Conclusions
Louis HOLLENDER *
Comme il n’était pas inutile de rappeler la nature de la chirurgie ambulatoire ainsi que ses principes, Gérard Parmentier s’est étendu, en introduction, sur son concept d’organisation, centré en priorité et entièrement sur le patient. Il a insisté sur le fait que la chirurgie ambulatoire n’est pas une chirurgie accélérée mais une chirurgie organisée, programmée, à faible risque hémorragique et à douleur postopératoire facilement contrôlable . Réalisée dans des locaux spécifiques, avec des techniques d’anesthésie-réanimation permettant réveil et récupération rapides de l’autonomie, la chirurgie ambulatoire s’applique à des patients sélectionnés sur des critères non seulement médicaux mais aussi sociaux. Un autre point s’inscrit à son actif :
l’insertion du médecin généraliste dans l’ensemble du processus, tant en pré qu’en postopératoire.
L’étude statistique réalisée par Jean Patrick Sales nous donne des précisions sur l’état actuel de la chirurgie ambulatoire en France. De son exposé, nous retiendrons les discordances régionales existant entre les places réservées à la chirurgie ambulatoire et qui vont de 19 pour 100 000 habitants dans certaines régions, à 8 dans d’autres. Son travail nous apprend surtout que 48 % des actes réalisés sur le mode ambulatoire relèvent en fait d’endoscopies de divers types ou d’interruptions volontaires de grossesse et non pas d’actes de chirurgie proprement dite. Pour bien cerner ces derniers, il faut prendre comme critère ce qu’il est convenu d’appeler les « interventions traceuses » qui englobent toutes les spécialités et donnent un aperçu réaliste de la pratique ambulatoire spécifiquement chirurgicale. Or, 35 % seulement d’actes chirurgicaux sont en France exécutés en ambulatoire, ce qui classe notre pays en 10ème position sur les 13 pays européens ayant fait partie de l’enquête. Ce pourcentage montre bien que la chirurgie ambulatoire ne progresse que lentement, encore que durant ces 3 dernières années elle affiche en secteur public une avancée de 35,2 % à 39,3 %. Un chiffre assez proche est relevé en libéral.
Laurent Jouffroy a abordé le point majeur des garanties de sécurité et de qualité que la chirurgie ambulatoire doit offrir aux patients « la qualité s’exprime par la satisfaction du patient quant aux soins rendus et l’assurance de qualité dans la confiance que le patient porte à l’organisation des soins. Compétence, capacités relationnelles et organisation étant les trois clés indissociables de la qualité » . Si le pourcentage de
complications, plus particulièrement de nature hémorragique, n’a jusqu’à ce jour pas pu être chiffré de manière précise, on sait en revanche que moins de 1,5 % des opérés en ambulant ont dû être hospitalisés. Aussi, pour être mieux informé, Laurent Jouffroy suggère la mise en œuvre d’enquêtes ciblées. Il insiste aussi sur l’importance du dossier médical partagé, le médecin généraliste restant encore trop souvent exclu du processus.
Madame Aoustin a passé en revue le contexte administratif dans lequel s’inscrit la chirurgie ambulatoire en rappelant les décrets successifs ayant mis en application la loi hospitalière de 1991, qui pose les bases de la chirurgie ambulatoire. Elle a précisé les termes des autorisations de créer des places de chirurgie ambulatoire, les conditions techniques de leur fonctionnement et insisté sur leur financement, lequel s’inscrit dans la dotation globale. Après avoir signalé que dans le secteur libéral l’activité de chirurgie ambulatoire a atteint à ce jour le maximum des capacités autorisées alors que ceci est loin d’être le cas en public, elle arrive à la conclusion que cette modalité de prise en charge n’a pas encore trouvé en France « sa véritable place ».
Les multiples obstacles culturels qui freinent le développement de la chirurgie ambulatoire sont ensuite passés en revue. S’ils ne sont de loin pas insurmontables, ils demandent en revanche, de la part du corps médical davantage d’explications et de persuasion.
Si l’on envisage la chirurgie ambulatoire sous son angle purement économique, il faut rappeler qu’elle ne saurait diminuer le coût de l’activité chirurgicale qu’en s’accompagnant simultanément de la fermeture d’un certain nombre de lits. Comme les pouvoirs publics ne semblent pas convaincus du fait que la chirurgie ambulatoire revient moins cher à la collectivité, que l’hospitalisation, même en prenant en compte les frais engagés par les visites de l’infirmière et du médecin traitant, il est souhaitable d’envisager une enquête par type d’intervention et, en créant des groupes de travail inter-régionaux. Une telle étude pourrait par la même occasion chiffrer, sur une plus vaste échelle, les pourcentages de réadmission dans les 72 heures consécutives à l’intervention première. Les résultats de cette analyse devraient permettre de convaincre les plus hésitants.
Le problème des structures architecturales a pas été peu abordé. Dans la discussion, M. Lemoign nous a fait part des problèmes causés par une unité de chirurgie ambulatoire, intégrée. On peut donc se demander si une unité indépendante ne représente pas une meilleure formule ? Quelle que soit cependant la structure retenue, le rattachement d’une unité de chirurgie ambulatoire à un complexe d’hospitalisation s’impose.
M. Patrice de Laage de Meux nous a fait part de son expérience de la chirurgie ambulatoire en ophtalmologie, et appris que la chirurgie de la cataracte opérée en ambulatoire a connu, au cours de ces dernières années, une nette progression.
M. Vayre a soulevé le problème de la responsabilité médico-légale que pourraient entraîner les actes de chirurgie ambulatoire. En l’absence de jurisprudence, une réponse précise reste en suspens.
En conclusion, il ressort de cet intéressant échange que tous les arguments sont à l’heure actuelle réunis pour justifier la foi en l’avenir de la chirurgie ambulatoire. La compétence et le dynamisme des participants à cette table ronde, que nous remercions d’avoir bien voulu répondre à l’appel de Denys Pellerin, ainsi que les remarques pertinentes des intervenants, ne manqueront certainement pas d’y contribuer.
Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 6, 1083-1085, séance du 12 juin 2001