Communication scientifique
Séance du 12 juin 2001

Place de la chirurgie ambulatoire en France — Comparaisons internationales

MOTS-CLÉS : intervention chirurgie ambulatoire. prévalence.
Ambulatory surgery in France — development and international comparison
KEY-WORDS : ambulatory chirurgical procedures. prevalence.

J.P. Sales

Résumé

La chirurgie ambulatoire en France a fait l’objet d’un encadrement réglementaire strict depuis 1992. Il existait en France, en 1998, près de 7 600 places autorisant environ 2 700 000 interventions annuelles. L’Association Française de Chirurgie Ambulatoire, en collaboration avec l’International Association for Ambulatory Surgery, a développé un indicateur regroupant 18 interventions dites « traceuses » représentatives de la pratique ambulatoire. Cet indicateur a cru de 35,2 % en 1997 à 39,3 % en 1999. La répartition entre secteur libéral et secteur public était superposable à celle de la chirurgie en hospitalisation complète. La progression du nombre d’actes en ambulatoire a été supérieure à la progression des actes réalisés en hospitalisation complète. Les comparaisons internationales ont montré que la France était en dixième position sur treize pays membres de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique, laissant supposer l’existence d’un important potentiel ambulatoire au sein des patients actuellement hospitalisés.

Summary

Ambulatory surgery in France was under constraining rules since 1992. In 1998, there were 7 600 ambulatory stations which allowed 2 700 000 ambulatory procedures in a year. French Association for Ambulatory Surgery and International Association for Ambulatory Surgery adopted a limited list of 18 reference procedures to launch a survey on the prevalence of ambulatory surgery. The prevalence rate of ambulatory procedures among this list raised from 35.2 % to 39.3 % in 1999. This rate was the same in public and private health institutions. Ambulatory practice was increasing more than the inpatient procedures. Intercountry comparisons pointed out France as the tenth country for ambulatory prevalence among 13 members of Organization for Economic Cooperation and Development. This underlined the fact that there was probably a growth potential for ambulatory surgery in France.

INTRODUCTION

Aux termes de la loi française, la chirurgie et l’anesthésie ambulatoires en France désignent : « l’ensemble des actes chirurgicaux ou d’investigation programmés et réalisés dans les conditions techniques de sécurité d’un bloc opératoire, sous une anesthésie de mode variable et selon des modalités permettant sans risque majoré la sortie du patient le jour même de son admission ». Ces actes sont effectués sur des « places » autorisées dans des structures spécifiques (décrets 92-1100, 92-1101 et 92-1102 du 2 octobre 1992). Ces structures dispensent « sur une durée journalière d’ouverture inférieure ou égale à 12 heures » des prestations qui équivalent « par leur nature, leur complexité et la surveillance médicale qu’elles requièrent à des prestations habituellement effectuées en hospitalisation à temps complet ».

La description de l’activité d’anesthésie et de chirurgie ambulatoire en France est liée aux outils de recueil existants qui sont les données des Statistiques « d’activité » des Établissements (SAE), les enquêtes et les données du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), exhaustives depuis 1997. La description de cette activité n’était la finalité ni des unes ni des autres. La nécessité de se focaliser sur l’activité chirurgicale alternative à l’hospitalisation complète et celle de participer à des études internationales comparatives ont conduit à construire, à partir des données brutes du PMSI, un autre modèle d’analyse que sont les Interventions Traceuses [1].

LES DONNÉES SAE

La nécessité d’une autorisation pour réaliser ce mode de prise en charge permet de fait, au travers de la carte sanitaire, de connaître la capacité des différents établissements de soins. Une place de chirurgie ou d’anesthésie ambulatoire (le législateur a associé les deux termes) autorise le passage de 365 patients par année. Compte tenu du nombre de jours ouvrés, un tel nombre de passage ne peut être atteint que par un nombre de places installées (physiques) supérieures au nombre de places autorisées (capacité). Par ailleurs, il existe dans certains établissements des autorisations qui n’ont pas été exploitées et sont restées en quelque sorte « des places papiers ».

