du grêle restant ne nous avaient pas apporté la solution. Les enseignements de notre expérimentation animale qui laissaient prévoir les limites de l’adaptation du segment d’intestin préservé trouvaient leur confirmation. Il ne fallait pas baisser les bras.

1975 — Poursuivre notre ambitieuse recherche expérimentale… vers la transplantation intestinale.

L’objectif était, à partir du modèle expérimental, le porcelet , que nous maîtrisions parfaitement, d’entreprendre un programme méthodique de recherche, utilisant les principes mis au point par les pionniers français de la transplantation rénale, dans l’espoir encore lointain de pouvoir déboucher sur la transplantation intestinale chez l’enfant. Claude Ricour et moi-même ne doutions pas qu’il nous faudrait mobiliser toutes les compétences multidisciplinaires rassemblées au sein des « EnfantsMalades ». Elles étaient pour nous un privilège inestimable.

Nos équipes respectives s’étant renouvelées, c’est une nouvelle génération de nos collaborateurs 12 qui allait s’atteler à ce programme « Transplantation intestinale ».

11. Organisé par C.Ricour et C.Nihoul-Fekete.

12. Aux cotés de Claude Ricour : Olivier Goulet, Chantal Maurage ; Chirurgie, aux cotés de Yann Revillon : Annie Laufenburger, Bertrand Jehannin, Dominique Jan, Hélène Martelli ; Anesthé- sie : Marie-Dominique Gnassiah, Christiane Buisson ; Vétérinaire : P. Galix ; Anatomopathologie, aux cotés de Christian Nezelof : Daniele Canioni, Francis Jaubert. Bactériologie :

Jean Claude Gnassiah ; Pharmacien, A. Le Mohan, O Corriol. E. Singlas.

 

Le conditionnement et la conservation du greffon

L’objectif premier était l’obtention d’un greffon exempt de toute contamination bactérienne — ce qui n’est pas sans difficulté, on l’imagine, quand il s’agit de l’intestin ! Mais aussi qui ait conservé ses capacités d’activité enzymatique et son potentiel de croissance cellulaire.

Cette première étape a porté sur l’étude de 46 segments intestinaux de 150 cm de l’iléon prélevé avec son pédicule arterio-veineux mésentérique. Elle a permis de souligner l’importance de la qualité et de la chronologie du double lavage vasculaire et luminal par le soluté de Collins, à 4 ° en équilibre avec le secteur intracellulaire.

Elle a permis de conclure que la conservation in vitro du grêle dans la solution de

Collins peut être considérée satisfaisante(92 % des cas) pendant vingt heures avant sa transplantation.

Étudié sur des périodes de conservation de quatre heures (16 cas), huit heures (2 cas) et vingt heures (18 cas), le contrôle bactériologique est effectué sur l’effluent vasculaire et luminal et sur le liquide de conservation. Dans aucun cas n’est survenu de contamination vasculaire ou du bain de conservation d’origine endoluminale intestinale. Sur le plan histologique, après lavage et avant toute conservation la muqueuse ne présentait aucune altération. Il en était de même sur le contrôle effectué après quatre et huit heures de conservation. La capacité de croissance cellulaire est confirmée par la qualité des cultures organo-typiques. Par contre après vingt heures de conservation, on note une désorientation des structures villositaires et un décollement de l’épithélium. La culture organo-typique donne de moins bons résultats [7].

L’autotransplantation

Pour apprécier la caractère fonctionnel de ces greffons conservés et pour étudier le caractère réversible ou non des lésions constatées sur les greffons conservés plus de vingt heures, treize greffons ont été l’objet d’une autotransplantation.

La réimplantation a été iliaque dans les premiers cas puis orthoptique pour les autres. Durant la réalisation des anastomoses vasculaires, l’hypothermie de l’anse et du mésentère est assurée en permanence jusqu’au déclampage. Les extrémités du transplant sont implantées en enterostomies à la peau pour permettre l’étude chronologique des modifications de la muqueuse.

