Communication scientifique
Séance du 11 mars 2008

Pour une approche préventive des zoonoses : la création d’une cellule de détection précoce des infections animales

MOTS-CLÉS : santé publique. service vétérinaire des armées. zoonoses/épidémiologie
Prevention of zoonoses : creation of a unit for early detection of animal infections
KEY-WORDS : public health. veterinary services, military. zoonoses/epidemiology

Bernard Davoust, Jean-Lou Marié, Mickaël Boni

Résumé

Dans un contexte d’émergence de zoonoses avérées ou potentielles (rétroviroses simiennes, SRAS, West-Nile, influenza aviaire H5N1,…), les vétérinaires de l’armée française ont pour mission d’évaluer les risques épidémiologiques liés aux animaux dans l’environnement des militaires, en particulier au cours des opérations extérieures. Les enquêtes qu’ils ont déjà réalisées concernent près de soixante-dix infections (toxoplasmose, leishmanioses, rickettsioses, leptospiroses, fièvre Q, hépatite E, fièvre de la vallée du Rift,…). Cette stratégie de détection des agents pathogènes (« le bon prélèvement, au bon moment, bien conservé ») chez les animaux réservoirs et les vecteurs, en amont des épidémies, pourrait être appliquée au profit de la santé publique. Les auteurs proposent la création d’une cellule de détection des infections animales collaborant, au sein d’un infectiopôle, avec des médecins hospitaliers, des vétérinaires et des laboratoires de microbiologie performants. Structure souple et mobile, elle deviendrait un outil efficace d’anticipation, de prévention et de lutte contre les zoonoses.

Summary

In a context in which known and potential zoonoses are emerging (simian retrovirus infections, SRAS, West Nile, H5N1 avian influenza, etc.), French army veterinarians have been tasked with assessing epidemiological risks related to animals in proximity with troops, particularly during foreign operations. They have already completed surveys of more than 70 infections (toxoplasmosis, leishmaniasis, rickettiosis, leptospirosis, Q fever, hepatitis E, Rift valley fever, etc.). The strategy consists of detecting pathogenic agents (‘‘ the right sample, at the right time, and kept in the right conditions ’’) in reservoir animals and vectors, upstream of epidemics. The authors propose to set up a flexible and mobile animal infection detection unit, working closely with hospital physicians, veterinarians and specialized microbiology laboratories. This would be an efficient tool for anticipating, preventing and combating zoonoses.

INTRODUCTION

Depuis une quinzaine d’années, les spécialistes de la santé mais aussi l’opinion publique ont pris conscience que les zoonoses sont des maladies d’actualité (rétroviroses simiennes, encéphalopathie spongiforme bovine, influenza aviaire H5N1 hautement pathogène [HP]) qu’il est nécessaire de bien connaître pour mieux les contrôler [1-6]. Il est devenu classique d’affirmer qu’approximativement 75 % des maladies infectieuses émergentes de l’homme ont l’animal pour origine et que 60 % des agents pathogènes pour l’homme sont zoonotiques [7]. De plus, les interactions homme-animal se transforment aussi. Ainsi, la place des animaux de compagnie a évolué d’année en année vers une promiscuité plus grande. Par ailleurs, la population des animaux de production dans le monde devrait croître rapidement dans les prochaines années. En 2005, on estimait à vingt et un milliards le nombre d’animaux destinés à l’alimentation des six milliards et demi d’habitants de la planète. Cette ressource devra avoir augmenté, en 2020, de 50 % pour nourrir la future population estimée à sept milliards et demi [8]. L’homme de demain vivra dans un environnement où les animaux domestiques et sauvages continueront à lui apporter abondamment ce dont il aura besoin (nourriture, santé, loisirs, bien-être). Cependant les interactions entre, l’homme, les animaux, les végétaux, l’air, l’eau, le sol et les autres composants de l’environnement modifieront l’équilibre des écosystèmes. Les microorganismes auront des possibilités nouvelles pour franchir la barrière d’espèce [9].

