Communication scientifique
Séance du 11 mars 2008

Le cheval athlète, modèle animal de choix en médecine du sport : l’apport de l’échographie en pathologie articulaire

MOTS-CLÉS : appareil locomoteur. diagnostic par imagerie. échographie. equus caballus. maladies articulaires
The horse as an athlete : an animal model of choice for sports medicine : sonographic studies of joint disorders
KEY-WORDS : diagnostic imaging. horses. joint diseases. musculoskeletal system. ultrasonography

Jean-Marie Denoix

Résumé

D’abord utilisée pour le diagnostic et la documentation des lésions tendineuses, l’échographie est devenue depuis 1990 un complément indispensable à la radiologie dans le diagnostic des affections articulaires chez le cheval. Cette technique fournit des informations précises sur la membrane et le contenu synovial, le cartilage articulaire et l’os sous-chondral, les marges articulaires, les ligaments et les ménisques ainsi que sur les formations impliquées lors d’épaississement péri-articulaire. L’amélioration des appareils et de la résolution de l’image, en régions superficielles comme en profondeur, permettent maintenant d’envisager l’examen de toutes les articulations des membres, y compris les plus proximales, et de la plupart des articulations axiales (colonne vertébrale, bassin et tête) du cheval. Athlète professionnel, le cheval constitue un excellent modèle animal de pathologie sportive articulaire spontanée ; la taille de ses formations anatomiques facilite et améliore la documentation lésionnelle par imagerie. L’échographie articulaire nécessite une codification stricte de l’abord technique de chaque formation et une connaissance précise de l’anatomie, conditions indispensables pour garantir les performances de la technique en matière de sensibilité et de spécificité.

Summary

Equine diagnostic sonography was initially used for the diagnosis and documentation of tendon injuries. Since 1990, this technique, along with radiography, has become an indispensable imaging procedure for the diagnosis of equine joint injuries. Sonography provides precise diagnostic information on the synovial membrane and fluid, the articular cartilage, subchondral bone and joint margins, the ligaments and menisci, and the anatomical structures involved in periarticular swelling or enlargement. Improvements in ultrasound machines and better superficial and deep image resolution allow us to examine every joint of the frontlimbs and hindlimbs, including the most proximal, as well as most of the joints of the equine vertebral column, pelvis and head. As a professional athlete, the horse is an excellent animal model of sport-related joint disorders in humans. The large size of its anatomical structures facilitates high-quality imaging. Sensitive and specific diagnostic sonography of joint injuries requires strict standardization of the technical approach to each joint structure and also a precise knowledge of equine joint anatomy.

INTRODUCTION

Après avoir d’abord été appliquée à la maîtrise de la reproduction équine, l’échographie a été utilisée dès 1983 pour le diagnostic et la documentation des lésions tendineuses [1]. L’utilisation de cette technique pour le diagnostic des affections articulaires a connu un essort rapide dès le début des années 1990 [2-6]. Les informations obtenues ont rapidement bouleversé la connaissance des lésions responsables de douleur dans les formations de l’appareil locomoteur du cheval et le domaine du diagnostic des boiteries dans cette espèce. L’amélioration technologique des échographes et de la résolution de l’image qu’ils fournissent a sans cesse fait reculer les limites de la technique. La documentation obtenue sur plus de 10 000 chevaux, rigoureusement archivée, constitue une banque de données très riche et diversifiée.

Celle-ci fait l’objet de nombreuses analyses rétrospectives et peut s’enrichir d’études en pathologie sportive comparée.

Indications générales de l’examen échographique des articulations

Les premières régions d’application de l’examen échographique articulaire ont d’abord été la région métacarpo-digitale (région du boulet) [2,4,5,7,8] et l’articulation fémoro-tibio-patellaire (région du grasset) [9-11]. D’autres régions articulaires telles que celles du carpe [12], puis de l’épaule, du jarret et du pied [13-16] ont rapidement été soumises à cette technique de façon systématique afin d’explorer des régions vierges et d’identifier de nouvelles entités pathologiques. L’objectif fut d’améliorer le diagnostic des lésions responsables de douleur et de trouver un complément, voire une technique de substitution chez le cheval, à certains examens plus invasifs comme l’arthrographie ou l’arthroscopie.


D’un point de vue général, l’examen échographique permet de mettre en évidence précocement les ostéo-proliférations péri-articulaires qui apparaissent lors d’ostéoarthrose. Il est beaucoup plus informatif que la radiographie pour révéler la dilatation des récessus synoviaux, l’épaississement de la membrane synoviale lors de synovite chronique et la densification capsulaire lors de fibrose péri-articulaire.

Enfin, par essence, l’échographie se prête parfaitement à l’étude de l’architecture de formations fasciculaires telles que les ligaments et les ménisques.

En principe, cette technique est indiquée dans tous les cas où l’examen clinique (et en particulier les anesthésies diagnostiques) a permis de localiser l’origine d’une boiterie au niveau d’une articulation alors que l’examen radiographique est négatif.

Cependant, aujourd’hui l’échographie est systématiquement associée d’emblée à la radiographie pour l’exploration d’une articulation. En effet, même quand l’examen radiographique démontre l’existence de lésions ostéo-articulaires, l’échographie est indiquée pour rechercher les lésions des tissus mous articulaires et péri-articulaires ou encore des surfaces osseuses ou articulaires, pour compléter le bilan lésionnel de la région. Les informations obtenues permettent souvent d’infléchir le pronostic et le traitement de l’arthropathie.

