Communication scientifique
Séance du 7 juin 2011

Particularités et modalités de la prise en charge de l’hypertension artérielle dans les pays d’Afrique sub-saharienne

MOTS-CLÉS : afrique subsaharienne. hypertension artérielle. systeme cardiovasculaire. thérapeutique.
Particularities and management of arterial hypertension in sub-saharan Africa
KEY-WORDS : africa south of the sahara. cardiovascular system. hypertension. therapeutics

Laurent Fourcade, Jean-Etienne Touze

Résumé

L’hypertension artérielle (HTA) représente un problème de santé publique à l’échelle mondiale. Plus d’un quart de la population mondiale adulte est hypertendue, cette proportion devrait augmenter dans les années à venir et l’Afrique subsaharienne ne fait pas exception à cette tendance : cent cinquante millions de patients y souffriront d’HTA en 2025. Cette augmentation est liée au vieillissement et à la croissance de la population, mais aussi à la multiplication du nombre de sujets obèses ou en surpoids, avec une association au diabète de type 2 fréquente et délétère. Ces tendances sont étroitement associées à l’urbanisation et au changement de mode de vie. En Afrique subsaharienne, l’HTA comporte des particularités étiopathogéniques, notamment son caractère sodium-dépendant et une activité rénine basse. Les complications sont fréquentes, témoignant à la fois d’une prise en charge thérapeutique tardive et déficitaire, ainsi que d’une probable susceptibilité d’origine génétique. L’insuffisance cardiaque, les accidents vasculaires cérébraux et l’insuffisance rénale surviennent souvent chez des sujets jeunes. Sur le plan thérapeutique, les contraintes logistiques et économiques rendent les recommandations des sociétés savantes difficilement applicables à l’échelle communautaire. Diurétiques thiazidiques et inhibiteurs des canaux calciques doivent être privilégiés, en association aux mesures hygiéno-diététiques et notamment à la réduction des apports sodés.

Summary

More than 25 % of adults worldwide have high blood pressure, and this proportion is expected to rise in coming years. In sub-Saharan Africa, it is estimated that 150 million persons will be hypertensive by 2025. This increase appears to be related to the growth and aging of the population, as well as to the growing number of overweight and obese persons. The association with type-2 diabetes is frequent and deleterious. These trends are associated with urbanization and lifestyle westernization. Hypertension presents several etiopathogenic particularities in sub-Saharan Africa, especially with respect to sodium sensitivity and low renin activity. Target organ damage is more common, due to delayed and inadequate therapeutic management and to a likely genetic predisposition. Heart failure, stroke and renal failure often occur in young people. The mainstay of treatment is the use of thiazide diuretics and calcium channel blockers, combined with lifestyle and dietary measures (especially sodium restriction). Because of logistic and economic difficulties, recommendations issued by international societies may not be applicable at the community level.

L’hypertension artérielle (HTA) représente un problème de santé publique à l’échelle mondiale en raison de sa fréquence et des risques de complications cardiovasculaires et rénales. Plus d’un quart (26,4 %) de la population mondiale adulte est hypertendue, et cette proportion devrait atteindre 29,2 % en 2025 [1]. C’est le plus fréquent des facteurs de risque cardiovasculaires, impactant fortement le phénomène de transition épidémiologique dans les pays en développement (PED). Avec le diabète et le tabac, l’HTA contribue fortement à la progression des maladies non transmissibles dans ces pays. La prévalence de l’HTA augmente régulièrement dans les PED en raison de la croissance et du vieillissement de la population, mais aussi de l’augmentation du nombre de sujets obèses ou en surpoids, parallèlement au phénomène d’urbanisation. Le nombre d’hypertendus devrait augmenter de 80 % dans les PED entre 2000 et 2025, quand cette augmentation ne sera que de 24 % dans les pays développés, contribuant encore à accroître les inégalités en termes de santé [1]. L’Afrique subsaharienne (ASS) ne fait pas exception à cette tendance et l’HTA y comporte certaines particularités étiopathogéniques et thérapeutiques.

ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Définie par une pression artérielle (PA) supérieure ou égale à 140/90 mm Hg, l’HTA touche actuellement environ 28 % de la population adulte âgée de plus de 20 ans en ASS [1]. Il existe des variations régionales du taux de prévalence ajusté à l’âge, qui varie entre 15 et 35 % selon les études [2]. On note une légère différence entre les hommes (26,9 %) et les femmes (28,3 %), liée à une interaction entre l’âge et le sexe.

Dans la tranche d’âge 60-69 ans, le taux d’hypertendus atteint 57,4 % chez les hommes et 61,5 % chez les femmes. Par ailleurs, il existe des disparités importantes entre milieux rural et urbain [3]. En effet, les études montrent que dans la population âgée de plus de 65 ans, la prévalence de l’HTA est d’environ 30 à 40 % en milieu rural [4], et s’élève à 50 à 60 % dans une population urbaine d’Afrique du Sud [5].

 

Impact de l’urbanisation et évolution des zones rurales

Les études anciennes réalisées en ASS faisaient état d’une prévalence faible (<10 %) de l’HTA dans des populations vivant de manière traditionnelle et principalement rurales. Plus récemment, de multiples travaux ont rapporté une prévalence standardisée élevée (>30 %) dans les grandes villes africaines [3]. Actuellement, tandis que la prévalence de l’HTA s’élève progressivement dans de nombreuses zones rurales au prorata du niveau d’acculturation, la différence entre ville et campagne reste généralement marquée.

Une étude récente rapporte une prévalence standardisée en milieu rural variant entre 17 et 27 % selon les pays (22 % en moyenne) [6]. Au Cameroun, la prévalence de l’HTA dans une zone rurale en voie d’urbanisation a plus que doublé en l’espace de dix ans, sous l’effet de facteurs tels que la progression de l’obésité et la consommation d’alcool [7]. Au Kenya, l’étude longitudinale d’une population rurale migrant vers la ville de Nairobi a objectivé une augmentation de la PA, associée à des modifications biométriques et biologiques : poids et fréquence cardiaque plus élevés, plus forte excrétion urinaire de sodium témoignant d’un régime alimentaire plus riche en sel [8]. Ces modifications sont liées au changement de régime alimentaire des nouveaux citadins, plus calorique et à plus forte teneur sodée.

Ces différences de PA entre milieux rural et urbain illustrent l’impact globalement négatif de l’urbanisation sur les déterminants du risque cardiovasculaire : élévation de la PA et de l’index de masse corporelle (IMC : poids/taille2), modification de la glycémie et de la cholestérolémie, consommation de tabac. Ces facteurs de risque sont les promoteurs des maladies cardiovasculaires et leur progression résulte directement des changements de comportement et du style de vie liés à l’urbanisation : réduction des activités physiques et sédentarité, modification alimentaires et accentuation du stress psychosocial, documentés par l’étude INTERHEART [9].

Corrélation entre surpoids/obésité et HTA

L’IMC est positivement corrélé au niveau de PA systolique et diastolique dans différentes populations. Un travail récent a confirmé cette relation dans la population éthiopienne, majoritairement maigre, et présentant un taux élevé de dénutrition (IMC moyen 19,4 kg/m2 chez les hommes). Le risque de développer une HTA apparaît significativement supérieur dans le groupe présentant un surpoids ou une obésité [10]. La relation entre l’IMC et la prévalence de l’HTA a aussi été retrouvée dans une population rurale du Cameroun étudiée à dix ans d’intervalle [7]. En Afrique de l’Est, la prévalence de l’HTA est corrélée à l’âge, à l’élévation de l’IMC, à la sédentarité et au fait de posséder un téléviseur [6]. Dans les populations africaines, la fréquence de l’obésité est plus grande chez les femmes pour des raisons socioculturelles. Dans une étude réalisée en Afrique du Sud, 30 % des femmes noires adultes étaient obèses, contre seulement 8 % des hommes [11]. Dans ce même pays, on estime la prévalence de l’obésité dans la population noire à 21 % en zone rurale, et 33,8 % en zone urbaine ; en l’espace de cinquante ans, la part des graisses dans l’alimentation des citadins à augmenté de 60 % [12]. L’élévation de l’IMC et la prévalence de l’HTA suivent globalement le degré d’occidentalisation du mode de vie [13].