La prévention des zoonoses a souvent été conduite dans le passé par les vétérinaires qui ont mené avec ténacité des actions de santé publique. Ils ont travaillé à l’éradication, dans plusieurs pays, des maladies transmissibles (morve, rage, tuberculose bovine, brucellose,…) en agissant, avec des résultats probants, sur les animaux et les produits d’origine animale [10]. De leur côté, les médecins orientent leur approche des maladies zoonotiques vers le patient. L’étude des zoonoses est donc conduite en parallèle. Elle est comparable aux deux rives d’un fleuve où circulent les agents pathogènes ; sur l’une, l’homme, objet des soins de la profession médicale et sur l’autre, les animaux surveillés par d’autres professionnels. Paradoxalement, ces deux positions réductionnistes sont insuffisamment reliées pour étudier une seule et même réalité biologique. Il est urgent d’améliorer la détection, le contrôle et l’éradication des zoonoses en bâtissant des ponts [11-13].

Notre propos est de montrer qu’une nouvelle approche « systémique » et centrée sur l’homme est possible. Elle part de l’homme, mais, de ce positionnement, elle doit
agréger, au-delà de la vision strictement médicale, d’autres connaissances qui font de l’infectiologie un ensemble cohérent et intégré au milieu (monde animal, environnement, écosystèmes, climat, …).

L’analyse de l’état des lieux et l’expérience acquise par les vétérinaires du service de santé des armées (SSA) nous conduisent à proposer une stratégie innovante d’étude des zoonoses qui pourrait être expérimentée au sein d’un pôle médico-scientifique.

STRATÉGIES ACTUELLES DE SURVEILLANCE ÉPIDÉMIOLOGIQUE ET DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE CONCERNANT LES ZOONOSES.

L’actualité des zoonoses a conduit les organisations internationales concernées à coopérer et à définir les lignes directrices de leur collaboration [14].

En France, depuis l’émergence des crises sanitaires (encéphalopathie spongiforme bovine, syndrome respiratoire aigu sévère [SRAS], influenza aviaire H5N1 HP, West-Nile, Chikungunya, …) des organismes publics de recherche et d’expertise relevant en particulier du ministère de la santé (institut national de veille sanitaire [InVS]) et du ministère de l’agriculture (institut national de recherche agronomique [INRA]) ou des deux (agence française de sécurité sanitaire des aliments [AFSSA]) développent des stratégies de surveillance épidémiologique et de recherche scientifique concernant les zoonoses [15-21]. Le point de départ et la cible de ces recherches sont soit l’animal, soit l’homme, selon les tutelles. Par ailleurs, depuis 2002, l’Institut Pasteur de Paris (IPP) a créé une cellule d’alerte et de réponse aux épidémies (CARE) qui coordonne le soutien aux interventions de terrain et la cellule d’intervention biologique d’urgence (CIBU) qui s’implique rapidement en termes d’analyses microbiologiques et d’identification des agents pathogènes circulants.

Les structures de l’Etat chargées de l’élaboration et du contrôle des réglementations sanitaires, comme de la gestion des crises, à l’échelon central (direction générale de l’alimentation [DGAl], direction générale de la santé [DGS]) et dans les services déconcentrés (directions départementales des services vétérinaires [DDSV], directions départementales des affaires sanitaires et sociales [DDASS]) sont bien spécialisées ; là encore, les unes concernent les animaux, les autres les hommes.

Dans le domaine des investigations épidémiologiques, les cellules interrégionales d’épidémiologie (CIRE) s’attachent à mener des enquêtes au sein des populations humaines. La composante animale de l’épidémiologie des zoonoses est bien pris en compte par les DDSV au regard des maladies animales réglementées (rage, brucellose, trichinellose, influenza aviaire, …). En revanche, les DDSV n’ont pas les moyens d’intervenir sur le terrain pour participer, en amont des épidémies humaines, à la détection chez les animaux d’agents infectieux émergents susceptibles d’être pathogènes pour l’homme.

Par ailleurs, les praticiens vétérinaires libéraux ont une approche des maladies infectieuses naturellement centrée sur l’animal. Ils sont mandatés par les DDSV
pour déclarer les zoonoses réglementées et leur appliquer les prescriptions réglementaires. Cependant, lorsqu’ils constatent une maladie infectieuse chez un animal de compagnie ou d’une espèce de rapport, leur première préoccupation est de la traiter, quelquefois au détriment d’un diagnostic étiologique précis. L’autopsie d’animaux morts de maladie infectieuse est rarement réalisée ; il en est de même du recueil d’échantillons permettant la mise en œuvre de techniques de diagnostic appropriées.