Par ailleurs, dans le cadre de bilans médico-sportifs chez des chevaux de haut niveau athlétique, performants ou non, un examen systématique des deux grassets, des articulations lombo-sacrale et sacro-iliaques, des deux pieds antérieurs et des quatre régions tendineuses est souvent effectué.

Enfin, l’échographie s’est introduite de façon définitive dans l’assistance thérapeutique [17]. La description des techniques d’injections échoguidées [18,19] a considé- rablement amélioré la fiabilité et la sécurité du traitement par voie intra-articulaire des affections des grandes articulations du cheval et la gestion des dorsalgies dans cette espèce.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

Matériel

Le matériel utilisé et la technique générale de l’examen échographique des diverses régions de l’appareil locomoteur du cheval sont maintenant bien codifiés [14,16,20- 22]. En pratique, une sonde linéaire de 7,5 ou 10 MHz est parfaitement adaptée à l’examen du boulet (articulation métacarpo-phalangienne), du carpe, du grasset (articulation fémoro-tibio-patellaire) et du tarse ainsi qu’à celui des tendons fléchisseurs en région carpienne, métacarpienne et digitale. Une sonde micro-convexe de 5 ou 7,5 MHz est indispensable à l’examen de la région palmaire du pied et facilite de nombreuses injections thérapeutiques écho-guidées. Une sonde convexe de 5 ou 7,5 MHz complémente la sonde linéaire pour l’examen du ligament suspenseur du
boulet (muscle interosseux III). Elle est nécessaire pour les grandes articulations comme l’épaule, la face caudale du grasset, la hanche et les articulations interverté- brales cervicales et thoraco-lombaires. Une sonde endorectale, linéaire ou microconvexe, est indispensable pour l’examen des articulations du bassin (articulations lombo-sacrale et sacro-iliaques).

Images de référence

Des travaux préalables ont établi les images échographiques normales des articulations des membres chez le cheval afin de préciser et d’étendre les indications de l’échographie articulaire dans cette espèce [8,23]. L’étude a nécessité la réalisation d’images échographiques sur des chevaux sains n’ayant pas d’antécédents connus de boiterie, ni de déformations physiques. Les appareils utilisés étaient équipés de sondes linéaires de 7,5 à 10 MHz. Les articulations soumises à l’étude furent celles du carpe, du boulet, du grasset, de l’épaule et du jarret. Les images échographiques ont été comparées à des dissections et des coupes anatomiques réalisées sur des membres isolés injectés et congelés afin de définir précisément la taille et la topographie de chaque formation anatomique articulaire et péri-articulaire ( Fig. 1 ).

Enfin, spécialement pour le doigt [23], le grasset et le dos [24], les images échographiques ont été comparées à des coupes effectuées par imagerie par résonance magnétique.

Documentation clinique

La documentation échographique actuellement disponible résulte de l’examen de 800 à 1100 chevaux par an depuis 1990. Tous ces chevaux ont été examinés cliniquement ; pour la plupart d’entre eux plusieurs articulations ont été examinées.

Tous les examens ont été enregistrés ou stockés numériquement et archivés. Entre 1990 et 2001, les images ont été enregistrées sur cassettes U-Matic. Ce système permettait une restitution parfaite des images ; la présentation de celles-ci en congrès se faisait à partir de diapositives réalisées sur un moniteur de télévision avec un appareil photo positionné sur pied, utilisé en pose manuelle fixée au 15ème de seconde. La diapositive était volontairement sous-exposée pour respecter la luminosité et le contraste de l’image initiale. Des filtres ont été utilisés pour atténuer la tonalité bleue (film Kodak) ou verte (film Fuji) des diapositives. Depuis 2001, les images numériques sont directement récupérées sur ordinateur via un réseau d’images.

Sémiologie échographique générale des articulations

Quelle que soit la formation anatomique concernée (tendon, ligament, capsule), les signes échographiques indicateurs de lésions sont identiques. Ils comprennent ( Fig.1b) :

— une augmentation de taille de la partie de l’élément lésée (rarement diminution de taille), — une modification d’ échogénicité (lésion hypoéchogène plus fréquente que hyperéchogène), — une altération de l’ architecture fasciculaire, — parfois, un changement de forme (induit par la modification de taille ou une lésion périphérique).

Pour les enthésopathies (pathologie d’insertion tendineuse ou ligamentaire), les modifications précédentes sont associées à une irrégularité de la surface osseuse et à une échogénicité de l’os sous-jacent (indicatrice d’ostéolyse).

Sur un cliché radiographique, les tissus mous articulaires et péri-articulaires sont de densité liquidienne et forment un signe de la silhouette positif entre eux ; ils sont donc peu ou pas différentiables les uns des autres. Seuls quelques coussinets graisseux (carpe, grasset) permettent d’individualiser certains plans tissulaires.

Inversement, en raison de leur structure histologique propre et de l’orientation différente de leurs fibres, les tissus mous articulaires et péri-articulaires ont une représentation anatomique spécifique sur les images échographiques.

