Communication scientifique
Séance du 15 novembre 2005

Peut-on améliorer le dépistage et le diagnostic des anomalies chromosomiques fœtales ?

MOTS-CLÉS : anomalies chromosomiques/diagnostic. dépistage génétique. échographie prénatale. fœtus. marqueur biologique.. mesure de la clarté nucale. premier trimestre grossesse. trisomie
How to improve the screening and diagnosis of fetal aneuploidy ?
KEY-WORDS : biological markers. chromosome disorders/diagnostic. fetus. genetic screening. nuchal translucency measurement. pregnancy trimester, first. trisomy. ultrasonography, prenatal

Yves Ville

Résumé

En France, le dépistage des aneuploïdies fœtales repose réglementairement sur la proposition systématique d’un dosage des marqueurs sériques maternels entre la 15e et la 18e semaine d’aménorrhée. Les résultats de ce dépistage sont connus en moyenne deux semaines après, et si une amniocentèse est réalisée, le résultat sera connu encore 10 à 21 jours plus tard. En 2O00 la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) des Yvelines rapportait un taux d’amniocentèses de 15 % pour une prévalence attendue de la trisomie 21 de moins de 1/300. Cet excès d’amniocentèse fait courir un risque vital inacceptable pour des grossesses le plus souvent normales et a un coût financier important. Nous rapportons les résultats d’une étude clinique menée à l’échelle régionale visant à évaluer l’efficacité et l’acceptabilité par la population du dépistage des anomalies chromosomiques fœtales entre 11 et 14 semaines d’aménorrhée, basé sur un calcul de risque intégrant l’âge maternel, la mesure de la clarté nucale fœtale et des marqueurs sériques au premier trimestre. Cette étude prospective et interventionnelle a été menée dans le département des Yvelines pendant deux ans entre 2001 et 2003 sur 14 909 patientes âgées de 30,7 (18-46) ans. L’issue de 93 % des grossesses a été rapportée. L’incidence de la trisomie 21 dans cette population a été de 1/292 (51/14909). En utilisant un seuil de risque de 1/250 pour le calcul de risque combiné au premier trimestre, le taux de détection a été de 40/51 (78.4 %). Quatre cent vingt deux (2.9 %) femmes avaient un risque ≥ 1/250. Il a donc fallu réaliser 10,6 gestes invasifs pour diagnostiquer une trisomie 21. Si l’on fixe le taux de faux positifs à 5 %, la sensibilité augmente alors à 85 %.11 trisomies n’ont pas été détectées au premier trimestre, mais parmi elles cinq l’ont été lors de l’échographie de routine réalisée à 20-24 semaines. Pendant cette période, cinquante femmes ont fait une fausse couche, dont cinq (1 %) après une biopsie de trophoblaste [2] ou une amniocentèse [3]. Les résultats de notre étude confirment tous ceux publiés depuis 12 ans qui ont utilisé la même méthodologie et surtout la même démarche qualité dans le calcul du risque. On constate que la législation française sur le dépistage qui a montré son utilité en permettant à notre pays de contenir une vague de dépistage sauvage qui a largement envahi certains de nos voisins comme l’Italie ou le taux de caryotype atteint 50 %, est cependant devenue obsolète. Une approche pragmatique et raisonnable du dépistage peut être organisée au niveau départemental ou régional, proposant un dépistage prénatal précoce, efficace et soumis à un strict contrôle de qualité.

Summary

In France, prenatal screening for fetal aneuploidies is legally regulated and is based on second-trimester maternal serum screening at 15-18 weeks. In 2000, 15 % of all pregnant women in the Yvelines district of Greater Paris underwent amniocentesis, for a background risk of 1/300. This high rate of invasive testing is unacceptable, given the risk of miscarriage and the financial cost. Between 2001 and 2003 we prospectively studied the acceptability and efficacy of screening for fetal aneuploidy in a large unselected population, using a risk calculation approach based on maternal age and serum markers, together with nuchal translucency at 11-14 weeks. A total of 14 909 women with a mean age of 30.7 years [18-46] years were included. Pregnancy outcome was known in 93 % of cases. The prevalence of trisomy 21 was 1/292 (51/14 909). Using a cut-off risk of 1/250, the detection rate was 40/51 (78.4 %). The combined risk was ≥ 1/250 in 422 women (2.9 %). Thus, one case of trisomy was diagnosed per 10.6 invasive tests. The detection rate would be 85 % for a 5 % false-positive rate. Eleven cases of trisomy were not diagnosed in the first trimester, and five of these were detected at 20-24 weeks by ultrasound examination. There were 50 miscarriages, five of which (1 %) followed CVS [2] or amniocentesis [3]. These results confirm those published over the past 12 years by authors using the same methodology and quality controls. Although the French national screening policy has successfully contained a trend towards more invasive testing (which now reaches nearly 50 % in some parts of Italy), our results suggests that second-trimester screening has become obsolete and should be replaced by first-trimester screening and diagnosis. This approach would require appropriate quality controls and should be implemented at the regional level.