L’évolution histologique est apparue stéréotypée. Au quatrième jour, la muqueuse initialement plate avec des cryptes hypertrophiées et de nombreuses mitoses a souvent retrouvé un aspect normal avec réapparition des structures villositaires qui sont encore courtes. Au quarantième jour, la récupération se confirme, comme en témoigne, l’étude des activités enzymatiques et des tests d’absorption de ces greffons autotransplantés poursuivie jusqu’au soixantième jour. L’aspect histologique de la muqueuse a été apprécié en microscopie conventionnelle et électronique, et associé à une étude anatomique ultérieure du transplant histologique [7].

 

L’allotransplantation

Alors vint le temps de la transplantation d’un porcelet à un autre porcelet. Hélas !

jusqu’en 1980 toutes les tentatives d’allotransplantation ses sont soldées par des rejets 13.

La situation devint tout autre dès que nous pûmes disposer de la Cyclosporine A !

Cette ultime étape expérimentale incontournable, l’allotransplantation , allait être décisive . Entre 1980 et 1983, Yan Révillon et son équipe renouvelée et appuyé sur un puissant support, immunologique 14, ont réalisé quarante-quatre allotransplantations, utilisant le protocole précédemment mis au point pour le prélèvement et la conservation du greffon, et la cyclosporine A , souvent encore associée à la Prédnisone et l’Azathioprine, ainsi qu’au Sérum Antilymphocytaire.

La survie de plus de dix-huit mois, sans rejet, le porcelet vivant uniquement grâce à l’intestin transplanté, a été obtenue, chez trente-sept des quarante-quatre porcelets allotransplantés 15.

L’absence de rejet démontrait la tolérance du greffon. Les contrôles histologiques, l’aspect normal de la muqueuse avec des villosités particulièrement longues, la courbe pondérale satisfaisante attestait de la qualité fonctionnelle de l’intestin transplanté.

Les exigences de la NPT au long cours — La NPT à domicile

Pendant ce temps, comme nous l’avions pressenti, la majorité des enfants que nous avions dû faire entrer dans un programme prolongé de NPT, authentiques insuffisants intestinaux chroniques , ne pouvaient en être sevrés. Mais il devenait impossible à Claude Ricour de les maintenir tous hospitalisés dans l’unité, sollicitée de toutes parts. Plus encore, il devenait impensable de devoir les priver si longtemps du lien familial qui leur est indispensable à cet âge.Claude Ricour eut alors l’idée de confier aux parents le soin de la nutrition parentérale de leur enfant, à leur domicile .

Le s premiers enfants furent pris en charge à domicile en 1981. Les parents qui y consentaient devaient accepter d’y être préparés par une formation de deux à trois semaines, dans l’unité, auprès de leur enfant en milieu hospitalier . (Aujourd’hui, trente ans plus tard, cette formation est reconnue comme « Éducation Thérapeutique ») . Lointain précurseur des « Transferts de compétences » Claude Ricour y consacra toute son énergie. Elle supposait pédagogie mais surtout détermination, obstination, pour assurer la logistique, de cette aventure « sauvage », en collaboration avec les équipes de pharmaciens de NEM, étroitement associées, devant assurer au jour le jour la fabrication des nutriments adaptés aux besoins de chacun des 13. Bien que nous ayons été soucieux d’incorporer dans nos protocoles, les moindres progrès fruits de la constante recherche pour toutes les autres transplantations d’organes dans le domaine de l’immunosuppression. Nos tentatives d’irradiation préalable du porcelet receveur furent sans succès.

14. Service d’immunologie pédiatrique : C. Griscelli, A. Fischer et Coll — Service de Néphrologie pédiatrique : P.Niaudet et Coll.

15. Les 7 décès sont survenus essentiellement en postopératoire immédiat.

enfants [6]. Trois ans plus tard, en décembre 1984, un Décret officiel portait création des Centres agréés de Nutrition Parentérale à Domicile , et officialisait le premier

Centre Agréé de Nutrition Parentérale à Domicile 16, implanté à Necker-Enfants .

