Communication scientifique
Séance du 28 février 2023

Potentiel Impact thérapeutique de la substitution en cours de traitement d’un princeps par un générique : limites de la bioéquivalence moyenne pour les médicaments à marge thérapeutique étroite

MOTS-CLÉS : Substitution de médicament, Médicaments génériques, Équivalence thérapeutique
Potential therapeutic impact of substitution during treatment of a reference medicine by one generic product: Limits of average bioequivalence for drugs with narrow therapeutic index
KEY-WORDS : Substitution de médicament, Médicaments génériques, Équivalence thérapeutique

P. Lechat (a, b, ⁎)

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Intérêt indirect (sans aucune relation avec la rédaction de cet article) via la société docamed co-fondée par P. Lechat en 2015 et dont il est actionnaire à 51 % depuis 2020. Lien d’intérêt indirect via l’abonnement au service Docamed (information sur les médicaments et leurs indications thérapeutiques) jusqu’à fin 2021 de quelques médecins des laboratoires pharmaceutiques suivants : Novartis, Pfizer, Boheringher-Ingelheim, Lilly, Air Liquide.

Résumé

La possibilité de survenue de déséquilibres thérapeutiques suivant la substitution d’un médicament princeps par un générique chez un patient donné en cours de traitement, pose la question de l’applicabilité des règles adoptées pour établir la bioéquivalence à l’interchangeabilité princeps/générique. Le principe pharmacologique de base de la bioéquivalence pour la mise sur le marché des génériques est que pour une même cinétique d’évolution au cours du temps des concentrations plasmatique (=même « exposition ») d’une substance active après administration d’un médicament, l’effet pharmacologique et donc thérapeutique reste le même. On considère ainsi d’une manière générale qu’une différence à l’échelon individuel de l’exposition plasmatique de la substance active du générique par rapport à celle du princeps, si elle est inférieure à ±20 %, elle n’aura pas d’impact thérapeutique. Pour établir la bioéquivalence, ce principe a cependant été appliqué aux différences entre moyennes inter-individuelles d’exposition entre princeps et génériques. Pour les substances actives présentant une grande variabilité intra-individuelle de leur exposition plasmatique, leur marge thérapeutique est généralement suffisamment grande pour permettre sans impact thérapeutique, l’interchangeabilité princeps/générique basée sur une bioéquivalence « moyenne ». Ce n’est pas le cas pour celles à marge thérapeutique étroite pour lesquelles un resserrement des limites d’acceptation de la bioéquivalence moyenne a été imposé à ±10 % par l’Agence européenne des médicaments (EMA). L’agence américaine, la FDA, propose d’ajuster les bornes d’acceptation à la variabilité intra-individuelle du princeps. Cependant, comme les différences intra-individuelles d’exposition fluctuent d’une manière plus importante que les différences entre leurs moyennes, la méthodologie basée sur la « bioéquivalence moyenne » ne peut pas garantir à l’échelon individuel l’absence d’impact thérapeutique du remplacement d’un princeps par l’un de ses génériques en cours de traitement avec les médicaments à marge thérapeutique étroite. Un critère d’interchangeabilité pourrait être proposé, basé sur les limites de l’Intervalle de confiance à 95 % des rapports intra-individuels d’exposition, limites qui pourraient être ajustées sur la marge thérapeutique du princeps.

Summary

Reports of therapeutic impact following replacement of some reference medicines by one of their corresponding generic products raises the question of the general applicability to such interchangeability of the rules that have been adopted to establish bioequivalence between reference and generic products. The pharmacological basis of bioequivalence states that for a same level of plasma exposure (kinetics of evolution of plasma concentration with time after drug administration) of an active substance the pharmacological and therefore therapeutic effects will be the same. As a general rule, it is therefore estimated that an individual variation of ±20% of exposure of an active substance between reference and generic has no therapeutic impact. To establish bioequivalence, such principle has been however applied to differences between means of exposure of the active substance issued from reference and generic medicines. For medicines with high intra-individual variability (most frequent cases), their therapeutic margin is generally large enough to allow interchangeability between reference and generic without any therapeutic impact based on the so-called “average bioequivalence”. This is not the case for drugs with narrow therapeutic index (NTI) for which, the average bioequivalence methodology has been amended by regulatory agencies. The European Medicine Agency (EMA) requires the narrowing of ABE acceptance limits to ±10% difference of exposure instead of ±20%. The US Food and Drug Administration (FDA) has proposed to narrow acceptance limits according to the within subject variance of reference. However, since individual exposure differences vary more widely than differences of means of exposure, the methodology based on average bioequivalence cannot guarantee at the individual level the absence of any therapeutic impact of interchangeability reference/generic during treatment with drugs with narrow therapeutic index. At least for NTI drugs, the limits of the 95% confidence of the individual generic/reference exposition ratios should be considered and tested as an additional criterion for interchangeability.

Accès sur le site Science Direct : https://doi.org/10.1016/j.banm.2022.10.021 (Discussion)

Accès sur le site EM Consulte (Discussion)

(a) Service de pharmacologie et toxicologie, hôpital européen Georges-Pompidou, Assistance publique des hôpitaux de Paris, Paris, France
(b) Service évaluations pharmaceutiques et bon usage de l’Agence des équipements et des produits de santé (AGEPS), Assistance publique des hôpitaux de Paris, 7, rue du fer à Moulins, 75005 Paris, France

⁎Correspondance.

Bull Acad Natl Med 2023;207:490-500. Doi : 10.1016/j.banm.2022.10.021