Le dépistage en médecine prénatale ne correspond pas au diagnostic d’une maladie à un stade précoce comme le définit l’OMS mais consiste à identifier dans la population générale un groupe de femmes enceintes dont le fœtus est à plus haut risque à l’aide d’un ou de plusieurs tests. Ce groupe à haut risque se verra proposer un test diagnostique seulement dans un second temps. La particularité de ce test diagnostique, amniocentèse ou biopsie de trophoblaste est qu’il fait courir un risque de perte fœtale d’environ 1 % alors même que la grossesse a une probabilité importante d’être normale.

L’évaluation du test de dépistage repose sur deux indices : le taux de détection (sensibilité) et le taux de test positifs, abusivement assimilé au taux de faux positifs.

FIGURE 1.

La comparaison de la sensibilité de deux tests de dépistage doit être faite en considérant un taux fixe de tests positifs.

Un test de dépistage est d’autant plus performant que le paramètre clinique, biologique ou échographique qu’il étudie présente des distributions plus éloignées entre sujets sains et sujets malades. Cet « éloignement » peut être apprécié sur la différence entre les valeurs médianes de ces distributions. Le rapport entre les proportions de sujets normaux et atteints pour chaque multiple de la médiane définit le rapport de vraisemblance ou likelihood ratio (LHR). (Figure 1) Les développements les plus récents dans le domaine du dépistage des aneuploidies fœtales incluent :

Le calcul de risque

Grâce au rapport de vraisemblance, un risque initial de trisomie 21 peut être modifié par l’intégration de tests de dépistage successifs et indépendants appliqués au premier et/ou au deuxième trimestre de la grossesse : échographie du premier trimestre, marqueurs sériques maternels au premier et/ou au deuxième trimestre, échographie dite morphologique à 22 semaines sans augmenter le nombre de faux positifs selon le modèle suivant : R final = Rinitial × LHR1 × LHR2 × ….LHRn Cette méthode des tests intégrés doit être préférée à des évaluations successives du risque, ne tenant pas compte du ou des risques préalablement calculés par les autres méthodes et qui aboutissent inéluctablement à une sommation de tests positifs et
donc à une inflation de gestes invasifs coûteux en vies fœtales et en ressource. En 2000 la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du département des Yvelines rapportait un taux d’amniocentèses de 15 % alors que l’âge moyen des femmes enceintes dans ce département est de 30 ans, ce qui implique une prévalence attendue de la trisomie 21 de un peu moins de 1/300.

La mesure de la clarté nucale

La clarté nucale est l’apparence échographique normale et anéchogène de l’espace liquidien situé sous la nuque du fœtus. La clarté nucale augmente physiologiquement avec le terme de la grossesse et peut être mesurée avec fiabilité lors de l’examen échographique réalisé entre 11 et 14 semaines d’aménorrhée. (Figure 1) Sa mesure suit alors une distribution normale permettant de définir des valeurs médianes en fonction de l’âge gestationnel.

Pour un âge gestationnel donné, l’augmentation de la clarté (hyperclarté) nucale est maintenant bien identifiée comme étant un marqueur d’aneuploidie fœtale et particulièrement de trisomie 21 (Tableau). Dans l’étude de Snijders et al [5], portant sur environ 100 000 grossesses, la mesure de la clarté nucale associée à l’âge maternel a permis un taux de détection de 77 % des cas de trisomie 21 pour un taux de faux positif de 5 %. La physiopathologie de l’hyperclarté nucale inclut les anomalies du système lymphatique, celles du tissu conjonctif mais aussi les compressions médiastinales d’origine thoracique ou abdominale. L’hyperclarté nucale est également un marqueur précoce de la présence d’une cardiopathie fœtale ainsi que de nombreux syndromes génétiques ou malformatifs [2, 5, 6-29].