Malades [8].

Les limites de la nutrition parentérale

Dès 1980 Christian Nezelof avait signalé qu’il observait sur les biopsies hépatiques de quelques-uns de ces enfants depuis longtemps déjà sous nutrition parentérale totale ou cyclique, un certain degré de fibrose portale et des hyperplasies et hypertrophies kupfériennes liée à une surcharge… qui lui semblaient pouvoir être en rapport avec un composant, peut-être lipidique, du liquide nutritionnel. Durant l’hiver 1982-1983 Claude Ricour et Olivier Goulet furent confrontés à l’augmentation de fréquence des manifestations d’ordre hématologique, et/ou hépatique et/ou néphrologique. Au total une trentaine de cas observés sur la période 1980-1985. Un de leurs petits patients devait le premier en mourir en février 1983. La similitude de ces manifestations les conduit à les regrouper sous le nom de « Fat Overload Syndrom » [9]. Cela avait déjà incité Claude Ricour à poursuivre la recherche clinique en nutrition notamment la recherche clinique sur le métabolisme des émulsions lipidiques en nutrition, parentérale. Au fil des mois, le nombre d’enfants déjà parvenus (décès) ou sur la menace de parvenir au terme de la NP, nous faisait l’obligation d’envisager une transplantation « de survie ».

1984 Un « programme de nutrition parentérale-transplantation » chez les enfants

Je garde un souvenir précis de la gravité de notre réflexion le jour où Claude Ricour, Olivier Goulet, Yves Révillon et moi-même avons pris cette décision. Face à l’impasse totale dans laquelle se trouvaient certains de nos petits patients, après tant de mois, voire d’années, d’espoir pour eux-mêmes et leurs parents, il nous fallait — dans un avenir poche- envisager un « programme de nutrition parentéraletransplantation » chez les enfants ayant une amputation totale intestinale. Pour y parvenir, nous pouvions, plus que jamais compter, sur les compétences cliniques et scientifiques très motivées réunies aux Enfants-Malades, notamment dans le domaine plus nouveau de l’immunologie 14. Nous nous y croyions autorisés par les résultats de la dernière étape de notre longue et patiente approche expérimentale sur le porcelet. Elle attestait la maîtrise technique désormais acquise par l’ensemble de notre équipe. Deux études comparables, l’une sur le chien, à Toronto, l’autre sur le rat, à Kiel, venaient de démontrer, elles aussi, que la cyclosporine permet de prévenir le rejet d’une allogreffe de grêle histocompatible ou une GVH. Nous avions montré que plus de 18 mois après la greffe, les fonctions de l’intestin étaient 16. En 1990, plus de cent enfants avaient bénéficié de cette technique et de cette organisation. Entre 1990-2000 : Implantation d’autres centres agréés de NP domicile successivement à Paris (Hôpital Robert Debré), Lyon (Hôpital Edouard Herriot), Toulouse (Hôpital de Purpan), Lille (Hôpital Jeanne de Flandre), Marseille (Hôpital de la Timone).

normales ; la muqueuse intestinale et les ganglions mésentériques du transplant étaient colonisés par les lymphocytes du receveur ; la fonction de ces lymphocytes était attestée par la réponse proliférative en présence de mitogènes et la production d’interleukine qui ne différaient pas de celle des témoins. Enfin la barrière immune muqueuse intestinale des animaux transplantés sous cyclosporine avaient les mêmes capacités de défense vis-à-vis des infections à virus entéropathogènes que les témoins.

Un protocole de transplantation du grêle chez l’enfant répondant aux exigences réglementaires du moment fut présenté par C.Ricour, devant le

Comité d’Ethique pour la médecine des enfants dans sa séance du 16 février 1984. Sur rapport du Pierre

Royer, ce comité d’Ethique a donné son approbation le 15 mars 1984.

Les démarches administratives complexes et multiples furent alors entreprises.