Ces réserves étant faites, nous disposons de relevés des places en juin 1995 puis en mars 1998 qui permettent de se faire une idée du développement de l’offre de soin en chirurgie ambulatoire (Tableau 1).

TABLEAU 1. Statistiques SAE 1995 et 1998. Nombre de places de chirurgie ambulatoire autorisées en France.

Le paysage ambulatoire en 1998 comporte donc plus de 7 500 places autorisées dont une large majorité dans le secteur libéral (76 %) alors que les établissements sous dotation globale, publics et PSPH, totalisent respectivement 18 et 6 % des places.

Cette asymétrie entre les deux secteurs de soins et la forte croissance récente dans le secteur public s’expliquent par le fait que le secteur libéral a fait état précocement, dès la procédure déclarative de 1995, de ses places opérationnelles alors que les autres types d’établissements se sont vraisemblablement moins sentis concernés par cette procédure. Ces places constituent une capacité de 2 700 000 interventions annuelles.

Les données SAE livrent d’autres informations et en particulier les tailles des structures de chirurgie ambulatoire. Des structures comprenant moins de quatre places se rencontrent dans 43 % des cas en secteur public et dans 28 % des cas en secteur libéral. Les structures comprenant plus de 10 places représentent seulement 15 % des cas.

La répartition de ces places sur le territoire national n’est pas homogène, même en tenant compte des densités de population, et il existe des régions fortement dotées (Corse, PACA, Île-de-France) avec plus de 19 places pour 100 000 habitants et d’autres plus faiblement (Alsace et Picardie) avec moins de 8 places pour 100 000 habitants.

Ces données ne constituent qu’un reflet de l’offre et en aucun cas de l’activité réelle car, non seulement ces places sont comme les lits de chirurgie occupés à environ 70 %, mais il semble que de nombreux actes soient réalisés en dehors des places officiellement autorisées.

LES ENQUÊTES

Il n’y pas eu d’enquête spécifique sur l’activité de chirurgie ambulatoire en France.

En revanche, sur requête de l’Association Française de Chirurgie Ambulatoire (AFCA), la Société Française d’Anesthésie Réanimation a accepté, dans son enquête « 3 jours d’anesthésie en France » (Enquête SFAR/INSERM 1996) de relever le caractère ambulatoire ou non de l’acte. Ces données constituent donc une projection de l’activité annuelle à partir d’un vaste échantillonnage. Les anesthésies (quels que soient leurs modes) réalisées pour des actes chirurgicaux ambulatoires ont repré- senté, dans cette évaluation, 18 % des cas (Tableau 2). Cette étude fait appa-

TABLEAU 2. Part d’anesthésie ambulatoire en 1996 en France. Enquête

SFAR-INSERM trois jours d’anesthésie en France.

raître également que 48 % des anesthésies réalisées sur le mode ambulatoire relèvent d’actes non chirurgicaux telles les endoscopies, les gestes obstétricaux (Interruption Volontaire de Grossesse) et d’autres procédures d’endoscopie ou de radiologie interventionnelle [2].

LES DONNÉES PMSI

Le PMSI est un instrument médico-économique, dérivé du système de classification de patients des « Diseases Related Groups » développé aux États-Unis depuis les années 1970. Il a été rendu obligatoire en France, dans les établissements de soins sous dotation globale en 1996 puis dans les établissements de soins privés à partir de 1997. Une première base de données nationales concernant tous les établissements de soins français est désormais constituée. Les séjours des patients sont groupés en fonction de leur coût en groupes homogènes, qui appartiennent, en fonction de la pathologie, à une Catégorie Majeure de Diagnostic (CMD) au nombre de 25. L’une d’entre elles, la CM24, regroupe tous les séjours de moins de 24 heures (soit 23 % des séjours avec un acte chirurgical ou diagnostique en 1999). L’activité de chirurgie ambulatoire est noyée au sein de cette catégorie « fourre-tout » aux côtés des séjours liés à un décès immédiat, un transfert, une séance de chimiothérapie ou autres.