HTA et risque cardiovasculaire global

Dans l’étude INTERHEART, l’HTA est le facteur de risque cardiovasculaire le plus fortement lié à la survenue d’un infarctus du myocarde (IDM) chez l’africain : la proportion d’IDM attribuables à l’HTA y est de 29,6 %. L’association aux autres facteurs de risque, tabagisme, diabète et obésité abdominale, et à un moindre degré les dyslipidémies devient fréquente [9]. En zone rurale, une étude récente à montré une forte augmentation de la prévalence du tabagisme et la progression de la consommation régulière d’alcool [14].

Le risque cardiovasculaire global est évalué par des tables multiparamétriques validées par l’OMS pour les pays à faibles revenus [15]. La PA est un des paramètres pris en compte, au même titre que l’âge et le sexe, le tabagisme, l’existence d’un diabète, et la cholestérolémie. Ce dernier paramètre nécessite un dosage par un laboratoire et n’est pas toujours disponible ; par défaut l’OMS propose l’utilisation d’une concentration moyenne du cholestérol, dérivée des études de surveillance nationales.

Perspectives épidémiologiques

Avec l’allongement de l’espérance de vie (tempérée par l’épidémie de VIH/Sida) et l’occidentalisation des comportements, l’HTA est désormais devenue l’un des grands problèmes de santé publique en ASS. Le nombre d’hypertendus dans la population adulte devrait doubler entre 2000 et 2025 compte tenu de l’accroissement de la population. Selon les projections de Kearney, il y aura environ 150 millions d’hypertendus dans le sous-continent subsaharien en 2025 (figure 1), avec les implications que cela comporte sur le plan de la santé publique et de l’économie de la santé dans des pays aux ressources limitées [1].

PARTICULARITÉS ÉTIOPATHOGÉNIQUES DE L’HTA EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Des travaux initialement réalisés dans la population afro-américaine puis en Afrique du Sud ont permis de mieux comprendre certains traits particuliers, mais leur interprétation doit rester prudente car les résultats ne s’appliquent pas obligatoirement à tous les groupes sur le continent.

Fig. 1. — Nombre de sujets hypertendus dans la population d’Afrique subsaharienne âgée de 20 ans et plus. Projection à 2025. D’après Kearney et al. [1].

Une plus grande vulnérabilité à l’HTA des sujets d’origine africaine a été évoquée.

En fait, il semble plutôt s’agir d’une plus grande sensibilité à des facteurs environnementaux tels que l’obésité, un régime riche en sel et pauvre en potassium, la consommation excessive d’alcool ou le stress psycho-social. L’importance des facteurs environnementaux est fortement suggérée par la plus grande fréquence de l’HTA dans les populations urbaines. Ainsi peut-on formuler l’hypothèse d’une prédisposition génétique des sujets d’origine africaine à générer une plus forte élévation de la PA en présence des facteurs promoteurs classiques . Plusieurs de ces facteurs sont étroitement liés à l’urbanisation, au mode de vie et à l’alimentation qui lui sont associés. L’importance respective des facteurs génétiques et environnementaux dans le déterminisme de l’HTA demeure mal connue, en Afrique comme ailleurs. Parmi les particularités évoquées, certaines paraissent plus pertinentes et/ou comportent des implications thérapeutiques (Tableau 1).

Activité rénine basse

Anciennement identifiée, elle explique au moins partiellement la dépression du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA). Si cette suppression de l’activité rénine est fréquemment retrouvée dans les populations d’origine africaine, il existe une large fourchette de valeurs avec de nombreux patients exprimant un niveau intermédiaire d’activité rénine [16]. Plusieurs mutations ont été associées à ce profil hormonal et à une HTA souvent sévère : par exemple la mutation R563Q codant pour le canal sodique épithélial ENaC, impliqué dans l’homéostasie du sodium [17].