Il est bien démontré que pour effectuer correctement une mesure de la clarté nucale il faut avoir reçu une formation théorique et pratique préalable et que seuls des opérateurs entraînés obtiennent des mesures adéquates et reproductibles. Afin d’obtenir la meilleure reproductibilité de la mesure de la clarté nucale, il est nécessaire d’appliquer par tous les opérateurs une technique standardisée. Le tableau 3 définit les éléments de cette technique. La mesure doit être effectuée entre 11-14 SA pour trois raisons : il est plus difficile d’obtenir une mesure adéquate entre 10 et 11 SA, son évolution après 14 semaines est incertaine, et enfin, la mesure de la clarté nucale est effectuée au cours de la seule échographie réalisée au premier trimestre qui doit aussi étudier la morphologie du fœtus, exercice difficile avant 11 SA.

Le contrôle de qualité de la mesure de la clarté nucale est un élément essentiel de la fiabilité du dépistage au premier trimestre. Il a été initié par la Fetal Medicine Foundation, fondation caritative basée à Londres et dirigée par K. H. Nicolaides qui a introduit et développé cette forme de dépistage depuis douze ans. La branche Francophone de la FMF est basée au CHI de Poissy-St Germain qui assure la coordination des enseignements et les certifications qui sont réalisées dans toute la France ainsi que l’observance du contrôle de qualité qui est réalisé à Londres et qui ouvre l’accès à l’utilisation d’une base de données et d’un logiciel de calcul de risque pour les praticiens certifiés.

TABLEAU 1. — Revue de la littérature entre 1990-1998 portant sur l’ensemble des études évaluant la performance de la mesure de la clarté nucale dans le dépistage de la trisomie 21.

Trisomie 21 Se Spe Terme Etudes Semaines

Vrais Faux Faux Ref.

E % % Auteur (ann ffectif Seuil ée) d’Aménor-

Positifs Négatifs Positifs rhée

Savoldelli (1993) [22] 1400 3.,0 10-14 15 13 8 (0.,57 %) 54 99 Nicolaides (1994) [17] 1273 3.,0 10-13 21 4 64 (5.,0 %) 84 95 Hafner (1995) [12] 1972 2.,5 10-14 2 2 24 (1.,2 %) 50 99 Szabo (1995) [26] 3380 3.,0 9-15 28 3 68 (2.,0 %) 90 98 Pandya (1995) [2] 20381 95ème pc 10-13 66 20 978 4.,8 %) 77 95 Bewley (1995) [6] 1127 3.,0 8-14 1 2 69 (6.,1 %) 33 94 Comas (1995) [9] 481 3.,0 9-13 4 3 47 (9.,7 %) 57 90 Salvesen (1995) [38] 96 3.,0 11-14 3 0 7 (7.,3 %) 100 86 Kornman (1996) [25] 923 3.,0 < 10 2 5 34 (3.,7 %) 29 96 Hewitt (1996) [21] 1312 3.,0 9-13 12 9 52 (3.,9 %) 57 96 Scott (1996) [42] 445 2.,5 10-13 3 7 27 (6.,0 %) 30 94 Zimmerman (1996) [55] 1151 3.,0 10-13 2 2 29 (2.,5 %) 50 97 Haddow (1996) [17] 2348 95ème pc 10-14 10 20 139 (5.,9 %) 33 94 Kadir (1997) [24] 1302 95ème pc 10-13 5 1 17 (1.,3 %) 83 99 Taipale (1997) [50] 10010 3.,0 10-16 7 6 69 (0.,7 %) 54 99 D’ottavio (1997) [12] 3509 4.,0 13-15 7 3 27 (0.,8 %) 70 99 Spencer (1997) [46] 416 95ème pc >10 20 2 38 (9.,1 %) 91 91 Biagiotti (1997) [3] 3212 3.,0 10-13 17 15 212 (6.,6 %) 53 93 Martinez (1997) [27] 553 3.,5 9-13 4 5 26 (4.,7 %) 44 95 Borrell (1997) [4] 487 3.,0 10-13 8 10 35 (7.,2 %) 44 93 Orlandi (1997) [30] 744 3.,0 9-15 4 3 46 (6.,2 %) 57 94 Theodoropoulos (1998) [51] 3550 95ème pc 10-14 10 1 168 (4.,7 %) 91 95 Pajkrt (1998) [32] 1473 3.,0 10-14 6 3 32 (2.,2 %) 66 98 Hafner (1998) [19] 4233 2.,5 10-13 3 4 71 (1.,7 %) 43 98 Pajkrt (1998) [31] 2212 3.,0 10-14 25 11 91 (4.,1 %) 69 95 Snidjers (1998) [45] 96 157 95ème pc 10-14 234 92 4438 (4.,6 %) 72 95 Schwarzler (1999) [41] 4523 95ème pc 10-14 10 2 220 (4.,9 %) 83 95 La très grande majorité des femmes ont une échographie avec mesure de la clarté nucale lors de l’échographie de 11-14 semaines, permettant ainsi de détecter au moins 60 % des cas de trisomie 21. La prévalence des anomalies chromosomiques fœtales diminue donc de façon drastique avant même la réalisation du dosage des marqueurs sériques maternels au second trimestre. Au cours de ces dernières années, l’effondrement de la prévalence de la trisomie 21 a fait chuter la valeur prédictive des marqueurs sériques maternels du second trimestre de 1/70 à 1/120 amniocentèses.