Les capsules articulaires sont assez fortement échogènes et leur limite profonde est soulignée par la synoviale articulaire, faiblement échogène. Les lésions capsulaires récentes engendrent un épaississement et une hypoéchogénicité locale, ou générale et diffuse ; les lésions anciennes se caractérisent par une échogénicité irrégulière au sein d’une formation présentant un épaississement résiduel. L’identification de zones hypoéchogènes doit conduire à vérifier l’existence de celles-ci par la mise en tension de la partie examinée afin d’éliminer la possibilité d’artefacts de relaxation induits par le défaut d’alignement des faisceaux conjonctifs.

Les lésions capsulaires les plus fréquemment identifiées concernent les articulations synoviales intervertébrales de la base de l’encolure ; elles sont actuellement inaccessibles à l’examen IRM.

Les ligaments apparaissent échogènes lorsque le faisceau ultrasonore est perpendiculaire à l’axe des fibres. La sémiologie échographique des ligaments ressemble en tout point à celle des tendons ; cependant, elle est plus complexe à mettre en œuvre en raison des variations d’orientation des faisceaux de fibres, rendant hypoéchogè- nes certains plans ligamentaires (ligaments collatéraux du boulet), et du caractère spiroïde plus ou moins marqué des faisceaux de certains ligaments (ligament collatéral latéral de l’articulation fémoro-tibiale et de l’articulation du carpe par exemple).

Les lésions ligamentaires associent le plus souvent un épaississement et une diminution d’échogénicité (Fig. 1) [16,20-22,25]. Les desmopathies d’insertion (enthésopathies) ajoutent à ces signes échographiques des irrégularités (aspérités, dépression, ostéolyse) de la surface osseuse d’ancrage des fibres ligamentaires, des

fragments osseux d’avulsion hyperéchogènes ou un approfondissement des fosses d’insertion.

Chez le cheval les desmopathies les plus fréquentes sont rencontrées dans les ligaments collatéraux de l’articulation interphalangienne distale [27, 28], de l’articulation métacarpo-phalangienne [29], du tarse, ainsi que dans le ligament sacroiliaque ventral [30].

Les formations complémentaires utiles à la congruence et à la mécanique articulaire (disques articulaires, ménisques, bourrelets) sont de nature fibro-cartilagineuse et apparaissent échogènes. Chez le Cheval, les éléments les plus intéressants à examiner sont les ménisques fémoro-tibiaux et les scutums moyen (ancien ‘‘ bourrelet glénoï- dal ’’) et proximal [31]. La position, la taille et l’échogénicité des ménisques permettent d’identifier des lésions que l’examen radiographique, avec ou sans préparation, objective difficilement (Fig. 2). La lésion méniscale la plus fréquente chez le cheval est l’enthésopathie de l’attache crâniale du ménisque médial. Cette lésion se développe entre le tibia et l’insertion tibiale de la corne crâniale ; elle n’est pas visible en arthroscopie, et pour l’instant inaccessible à l’IRM.

La synoviale articulaire . Sur l’articulation saine, la membrane synoviale est facilement différenciée du contenu synovial.

• Échographiquement, la membrane synoviale apparaît hypoéchogène. Elle est surtout nette lorsqu’elle est délimitée à l’extérieur par une capsule articulaire fibreuse et échogène, et à l’intérieur par un liquide synovial totalement anéchogène. Dans ces conditions, on peut facilement mettre en évidence un épaississement membranaire lors de synovites aiguës ou chroniques. Les épaississements chroniques s’accompagnent souvent d’une hyperplasie des villosités synoviales qui sont aisé- ment visibles lorsqu’elles flottent dans un liquide synovial anéchogène [14, 16].

• Le contenu synovial peut présenter des variations de volume et d’échogénicité [13, 14, 16, 21].

— Les synovites s’accompagnent dans la plupart des cas d’une augmentation de la quantité de liquide synovial induisant une distension des récessus synoviaux.

Ceux-ci possèdent une topographie tout à fait caractéristique dans chaque articulation.

— L’échogénicité du liquide synovial est importante à prendre en considération.

Un liquide synovial normal est totalement anéchogène ce qui rend les récessus synoviaux faciles à identifier car ils sont entourés de formations plus échogènes comme la capsule articulaire, les ligaments péri-articulaires ou les coussinets graisseux juxta-articulaires. Inversement, l’échogénicité du liquide synovial augmente dans deux circonstances principales :

• lorsque du sang est présent dans la cavité articulaire (hémarthrose), les cellules sanguines rendent le liquide synovial échogène.

• lorsque des débris tissulaires ou protéiques flottent à l’intérieur de la cavité articulaire comme dans le cas d’arthrite septique : des dépôts de fibrine dans la cavité articulaire peuvent former des images plus ou moins échogènes. Dans l’articulation fémoro-tibiale, les lésions méniscales sont souvent accompagnées de points échogènes en suspension dans la synovie ( Fig. 2 ), représentant des débris tissulaires (fragments de cartilage, de ménisque ou de fibrine) [9, 10, 13, 14, 16].

Le cartilage articulaire

Le cartilage articulaire normal est hypoéchogène ou anéchogène selon les articulations [8,11,14,16]. Sur les surfaces articulaires exposées à l’examen échographique, comme la face dorsale du condyle métacarpien, la trochlée fémorale, les condyles fémoraux lorsque le grasset est en flexion et la trochlée talienne, le cartilage articulaire est facilement visible entre la membrane synoviale et la capsule articulaire d’une part, qui sont relativement échogènes, et l’os sous-chondral sous-jacent hyperéchogène d’autre part. Dans le cas de distension articulaire par un liquide synovial anéchogène, la limite superficielle du cartilage normal forme un trait échogène, lisse et régulier.