Outre un probable déterminisme génétique, des facteurs environnementaux pour-

Tableau 1. — HTA en Afrique subsaharienne : facteurs étiopathogéniques et implications thérapeutiques (IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion ; SRAA : système rénine-angiotensinealdostérone).

Facteurs étiopathogéniques

Implications thérapeutiques

Activité rénine basse Moindre réponse IEC en monothérapie Phénotype sensible au sel Efficacité du régime hyposodé et des diurétiques thiazidiques Mutations gènes régulateurs du SRAA Moindre effet (paradoxal) des agents Augmentation des résistances vasculaires β-bloquants périphériques (hyperactivité sympathique) Efficacité des inhibiteurs des canaux calciques Surpoids et obésité Stress psycho-socio-économique raient également intervenir : en Afrique du Sud, ce profil d’HTA à rénine basse est plus souvent rencontré dans les populations urbaines [18]. Ce trait physiopathologique rend compte de la moins bonne efficacité des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) en monothérapie dans ces populations [19].

Phénotype sensible au sel

Défini par l’élévation de PA consécutive à une charge en sel, sa prévalence est plus élevée dans les populations d’origine africaine, particulièrement chez les sujets hypertendus (>50 %). Il s’agit d’un phénotype rénal à déterminisme génétique complexe, caractérisé par une réabsorption sodée accrue au niveau de la branche ascendante de l’anse de Henlé. Des travaux réalisés dans la population afroaméricaine ont montré que la diminution du sodium dans la partie distale du système tubulaire induit une vasodilatation de l’artériole afférente et une vasoconstriction de l’artériole efférente (feedback tubulo-glomérulaire), induisant une augmentation de la pression et de la filtration glomérulaires [20].

Il en résulte une surcharge volumique, une élévation de la concentration cellulaire en sodium et la potentialisation de la réactivité vasculaire au système sympathique. On comprend ainsi l’efficacité thérapeutique du régime hyposodé et des diurétiques thiazidiques. La modification de l’hémodynamique intra-rénale induit aussi une augmentation de la protéinurie, dont certains composants ont une toxicité directe pour le parenchyme rénal, favorisant la fibrose interstitielle et créant les conditions d’une prédisposition à l’insuffisance rénale [21, 22].

D’autres facteurs ont été incriminés, parmi lesquels diverses mutation des gênes régulateurs du SRAA. Jusqu’à présent, aucun polymorphisme des gênes codant pour l’angiotensinogène ou l’aldostérone n’a pu être parfaitement corrélé avec l’apparition d’une HTA dans la population d’origine africaine. Les travaux portant sur l’élévation des résistances vasculaires périphériques paraissent plus intéressants, témoignant d’une réactivité sympathique exacerbée. L’exposition récurrente à des stress environnementaux ou sociaux pourrait ainsi participer à l’élévation chronique des résistances vasculaires. Dans ce contexte, le moindre effet des médicaments β-bloquants peut paraître paradoxal ; par contre la bonne efficacité des inhibiteurs des canaux calciques (vasodilatateurs) trouve peut-être ici son explication.

ASPECTS CLINIQUES : RISQUE CARDIOVASCULAIRE ET RÉNAL DE L’HTA

En Afrique subsaharienne, l’HTA reste longtemps méconnue et le diagnostic est souvent porté à l’occasion des complications évolutives. Les principales raisons de cette méconnaissance sont le caractère longtemps asymptomatique de l’HTA et le déficit de dépistage systématique [7]. L’HTA est prise en charge tardivement et souvent de façon inadéquate, laissant s’installer les complications. Mais la grande fréquence des complications au niveau des organes cibles est probablement multifactorielle : l’HTA de l’Africain est-elle plus sévère, moins bien traitée, ou est-il plus vulnérable ? Des arguments cliniques et génétiques plaident en faveur d’un certain degré de susceptibilité, avec, par exemple, des cas d’agrégation familiale pour l’insuffisance rénale terminale corrélés à des marqueurs génétiques [23].

En dehors de la crise aiguë hypertensive ou de l’HTA maligne, les modes d’expression clinique de l’HTA sont dominés par l’insuffisance cardiaque (IC), les accidents vasculaires cérébraux (AVC), et l’insuffisance rénale (IR).