Enfin, la surveillance épidémiologique de certains animaux sauvages indigènes est organisée (office national de la chasse et de la faune sauvage, réseau SAGIR [surveillance sanitaire de la faune sauvage], vétérinaires des parcs naturels et des zoos, …). Néanmoins, très peu d’actions sont menées vis-à-vis des animaux commensaux (rats d’égouts, chats errants, oiseaux des villes, …) [22].

Au final, il manque bien un maillon nécessaire à l’étude des zoonoses. Il s’agit de le concevoir au plus près du malade et des médecins pour court-circuiter les structures bureaucratiques qui établissent trop de cloisonnements entre l’homme et l’animal, dans le domaine de l’épidémiologie des infections.

MISE EN ŒUVRE D’UNE DÉMARCHE ACTIVE DE PRÉVENTION DES ZOONOSES EN MILIEU MILITAIRE

Dans le contexte militaire français, les vétérinaires des armées ont pour mission, en particulier, d’évaluer les risques liés aux infections animales, notamment aux zoonoses et de proposer au commandement les mesures de prévention et de lutte à adopter [23]. Les militaires, de par leur métier, prennent des risques. Ils constituent, un groupe particulièrement exposé aux zoonoses au cours d’opérations ou à l’entraînement dans des environnements variés [24-29]. Par ailleurs, n’ayant pas acquis d’immunité, ils apparaissent plus sensibles aux zoonoses exotiques, lorsqu’ils pénètrent dans un écosystème nouveau. Les animaux (domestiques, commensaux ou sauvages) qui figurent, dans l’environnement des militaires, constituent des sentinelles et/ou des réservoirs d’infections souvent zoonotiques, quelquefois liées à une transmission par un arthropode-vecteur [30]. La prévalence de ces maladies est souvent mal connue chez l’animal, surtout lorsqu’il s’agit d’infections inapparentes.

L’épidémiologie animale, dont l’un des objets est l’étude de la fréquence des maladies au sein des populations animales et de leurs causes est donc une discipline opérationnelle qui a été développée dans le cadre du soutien des forces armées [31].

Il est à noter que son domaine s’étend aussi à l’étude des animaux comme révélateurs des pollutions biologiques, chimiques et radiologiques (animaux sentinelles).

Outre la surveillance des animaux des armées (chiens, chevaux, faucons), l’épidé- miologie animale dans les armées étend son périmètre d’intérêt aux populations animales dans leur ensemble. Il s’agit d’un domaine d’importance croissante qui englobe la notion de contrôle de l’environnement biologique du théâtre d’opération, des zoonoses émergentes et ré-émergentes, le bioterrorisme et les épizooties [32].

Parmi les axes de la politique générale du service de santé des armées, le thème « dé- veloppement de nouvelles stratégies de lutte contre les maladies transmissibles » ayant été retenu, les vétérinaires militaires ont développé leur capacité de surveillance épidémiologique des infections animales au profit des forces armées. Notre stratégie vise à associer l’épidémiologie des maladies humaines et animales aux écosystèmes et aux facteurs anthropiques souvent liés à la mondialisation.

Création d’un groupe de travail en épidémiologie animale

Avec pour objectif de contribuer à la lutte contre les maladies animales et humaines dans le cadre du soutien sanitaire des forces armées, un groupe de travail en épidémiologie animale (GTEA) a été créé, par décision du directeur central du service de santé des armées, en février 2006. Le GTEA est placé sous l’autorité de la direction centrale du service de santé des armées (DCSSA) et de l’inspecteur technique des services vétérinaires des armées. Piloté à partir du secteur vétérinaire de Marseille, il est constitué de sept vétérinaires, affectés dans différentes régions et en charge d’autres missions. Il rassemble des experts qui entretiennent des relations techniques avec les autres vétérinaires des forces (environ soixante-dix). Leur mission est de coordonner les interventions en matière d’épidémiologie animale en amont des maladies humaines et/ou animales. Cette approche préventive s’appuie, en particulier, sur l’identification de réservoirs animaux d’agents pathogènes et sur la surveillance des populations de vecteurs.

