Communication scientifique
Session of 16 novembre 2010

Optimisation de la prise en charge de l’ostéoporose

MOTS-CLÉS : densitométrie. fractures ostéoporotiques. ostéoporose
Management of osteoporosis : room for improvment
KEY-WORDS : bone. densitometry.. osteoporosis. osteoporotik fractures

Christian Roux

Résumé

Le but des traitements de l’ostéoporose est de prévenir la survenue ou la récidive des fractures. L’optimisation de la prise en charge passe par une meilleure détection des patientes les plus à risque, en particulier celles ayant déjà souffert de fracture. En l’absence de fracture l’identification des facteurs de risque, et l’estimation du risque fracturaire, par exemple par le FRAX, permettent de détecter les patientes pour lesquelles un traitement s’impose. Plusieurs traitements ont aujourd’hui démontré leur efficacité, et la persistance des traitements doit être vérifiée. Les mesures non pharmacologiques (adaptation du régime, exercice physique) font partie de l’adaptation individuelle du traitement.

Summary

The objective of anti-osteoporotic treatments is the prevention of the first or recurrent fractures. Screening of at risk patients is the basis of improvement of osteoporosis management. Prevalent fractures are strong determinants of incident fractures. In patients without fractures screening of risk factors, and quantification of risk using FRAX® tool, allows detection of patients who should receive highest priority for treatment. Several drugs have shown that they are able to decrease the risk of fracture, providing persistence and compliance. Non pharmacological approach (including nutrition and physical activity) is part of optimal management of osteoporosis. L’ostéoporose est un des enjeux majeurs de santé dans les pays développés, comptetenu de sa fréquence, et des conséquences potentiellement graves des fractures dont elle augmente le risque [1]. Des progrès très importants ont été réalisés dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie, dans son diagnostic, en particulier par l’usage de l’absorptiométrie biphotonique à rayons-X, et dans son traitement. Plusieurs molécules ont apporté la preuve de leur efficacité, c’est-à-dire leur capacité à réduire le risque de fracture [2, 3]. Les institutions se sont engagées en faisant en 2004 de la réduction de la fracture de l’extrémité supérieure du fémur un des objectifs de la Loi de Santé Publique, puis en définissant les conditions d’accès au remboursement à la densitométrie, et les recommandations pour l’usage des traitements de l’ostéoporose. Les conséquences des fractures ostéoporotiques en terme de morbidité et de mortalité, en particulier pour la fracture de l’extrémité supérieure du fémur (ESF), sont connues de tous. Pourtant le diagnostic d’ostéoporose est évoqué chez moins de la moitié des patients venant de subir une fracture, et une densitométrie proposée chez moins de 30 % d’entre eux [4]. Une minorité de patients reçoit un traitement anti-ostéoporotique après la survenue d’une fracture, y compris ceux qui viennent de subir une fracture de l’ESF [4]. Dans une enquête récente, nous avons montré qu’à l’inverse parmi des patientes ménopausées recevant un traitement antiostéoporotique, il n’est pas possible de retrouver les critères habituels d’indication de ces traitements (densité osseuse basse, fracture prévalente…) chez plus de la moitié d’entre elles. Enfin les patientes ont aussi leur part de responsabilité, car la persistance des traitements anti-ostéoporotiques est très faible : moins de la moitié des patientes restent persistantes un an après la prescription, problème habituel des maladies chroniques jugées asymptomatiques [5]. L’optimisation de la prise en charge a un but : réduire la survenue ou la récidive des fractures. Nous n’avons pas d’élément actuellement pour penser que cette optimisation viendra seulement de l’amélioration des traitements : les plus récents montrent que l’on peut réduire de plus de moitié le risque de fracture vertébrale, mais il semble exister un plateau d’efficacité pour les fractures périphériques, en particulier de l’extrémité supérieure du fémur. On peut en revanche proposer une meilleure sélection des patientes nécessitant un traitement, un meilleur choix des traitements en accord avec la patiente, et une meilleure persistance de celui-ci.

Reconnaître les patientes les plus à risque

Tous les os du squelette sauf le crâne, le rachis cervical, les mains et les orteils peuvent être l’objet d’une fracture par fragilité osseuse. Les fractures périphériques, en dehors de la hanche, sont de loin les plus fréquentes, et sont une indication reconnue à la pratique d’une densitométrie, afin de vérifier l’existence d’une fragilité osseuse systémique. La fracture vertébrale occupe une place singulière parmi les fractures ostéoporotiques : ce n’est pas un événement binaire, mais peut-être au contraire une déformation progressive. Elle peut survenir sans traumatisme appa- rent, en particulier sans chute, et la réparation anatomique de l’os n’est pas possible.