L’épaisseur du cartilage articulaire diminue lors de dégénérescence cartilagineuse qui accompagne les arthrites dégénératives évoluées ou les arthropathies stéroïdiennes. Elle augmente dans l’œdème cartilagineux. Lors de défaut d’ossification souschondrale (ostéochondrose), la matrice cartilagineuse conserve une épaisseur anormale et la jonction ostéochondrale est irrégulière. Cette lésion est fréquente en regard de la trochlée fémorale.

Dans certains cas, le cartilage articulaire peut faire totalement défaut, et l’os sous-chondral affronte la surface opposée (éburnation osseuse). Ces lésions sont faciles à identifier sur certaines surfaces exposées (trochlée talienne, condyle métacarpien, condyles fémoraux). Un épaississement de la limite superficielle du cartilage est observé lors de fibrillation superficielle (chondropathie ouverte). Des images échogènes au voisinage de l’os sous-chondral signent l’existence de chondropathie profonde.

La surface osseuse sous-chondrale est très facile à voir sur les images échographiques car elle est toujours représentée par une ligne hyperéchogène séparant le cartilage articulaire de l’os sous-jacent [32]. Sa netteté permet facilement d’objectiver des anomalies de contour de l’os sous-chondral, en particulier les lésions d’ostéochondrose. Celles-ci se manifestent soit par des interruptions de la ligne osseuse souschondrale (ostéochondrite disséquante), soit par des dépressions plus ou moins profondes et étendues lors de défauts d’ossification sous-chondrale ou de kystes osseux sous-chondraux [14,16,33]. Grâce à leur caractère non invasif, l’examen échographique peut être répété pour documenter la cicatrisation des lésions d’osté- ochondrose.


Les marges articulaires

L’échographie est très sensible aux modifications de forme et d’architecture des marges articulaires [5, 8, 14, 16]. Les aspérités hyperéchogènes provoquées par les ostéophytes sont détectées plus précocement à l’échographie qu’à l’examen radiographique. De plus, le balayage permis par la première se prête mieux à une évaluation complète du pourtour péri-articulaire. Les nodules osseux ou ostéochondraux séparés des marges articulaires se présentent comme des sites hyperéchogènes isolés à l’échographie [14, 17].

L’examen échographique ne présente pas seulement un intérêt diagnostique dans cette approche de l’articulation ; il peut fournir des repères très précis concernant l’abord chirurgical si une exérèse du fragment est envisagée [17].

L’examen dynamique

L’échographie permet l’examen dynamique des articulations en temps réel. La visualisation des formations anatomiques en mouvement est très utile pour l’étude des rapports fonctionnels entre les diverses composantes articulaires.

La mobilité et les rapports des nodules ostéochondraux péri-articulaires peuvent être établis par l’examen de l’articulation en mouvement ; cette information est particulièrement utile à l’approche chirurgicale à des fins d’exérèse [17] : les fragments solidaires des marges articulaires sont plus faciles à localiser chirurgicalement que les fragments libres dans la cavité articulaire.

De plus, dans de nombreuses articulations (boulet, grasset, jarret) l’examen de l’articulation fléchie augmente considérablement l’étendue des surfaces articulaires accessibles à l’échographie [14, 16, 22, 32].

Les articulations lombo-sacrale et sacro-iliaques

Ces articulations font l’objet d’une attention particulière chez les chevaux présentant des défauts de performance. L’examen échographique se fait sur cheval debout par abord transrectal. Il permet d’identifier des lésions des trois derniers disques intervertébraux lombaires et une grande variété d’altérations des articulations sacro-iliaques (remodelage péri-articulaire, enthésopathie, desmopathie du ligament sacro-iliaque ventral) [35]. Les lésions du disque intervertébral lombo-sacral sont très fréquentes chez les chevaux jeunes ou adultes (Fig. 3). Des images obtenues in vivo sont maintenant étayées par l’examen post-mortem des mêmes sujets ; ces corrélations permettent de mieux interpréter les signes observés sur les cas cliniques et renforcent la valeur de l’examen échographique du bassin chez le cheval.

Applications thérapeutiques

Les acquisitions diagnostiques obtenues par l’échographie présentent de nombreuses applications thérapeutiques pour la gestion orthopédique, médicale et chirurgi-
cale des patients. L’identification de lésions ligamentaires a des retombées immédiates sur le parage du pied, la ferrure et l’activité du sujet [25,26].

L’examen échographique préalable facilite grandement la réalisation des ponctions et injections intrasynoviales chez le cheval. En effet, les récessus synoviaux sont faciles à identifier par leur anéchogénicité, ce qui permet un repérage précis des sites d’injection dans la plupart des articulations. Ainsi, l’assistance de l’échographie se montre décisive dans le traitement intra-synovial des arthropathies proximales des membres (hanche, épaule et coude) [18,19].

La réalisation d’injections échoguidées pour le traitement local des lésions cervicales, thoraco-lombaires, lombo-sacrales et sacro-iliaques a considérablement amé- lioré la gestion des affections axiales chez le cheval [34,35].