Complication cardiaques

L’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) est un marqueur du retentissement cardiaque de l’HTA, objectivé par l’électrocardiogramme ou l’échocardiographie quand ils sont disponibles. Dans le contexte des soins primaires, une étude sudafricaine a montré l’existence d’une HVG chez 35 % des patients suivis pour HTA, significativement associée au mauvais contrôle tensionnel [24]. L’IC est une modalité évolutive fréquente. Les cardiopathies hypertensives peuvent se présenter sous la forme d’une IC à fonction systolique préservée associée à une HVG concentrique.

Plus tardivement, le remodelage ventriculaire réalise un aspect de cardiomyopathie hypokinétique. Si la maladie coronaire demeure actuellement peu fréquente en ASS, son incidence devrait croitre au cours des années à venir avec l’expansion des différents facteurs de risque. A ce titre, dans le volet africain de l’étude INTERHEART, l’HTA est fortement liée à la survenue d’un IDM [9].

Complications neurologiques

L’épidémiologie précise des AVC reste mal connue en Afrique. En revanche, les séries hospitalières désignent constamment l’HTA comme le premier facteur de risque d’AVC. Ces accidents surviennent volontiers chez des patients jeunes et sont compliqués d’une mortalité élevée [25]. A Dakar, 70 % des AVC sont de nature ischémique, survenant chez des patients âgés en moyenne de soixante-quatre ans ;

l’HTA est le premier facteur de risque, retrouvée chez 68 % des patients ; la mortalité est de 38 % à un mois. Les AVC hémorragiques surviennent chez des patients âgés en moyenne de cinquante et un ans, hypertendus dans 44 % des cas, avec une mortalité de 56 % à un mois. Chez les patients hypertendus et victimes d’AVC, la nonobservance du traitement est retrouvée dans 45 % des cas [26]. Une étude réalisée dans la communauté d’origine africaine en Angleterre montre que les patients victimes d’AVC sont jeunes (soixante-cinq ans en moyenne) et très souvent hypertendus (83 %). Cette étude fait apparaître une particularité : dans la population d’origine africaine, 33 % des AVC ischémiques sont dus à une maladie des petits vaisseaux intracérébraux (vs 14 % chez les non-africains ; RR 2,94), avec une grande proportion d’AVC de type lacunaire [27]. Cela suggère une possible susceptibilité cérébrale à l’HTA dans les populations d’origine africaine, justifiant des mesures énergiques en matière de prévention.

Complications rénales

La fréquence de l’IR chronique chez l’hypertendu africain tient pour partie à une vraisemblable prédisposition génétique [21, 23], et également beaucoup au retard de prise en charge et à l’insuffisance du traitement. Chez des hypertendus suivis au niveau de structures de soins primaires, une atteinte rénale est présente chez 26 % des patients, significativement associée à l’âge et à la coexistence d’un diabète, et atteint 30 % quand l’HTA est mal contrôlée [24]. Le risque d’évolution vers l’IR terminale est très élevé : l’HTA est la première cause d’IR terminale des Noirs en Afrique du Sud, responsable de 51,2 % des cas et synonyme de décès à court terme en l’absence d’épuration extra-rénale, laquelle demeure une ressource rare sur le continent [28].

IMPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES ET PRÉVENTION

La prise en charge de l’HTA en ASS constitue un défi de santé publique qui doit mettre en œuvre une politique de dépistage, l’intégration de mesures thérapeutiques économiquement réalisables dans un contexte d’accès aux soins souvent restreint, et des actions ciblées de prévention primaire.

Effort de dépistage et seuil d’intervention

La mesure de la PA à l’aide d’appareils validés constitue le préalable à toute action.