Les activités menées concernent la surveillance épidémiologique des infections connues ainsi que la veille épidémiologique en vue de reconnaître, le plus rapidement possible, des maladies émergentes. Des enquêtes épidémiologiques sont réalisées sur le terrain. L’objectif de ces actions consiste à définir et à mettre en œuvre des mesures de maîtrise des risques sanitaires zoonotiques avérés ou potentiels. Dans certains cas, des interventions préventives et curatives permettent l’éradication de maladies au sein de populations animales contrôlées (par exemple : trypanosomose et dirofilariose du chien militaire).

Les références réglementaires appliquées sont le code zoo-sanitaire international de l’office international des épizooties — organisation mondiale de la santé animale (OIE), le règlement sanitaire international, les réglementations française et européenne, les instructions du SSA. Les sources documentaires consultées sont variées ; on peut citer les informations et les recommandations de l’OIE, de l’organisation mondiale de la santé (OMS) et des agences sanitaires européenne et nationale, les guides de bonnes pratiques en épidémiologie, la littérature scientifique.

Tous les vétérinaires des armées, d’active et de réserve, assistés de techniciens vétérinaires, sont encouragés à conduire des actions d’épidémiologie animale. Le GTEA peut leur apporter un support scientifique, technique et logistique. Ces personnels sont en poste en France métropolitaine ou d’outre-mer ainsi qu’à l’étranger (actuellement : forces prépositionnées au Sénégal et à Djibouti et opéra-
tions extérieures dans les Balkans, en Côte d’Ivoire, au Tchad, au Liban et en Afghanistan). D’autres structures du SSA et du ministère de la défense, des organismes publics ou privés français ou étrangers, partenaires des vétérinaires militaires, interviennent dans les domaines logistiques, techniques ou scientifiques. Des contacts établis avec des médecins militaires et civils, dont certains la recherche, permettent de recueillir des informations sur des maladies zoonotiques d’actualité.

Des collaborations scientifiques existent avec de nombreux experts dans différents domaines, exerçant dans des laboratoires militaires et civils. Un réseau de laboratoires référents a ainsi été constitué.

Le soutien logistique et technique est assuré par le secteur vétérinaire de Marseilledisposant de documentation, de matériels de capture, de prélèvement, de transport et de conservation des échantillons. Des moyens budgétaires sont mis en place dans le cadre de projets ciblés de recherche clinique et un financement est prévu pour l’achat de matériels et de prestations de transport spécialisé. Par ailleurs, le GTEA a peu de capacités analytiques propres et fait appel à des laboratoires référents.

Exemples d’actions menées

Chaque action menée dans le domaine de l’épidémiologie animale est le résultat d’un travail mis en œuvre par étapes allant de l’identification des dangers aux actions de lutte et de prévention (méthode de type « hazard analysis critical control point » [HACCP]). Le GTEA conseille l’administration centrale du service de santé des armées (bureau vétérinaire) en matière d’évaluation du risque sanitaire pour les troupes, la population civile (santé publique) et les animaux militaires et civils. En outre, il réalise une analyse des dangers relatifs à l’introduction éventuelle en France d’agents infectieux ou parasitaires, au retour d’opérations. Les vétérinaires du GTEA proposent au commandement la mise en place de mesures curatives (plan de lutte) et de mesures préventives, dans un contexte donné (gestion du risque). Ils évaluent périodiquement l’efficacité de ces mesures (plans de maîtrise sanitaire opérationnels) et celle des plans de lutte appliqués. Ils rédigent des procédures et des instructions dans le cadre du système de gestion de la qualité appliqué aux actions vétérinaires. Les plans de maîtrise sanitaire opérationnels sont validés par le ministère de l’agriculture, responsable du contrôle sanitaire des importations d’animaux et des produits d’origine animale. Le GTEA assiste les autres vétérinaires et les médecins militaires en mission à l’étranger : diffusion d’informations, expédition de matériels de prélèvement et réception d’échantillons. Il soutient et coordonne des enquêtes de terrain réalisées par des vétérinaires militaires, en France et à l’étranger.

Il collecte et analyse des données épidémiologiques et réalise une veille épidémiologique. Il entretient et développe en permanence des relations scientifiques avec différents experts nationaux et internationaux. Il gère une banque de prélèvements biologiques implantée au sein du secteur vétérinaire de Marseille. Il communique les résultats des études et des synthèses bibliographiques, sous forme de documents diffusés au sein du SSA. Il communique en externe sous forme de présentations
orales et affichées lors de congrès et de publications dans des revues scientifiques françaises et internationales. En France, des informations d’intérêt épidémiologique sont également transmises aux directions départementales des services vétérinaires.