Lorsqu’un traitement chirurgical par arthrotomie ou par arthroscopie est envisagé, l’examen échographique contribue au choix de la technique, à préciser la voie d’abord et le positionnement de l’articulation, et à fournir des mesures précises sur la localisation (profondeur) et la taille des formations à traiter [17].

DISCUSSION

Avantages de l’échographie articulaire

Les domaines d’application de l’échographie articulaire équine deviennent chaque jour plus diversifiés et plus spécifiques.

Outre la qualité des informations qu’elle fournit, les avantages de cette technique sont nombreux :

— le procédé est totalement non invasif et très bien tolérée par le cheval ; le contact physique avec la région explorée est un atout pour associer à l’image le ressenti de la pression de la sonde ;

— l’information est rapidement obtenue ; la technique est très économique ;

— ces deux avantages cumulés permettent le suivi de l’évolution cicatricielle de lésions ; par ailleurs, sur des chevaux soumis à des bilans sportifs, un opérateur expérimenté peut explorer un grand nombre de régions anatomiques en un temps limité (20 ou 30 mn) ;

— en permettant la visualisation des tissus mous, l’échographie offre une complé- mentarité parfaite avec la radiographie ; elle est plus sensible que celle-ci pour l’identification de certaines lésions (ex. arthrose du boulet) ; elle permet l’abord de régions difficiles à radiographier en pratique courante (ex. épaule).

Enfin, technique diagnostique remarquable, l’échographie est également un outil thérapeutique efficace à travers l’aide décisive qu’elle apporte à travers les injections échoguidées.

Comparativement à la place qu’elle occupe en médecine équine, l’échographie semble sous-utilisée dans l’espèce humaine, vraisemblablement en raison de la
concurrence de l’IRM, notamment en milieu hospitalier. En raison de sa facilité d’emploi et de son coût relativement réduit, l’échographie a pourtant une place réelle en rhumatologie et en médecine du sport.

Limites de l’échographie articulaire

Limites anatomiques

Comme le faisceau ultrasonore est arrêté par l’os, celui-ci fait écran à un certain nombre de formations qui ne peuvent être représentées sur les images échographiques.

• Les surfaces cartilagineuses en affrontement ne sont pas visualisables ; cependant en imprimant des mouvements de flexion et d’extension à l’articulation, les surfaces exposées à l’examen peuvent être considérablement étendues.

• Les ligaments interosseux du tarse ne sont pas visualisables en raison de l’étroitesse et de la mobilité très restreinte des espaces articulaires. Les ligaments axiaux du carpe sont difficiles à visualiser même lorsque les articulations sont en flexion en raison de l’orientation inadaptée du faisceau ultrasonore. Les ligaments croisés de l’articulation fémoro-tibiale sont encadrés par les condyles fémoraux et leur orientation ne les rend accessibles que sur l’articulation en flexion. Le ligament de la tête fémorale est totalement occulté par l’acétabulum.

Limites techniques

La critique la plus fréquemment faite à l’échographie est le caractère opérateurdépendant de cette technique. Elle impose des règles de mise en œuvre strictes, surtout pour éviter les diagnostics par excès (faux-positifs). Les deux plus importantes sont les suivantes :

— les formations de chaque région examinée doivent systématiquement être comparées aux formations homologues de la même région sur le membre controlatéral ;

— cette comparaison doit se faire au même niveau, avec la même incidence, c’est-à-dire en respectant le même positionnement et la même orientation de la sonde.

Une évaluation de la reproductibilité inter-opérateurs est quotidiennement effectuée dans notre centre avec les résidents en formation. Elle démontre que la variabilité inter-individuelle est limitée quand le protocole d’examen et les critères sémiologiques sont bien définis.

Apports de l’échographie

Comme la radiographie à son époque, l’échographie a mis en lumière un grand nombre d’entités pathologiques nouvelles jusqu’alors inconnues (lésion d’insertion crâniale du ménisque médial, enthésopathies diverses, tendinopathies périarticulaires …). L’explication de ces dernières a dû faire appel à des concepts
étiopathogéniques inédits, bouleversant parfois des conceptions établies sur l’origine des boiteries chez le cheval. Par la mise en relation directe des déformations physiques et des lésions sous-jacentes, l’échographie améliore l’examen clinique des patients.

Avenir de l’échographie

Les progrès technologiques enregistrés dans les différents procédés d’imagerie ne s’arrêteront pas. Pour l’échographie, une meilleure définition de l’image fournira des informations toujours plus précises et permettra d’améliorer la visualisation de formations parfois infra-millimétriques comme le cartilage articulaire.

Une plus grande profondeur d’examen rendra plus accessible les formations profondes et étendra les indications de l’échographie aux régions corporelles épaisses.

Le traitement de l’image pour délivrer une représentation tridimentionnelle des formations anatomiques et des lésions améliorera la compréhension de la distribution des lésions, comme les capacités diagnostique et pronostique de la technique.

Au plan scientifique, des études comparatives avec l’endoscopie (ténosynovites), l’IRM (m.interosseux III) et la scintigraphie (articulation sacro-iliaque), comme une plus grande utilisation du doppler, fourniront des données propres à améliorer la sémiologie échographique des tissus mous. Ces progrès conduiront à une meilleure caractérisation des tissus lésés, notamment dans les desmites et les tendinites chroniques.