Selon les différents systèmes de santé, ce simple geste n’est toujours pas accessible partout. Au Sénégal, les infirmiers des postes de santé disposent d’un tensiomètre et ont reçu une formation adéquate. Au Mali, des actions de mise en place des moyens de diagnostic et de traitement sont en cours [29]. S’il ne paraît pas souhaitable de déroger aux règles fixées par l’OMS, et si l’objectif est de traiter autant d’hypertendus que possible, certains s’interrogent sur le rapport coût/efficacité du traitement de l’HTA, compte tenu de la charge que cela représente dans un contexte de fortes contraintes économiques. La valeur de PA justifiant la prescription d’un traitement médicamenteux est un paramètre crucial, fixée à 140/90 mm Hg par l’OMS. Cependant le nombre de patients à traiter pour éviter un événement cardiovasculaire variant avec le seuil choisi, la rentabilité pourrait être accrue par un seuil relevé à 160 mm Hg [30]. Ces considérations doivent être prises en compte par les autorités de santé pour définir des politiques locales adaptées aux ressources économiques du moment. L’exemple est fourni par l’initiative RHYTM au Mali, qui fixe le seuil d’intervention médicamenteuse à 160/100 mm Hg en l’absence de complication ou de diabète, des mesures hygiéno-diététiques étant prescrites en deçà [29].

L’évaluation du risque cardiovasculaire global peut aider à sélectionner les patients à plus haut risque, et l’utilisation des tables est recommandée par l’OMS [15]. Au minimum, l’utilisation de bandelettes urinaires pour le dépistage de la protéinurie, et la détermination de la glycémie capillaire doivent être favorisées. La prise en compte du risque global est certainement plus efficace que la seule considération des chiffres de PA en terme de rentabilité économique [31].

Mesures hygiéno-diététiques

Incontournables, elles n’occasionnent aucune dépense supplémentaire et leur non respect est une cause de résistance au traitement. En ASS, le régime hyposodé (<6 g de sel par jour) est primordial : il permet d’obtenir une meilleure réponse au traitement médicamenteux et pourrait limiter la dégradation de la fonction rénale [21, 32]. Un apport alimentaire suffisant en potassium doit lui être associé. Outre la modération dans l’utilisation du sel de cuisine identifié par tous, les diverses sources de sel doivent être expliquées. Il s’agit des préparations industrielles lyophilisées ou liquides, très riches en sel, qui servent à la préparation de sauces et accompagnent les plats à base de riz. Une étude randomisée réalisée en Afrique du Sud dans des populations pauvres, montre l’efficacité d’une telle mesure pour abaisser la PA [33].

Cette restriction sodée est souvent mal acceptée par des populations pour lesquelles le sel possède une symbolique de force et de vie.

La lutte contre l’obésité est un objectif également prioritaire. En association à l’activité physique régulière, un régime de type DASH riche en légumes et en fruits a montré son effet bénéfique sur l’HTA, amplifié par la restriction sodée dans une population incluant une grande proportion de sujets d’origine africaine [32, 34].

Cependant, un tel régime ou son équivalent utilisant des denrées locales, n’est pas facilement applicable dans les villes africaines et paradoxalement onéreux. Pourtant, le régime alimentaire traditionnel riche en hydrates de carbone et pauvre en graisses est relativement protecteur, tandis que même en milieu rural, les habitudes alimentaires se modifient au profit d’une occidentalisation du régime, comportant des denrées manufacturées salées et hypercaloriques.

La consommation excessive d’alcool ou celle de toxiques hypertenseurs doit être recherchée par l’interrogatoire. Par exemple, la consommation régulière de khat ( Catha edulis ) dans les pays de la corne de l’Afrique est associée à une élévation de la

PA imputée à des composants amphétamine-like [35]. De surcroît, à Djibouti la consommation de boissons sucrées destinées à apaiser l’amertume du khat concourt à la rapide progression du diabète de type 2.

Choix d’un médicament

L’inégale efficacité des différentes classes thérapeutiques chez les sujets d’origine africaine est une donnée classique [36]. Cependant les études de référence ont principalement été réalisées dans la population afro-américaine, comme l’étude ALLHAT [37]. Des recommandations ont été publiées en 2010 par l’International Society on Hypertension in Blacks (ISHIB) [32]. Schématiquement en traitement de première ligne, chez des patients indemnes de complication et porteurs d’une HTA légère, une monothérapie par un diurétique thiazidique ou un inhibiteur des canaux calciques (ICa) doit être privilégiée ; les β-bloquants, les IEC et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II sont moins efficaces (tableau 1).