A l’étranger, les autorités compétentes sont directement informées des résultats des investigations.

Depuis 2000, les enquêtes épidémiologiques qui ont été conduites à terme sont nombreuses. Le bilan chiffré montre que plus de neuf mille échantillons biologiques (sang, fèces, organes, muscles, ectoparasites, …) ont été collectés et ont donné lieu à plus de quinze mille analyses de dépistage concernant près de 70 infections virales et bactériennes ou infestations mycosiques et parasitaires. Les prélèvements ont été recueillis sur des animaux vertébrés d’une quarantaine d’espèces (un tiers domestiques et deux tiers sauvages), dans vingt-trois régions du monde. Les principales techniques d’analyse mises en œuvre sont la culture, la sérologie, la biologie molé- culaire, l’observation microscopique, la diagnose d’espèce d’ectoparasites. L’objet et les résultats de quelques-unes des études menées sont rapportés dans le tableau 1.

Certaines d’entre elles ont fait l’objet de publications.

APPLICATION DU CONCEPT A LA SANTE PUBLIQUE : CRÉATION D’UNE CELLULE D’ÉPIDÉMIOLOGIE ET D’INFECTIOLOGIE ANIMALE

Pour lutter efficacement contre les zoonoses émergentes, une nouvelle approche est nécessaire. Elle pourrait être conduite prochainement dans le cadre de l’infectiopôle marseillais. L’originalité de la démarche réside dans le développement d’actions de surveillance des infections animales zoonotiques (ou susceptibles de le devenir) à partir d’une approche centrée sur l’homme. Les acteurs de ce projet, en particulier des vétérinaires, mèneraient des enquêtes de détection des agents infectieux zoonotiques en liaison directe avec des médecins infectiologues et microbiologistes, dans l’entourage des malades humains.

Le concept d’infectiopôle

Un projet de création d’un pôle « maladies infectieuses et tropicales » a été récemment élaboré à Marseille [46]. Appelé infectiopôle, il a, en particulier, comme objectif d’assurer une surveillance des maladies contagieuses et de mettre en place les moyens de recherche et de diagnostic à un niveau compétitif sur le plan mondial.

L’infectiopôle serait constitué d’unités du CHU de Marseille travaillant sur les maladies infectieuses et la microbiologie clinique. Il permettrait de créer une unité d’urgence indépendante pour les crises épidémiques, avec des chambres individuelles en niveau 3 de sécurité et des lits de soins intensifs. Le laboratoire comprendrait deux structures de sécurité microbiologique de niveau P3 et des plates-formes communes pour la génomique, la protéomique, les puces à ADN et les études cytologiques en microscopies confocale et électronique. Dans le même bâtiment
seraient regroupées une unité de surveillance qui serait à la fois centre national de référence, centre collaborateur OMS et centre de consultation pour les voyageurs et une unité hospitalière de jour destinée au traitement des maladies infectieuses chroniques. Des unités de recherche relevant de plusieurs tutelles (université, centre national de la recherche scientifique [CNRS], institut national de la santé et de la recherche médicale [INSERM], institut de recherche pour le dévelopement [IRD], SSA, …) utiliseraient les mêmes plateaux techniques. Ces laboratoires développeraient les techniques les plus performantes en microbiologie, en parasitologie mais aussi en entomologie, écologie, géologie, anthropologie et climatologie pour permettre une approche plus large de l’émergence des maladies. Par ailleurs, des locaux seraient prévus pour accueillir des partenaires industriels ou des entreprises innovantes en biotechnologie et nanotechnologie.

La spécificité vétérinaire du projet y serait intégrée dans le cadre de l’utilisation d’animaux d’expérimentation au sein des laboratoires de recherche comprenant une ou des animaleries. Néanmoins, il semble judicieux d’associer à ce futur pôle une structure vétérinaire distincte de celle liée à l’expérimentation animale, dont le champ d’action serait l’épidémiologie et l’infectiologie animales orientées vers les zoonoses.