On estime qu’un tiers environ de ces fractures fait l’objet d’un diagnostic : les douleurs sont parfois minimes, elles manquent de spécificité, et les compte rendus radiologiques parlent parfois de déformation ou de tassement, mais sans employer le mot de fracture. Pourtant ces fractures vertébrales, même asymptomatiques, sont un marqueur de sévérité de la maladie, pour trois raisons : la surmortalité induite par les fractures vertébrales cliniques chez les personnes âgées est du même ordre que celle bien connue des fractures de l’ESF ; la morbidité des fractures étagées, de l’hypercyphose, est démontrée en terme de douleurs chroniques, d’augmentation de risque de chute…, enfin l’existence d’une fracture vertébrale, même totalement asymptomatique, est un facteur de risque majeur d’autres fractures, en particulier des fractures de l’ESF. Enfin d’un point de vue pragmatique, tous les traitements actuellement disponibles dans l’ostéoporose ont démontré leur efficacité dans des populations sélectionnées par la présence de ces fractures vertébrales. Leur recherche systématique en cas de diminution de taille, de douleurs rachidiennes, et par la pratique plus répandue de la VFA (Vertebral Fracture Assessment) lors des mesures de densitométrie, doit être recommandée.

Les fractures ouvrent de plus une « fenêtre d’opportunité thérapeutique ». En effet, pour des raisons qui restent inexpliquées, toutes les études épidémiologiques prospectives montrent que le risque de fracture est augmenté par l’existence d’une fracture prévalente, mais surtout dans les trois ans qui suivent la survenue de cette fracture. Il a été de même démontré que 20 % des patientes venant de faire une fracture vertébrale font une autre fracture vertébrale dans l’année. Le bénéfice thérapeutique est donc évident pour ces patientes, et se traduira par un très important bénéfice en terme de santé publique [6].

Bien entendu, il est souhaitable d’intervenir avant la survenue de la première fracture. Le dépistage des sujets à risque est un sujet difficile, qui n’est pas résolu par la pratique de la densitométrie. En effet, cet examen permet de diagnostiquer les diminutions de densité osseuse, et l’ostéoporose, par le calcul du T score, mais n’identifie pas toutes les patientes à risque de fracture : la moitié des fractures survient chez des patientes dont la densité osseuse ne répond pas aux critères diagnostiques d’ostéoporose. La base de la décision thérapeutique n’est pas la valeur de la densité osseuse, mais le risque individuel de fracture qui dépend de très nombreux facteurs de risque. L’Organisation Mondiale de la Santé a clarifié ce point en proposant un index de calcul de probabilité de fracture à dix ans, appelé FRAX® [7]. L’algorithme inclut les facteurs de risque suivants : âge, antécédent personnel de fracture, antécédent parental de fracture de l’extrémité supérieure du fémur, faible indice de masse corporelle, traitement par corticoïde, polyarthrite rhumatoïde, intoxication tabagique en cours, excès de consommation d’alcool, autres causes d’ostéoporose secondaire ; l’usage du T score du col fémoral peut être ajouté au calcul. Le FRAX fournit la probabilité de survenue d’une fracture majeure (vertèbres, ESF, poignet, extrémité supérieure de l’humérus) et la probabilité d’une fracture de l’ESF, dans les dix ans. Ce calcul a une grande valeur pédagogique, mettant en perspective, en les pondérant, les différents facteurs de risque. Il permet également de quantifier un risque, donc une indication thérapeutique. Reste à définir le seuil de cette décision… Des seuils fixes quel que soit l’âge ont été proposés, basés en particulier sur des considérations économiques ; ceci revient à traiter une très faible proportion de sujets à la cinquantaine, mais une très large majorité de sujets âgés. Un seuil plus logique devrait être établi en fonction de l’âge, correspondant au risque de récidive fracturaire chez les individus de la tranche d’âge concernée. Une réflexion est en cours en France pour l’établissement de tels seuils.

Bien entendu le FRAX ne remplacera jamais le bon sens médical. Il est des situations dans lesquelles l’indication thérapeutique est formelle : fracture verté- brale, ou fracture de l’extrémité supérieure du fémur. De même si une densitométrie, pratiquée en raison des facteurs de risque, révèle une densité très basse (T<-3) l’indication thérapeutique est indiscutable. C’est dans les autres situations, finalement les plus fréquentes, que le FRAX permettra d’améliorer la décision thérapeutique, et surtout d’éviter les traitements inutiles.

Améliorer le choix du traitement

Le choix du traitement va reposer sur trois critères : les critères d’AMM et de remboursement, mais aussi les caractéristiques du traitement, et de la patiente.