Si ces données demeurent fondées à l’échelle d’une population, il importe de garder deux notions à l’esprit. Des individus peuvent exprimer une sensibilité très variable à une classe thérapeutique et il existe un large chevauchement dans la réponse aux antihypertenseurs [38, 39]. Le choix d’un traitement doit tenir compte de l’efficacité individuelle et des indications liées aux éventuelles comorbidités. Les récentes recommandations de l’ISHIB préconisent l’introduction rapide d’une bithérapie, dés lors que la PA dépasse de 15/10 mm Hg l’objectif tensionnel (<135/85 mm Hg et <130/80 mm Hg en situations de prévention primaire et secondaire respectivement).

L’association synergique d’un ICa ou d’un diurétique thiazidique avec un bloqueur du SRAA est ainsi recommandée pour un niveau de risque relativement bas [34].

Au-delà de l’abaissement de la PA, le bénéfice attendu en matière de réduction des complications varie en fonction des classes thérapeutiques. L’étude ALLHAT a montré la supériorité d’un diurétique thiazidique pour réduire le risque d’AVC et d’insuffisance cardiaque par rapport à un IEC dans la population afro-américaine [37]. Dans cette même population, l’étude AASK a montré qu’un traitement par IEC permettait de ralentir la dégradation de la fonction rénale et de diminuer la protéinurie par rapport à des stratégies utilisant un ICa [40]. Quant à la légitimité d’appliquer le résultat de ces études en ASS, la question demeure tant que des essais à grande échelle n’y seront pas réalisés.

Le critère du coût est enfin fondamental dès lors qu’il s’agit d’une affection chronique et de populations pauvres. Ainsi les recommandations de l’ISHIB paraissent difficilement applicables dans la plupart des pays d’ASS. Une approche plus réaliste est nécessaire, avec un dépistage au niveau communautaire en retenant le seuil OMS de 140/90 mm Hg et une utilisation rationnelle des ressources disponibles [41]. A cet égard les diurétiques thiazidiques sont les plus accessibles ; avec un coût mensuel de 500 à 2 000 francs CFA, soit un à trois euros, ils doivent faire systématiquement partie de la stratégie thérapeutique, l’utilisation à faible posologie minorant le risque d’effet indésirable comme l’hypokaliémie. Quatre antihypertenseurs figurent dans la liste des médicaments essentiels de l’OMS (hydrochlorothiazide, amlodipine, aténolol et énalapril en première ligne), déclinée sous la forme de listes nationales. Malgré de fortes variations de prix, l’appartenance à ces listes est garante d’une meilleure accessibilité économique [42]. L’absence quasi généralisée d’assurance maladie est en effet au centre des difficultés d’accès aux soins, et le faible revenu per capita est un obstacle majeur à la prise en charge thérapeutique. A ces difficultés d’ordre économique il convient d’ajouter des problèmes d’approvisionnement irrégulier et de médicaments non conformes.

CONCLUSION

En ASS, la morbidité cardiovasculaire induite par l’HTA et la nécessité de traiter de très nombreux patients sont des défis de santé publique que les autorités de ces pays doivent déjà affronter. Les maladies chroniques telles que l’HTA et le diabète nécessitent une réorganisation des systèmes de soins et la redistribution de certaines tâches vers les structures de soins primaires, au plus près des populations [43]. Au plan individuel, l’HTA est une affection chronique dont la prise en charge est souvent difficile dans le contexte africain. Sur le plan culturel, la difficulté du patient à appréhender le concept de maladie chronique et la propension à rechercher une explication invisible à ses maux rendent l’observance d’un traitement très aléatoire, indépendamment des difficultés économiques. Les études font état d’un taux de contrôle de l’HTA (TA<140/90 mm Hg) fluctuant entre 1 % et 47 % [44]. Cependant toute baisse de la TA, même sous-optimale, est associée à un bénéfice clinique proportionnel sur le plan de la prévention des complications cardiovasculaires, et en la matière toutes les actions sont utiles.