L’accord de l’administration de l’Assistance-Publique fut obtenu pour cette phase humaine de ce qui demeurait du domaine expérimental et nécessitait un financement spécifique. Les liens furent noués avec l’organisme régulateur d’alors, FranceTransplant, concernant le nécessaire donneur et les conditions du prélèvement de l’intestin. Nous ne pourrons prélever qu’après que tous les autres organes susceptibles d’être greffés, en routine, auront été satisfaits 17. L’un des chirurgiens de notre équipe fut chargé de s’initier aux modalités et aux exigences auxquelles il nous faudra un jour —nous l’espérions prochain- nous conformer. De cette collaboration devait naître ultérieurement un consensus sur une technique 18 de prélèvement d’organes chez l’enfant [10].

9 Janvier 1987 — Une première tentative malheureuse

La décision en fut prise, non sans hésitation et réflexion le 9 janvier 1987 lorsque se présenta l’opportunité d’un donneur compatible : un bébé de vingt-quatre jours, en coma dépassé, et d’un petit receveur, David , âgé de huit mois. Cet enfant avait dû subir en période néonatale une résection de l’ensemble du grêle en raison d’une nécrose totale du fait d’un volvulus sur mésentère commun. Il lui restait 12 cm. de duodénum entre le pylore et l’anastomose duodéno-colique. Il était depuis lors sous NPT. Nous avions la certitude qu’à plus ou moins long terme, sa vie dépendrait d’une transplantation intestinale. Une transplantation précoce pouvait-elle lui éviter les années de contraintes, de souffrances, d’une assistance nutritionnelle paren17. Nous ne fûmes pas étonnés que l’agrément initial nous fasse obligation de ne prélever l’intestin qu’après que tous les autres prélèvements d organes susceptibles d’être greffés, en routine, auront été satisfaits.

18. Aux techniques initiales qui nécessitaient une dissection minutieuse successive de chacun des viscères abdominaux à prélever fût substituée une technique de prélèvement monobloc avec dissection à minima, préservant chacun des organes. Un dispositif d’irrigation et réfrigération monobloc abdominal est mis en place avant tout prélèvement, thoracique ou/et abdominal. La préparation des organes est faite secondairement, ex-vivo. Après libération du foie et éventuellement du bloc duodéno-pancréatique, les deux reins sont prélevés en monobloc. L’intestin lui-même est prélevé en dernière position.

térale exclusive, dont nous savions désormais les aléas et les limites ? Ses parents dûment informés nous avaient donné leur consentement éclairé, les parents du nouveau-né, leur consentement au prélèvement d’organe. Il n‘y eut aucun incident d’ordre technique lors du prélèvement ni dans la phase chirurgicale initiale de la transplantation. Mais, très rapidement après le déclampage, est apparue une hémorragie intra-luminale qui a imposé l’extirpation du greffon 19.

21 Mars 1987 — La première transplantation intestinale chez l’enfant

Cette première tentative malheureuse manifestement en relation avec le trop jeune âge du donneur, qu’imposait cependant le très jeune âge du receveur, ne devait pas nous décourager. Si l’idée même de l’indication précoce, première, d’une transplantation intestinale devait être différée voire abandonnée, la nécessité de recourir à une transplantation « de survie » s’imposait à nous dès lors que les limites de la NPT semblaient devoir être atteintes chez quelques-uns des plus anciens de nos patients.

Il en était ainsi, déjà, pour Mireille (née le 15 juillet 1977) âgée de bientôt dix ans.