Ceci aboutit à la perte d’au moins un fœtus normal en relation avec l’amniocentèse pour chaque cas de trisomie détectée.

Les marqueurs sériques

L’utilisation des marqueurs sériques maternels au premier trimestre (PAPP-A et fraction libre de la béta-hCG) est scientifiquement établie comme équivalente à celle des marqueur du second trimestre (alpha-fœtoprotéine, béta-hCG et éventuellement estriol). [31] Le prélèvement ovulaire

Il a aussi été bien démontré que le prélèvement de villosités choriales ou biopsie de trophoblaste est le seul prélèvement réalisable avant quinze semaines avec un risque de 1,5 % de fausse-couche et qu’après ce terme, l’amniocentèse est réalisable avec un risque de 1 %. Au delà des rares problèmes inhérents à l’utilisation cytogénétique du trophoblaste, une réponse fiable sur le compte des chromosomes et l’identification de grosses anomalies de structures est obtenues sur un examen direct du prélèvement en 24 heures (contre deux à quatre semaines avec l’amniocentèse). Une culture permet un diagnostic plus complet dans les mêmes délais que l’amniocentèse.

En France, le dépistage des aneuploidies fœtales repose réglementairement sur la proposition systématique d’un dosage des marqueurs sériques maternels (béta-hCG libre et alphafœtoprotéine, fi oestriol) entre la 15e et la 18e semaine d’aménorrhée.

Lorsqu’un examen du caryotype fœtal est ensuite indiqué au vu des résultats de ce dépistage, connus en moyenne deux semaines plus tard, une amniocentèse est réalisée dont le résultat sera connu entre dix et vingt et un jours plus tard. Ainsi lorsque le caryotype est anormal et que le couple demande en accord avec la loi une interruption de grossesse d’indication médicale, celle-ci est réalisée en moyenne à 22 semaines d’aménorrhée.

Ce cadre réglementaire montre ses insuffisances face aux progrès récents démontrés non seulement par de nombreux travaux de recherche mais également par la pratique clinique dans de nombreux pays, en particulier européens.

Nous rapportons les résultats d’une étude clinique menée à l’échelle régionale visant à évaluer l’efficacité et l’acceptabilité par la population du dépistage des anomalies chromosomiques fœtales au premier trimestre de la grossesse.

Population et Méthode

Cette étude a été menée à l’échelle du département des Yvelines pendant deux ans entre 2001 et 2003 grâce à la collaboration du réseau de périnatalité « maternité en Yvelines », les échographistes libéraux et hospitaliers du département, la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines, la direction de la recherche clinique de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris, le conseil général des Yvelines et le Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal du CHI de Poissy-St Germain.Dans le cadre d’une étude clinique de type loi Huriet, 14 909 patientes agées de 30,7 (18-46) ans ont été incluses dans une étude prospective et interventionnelle ayant pour but
d’évaluer, la faisabilité, et les résultats d’un dépistage prénatal de la trisomie 21 réalisé au premier trimestre de la grossesse.

La formation spécifique des échographistes, le contrôle de qualité basé sur le contrôle des médianes des mesures par opérateur ainsi que la validation des clichés d’échographie ont été organisés à l’échelle du département avec le soutien de la CPAM et de la Délégation Régionale à la Recherche Clinique. Les laboratoires agréés pour le diagnostic prénatal ont tous participé à cette étude en utilisant les mêmes tests biochimiques mesurant les marqueurs sériques maternels PAPP-A et béta-hCG libre dans le sérum maternel utilisés pour compléter le calcul de risque intégrant l’age maternel, l’age gestationnel, les antécédents d’aneuploidie fœtale, la mesure de la clarté nucale dans un calcul combiné réalisé entre 11 et 14 semaines d’aménorrhée.

L’issue de 93 % des grossesses a été rapportée au sein du réseau de périnatalité maternité en Yvelines.

L’échographie a été réalisée à 12+3 (11-14) semaines par 72 échographistes dont les médianes de mesure de la clarté nucale se situaient à 0,94 MoM selon les standards internationaux de la Fondation pour la Médecine Fœtale (FMF).

La mesure des marqueurs sériques a été réalisée en moyenne 24 heures plus tard.