La cellule d’épidémiologie et d’infectiologie animale (CEIA) de l’infectiopôle

Il s’agirait d’une structure réactive, adaptée à l’accueil et à la prise en charge d’animaux (domestiques ou sauvages, vivants ou morts) suspects de maladies infectieuses zoonotiques ou inconnues, ou susceptibles d’être des porteurs asymptomatiques d’agents pathogènes (animaux réservoirs).

La CEIA serait aussi équipée pour recueillir sur le terrain (en tous temps et en tous lieux) ou recevoir des prélèvements (sang, fèces, biopsies, …), des ectoparasites et des endoparasites d’origine animale. La CEIA aurait, dans ce domaine, des relations fonctionnelles avec la cellule d’entomologie de l’infectiopôle.

La CEIA serait dotée de moyens mobiles lui permettant de réaliser des enquêtes épidémiologiques sur le terrain, tels que des examens d’animaux domestiques ayant été en contact avec des malades, la capture de rongeurs dans l’environnement d’une personne atteinte d’une maladie infectieuse émergente, des prélèvements sur des animaux abattus dans une zone d’intérêt épidémiologique, l’examen d’animaux errants capturés sur la voie publique,… Le fil conducteur de ces enquêtes locales serait la santé humaine car elles seraient menées dans l’entourage des personnes malades, par cercles concentriques (Figure 1). On pourrait encore placer des animaux de laboratoire comme sentinelles de la circulation d’agents infectieux, in situ , sur les lieux de vie du malade. Néanmoins, la cellule serait un instrument nomade au rayon d’action étendu qui pourrait, à la demande des pouvoirs publics, mener des enquêtes partout, y compris à l’étranger (bioforce vétérinaire).

Outre l’aspect relatif à l’épidémiologie d’intervention, les infections animales seraient étudiées au sein de la CEIA par l’approche clinique, diagnostique et
thérapeutique, ce qui suppose un local d’hospitalisation pour animaux. Par ailleurs, la biosécurité serait une préoccupation et une responsabilité permanentes des acteurs de la cellule.

L’objectif scientifique de la CEIA serait la détection d’agents pathogènes, causes avérées ou potentielles de zoonoses. La mise en évidence d’agents exclusivement pathogènes pour l’animal conduirait à une réorientation de celui-ci vers les structures de soins ou de recherche spécifiquement vétérinaires (écoles vétérinaires, laboratoires de l’INRA, de l’AFSSA, du centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement [CIRAD], …). La détection des maladies infectieuses zoonotiques y serait menée en étroite collaboration avec des zoologistes et les laboratoires de recherche de l’infectiopôle (Figure 2). La cellule fournirait à ces laboratoires, dans les meilleurs délais, des échantillons susceptibles d’apporter, au plus tôt, des données microbiologiques ou parasitologiques nécessaires aux médecins infectiologues et aux épidémiologistes (« le bon prélèvement, au bon moment, bien conservé »). Des ponts entre les disciplines seraient bâtis dans une démarche de rapprochement scientifique.

La CEIA serait une structure civile mais qui pourrait établir un partenariat avec le SSA. Non défini à ce stade de la réflexion, son positionnement organisationnel dans l’organigramme du futur infectiopôle reste à préciser (relations hiérarchiques, soutien administratif, …) Du point de vue fonctionnel, la CEIA serait légère, souple d’emploi et donc mobile. Les spécialistes des zoonoses qui la composeraient se devraient d’être réactifs aux demandes des médecins infectiologues et capables de prendre des initiatives lorsqu’ils le jugeraient nécessaire. L’effectif des personnels pourrait être de huit permanents plus deux ou trois doctorants ou stagiaires.

La CEIA disposerait des crédits nécessaires à son fonctionnement via l’infectiopôle (crédits publics, partenariat avec des entreprises privées, …). Une particularité des sources de financement serait le paiement des prestations demandées par des propriétaires d’animaux sur prescription d’un vétérinaire libéral (examens cliniques, prélèvements, diagnostics, suivis thérapeutiques, autopsies, …).

CONCLUSION

La cellule d’épidémiologie et d’infectiologie animale que nous proposons aurait vocation à être un centre de recherche clinique et épidémiologique vétérinaire de référence organisé en vue de détecter et d’identifier, en première ligne, des agents infectieux zoonotiques. L’objectif serait la mise en évidence aussi rapide que possible des réservoirs et/ou des vecteurs animaux avant l’émergence de cas humains, ou dès le premier cas, dans le dessein de limiter les risques épidémiques.