Opérée ailleurs d’une invagination intestinale à l’âge de 4 mois, elle avait fait à trois ans et demi une occlusion sur bride nécessitant une résection subtotale du grêle, lui laissant 20 cm. de jéjunum, et heureusement une valvule de Bauhin et un colon indemnes. Depuis six ans, nous la maintenions en NPT à domicile, dans l’ouest, loin de Paris. Une fistule artério-veineuse avait été mise en place pour suppléer aux cathéters (intra-cave) devenus inutilisables. Les altérations hépatiques et rénales, conséquence de la NPT au long cours, étaient majeures. L’opportunité de disposer pour elle d’un greffon intestinal survint le 21 mars 1987. Le donneur était un jeune garçon de dix-sept ans, en coma dépassé, après un accident de la voie publique, à 150 km. de Paris. Le protocole chirurgical observé fut exactement le même que dans le cas précédent. Le traitement immunosuppresseur aussitôt entrepris allait devoir requérir la contribution très vigilante de nos immunologistes En post-opératoire immédiat les suites furent excellentes. Mais, comme nous nous y attendions, survint de J8 à J20 une première phase de rejet aigu, récupérée vers J 30.. En dépit de plusieurs épisodes ultérieurs de rejet, qui furent tous contrôlés, le greffon intestinal est resté toléré et fonctionnel. Cinq mois après la transplantation, la situation est satisfaisante. L’alimentation orale est débutée. L’enfant rentre « à la maison ».

L’alimentation en partie orale est complétée par la NP cyclique à domicile ; la cyclosporine est donnée en partie par voie orale ; les multiples petites difficultés surmontables. La situation y demeure stable. Le rétablissement de la continuité intestinale sera bientôt programmé.

Au cours d’une conférence sur invitation à un Congrès de pédiatrie à Montréal en juillet 1987, où je soulignais les profondes évolutions de la chirurgie pédiatrique dans les dernières décennies, j’avais eu le privilège de faire état de cette observation, 19. L’ischémie de 6 h.30 pour brève qu’elle ait été avait probablement été trop longue, vu la fragilité particulière du grêle du nouveau-né. Nus avions vu apparaître, sous nos yeux, le processus bien connu de l’entéropathie vasculaire du nouveau-né.

soulignant bien que le recul en était encore tout à fait insuffisant (cent-vingts jours) pour conclure au succès de cette transplantation intestinale 20.

La veille de l’intervention prévue (23 juillet 1987) survient un épisode subaigu de rejet tardif. Il est interprété comme pouvant être en rapport avec les modifications dans l’administration de la cyclosporine qu’avaient imposée la détérioration de la fonction rénale. Ce nouvel épisode conduira à reprendre l’administration de sérum anti-lymphocytaire et sera finalement contrôlé. Mais trois semaines plus tard l’enfant fait un sévère épisode d’insuffisance hépatorénale avec désordre hématologique dans un contexte d’infections. L’aggravation de l’état général conduit à arrêter l’immunosuppression et enlever le greffon intestinal. Celui-ci a un aspect tout à fait satisfaisant, une bonne motricité. Les anastomoses vasculaires sont intactes. Il existe une néo-vascularisation lymphatique. Malgré l’extirpation du greffon, l’enfant décède quelques jours plus tard.

Succès ou échec : un nouveau questionnement éthique

Ces deux essais furent donc en réalité deux échecs. Le second cependant faisait état de la plus longue survie jamais obtenue, et fut unanimement reconnu comme le premier succès mondial d’une transplantation intestinale chez un enfant 21 [11-16].

Ce second échec conduisait notre « Groupe Transplantation des Enfants-Malades » à poursuivre sa réflexion. Certes se trouvait confirmée la maîtrise technique des équipes. Mais aussi l’extrême fragilité de ces enfants à l’infection et la complexité encore imparfaitement maîtrisée des problèmes immunologiques, d’autant plus que l’intestin est l’un des sites les plus importants des mécanismes cellulaires en charge de la défense immunitaire. De plus notre choix du second enfant avait été dicté par le fait que nous arrivions au terme des possibilités de la nutrition artificielle. Or, cette situation avait été probablement à l’origine de cet échec secondaire. Dès lors l’indication de la transplantation devrait-elle se porter sur des enfants en NP exclusive depuis seulement quelques mois avant la survenue de toute altération hépatique ou rénale ?. Mais la maîtrise des mécanismes de l’immunosuppression n’est elle pas encore insuffisante pour autoriser de prendre le risque d’une transplantation chez un enfant dont le développement est normal, vivant dans sa famille sous les contraintes réelles mais surmontables d’une NPT cyclique à domicile ?