L’inventaire de tous les actes chirurgicaux réalisés dans ces conditions est un exercice complexe et peu informatif sur les pratiques. Cela entraînerait la création d’une liste exhaustive d’actes réalisés ou réalisables en ambulatoire que, comme les autres sociétés savantes étrangères, l’AFCA a toujours refusé d’établir. Le désir de réaliser des comparaisons internationales et d’exploiter la richesse des données PMSI a conduit à mettre sur pied un nouveau mode de description de l’activité ambulatoire : les interventions traceuses.

LES « INTERVENTIONS TRACEUSES » ET LES PREMIÈRES COMPARAISONS INTERNATIONALES

L’AFCA a travaillé au sein de L’IAAS (International Association for Ambulatory Surgery), qui regroupe une quarantaine de pays membres, à l’élaboration d’une liste limitée mais significative comprenant un nombre restreint d’interventions réalisables en ambulatoire, ayant une grande fréquence, désignant des actes de technicité équivalente d’un pays à l’autre et qui balayent les champs des différentes disciplines chirurgicales. Chacun de ces groupes d’actes a fait l’objet d’une traduction selon les codes en vigueur dans chaque pays (le Catalogue Des Actes Médicaux en France).

La liste IAAS comprend 18 interventions traceuses qui permettent de disposer d’un reflet de la pratique ambulatoire. Le total de ces interventions, qu’elles soient réalisées en ambulatoire ou en hospitalisation complète, représente 25 à 30 % de la totalité des interventions effectuées chaque année dans notre pays. Ces groupes d’interventions, ainsi que les taux de chirurgie ambulatoire réalisés pour chacune d’elles, sont résumés à la Figure 1. Bien que le travail fût achevé en 1995, la France ne put participer à la première étude regroupant les pays de l’OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Économique) [1] faute d’une base nationale exhaustive, mais a participé pour la première fois aux comparaisons en 1997 (Fig. 2). La France apparaît se situer en 10ème position sur 13 pays, avec 35 % de chirurgie ambulatoire en moyenne sur les interventions traceuses et derrière des pays européens voisins comme la Belgique (40 %) ou le Royaume-Uni (58 %), les PaysBas (67 %) ou le Danemark (78 %).

LES INTERVENTIONS TRACEUSES : UN OUTIL DE DESCRIPTION ET DE SUIVI DE LA CHIRURGIE AMBULATOIRE EN FRANCE

Au plan national, l’étude des interventions traceuses d’année en année permet de décrire l’évolution de la chirurgie ambulatoire en France depuis 1997 ainsi que d’analyser les répartitions entre secteur libéral en secteur public compte tenu des autorisations inégalement réparties.

Sur 3 ans, le taux global d’ambulatoire calculé sur les 18 interventions traceuses de l’IAAS a régulièrement progressé de 35,2 % en 1997 à 37,6 % en 1998 puis à 39,3 % en 1999. En nombre d’actes en ambulatoire, la croissance entre 1997 et 1999 a été de 28 %. Dans le même temps, la masse globale des interventions considérées en hospitalisation complète a progressé de 7,8 %. Il est clair que, alors que l’activité chirurgicale croît régulièrement en nombre d’actes, l’accroissement d’activité est trois fois plus important en ambulatoire sur ces interventions que pour l’hospitalisation complète.

Cette croissance est bien répartie sur les différentes interventions traceuses, comme le montre la Figure 3. Les seules discordances sont le fait des cures de hernies où le

FIG. 1. — Taux de prise en charge ambulatoire des 18 interventions traceuses de l’IAAS en France en 1997.

développement de la voie cœlioscopique a fait diminuer le taux d’ambulatoire global et les salpingectomies qui désignaient, dans cette forme, les stérilisations par ligature de trompe (officiellement interdites) qui ont diminué de moitié en effectif global et en ambulatoire.