Dans l’avenir, les populations urbaines devraient s’accroître notablement et la présence d’animaux y devenir plus importante. Le risque d’exposition des personnes aux agents de zoonoses devrait donc augmenter [47]. L’approche que nous propo-
sons permettrait de disposer d’un outil nouveau de prévention et de lutte contre les zoonoses.

Les acteurs de la cellule en projet devront par ailleurs jouer un rôle dans la formation des professionnels de la santé. Pour ce faire, les vétérinaires de cette structure devraient suivre le cursus universitaire jusqu’au doctorat et bénéficier de postes d’enseignants-chercheurs. Ainsi, ils renforceraient l’enseignement dans le domaine des zoonoses en présentant l’aspect animal et vétérinaire de ces maladies comme l’a recommandé l’académie nationale de médecine [48]. Une ouverture pourrait aussi se faire vers la médecine comparée.

En résumé, la cellule d’épidémiologie et d’infectiologie animale de l’infectiopôle serait appelée à devenir un dispositif stratégique pour l’étude des maladies émergentes en relation avec le monde animal.

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DISCUSSION

M. André-Laurent PARODI

Parfaitement convaincu par la pertinence de la cellule de détection précoce des infections animales, je souhaite savoir comment vous envisagez l’articulation de cette structure avec les autres organismes internationaux : le GOARN (créé par l’OMS et l’OIE), le Centre européen de contrôle de Stockholm, les CDC des Etats-Unis d’Amérique ?

Le GOARN ( global outbreak alert and response network ) est le réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie, créé par l’OMS, en 2000. C’est un dispositif permettant la collaboration entre des institutions et des réseaux qui mettent en commun leurs ressources humaines et techniques pour identifier et confirmer rapidement les épidémies de portée internationale. Dans le domaine de la prévention des zoonoses, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) est, avec la FAO, le partenaire principal du GOARN.

A un niveau régional, la Cellule d’épidémiologie et d’infectiologie animale (CEIA), que nous promouvons, serait une structure capable de contribuer à la veille, à l’alerte et à l’action. Moyennant quoi, elle entretiendrait des relations avec le GOARN. Les Centers for disease control and prevention (CDC) aux Etats-Unis et le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies créé en 2005, sont des structures dont les fonctions en matière d’épidémiologie, de santé publique, de recherche et d’intervention sont éminentes pour suivre les épidémies et répondre en particulier au risque pandémique. La CEIA, quant à elle, mènerait des études en amont relatives aux zoonoses dont les résultats seraient soumis à la communauté scientifique internationale, en particulier aux revues des CDC. Le travail réalisé par la CEIA pourrait aussi être évalué par les experts des CDC qui jugeraient de sa pertinence et de la reproductibilité de cette initiative.

M. Gabriel RICHET

Quels seraient les liens entre l’organisme prévu et le réseau des Instituts Pasteurs qui joue déjà un rôle dans ce domaine ?

Les Instituts Pasteurs contribuent de façon primordiale aux différents programmes de prévention et de lutte contre les maladies transmissibles dans les pays où ils ont été créés.

A l’Institut Pasteur de Paris (IPP), des laboratoires performants reçoivent, notamment, des échantillons d’origine humaine et animale pour le diagnostic d’infections ciblées (centres nationaux de référence) ou la mise en évidence d’agents émergents voire du risque biologique provoqué ou agressif (cellule d’alerte et de réponse aux épidémies et cellule d’intervention biologique d’urgence). La CEIA aurait, elle, un fonctionnement différent de celui d’un laboratoire. Elle agirait, en amont des épidémies, sur le terrain, pour fournir, dans les meilleurs délais, des échantillons d’origine animale aux microbiologistes de l’Infectiopôle marseillais. Ceux-ci activeraient leurs liens avec l’IPP et ses CNR, selon les agents pathogènes suspectés ou mis en évidence.

M. Marc GENTILINI

Dans l’organigramme de l’infectiopôle, où se situe le Pharo ?