Certains traitements ont démontré leur efficacité seulement sur les fractures verté- brales, sans preuve d’efficacité pour les fractures périphériques, en particulier de l’ESF ; ces traitements doivent donc être réservés aux femmes les plus jeunes. Les analyses post hoc, et les méta analyses, aboutissent à des bizarreries, et l’attention des praticiens doit être attirée sur ce point. Les méta analyses, considérées par beaucoup comme le paradigme de l’évaluation thérapeutique, ne sont pas sans défaut, compte-tenu de l’hétérogénéité des résultats, liés en particulier à des critères différents d’évaluation d’une étude à l’autre. La réversibilité est un élément à prendre en compte dans une stratégie thérapeutique à long terme, d’autant plus que la patiente est jeune, et/ou à haut risque. On peut opter pour un traitement rapidement réversible, parce que le traitement de relais est déjà programmé, ou au contraire souhaiter un traitement à effet plus prolongé.

Enfin la patiente elle-même doit être impliquée dans la décision thérapeutique, compte tenu des problèmes majeurs de persistance des traitements de l’ostéoporose, et du lien bien établi aujourd’hui entre les échecs apparents en pratique clinique, et cette absence de persistance [8]. Ainsi on sera convaincant et efficace si on tient compte de certains éléments : nécessité d’un bénéfice extra osseux (troubles climatériques, risque de cancer du sein), femmes âgées et fragiles (en privilégiant les traitements ayant démontré un effet sur la fracture de l’extrémité supérieure du fémur), patientes à l’évidence non adhérentes, pour lesquelles les voies injectables doivent être privilégiées.

 

Améliorer le suivi des patientes

L’objectif des traitements est d’empêcher la survenue et la récidive des fractures, mais ceci n’est pas un critère d’usage clinique. La variation densitométrique ne peut pas être utilisée en pratique : pour des raisons de reproductibilité, la répétition de la mesure ne peut se faire avant deux ans, or la plupart des abandons de traitement se font dans les premiers mois. De plus, il n’est pas démontré pour les traitements anti-résorbeurs un lien direct entre l’augmentation de densité osseuse et la réduction du risque de fracture. Les marqueurs du remodelage osseux sont des paramètres plus sensibles, qui peuvent permettre en trois à six mois de vérifier l’effet pharmacologique des traitements : les patientes sous biphosphonate par exemple doivent avoir des marqueurs situés dans la partie basse de la normale des valeurs de femmes non ménopausées. Ceci permet de vérifier l’observance du traitement, donc d’anticiper son efficacité.

Ces mesures doivent s’accompagner d’un apport adéquat en calcium, après évaluation systématique des apports spontanés, et d’une supplémentation en vitamine D permettant d’atteindre le seuil actuellement recommandé de 25OHD2+D3 circulant, de 30ng/ml [9]. L’activité physique, et les exercices adaptés à l’état de santé général doivent être recommandés, malgré la réticence fréquente des patientes, en insistant sur l’intérêt des contraintes mécaniques sur le squelette, et surtout sur la prévention des chutes. Aucune procédure détaillée ne peut toutefois être recommandée, en l’absence de preuve d’efficacité démontrée des exercices physiques, mais cette adaptation individuelle relève de l’indispensable participation de la patiente à sa prise en charge.

CONCLUSION

Il a été récemment montré une diminution de l’incidence des fractures de l’extrémité supérieure du fémur dans plusieurs pays occidentaux, et en particulier en France [10]. Il est impossible de savoir si cette diminution est liée à un meilleur usage des traitements anti-ostéoporotiques, aux campagnes de prévention des chutes, et/ou à l’amélioration globale de la santé de la population. Ce signal positif ne doit pas faire oublier que compte tenu de l’augmentation du nombre de sujets vieillissants, le nombre absolu de fractures va continuer à augmenter considérablement dans les prochaines années. La sélection attentive des patientes les plus exposées au risque de fracture, et le suivi des traitements dont l’efficacité est aujourd’hui démontrée, sont donc les éléments clés de l’optimisation de la prise en charge.

 

BIBLIOGRAPHIE [1] Sambrook P., Cooper C. — Osteoporosis.

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[5] Siris E.S. et al. — Adherence to bisphosphonate therapy and fracture rates in osteoporotic women : relationship to vertebral and nonvertebral fractures from 2 US claims databases.

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[8] Adami S., Isaia G., Luisetto G. et al. — ICARO study Group. Fracture incidence and characterization in patients on osteoporosis treatment: the ICARO study.

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[9] Broe K.E., Chen T.C., Weinberg J . et al . — A higher dose of vitamin D reduces the risk of falls in nursing home residents: a randomized, multiple-dose study.

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[10] Maravic M., Taupin P., Landais P., Rouc C. — Change in hip fracture incidence over the last 6 years in France. Osteoporos. Int ., 2010, 1255-1259.