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DISCUSSION

Mme Monique ADOLPHE

Quelle est la part du vieillissement en Afrique dans le développement des maladies (hypertension et diabète) ?

Le vieillissement intervient en Afrique comme ailleurs dans le développement de l’HTA et du diabète. On sait notamment que le niveau moyen de la pression artérielle augmente avec l’âge dans toutes les populations. Toutefois, dans ce continent, l’espérance de vie a certes progressé mais reste inférieure à celle des pays les plus avancés pour plusieurs raisons. La première est que les progrès obtenus dans la lutte contre les maladies infectieuses restent modestes avec une mortalité infantile toujours élevée (paludisme, pneumopathies, diarrhées). La seconde est que le VIH/SIDA est une cause importante de mortalité en Afrique subsaharienne. La troisième raison est que la plupart de ces pays sont démunis pour prendre en charge efficacement les maladies liées au vieillissement. En Afrique, comme dans l’ensemble des PED, l’effet démographique se conjugue donc à la forte émergence des autres facteurs favorisants de l’HTA et du diabète, comme la progression de l’obésité et de la sédentarité et les modifications des habitudes alimentaires.

M. Raymond ARDAILLOU

Pensez-vous que l’apport de sel dans l’alimentation d’une population dépend autant de l’éducation que de décisions politiques sur le contenu en sel des aliments préparés offerts à la vente ?

À l’échelle d’un pays, la réduction de l’apport de sel dans l’alimentation relève normalement autant de l’éducation que des décisions politiques. C’est le cas dans les pays les plus avancés, et ce devrait être le cas dans les pays d’Afrique subsaharienne mais ces deux leviers y font malheureusement largement défaut. En effet, dans ces régions la réduction du sel alimentaire est très difficile à obtenir. Or, l’apport alimentaire en sel, dont l’impact sur la pression artérielle est bien connu depuis l’étude Intersalt , constitue un fort promoteur de l’HTA en Afrique du fait de la grande fréquence du phénotype sensible au sel. Longtemps demeuré une ressource rare, symbole de richesse et de prospérité, le sel alimentaire est profondément ancré dans la culture alimentaire africaine. L’accès à des denrées industrielles intégrant de grandes quantités de sel afin d’en relever les qualités gustatives vient encore renforcer cet état de fait, notamment en milieu urbain. Bien que ces données soient connues des professionnels de santé, la volonté politique d’abaisser la consommation alimentaire de sel demeure déficitaire. Cela traduit une prise de conscience insuffisante de la part des autorités, mais aussi les difficultés pour faire accepter de telles contraintes à la fois par la population et par l’industrie alimentaire.

M. André VACHERON

Vous avez cité, à juste titre, le bouillon cube comme source d’apport de sel. Les africains l’apprécient et avec la cigarette et la bière, c’est l’un des trois facteurs délétères que nous avons apportés à l’Afrique subsaharienne.

Le régime alimentaire traditionnel africain, riche en sucres lents et en fibres, tend progressivement à céder la place à des aliments industriels gras et salés. A l’image de ce qui se passe pour le tabac et la bière, une forte pression publicitaire encourage l’utilisation par les familles de sauces et de préparations aromatiques extrêmement riches en sel. C’est ici que pourrait s’exercer le rôle des autorités politiques, en exigeant par exemple la diminution de la teneur en sel du pain ou des bouillons cubes qui contiennent jusqu’à 10 g de sel par litre, conjointement à la suppression ou au moins la régulation de la promotion du tabac et de l’alcool qui est un facteur de déséquilibre tensionnel.

 

<p>* Cardiologie, Hôpital d’Instruction des Armées Laveran, BP 60149, 13384 Marseille cedex 13 ; e-mail : fourcadelaurent@orange.fr ** Centre Cardio Vasculaire Valmante, 13009 Marseille, Membre de l’Académie nationale de médecine. Tirés à part : Professeur Laurent Fourcade, même adresse Article reçu le 2 mai 2011, accepté le 30 mai 2011</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 6, 1269-1283, séance du 7 juin 2011