L’Institut de médecine tropicale du service de santé des armées (IMTSSA — Le Pharo — Marseille) en liaison avec le service des maladies infectieuses de l’Hôpital d’instruction
des armées Laveran (Marseille) est membre associé de l’Infectiopôle Sud. Créé en 2007, l’Infectiopôle Sud est un centre thématique de recherche et de soins (CTRS) ayant pris la forme d’une fondation de coopération scientifique qui a pour but de conduire un projet d’excellence scientifique dans le domaine des maladies infectieuses. Ce centre regroupe des unités de recherche et des services hospitaliers de Montpellier, de Marseille, de Nice ainsi que des sociétés privées associées autour d’une politique de recherche et de soins commune. Par ailleurs, le projet d’Infectiopôle marseillais proposé par Didier Raoult et décrit dans notre présentation pourrait, lui-aussi, être mené avec l’IMTSSA [46]. Quant à la CEIA, elle serait un élément de cette future structure.

M. Pierre GODEAU

Cette cellule de détection des zoonoses disposera-t-elle d’un budget autonome ?

Nous n’envisageons pas que la CEIA soit autonome. Elle devrait faire partie d’une structure plus importante, type unité mixte de recherche, dotée d’un budget. Cependant, les sources de financement de la CEIA seraient diversifiées (réponses à des appels d’offres, subventions de collectivités locales, partenariats avec des industriels, brevets, actes tarifés de diagnostic et de soins vétérinaires…).

M. Marc GIRARD

Vous avez signalé à juste titre l’intérêt des enquêtes de séroprévalence dans la faune sauvage ou domestique qui pourrait servir de réservoir de zoonoses. Ne pensez-vous pas qu’il y aurait intérêt à accompagner plus souvent ces enquêtes sérologiques de tests de détection par PCR ? Cela permettrait non seulement de déterminer l’incidence réelle de l’infection du réservoir et d’évaluer très concrètement le risque potentiel de transmission à l’homme, mais aussi en procédant à des séquençages un peu plus poussés d’établir la place phylogénétique du pathogène qu’on aurait ainsi mis en évidence. Que fait-on et qu’est-il prévu de faire dans ce sens là ? L’intérêt de la surveillance des animaux sauvages et des enquêtes épidémiologiques vétérinaires pour la santé publique ressort très clairement de votre exposé. Mais le problème n’est pas tant un manque de structures spécialisées qu’un défaut trop fréquent de coordination entre instances vétérinaires et instances médicales. On l’a vu sur le terrain à plusieurs reprises, y compris aux Etats-Unis lors de l’émergence de la fièvre du Nil occidental. On en voit, a contrario , tout le bénéfice dans la coordination entre l’OMS et l’OMSA (OIE) pour la surveillance de la grippe aviaire à virus H5N1 HP. Comment envisagez-vous d’organiser cette coordination au niveau national dans le cadre du GTEA et de la cellule d’épidémiologie animale (la CEIA) que vous souhaitez installer ?

Convaincu, comme vous, de l’intérêt de l’épidémiologie moléculaire, nous avons eu l’occasion, depuis une dizaine d’années, de fournir des échantillons d’origine animale à des laboratoires spécialisés où de nouvelles espèces de bactéries ont pu être mises en évidence (bartonelles, rickettsies, mycoplasmes, mycobactéries…). Des enquêtes PCR ont été menées en parallèle avec celles de séroépidémiologie. Quelquefois même, la sérologie a prévalu, faute de PCR fiable. En réponse à votre dernière question, j’insiste sur l’idée que la CEIA s’intégrerait dans un infectiopôle à visée médico-scientifique. Il ne s’agirait plus de promouvoir la coordination entre des structures ayant des objectifs parallèles voire convergents. En effet, les vétérinaires de la CEIA agiraient, quotidiennement, en association avec des médecins et des biologistes au sein de la même structure. Ce type d’organisation innovant, s’il était expérimenté à Marseille, serait jugé à ses fruits, et pourrait, le cas échéant, faire figure de prototype.


* Direction régionale du service de santé des armées de Toulon, BP 80, 83800 Toulon Armées ** Secteur vétérinaire de Marseille, BP 48, 13998 Marseille Armées *** Secteur vétérinaire de Palaiseau, École Polytechnique, 91128 Palaiseau Cédex Tirés à part : Vétérinaire chef des services Bernard DAVOUST, même adresse Article reçu le 17 octobre 2007, accepté le 26 novembre 2007

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 3, 541-554, séance du 11 mars 2008