Résultats 495 (3,3 %) patientes n’ont pas été incluses pour les raisons suivantes : 437 (2,9 %) pour lesquelles les marqueurs ont été prélevés après 14 SA et 58 (0,4 %) (39 la première année et 19 la deuxième année) pour lesquelles le cliché échographique a été jugé de qualité médiocre. Toutes ces patientes ont bénéficié d’un dépistage par les marqueurs sériques maternels du deuxième trimestre.

L’incidence de la trisomie 21 dans cette population a été de 1/292 (51/14909).

En utilisant un seuil de risque de 1/250 pour le calcul de risque combiné au premier trimestre, le taux de détection a été de 40/51 (78,4 %). 422 (2,9 %) femmes avaient un risque [dH] 1/250. (Tableau 3) Toutes ces femmes sauf une ont eu un caryotype réalisé par biopsie de trophoblaste à 11-14 semaines pour 191 (45 %) d’entre elles et par amniocentèse après 15 semaines pour 232 (55 %) d’entre elles.

Il a donc fallu réaliser 10,6 gestes invasifs pour diagnostiquer une trisomie 21 (valeur prédictive positive). Si l’on fixe le taux de faux positifs à 5 %, la sensibilité augmente alors à 85 %. Les performances du test sont résumées dans le Tableau 2.

Onze trisomies n’ont pas été détectées au premier trimestre, mais parmi elles cinq l’ont été lors de l’échographie de routine réalisée à 20-24 semaines. Six enfants trisomiques, dont une mosaïque, sont nés vivants dont aucun n’était porteur de malformations.

TABLEAU 2. — Conditions techniques assurant la validité de la mesure de la clarté nucale.

Formation théorique et pratique en échographie indispensable et adaptée à chaque opérateur Choix de la voie abdominale ou vaginale en fonction des habitudes de l’opérateur et des conditions techniques Longueur cranio-caudale doit être comprise entre 42 et 80 mm (11-14 SA) Fœtus en position sagittale stricte Fœtus en position neutre., ni en hyper flexion., ni en hyper extension Le fœtus doit occuper au moins 2/3 de l’image Attendre les mouvements fœtaux de telle manière à distinguer la nuque de l’amnios Placer la branche horizontale du curseur sur le fin liseré hyper-èchogène bordant la zone hypoéchogène de la clarté nucale Faire trois mesures et retenir la plus grande 119 interruptions de grossesse ont été réalisées pour anomalie fœtale grave. 66 l’ont été pour anomalie du caryotype à un âge gestationnel moyen de 16+2 semaines :

45 trisomies 21, 7 trisomies 18, 4 trisomies 13, 3 triploïdies et 2 syndromes de Turner.

Pendant cette période, 50 femmes ont fait une fausse couche, dont 5 (1 %) après une biopsie de trophoblaste [2] ou une amniocentèse [3].

Discussion

Le dépistage des anomalies chromosomiques fœtales en France repose réglementairement essentiellement sur la proposition systématique, par disposition légale, d’un dosage des marqueurs sériques maternels entre 14 et 18 semaines d’aménorrhée. Il est donc actuellement sous la responsabilité / le contrôle des laboratoires agréés pour le diagnostic prénatal qui réalisent les dosages des marqueurs sériques maternels et le calcul de risque qui en découle. Les performances de ce dépistage sont d’environ 60 % de détection pour 5-10 % de faux positifs. En dehors d’une performance perfectible, l’inconvénient de ce test est son caractère tardif et par conséquent celui encore plus tardif du diagnostic et éventuellement de l’interruption des fœtus affectées.

Le dépistage échographique et biochimique de la trisomie 21 fœtale s’est développé de façon contemporaine et indépendante. La conséquence est trop souvent un dépistage séquentiel et cumulatif ignorant les résultats rassurants de tests précé- dents lorsque le test suivant indique un risque élevé. Le résultat n’est pas une augmentation de la sensibilité globale mais une augmentation considérable du nombre de gestes invasifs [amniocentèses] dont la morbidité et le coût économique sont devenus inacceptables. Il faut savoir que pour 100 amniocentèses ou biopsies de trophoblaste, une fausse couche surviendra en relation avec ce geste. Or la performance du dépistage par l’âge maternel supérieur à 38 ans et celle de l’utilisation des

TABLEAU 3. — Performance du dépistage des anomalies chromosomiques fœtales au premier trimestre lorsque le risqué est évalué par l’âge maternel et la clarté nucale (CN), l’âge et les marqueurs sériques (MS) et l’ensemble des trois paramètres.

