Communication scientifique
Séance du 24 avril 2007

Polymorphismes érythrocytaires au Mali : épidémiologie et mécanismes de résistance contre la progression vers les formes graves du paludisme à Plasmodium falciparum

MOTS-CLÉS : deficit en glucose -phosphate dehydrogenase. hemoglobine c. hemoglobine s. mali. paludisme/prévention et contrôle. plasmodium falciparum
Erythrocyte polymorphism in Mali : epidemiology and resistance mechanisms against severe Plasmodium falciparum malaria
KEY-WORDS : glucophosphate dehydrogenase deficiency. hemoglobin c. hemoglobin s. malaria/prevention and control. mali. plasmodium falciparum

Ogobara Doumbo

Résumé

Homo sapiens et Plasmodium falciparum co-évoluent depuis la pratique de l’agriculture, il y a environ 10 000 à 20 000 années. En domestiquant les plantes et les animaux, l’espèce humaine s’est attachée l’un des vecteurs majeurs du paludisme, le complexe Anopheles gambiae sl. Cette interaction biologique entre ces trois espèces linnéennes a entraîné des échanges de gènes, de processus biochimiques avec des influences significatives mutuelles. Chez l’homme se sont développées des mutations de gènes avec des avantages sélectifs de protection contre les formes graves et létales de cette hémosporidiose. C’est le cas de l’hémoglobine S, de l’hémoglobine C, de l’hémoglobine E, des thalassémies, de l’ovalocytose et du déficit en G6PD, entre autres. De nombreuses études épidémiologiques conduites depuis 1949 ont mis en évidence une association géographique entre le paludisme et certains polymorphismes érythrocytaires. Le lien avec l’hémoglobine C a été révélé récemment, en 2000, initialement au Mali dans la population Dogon, puis confirmé au Burkina Faso. Les travaux de recherche en épidémiologie, en biologie cellulaire et moléculaire, réalisés au Mali et ailleurs, ont permis de mettre en évidence une protection significative des allèles C et S, ainsi que du déficit en G6PD [A-] contre les formes létales du paludisme à Plasmodium falciparum. Des études complémentaires de génétique moléculaire permettent de dégager des mécanismes potentiels explicatifs. Avec les progrès offerts par le développement de la génomique fonctionnelle, du transcriptome et de la protéomique, de nouvelles hypothèses de recherche peuvent être formulées pour apprendre davantage de la « maman » nature. Des avancées significatives dans cette approche moléculaire et une meilleure compréhension des mécanismes immunitaires qui gouvernent cette protection permettront d’identifier des candidats vaccins antipaludiques de deuxième et troisième génération. A partir des données épidémiologiques et des résultats de ces travaux de recherche, il est possible d’approcher les différents mécanismes par lesquels ces polymorphismes érythrocytaires peuvent conférer une protection contre l’espèce d’hématozoaire la plus létale, Plasmodium falciparum.

Summary

Homo sapiens and Plasmodium falciparum have co-evolved since the beginning of agriculture, 10 000 to 20 000 years ago. By domesticating plants and animals, humans linked their destiny to one of the main vectors of malaria, Anopheles gambiae sl complex. The biological interaction between these three species led to exchanges of genes and biochemical processes with significant mutual influence. Humans acquired mutations with selective protective advantages against serious and fatal forms of this hemosporidiosis. This is the case of hemoglobin S, hemoglobin C, hemoglobin E, thalassemias, ovalocytosis and G6PD deficiency, among others. Many epidemiological studies published since 1949 have shown a geographic link between malaria and certain erythrocyte polymorphisms. The link with hemoglobin C was discovered only recently, in 2000, initially in Mali in the Dogon population, then in Burkina Faso. Epidemiological and molecular and cellular biology studies done in Mali and elsewhere showed that the C and S alleles, and G6PD deficiency [A-], conferred significant protection against lethal forms of Plasmodium falciparum malaria. Molecular genetic studies, based on functional genomics, transcriptomics and proteomics, provided possible explanations. Advances in molecular biology and a better understanding of the immune mechanisms underlying this protection will hopefully lead to the development of effective second- and third-generation malaria vaccines. Epidemiological and fundamental research efforts have identified some of the mechanisms by which these erythrocyte polymorphisms protect against the most lethal hematozoan parasite, Plasmodium falciparum.

Ogobara DOUMBO *


* Médecin chef du département d’Épidémiologie des affections parasitaires, Faculté de médecine de Bamako — Mali

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, nos 4-5, 783-784, séance du 24 avril 2007