La discordance entre secteur libéral et public au plan des autorisations ne se retrouve pas totalement en termes d’activité effective. En effet toujours en se

FIG. 2. — Comparaison internationale sur les taux moyens d’interventions traceuses en 1997.

FIG. 3. — Évolution des taux de chirurgie ambulatoire sur 3 années pour les interventions traceuses en France.

rapportant aux 18 interventions traceuses, les taux d’ambulatoire en secteur libéral et en secteur public sont très proches en 1998 (respectivement 37,9 % et 36,9 %) et identiques en 1999 (39,3 %). Il semble donc que la problématique ne soit pas un sous-développement de la chirurgie ambulatoire à l’hôpital public mais, en revanche, une diminution de la part du public dans l’activité chirurgicale globale. Pour les 18 interventions considérées et quel que soit le mode de prise en charge, la part réalisée en secteur libéral est passée de 68 % en 1998 à 70 % en 1999. Cette tendance n’est en rien spécifique du choix de ces interventions car la base PMSI nationale a recensé pour la totalité des séjours chirurgicaux une prépondérance du secteur libéral en 1998 (57 %) et en 1999 (59 %). Ainsi il semble que le secteur public réalise entre 30 et 40 % de la chirurgie ambulatoire alors qu’il ne détient que 23 % des places autorisées. Ceci peut faire craindre qu’une partie de l’activité ambulatoire soit réalisée en dehors de places autorisées, en secteur d’hospitalisation classique ce qui va à l’encontre, d’une part des décrets de 1992 et, d’autre part, des exigences de sécurité et de qualité qui doivent dominer lors de la prise en charge d’un patient en ambulatoire.

CONCLUSION

En France, la chirurgie ambulatoire connaît une progression certaine comme en témoigne l’évolution entre 1997 et 1999 de l’indicateur « intervention traceuse » développé par l’Association Française de Chirurgie Ambulatoire. La prépondé- rance du secteur libéral dans cette activité est aussi marquée que pour la chirurgie conventionnelle. Les comparaisons internationales autorisées par ce modèle révè- lent une inégalité entre les différents pays, la France faisant partie du dernier tiers.

La progression de ces dernières années, comme les données en provenance d’autres pays, laisse présumer l’existence d’un important potentiel dans notre pays.

REMERCIEMENTS

L’auteur se fait l’interprète de l’Association Française de Chirurgie Ambulatoire pour remercier vivement la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et la Direction des Hôpitaux pour leur collaboration aux enquêtes sur le développement de la Chirurgie Ambulatoire.

BIBLIOGRAPHIE [1] DE LATHOUWER C., POUILLER J.P. — Ambulatory Surgery in 1994-1995 : the estate of theart in 29 OECD countries. Ambulatory Surgery , 1998, 6 , 43-55.

[2] LAXENAIRE M.C., AUROY Y., CLERGUE F., PEQUIGNOT F., JOUGLA E., LIENHART A. — L’anesthésie en France en 1996. Anesthésie des patients ambulatoires. Ann Fr Anesth Réanim ., 1998, 17 , 1352-1362.

[3] DE LATHOUWER C., POUILLET J.P. — How much ambulatory surgery in the world in 1996-1997 and trends ? Ambulatory Surgery, 2000, 8 , 191-210.


* Association Française de Chirurgie Ambulatoire. Service de Chirurgie Générale. CHU de Bicêtre, 74, rue du Général Leclerc — 94270 Le Kremlin Bicêtre. Tirés-à-part : Docteur Jean-Patrick SALES, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 18 avril 2001, accepté le 28 mai 2001.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 6, 1037-1044, séance du 12 juin 2001