Age + CN Age + MSM Age +NT+ MSM Taux caryotypes % [n] 3.,5 [509] 8 [1160] 2.,9 [424] Sensibilité % [n] 62 [31] 62[31] 78 [40] marqueurs sériques au deuxième trimestre implique de réaliser respectivement 200 et 120 amniocentèses pour diagnostiquer une anomalie chromosomique qui sera donc concomitante de la perte de deux fœtus normaux.

Les résultats de notre étude viennent confirmer les résultats de toutes celles réalisées depuis douze ans et publiées à ce jour qui ont utilisé la même méthodologie et surtout la même démarche qualité dans le calcul du risque. Elle est unique dans sa mise en œuvre à une large échelle en s’appuyant sur un système de soins offert à une population non sélectionnée et un dépistage réalisé par plus de 100 opérateurs dont la certification a largement coïncidé avec la perspective de réaliser cette étude.

Depuis douze ans, au sein de la Fondation pour la Médecine Fœtale, nous avons développé un contrôle de qualité de l’examen échographique basé sur trois principes décomposant la réalisation de l’examen en les comparant à un standard établi par la FMF sur la base de plus de 150 000 examens réalisés au cours de grossesses dont l’issue est connue. Le niveau de l’échographie prénatale de dépistage en France est parmi les meilleurs d’Europe et son organisation devrait bientôt également bénéficier d’une incitation organisationnelle et financière, dans le cadre d’une action de santé publique dans le domaine de la périnatalité.

Cette étude démontre également la faisabilité d’une organisation régionale d’un dépistage dont la qualité peut être ainsi contrôlé au mieux et impliqué tous les acteurs du système de soins. L’acceptabilité par les femmes de cette offre de dépistage est en cours d’évaluation par l’étude de questionnaires mais la littérature internationale ne laisse aucun doute sur cet aspect également. En effet, la très grande majorité des femmes désireuse d’un dépistage préfère la précocité de cette stratégie au prix éventuellement d’un taux de faux positif en moyenne de 1,5 % supérieur lorsque le calcul de risque n’est réalisé qu’après l’échographie du deuxième trimestre [dite échographie morphologique]. La confidentialité du premier trimestre de la grossesse est garante de l’objectivité du choix de ces femmes et la précocité d’une éventuelle interruption de grossesse en est sans doute les éléments les plus déterminants.

Le risque médico-légal et l’évolution législative ayant entouré l’affaire Perruche se sont accompagnés d’un engagement fort de la profession pour une démarche qualité en échographie avec la définition de standards dans la réalisation de l’examen et dans la formation médicale continue dans cette spécialité. Ce cahier des charges est
en train d’être formalisé dans un rapport du Comité Technique National de l’Echographie de Dépistage Prénatal.

On voit donc que la législation Française sur le dépistage qui a certainement montré son utilité en permettant à notre pays de contenir une vague de dépistage sauvage qui a largement envahi certains de nos voisins comme l’Italie ou le taux de caryotype atteint 50 %, est cependant certainement maintenant devenue obsolète.

Un argument souvent opposé au dépistage au premier trimestre est que les laboratoires de cytogénétiques ne seraient pas tous à même de faire face à la demande de la réalisation de caryotypes sur trophoblaste. Dix ans après l’introduction et la validation scientifique du dépistage au premier trimestre, cette mutation rapide s’avère indispensable dans les quelques laboratoires qui ne s’en seraient pas encore préoccupé, sans que cela puisse retarder la mise en œuvre nécessairement progressive de cette nouvelle stratégie de dépistage qui devra également s’assurer de la formalisation de la certification des échographistes et plus généralement de la démarche qualité réalisable au niveau des régions. Notre étude montre également qu’un dépistage au premier trimestre n’entraîne le recours à la biopsie de trophoblaste, alors que l’accès n’était pas limité, que dans la moitié des cas pour lesquels un caryotype est indiqué et que l’on ne semble donc pas devoir redouter une défaillance de l’offre cytogénétique.

Une approche pragmatique et raisonnable du dépistage semble donc pouvoir être organisée au niveau départemental ou régional, proposant un dépistage prénatal précoce, efficace et soumis à un strict contrôle de qualité.

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DISCUSSION

M. Jacques BATTIN

Dans le logiciel qui est annoncé pour la prédiction du risque, quels sont les marqueurs biologiques qui méritent d’être retenus en plus de l’échographie nucale ?