REMERCIEMENTS

Les travaux du CIRALE sont soutenus par le Conseil Régional de Basse-Normandie (CRBN) dans le cadre du Pôle de compétitivité « Filière Équine » et par les Haras Nationaux.

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Ross and S. Dyson, Saunders ed., Philadelphia), 2003, 189-194.

[22] DENOIX J-M, AUDIGIÉ F. — Imaging of the musculoskeletal system in horses. In Equine Sport

Medicine and Surgery , (Edited by Hinchcliff,K.W., Kaneps A.J., Geor R.J., Saunders), 2004,161-187.

[23] DENOIX J.M. — Le doigt du cheval : atlas d’Anatomie clinique et d’Imagerie comparée (Editions Manson Londres), 2002.

[24] DENOIX J.M. — Ultrasonographic evaluation of back lesions. Vet Clin North Am : Equine pract., 1999, 15 ,131-159.

[25] JACQUET S., COUDRY V., DENOIX J.M. — Severe tear of the collateral sesamoidean ligament in a horse : a case report. Vet. Record., 2006, 24 , 818-820.

[26] HEITZMANN A.G., DENOIX J.M. — Rupture of the distal impar sesamoidean ligament with distal avulsion fracture of the distal sesamoid bone in a steeple chaser. Equine vet. Educ. 2007, 19 , 117-120.

[27] DENOIX J.M. — The collateral ligaments of the distal interphalangeal joint : anatomy, roles and lesions. Hoofcare and lameness , 1998, 70 , 29-32.

[28] DENOIX J.M. — How ultrasonography can assist radiographic examination of the foot ? British Equine Veterinary Association Congress, 2005, 278-279.

[29] DENOIX J.M., TILL E., HOULIEZ D., BUSONI V. — Examen échographique de l’articulation métacarpo-phalangienne. Corrélation signes échographiques — lésions. Prat. Vét. Equine , 1997, 29 , 179-189.

[30] DENOIX J.M., COUDRY V., PASQUET H. — diagnose von Iliosakralgelenk-läsionen mittels Ultraschall. Pferde spiegel , 2005, 3 , 107-112.

[31] DENOIX J.M., BUSONI V., OLALLA M.J. — Ultrasonographic examination of the proximal scutum in the horse. Equine Vet J , 1997, 29 , 136-141.

[32] HEITZMANN A-G., DENOIX J.M. — Examen échographique de la surface d’appui du condyle métacarpien. Prat. Vét. Equine, 2006, 37 , 27-31.

[33] JACQUET S., DENOIX J.M. — Ultrasonographic diagnosis of subchondral bone cysts in the medial femoral condyle. Equine Vet. Educ., 2007, 19, 47-50.

[34] DENOIX J.M., AUDIGIÉ F., COUDRY V. — A review of diagnosis and treatment of lumbosacral pain in sport and race horses. 51st annual convention of the American Association of Equine Practioners, 2005, 366-373.

[35] DENOIX J.M., COUDRY V. — Diagnosis and treatment of lumbosacral and sacroiliac pain in horses. XVI Tagung über Pferdekrankheiten , Essen (Germany). 2005, 50-55.

DISCUSSION

M. Jacques EUZÉBY

L’échographie permet-elle la mise en évidence des onchocerques parasites des ligaments ?

Les lésions d’onchocercose sont devenues rares en France, sans doute grâce à une meilleure gestion des conditions d’élevage et d’entretien des chevaux. J’en ai rencontré trois cas, dont un a été confirmé à l’examen anatomo-pathologique. Ces lésions parasitaires sont décrites dans le ligament suspenseur du boulet (m. interosseux III) alors que chez les chevaux que j’ai personnellement examinés, elles affectaient le tendon fléchisseur profond du doigt en région digitale.

M. André-Laurent PARODI

Vous avez magistralement démontré la valeur d’une imagerie médicale, très performante dans le diagnostic des lésions ostéo-ligamentaires du cheval athlète. Dans l’exploitation du modèle, que représente le cheval athlète pour la médecine sportive ?

Le modèle peut-il en outre être exploité dans la prévention, voire la correction des lésions ostéo-articulaires de l’athlète ?

Le cheval athlète est un modèle de pathologie sportive spontanée car il est sélectionné depuis des siècles pour ses aptitudes physiques, et il a une vocation de sportif professionnel dès l’âge de deux ans ! À ce titre il est soumis à un régime d’entraînement et de compétition intense. Les contraintes biomécaniques de cet athlète lourd et rapide, s’exerçant, à l’extrémité des membres, sur un seul doigt, sont responsables de lésions fréquentes des appareils musculo-tendineux et ostéo-articulaire. La taille des formations anatomiques lésées facilite le diagnostic et la documentation des lésions. Pour toutes ces raisons, le cheval est un excellent modèle animal de pathologie sportive spontanée pouvant être utilisé pour l’évaluation de nouveaux traitements des lésions tendineuses, articulaires ou osseuses de fatigue. Ainsi, il peut servir à établir l’efficacité et l’innocuité de médicaments sur des lésions spontanées de l’appareil locomoteur, qui sont souvent éloignées dans leur physio-pathologie des lésions expérimentalement induites sur des animaux de laboratoire. Par ailleurs, ce modèle démontre au plus haut point la relation directe entre les contraintes biomé- caniques sportives et les lésions qui en résultent. Une grande partie de notre travail quotidien consiste à gérer les défauts de conformation des membres (facteurs prédisposants) et les lésions par des ferrures correctrices adaptées à chaque individu en fonction de sa discipline sportive. Cette approche peut sans doute renforcer l’intérêt des chaussures « orthopédiques » chez l’athlète humain. Enfin, l’évaluation instrumentale du confort ou au contraire du caractère accidentogène des pistes et sols équestres constitue le thème de principal de notre équipe de recherche, l’UMRINRA de « Biomécanique et pathologie locomotrice du Cheval ». Ces travaux ont une grande importance pour réduire l’incidence des lésions de l’appareil locomoteur du cheval et ils se poursuivent de concert avec des investigations similaires effectuées pour les sportifs et athlètes humains.