Une nouvelle tentative en mars 1989 fut encore entreprise chez une enfant de cinq mois 22 à la faveur de circonstances exceptionnelles. Virginie reçut un greffon 20. Telle était la situation, à sept mois de la transplantation, lorsque j’ai sollicité de l’Académie nationale de médecine, où j’étais candidat, l’honneur d’y faire une communication. Au jour de sa présentation, j’avais dû modifier mon texte initial et y faire état du décès de l’enfant survenu entre temps.

21. Il fut même le premier succès d’une transplantation humaine. .Une récente transplantation intestinale chez un adulte à Toronto s’étant soldé par un échec au 26e jour post transplantation.

(Cohen Z. et coll., Transplant, 1986, 42 , 613-21).

22 V. souffrait d’une amputation totale du grêle après un volvulus post-natal.

provenant d’un nouveau-né anencéphale 23. Les suites opératoires furent simples ;

L’alimentation orale fut réintroduite à J20 ; Elle a été sevrée de la NP quelques semaines après la greffe et ne la plus reprise par la suite. Néanmoins quelques épisodes de rejet rapidement surmontés firent différer le rétablissement de la continuité intestinale jusqu’à huit mois après la transplantation 24.

L’évolution favorable à un an de la transplantation avait permis de faire état de cette observation qui semblait devoir être effectivement le premier succès durable d’une transplantation intestinale chez un enfant [16-20]. Elle demeure aujourd’hui le premier succès mondial prolongé — bien que non définitif — d’une transplantation intestinale sur un enfant.

Mais dans le même temps, nous allions déplorer un nouvel échec.

David , le premier enfant chez lequel nous avions tenté notre première transplantation humaine en janvier 1987 était depuis lors demeuré sous NP à domicile ; six jours sur sept, avec émulsions lipidiques et une alimentation orale fractionnée sans lactose, pauvre en fibres et en graisses. Sa croissance staturo-pondérale était bonne en dépit d’une hépatopathie manifeste très préoccupante. L’occasion d’un donneur compatible, un jeune garçon de douze ans et demi, victime d’un accident de la voie publique, lui offrait l’opportunité d’une nouvelle transplantation. Pratiquée le 27 mars 1989, sans incident technique. Suites immédiates simples avec débit et contrô- les biopsiques du greffon satisfaisants ; modalités habituelles de l’immunosuppression par corticoïdes, Cyclosporine, Sérum antilymphocytaire et un bref ajout d’Imurel à J6, vite interrompu à J16 devant l’apparition d’une neutropénie et d’une thrombopénie importante. Bientôt survinrent une infection à CMV (cytomégalovirus) et EBV (Virus Epstein-Baar) faisant soupçonner un processus lymphoprolifé- ratif. Puis une pneumopathie fébrile à Pneumocystis. À J58 apparurent des signes francs de rejet tant sur le plan clinique qu’histologique qui imposèrent une détransplantation. Après des suites difficiles l’enfant pu enfin retourner à la maison le 14 juillet ! À nouveau dépendant d’une programme nutrition parentérale à domicile. Il est décédé quelques semaines plus tard.

Un nécessaire moratoire

Venant après l’échec de la transplantation d’un greffon provenant d’un nouveau-né prématuré, en dépit des conditions immunologiques exceptionnelles qu’il offrait, ce nouvel échec fut profondément ressenti par toute notre équipe. Nous ne fûmes pas loin de penser qu’il nous fallait renoncer.

23. L’anencéphalie avait été reconnue lors du diagnostic prénatal. Les parents avaient refusé l’interruption de la grossesse et généreusement proposé un don d’organe dès après la naissance à 33 SA.

24. Dès 1995, Le Tacrolimus. fut substitué à la CyA pour assurer son immunosuppresion.

Lors de sa communication, ici même, le 8 février 2012, Olivier Goulet nous a confirmé qu’aujourd’hui, vingt-trois ans après sa transplantation intestinale en 1989 à l’Hôpital des Enfants Malades, Virginie, est une jeune femme, totalement autonome sur le plan digestif et mène une vie normale.