Le seul logiciel de calcul de risque combiné au premier trimestre incluant l’âge maternel , la longueur crânio-caudale (seul marqueur fiable de l’âge gestationnel), la mesure de la clarté nucale, le dosage de la fraction libre de la béta-hcg et celui de la PA-PPA, est celui de la Fetal Medicine Foundation et sa branche francophone que je coordonne. Ce logiciel est utilisé et implémenté depuis cinq ans. Il est soumis à un contrôle de qualité ainsi que ses utilisateurs qui doivent être certifiés par une formation théorique et pratique spécifique et préalable. Il existe plusieurs milliers d’utilisateurs certifiés dans le monde et cette certification et ce logiciel peuvent être facilement obtenus en France.

M. Gilles CREPIN

Combien de diagnostics de trisomie ont-ils été ‘‘ récupérés ’’ au deuxième trimestre et par quel moyen ? Combien d’enfants sont nés trisomiques dans la très grande cohorte présentée ? Dans quel délai le dépistage de la trisomie pourra se faire au seul premier trimestre sachant que l’incertitude est très anxiogène chez les femmes enceintes ?

Il paraît important de préciser que le but du dépistage prénatal est de donner une information claire et loyale à toutes les femmes sur les performances d’un test dont la
sensibilité et le taux de faux positifs sont acceptables dans ce contexte. La sensibilité du test de dépistage combiné au premier trimestre est d’environ 80 %. (41/51 dans notre étude) pour 5 % (3 % dans notre étude) de faux positifs. Parmi les 20 % des fœtus trisomiques qui ne seront pas dépistés, nos résultats (10/51) comme d’autres montrent qu’ils sont accessibles à un dépistage du deuxième trimestre par l’échographie dite de morphologie puisque 60 % (5/10 dans notre étude) présenteront des malformations permettant de les identifier à 22-24 semaines au prix d’un taux de faux-positifs de 1,5 % dans notre étude. Une sensibilité plus importante de l’échographie du deuxième trimestre ne peut être envisagée qu’à la recherche de petits signes non malformatifs et donc peu spécifiques qui augmentent le taux de faux-positifs jusqu’à 30 %, ce qui ne semble pas répondre à la conception du dépistage prénatal exposée plus haut dans une population non sélectionnée, dans laquelle la prévalence de la trisomie 21 est de 1/300 environ. Les cinq enfants trisomiques nés pendant la durée de notre étude ne présentaient aucune malformation et la relecture des tests de dépistage correspondant (y compris lorsque cela a été fait au second trimestre en dehors même du cadre de l’étude) étaient considérés comme indiquant un risque faible. Le dépistage au premier trimestre a maintenant largement fait la preuve de son efficacité et de son acceptabilité. Le texte du décret qui régit le dépistage en France et qui était nécessaire en son temps, fait malheureusement mention du second trimestre comme étant le terme auquel on se doit de proposer un dépistage par les marqueurs sériques. Il devient donc urgent d’aménager le texte de ce décret pour l’adapter aux « nouvelles » (dix ans déjà) réalités techniques et sociologiques du dépistage prénatal.

M. Roger HENRION

Les dosages hormonaux sont théoriquement sûrs. La constatation de la clarté nucale à l’échographie semble beaucoup plus ‘‘ opérateur-dépendant et demande expérience et rigueur. Qui faisait les échographies dans votre département ? Quelle était leur formation ?

Le dosage des marqueurs sériques bénéficie d’une réputation de rigueur dont la littérature montre qu’elle en grande partie usurpée avec des résultats de rendu de risque très différent d’un laboratoire à l’autre sur le même échantillon testé comme l’indique les données de la structure internationale de contrôle des analyses biologiques de dépistage NEQUAS. L’échographie est souvent qualifiée d’examen subjectif et opérateurdépendant. La Fetal Medicine Foundation et sa branche Française ont montré depuis 1992, date à laquelle nous avons importé le dépistage par la mesure de la clarté nucale combiné à l’âge maternel et son utilisation par un logiciel de calcul, la fiabilité et la reproductibilité de l’échographie dans cette application. L’intégration des marqueurs sériques n’a représenté qu’une évolution de ce système de calcule dont l’élément le plus sensible reste la mesure échographique. En effet un processus de formation et de certification auxquels s’attache une démarche qualité basée sur le contrôle semestriel des médianes des mesures de clarté nucale de chaque opérateur certifié permet d’obtenir et de maintenir cette fiabilité. Cent trois opérateurs différents ont participé à notre étude dans ces conditions. Ce contrôle de qualité est opéré par la FMF à Londres gratuitement et de façon impartiale et anonyme. Une procédure d’audit est déclenchée dans le cas ou une déviation significative des mesures d’un opérateur par rapport à la médiane de tous les utilisateurs.