M. Christian NEZELOF

Les fasciites sont-elles accessibles à l’exploration échographique ? Quid des ostéophytes : leur fréquence et leur date d’apparition chez ces animaux performants ?

Oui, les fasciites sont accessibles à l’examen échographique. La fasciite plantaire du tarse par exemple (« jarde ») est une entité fréquemment rencontrée chez le cheval ;

elle est facile à identifier et à documenter par échographie. Les ostéophytes périarticulaires apparaissant lors d’arthrose et les enthésophytes se développant dans les sites d’insertion ligamentaire ou tendineuse sont également très fréquents chez le cheval athlète, dont l’appareil locomoteur est hautement sollicité. Ils peuvent apparaître très tôt, parfois avant la mise à l’entraînement en raison de l’hyperactivité des poulains, mais leur incidence augmente avec l’âge. Ils signent une atteinte de l’articulation ou de l’enthèse dans leur ensemble. Étant très sensible à toute altération de la surface osseuse, l’échographie est la technique la plus fine pour les identifier et, à cet égard,
elle est supérieure à la radiographie et même à l’Imagerie par Résonance Magnétique.

M. Charles MENKÈS

L’échographie fait maintenant partie de la formation des spécialistes en rhumatologie.

Utilisez-vous le Doppler couleur pour préciser l’existence d’une inflammation articulaire ? Pensez-vous que l’IRM est plus sensible pour évaluer les érosions des extrémités articulaires et l’échographie plus performante pour l’épanchement articulaire et l’atteinte des tendons et de leurs gaines ?

Je me réjouis de l’existence d’un enseignement d’échographie dans la formation des spécialistes en rhumatologie, car cette technique améliore considérablement l’approche clinique des patients. Le Doppler est parfois utilisé dans l’examen des tendons et articulations du cheval pour documenter le caractère inflammatoire des lésions et notamment connaître leur antériorité. Cependant, cet animal n’est pas affecté par les entités rhumatismales inflammatoires connues dans l’espèce humaine, ce qui explique sans doute le moindre recours au Doppler en pathologie locomotrice équine. Chez le cheval, à ce jour, l’IRM est la meilleure technique pour évaluer les lésions osseuses. Elle est également très sensible pour la détection de tout contenu liquidien dans les synoviales articulaires et tendineuses et même au sein des formations anatomiques (os, ligaments, tendons…). Cette technique est entachée de deux limites : les appareils bas-champs utilisés en médecine équine ne permettent pas la détection des lésions de cartilages articulaires minces (ex. articulation métacarpophalangienne), et son usage est limité aux extrémités des membres et à la tête.

Inversement, grâce à l’emploi de différentes sondes, l’échographie peut s’appliquer à toutes les régions du cheval. Sa grande définition permet l’examen de cartilage mince (jusqu’à 0,3 mm). La flexion articulaire augmente la surface accessible ;

toutefois, certaines cavités articulaires (ex. acétabulum) restent inaccessibles en raison de l’absence de fenêtre acoustique.

M. Gérard MILHAUD

Pourriez-vous donner quelques précisions sur les dispositifs échographiques que vous utilisez ? Avez-vous une expérience de la scintigraphie chez l’équidé ?

Les échographes que nous utilisons sont les mêmes que ceux employés en imagerie humaine, cependant les sondes doivent être choisies en fonction de la taille du patient et des indications régionales. La sonde utilisée en routine est linéaire, d’une fréquence de 7,5 à 13 MHz ; elle permet l’examen de toutes les formations superficielles jusqu’à une profondeur de 4 cm. Une sonde basse fréquence de 3 à 6 MHz est nécessaire pour les grandes articulations proximales et le dos. Une sonde endorectale de 7,5 MHz est indispensable pour l’examen du bassin (os, articulations
lombo-sacrale et sacro-iliaques). Enfin une sonde micro-convexe de 7,5 MHz est requise pour l’examen des formations profondes du pied, masquées par le sabot. Le centre est équipé d’une installation pilote de scintigraphie. Cette technique est d’un grand intérêt pour le dépistage des lésions osseuses de fatigue chez le jeune cheval de course. Dans toutes les disciplines, elle apporte une contribution essentielle à l’identification des arthropathies et enthésopathies ayant une composante osseuse inflammatoire.

Mme Monique ADOLPHE

Pourriez-vous nous dire quel traitement vous utilisez dans les pathologies articulaires du cheval ?