 

Cependant de nombreux travaux expérimentaux étaient en cours consacrés au développement de stratégies d’immunosuppression ainsi qu’à l’analyse des mécanismes du rejet, les connaissances progressaient sur la fonction de l’intestin transplanté … et au fil des jours la petite Virginie allait bien !

 

ÉPILOGUE

Le temps était venu pour moi du terme de mes fonctions hospitalo-universitaires.

La flamme ne s’est pas éteinte. On sait ce qu’il en est advenu [20]. Aujourd’hui, plus de vingt ans après sa transplantation intestinale en 1989 à l’Hôpital des Enfants Malades, Virginie est une jeune femme totalement autonome sur le plan digestif et mène une vie normale.

Comment pourrais-je mieux conclure ce rappel de ces vingt années de recherche qu’en reprenant, pour m’en réjouir, quelques mots des conclusions de la communication d’Olivier Goulet et Sabine Sarnacki, lors de la séance de notre Compagnie le 7 février 2012 ?

« À l’Hôpital Necker-Enfants Malades, près d’une centaine de transplantations intestinales, isolées ou associées à celle du foie, ont été réalisées Les progrès réalisés depuis 1990 et plus particulièrement durant la dernière décennie, sont liés non seulement à la meilleure maîtrise des techniques chirurgicales mais également à l’apparition de nouveaux immunosuppresseurs …. Ces progrès considérables ont permis à la transplantation intestinale de devenir la thérapeutique de l’insuffisance intestinale irréversible… Les résultats ont très nettement progressé dépassant 80 % de survie des greffons à deux ans après transplantation isolée de l’intestin…. L’opération chirurgicale est plus difficile chez un enfant fragilisé par sa maladie hépatique et souvent plusieurs fois opéré antérieurement… C’est pour toutes ces raisons qu’à l’Hôpital Necker-Enfants Malades, nous avons développé une stratégie médico-chirurgicale de prise en charge précoce et globale de l’insuffisance intestinale … ( Elle) repose sur la combinaison « Nutrition Parentérale Prolongée à Domicile » et « Transplantation

Intestinale » qui permet d’assurer une prise en charge adaptée en fonction de chaque stade de l’insuffisance intestinale…

Nous avons le seul centre en Europe. »

Quarante ans d’un effort continu multidisciplinaire !

BIBLIOGRAPHIE

Ne sont ici mentionnées que les références des communications et publications émanant du groupe de recherche Nutrition et Transplantation de l’Hôpital Necker-Enfants Malades. Paris.Les références des travaux concomitants des autres équipes françaises ou étrangères évoqués dans ce texte figurent dans les bibliographies de travaux référencés ci-dessous.

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[12] Goulet 0., Révillon Y., Cerf-Bensussan N., Nezelof C., Fischer A., Buisson C.. Hubert P., Lokiec F., Martelli H. Niaudet P., Jan D., Pellerin D., Ricour C. — Small Intestinal Transplantation in a Child Using Cyclosporine, avec Transplantation — Proceedings, vol. XX , suppl. 3 (June), 1988, 288-296.

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[15] Goulet O., Revillon Y., Nezelof C., Cerf-Benssussan N., Gallix P., Pellerin D., Ricour C. — La transplantation intestinale chez l’enfant. Arch.. Fr. Pediatr ., 1988, 45 , 735-9.

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[20] Revillon Y, Chardot C. — Indications and strategies for intestinal transplantation. Journal of Pediatric Surgery Lecture ; BAPS Meeting-Aberdeen 24/07/2010 in Journal of Pediatric

Surgery, 2011, 46, 280-283.

 

<p>* Membre de l’Académie nationale de médecine ; e-mail : dpeller@noos.fr Tirés à part : Professeur Denys Pellerin, même adresse Article reçu et accepté le 26 mars 2012</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 3, 761-779, séance du 27 mars 2012