M. Christian NEZELOF

Quelle est la valeur actuelle des données échographiques sur le développement des os de la face chez les trisomiques ?

Le retard d’ossification des os propres du nez chez le fœtus trisomique est aussi connu dans la période post-natale. La documentation échographique de ce processus est possible au prix d’une faible reproductibilité de 70 % en moyenne, qui nous paraît rendre son utilisation en situation de dépistage non souhaitable pour l’instant.

Mme Marie-Odile RÉTHORÉ

Vous avez bien montré l’augmentation du nombre de diagnostics prénatals. Qu’en est-il du coût ? Augmente-t-il ou diminue-t-il ?

L’analyse coût-bénéfice dans le contexte français et francilien pour ce qui concerne notre étude, montre un bénéfice très net en comparaison de ce qui est fait actuellement qui est trop souvent un dépistage séquentiel incluant l’âge maternel puis la clarté nucale puis les marqueurs sériques et enfin l’échographie morphologique, qui implique le cumul des taux de faux positifs de chaque test aboutissant à un taux de caryotypes d’environ 14 % dans les Yvelines. Notre étude a permis de réduire ce taux à environ 5 % en incluant les demandes de caryotypes médicalement injustifiées dans cette population. De plus l’examen échographique de 11-14 semaines est déjà reconnu et son coût pris en charge dans le cadre du suivi de grossesse de toutes les femmes de ce pays et les marqueurs sériques ne coûtent pas plus cher au premier qu’au second trimestre.

M. Bernard BLANC

Dans l’étude Echo-PAPPA, les patientes étaient-elles soumises également à un dépistage classique et quel aurait été le taux de dépistage en comparaison avec celui obtenu ? Sait-on si les fœtus trisomiques non dépistés avaient une indication dans le système « ancien » de dépistage (comme par exemple l’âge ou les marqueurs sériques du deuxième trimestre ?

Quels sont les moyens envisageables pour augmenter encore la sensibilité déjà très élevée de ce dépistage et faut-il envisager une formation échographie spécifique ciblée ? Peut-on proposer de généraliser ce protocole à l’ensemble de la France et éventuellement de remplacer l’indication âge maternel par ce dépistage ? Ceci entraînerait de ne plus prendre en charge l’amniocentèse pour la seule indication d’âge maternel.

Le dépistage du deuxième trimestre était déconseillé et moins de 5 % y ont eu recours, ce qui montre l’acceptabilité du dépistage au premier trimestre. De nombreuses études ont montré l’indépendance des deux types de dépistage sériques en population normale, ce qui cumule leurs taux de faux positifs respectifs, il existe en revanche une concordance chez les fœtus trisomiques. Le cumul des deux tests n’est donc pas souhaitable. La sensibilité est un paramètre important, cependant en terme de dépistage il faut aussi considérer le taux de faux-positifs qui détermine le nombre de caryotypes à réaliser pour faire un diagnostic avec le risque de fausse couche ainsi que la morbidité maternelle qui peut s’y rattacher. Au prix de 5 % de faux positifs la sensibilité de 80 à 90 % rapportée pour le dépistage combiné nous semble optimale en particulier parce qu’elle est obtenue
par des tests acceptables et reproductibles. L’échographie est reproductible dans ce domaine au prix d’une certification spécifique, largement engagée en France par la FMF et généralisable très rapidement. Une volonté affichée des institutions accélèrerait sans aucun doute ce processus. L’indication de l’âge maternel est la plus mauvaise qui soit. En effet 80 % des trisomies fœtales surviennent chez des femmes de moins de 38 ans et les grossesses chez les femmes de plus de 38 ans représentent maintenant environ 15 % des grossesses et non plus 5 % quand ce dépistage a été recommandé il y a plus de vingt ans.

Le nombre de caryotypes à réaliser pour âge maternel pour le diagnostic d’une trisomie fœtale est d’environ 1 000, il est d’environ 60 avec les marqueurs sériques au second trimestre et de seulement 12 avec le dépistage combiné du premier trimestre. Faire un dépistage est toujours une médecine probabiliste, l’âge maternel seul doit être abandonné car il représente le plus mauvais calcul de risque et est de toutes façons intégré dans les autres formes de dépistage.


* 1 Université Versailles-St-Quentin en Yvelines. Département de Gynécologie-Obstétrique, CHI de Poissy-St Germain. 2. Fetal Medicine Foundation [FMF]. Devonshire Place London SW1. yville@wanadoo.fr Tirés à part : Professeur Yves VILLE, même adresse. Article reçu le 26 avril 2005, accepté le 17 octobre 2005.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 8, 1773-1787, séance du 15 novembre 2005