Les traitements sont très variés. Localement, des injections intra-articulaires de corticoïdes (à doses tolérées par le cartilage) et/ou d’acide hyaluronique sont souvent mises en œuvre. Les traitements par voie générale utilisent les antiinflammatoires non stéroïdiens parmi lesquels la phénylbutazone reste encore la plus employée. Les chondro-protecteurs (ex. glycosaminoglycanes) sont parfois utilisés par voie orale ou intra-musculaire, mais leur efficacité mériterait d’être mieux documentée. Un chapitre important du traitement des affections articulaires du cheval consiste en la gestion de l’activité du cheval, de sa ferrure et du sol sur lequel il travaille. Par exemple, pour toutes les arthropathies inter-phalangiennes, il convient de limiter les mouvements de rotation articulaires et ainsi, de réduire le travail du cheval sur des cercles courts, de travailler sur un sol souple et amortissant et de prescrire une ferrure qui favorise le roulement du pied.

M. Daniel BONTOUX

Vous observez que l’échographie est sous-utilisée en rhumatologie et médecine du sport. C’est une situation qui devrait changer. Le recours à l’échographie est actuellement limité par le fait — vous le remarquez également — que la rentabilité de l’examen est très dépendante de celui qui le pratique, si bien que de nombreux cliniciens préfèrent recourir à l’IRM ou l’arthrographie dont les résultats sont plus constamment fiables.

Consciente de cela, la société française de rhumatologie a pris l’initiative d’inciter les rhumatologues à devenir eux-mêmes échographistes, d’une part en créant un D.U.

d’échographie de l’appareil locomoteur, qui a un grand succès, et d’autre part en aidant les services hospitaliers à s’équiper en échographies, dont la société prend à sa charge environ la moitié du prix d’acquisition. Ainsi s’achemine-t-on, peu à peu, vers une pratique de la rhumatologie où l’échographe sera l’instrument indispensable d’un clinicien spécialement formé, avec un évident avantage pour le confort de l’exploration clinique, et une meilleure efficacité des gestes thérapeutiques, puisque l’échoguidage des ponctions et infiltrations fait partie aussi des grands progrès que permet l’échographie.

L’échographie a en effet la réputation d’être une modalité opérateur-dépendante.

Cependant, en codifiant les techniques d’exploration (placement et orientation de la sonde) et la sémiologie échographique, les examens effectués en aveugle par deux cliniciens différents sont répétables dans plus de 90 % des cas. C’est ce que je pratique quotidiennement avec mes résidents en formation dans notre centre d’imagerie dédié au cheval. Comme vous l’évoquez, avec l’échographie, le clinicien a un œil au bout des doigts. Cette technique prolonge la palpation et permet d’associer, à la déformation et la sensibilité locales, l’image de la lésion sous-jacente. C’est la raison pour laquelle, dans mon enseignement, je n’ai jamais voulu dissocier l’examen clinique de l’imagerie, et en particulier, de l’échographie. Par la pratique, de plus en plus généralisée, des injections échoguidées, l’échographie interventionnelle a également révolutionné le domaine des injections intra-articulaires et des infiltrations locales (intra-tendineuses, lombaires, sacro-iliaques…) chez le cheval. Elle apporte à la fois un plus grand confort de travail, une meilleure efficacité et une plus grande sécurité d’intervention.

Et réponse de Charles-Joël MENKES : Aux Etats-Unis, on a considéré que l’IRM prenait moins de temps aux médecins que l’échographie. En fait, les jeunes spécialistes européens sont de mieux en mieux formés à l’échographie qui devient le stéthoscope du rhumatologue.

M. Claude KENESI

Vous parlez de bilans médicaux sportifs. L’échographie apporte-t-elle actuellement des arguments de poids pour la sélection, l’affectation et l’entraînement des poulains et jeunes chevaux de compétition ? L’échographie permet-elle de voir des corps étrangers intra-articulaires ?

L’échographie n’est pas utilisée pour la sélection et l’orientation sportive des poulains. Cependant, si elle démontre une lésion incompatible avec une discipline sportive, elle permet de réorienter la carrière du sujet porteur vers une discipline moins exigeante pour la formation anatomique lésée. L’échographie contribue à l’encadrement sportif rapproché des jeunes chevaux de compétition ; dès que de la chaleur ou de la sensibilité sont suspectées sur les tendons fléchisseurs des chevaux à l’entraînement, cette technique permet de statuer sur l’existence ou non d’une lésion et ainsi de préciser la conduite à tenir en matière de gestion d’activité et éventuellement de traitement. L’échographie est très sensible à la présence d’air et de corps étrangers métalliques intra-articulaires, générant des images dites « en queue de comète ». Le sable et les cailloux fournissent des images hyper-échogènes.

La présence de morceaux de bois ou de fragments végétaux est plus difficile à établir.


* CIRALE-IPC Goustranville 14 430 Dozulé. Courriel : jmdenoix@vet-alfort.fr et Unité Clinique Equine (DEPEC), UMR INRA 957 ‘‘ Biomécanique et Pathologie Locomotrice du Cheval ’’ École Nationale Vétérinaire d’Alfort, 7, avenue du Général de Gaulle, 94704 Maisons-Alfort cedex Tirés à part : Professeur Jean-Marie DENOIX, même adresse Article reçu le 26 septembre 2007, accepté le 22 octobre 2007

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 3, 521-540, séance du 11 mars 2008