 

DISCUSSION

M. Jean-Jacques HAUW

Vous avez souligné les études épidémiologiques mettant en évidence les rapports entre le risque de fracture et celui de la pathologie vasculaire chronique. A-t-on recherché les rapports avec la pathologie vasculaire cérébrale, et plus généralement avec les affections cérébrales, facteurs de chutes ?

Il existe en effet deux axes de recherche possible : d’une part les liens entre pathologie artérielle chronique et ostéoporose, d’autre part les liens entre affections cérébrales et risque de chute. Concernant le premier lien, il a été observé de longue date une association entre calcifications aortiques, et aspect déminéralisé des vertèbres. Certaines études suggèrent que la présence de calcifications de l’aorte abdominale soit associée à un plus grand risque de fracture vertébrale. Des études prospectives sont attendues. Il n’a pas été démontré que les traitements anti-ostéoporotiques amélioraient la situation des calcifications artérielles. Le risque de chute est bien entendu toujours à prendre en considération lors de l’estimation du risque de fracture. Dans ce contexte, les maladies neurologiques chroniques entraînant des troubles de la marche ou des troubles de l’équilibre sont bien sûr de grandes pourvoyeuses de fractures.

 

M. Jean DUBOUSSET

J’ai été très surpris de voir que dans le FRAX rien n’est dit à propos du vieillissement normal de la population avec le nombre de chutes qui augmente par perte progressive de la vitesse de marche, de l’équilibre, etc. Ne faudrait-il pas faire régulièrement, non seulement les études osseuses, type ostéoporose, ostéodensitométrie ou autre, en y associant nettement l’étude de la neurologie fine du sujet vieillissant, vision, propioception, canaux semi-circulaires, etc. ?

Toutes les études prospectives montrent en effet que l’augmentation du risque de chute s’accompagne du risque augmenté de fracture. De la même façon il a été démontré qu’il était utile pour le risque de fracture d’opérer les cataractes, d’adapter la vision, de lutter contre les troubles de l’équilibre, et les troubles neurologiques… Ces mesures sont indispensables dans la prise en charge du risque fracturaire, même s’il est difficile de prouver que les techniques de prévention des chutes diminuent réellement le risque de fracture. Dans tous les cas la mise en évidence d’un risque de chute augmenté nécessite la réalisation d’une densitométrie, afin de savoir s’il existe une fragilité osseuse sous-jacente.

M. Yves CHAPUIS

Bien qu’elle constitue une cause rare parmi les ostéoporoses, on ne peut ignorer, même si elle est souvent asymptomatique, l’hyperparathyroïdie primaire dont la recherche doit être je crois systématique, puisque le traitement de l’ostéoporose est simple. Certes la biologie n’est pas toujours démonstrative et incite à des épreuves dynamiques mais si l’hypercalcémie est confirmée,l’échographie décèle un adénome isolé, éventualité très fréquente, l’exérèse sous anesthésie locale par une petite incision, technique que j’ai mis au point à Cochin dès 1987, permet la correction de l’HPHT dans 97 % des cas. C’est pourquoi s’agissant d’ostéoporose il me paraît important de rappeler cette étiologie et la possibilité d’un traitement chirurgical.

Il est en effet indispensable avant de parler d’ostéoporose, d’avoir réalisé les examens étiologiques dont la calcémie et la vérification de la parathormone, compte tenu de la grande fréquence de l’hyperparathyroïdie primaire. Après exérèse chirurgicale des adé- nomes parathyroïdiens, on voit régulièrement s’améliorer la densité osseuse.

M. Pierre GODEAU

N’y a-il pas des facteurs de confusion intervenant dans l’interprétation du rôle de l’ostéoporose fracturaire dans le pronostic vital aggravé chez les patients atteints ? Par ailleurs, on connaît le rôle nocif des inhibiteurs de la pompe à proton prescrits en continu, ce qui est actuellement très fréquemment prescrit au cours des traitements au long cours par les médications antithrombotiques (et anti-plaquettaires) quasi systématiques en cardiologie.

Or, ce rôle fâcheux n’est pas connu en dehors des milieux rhumatologiques.

Les données montrant l’augmentation de la mortalité dans les suites des fractures ostéoporotiques (extrémité supérieure du fémur bien sûr, mais aussi vertèbres, et fractures périphériques majeures) ont été faites après ajustement sur les co-morbidités habituelles, ce qui permet d’insister sur la gravité de certaines fractures. Le chapitre des traitements provoquant des fragilités osseuses s’allonge régulièrement, incluant les antiaromatases, les anti-viraux… Quant aux inhibiteurs de la pompe à protons, plusieurs études épidémiologiques, y compris prospectives, ont démontré en effet qu’il existait une plus grande fréquence des fractures chez les sujets recevant ces traitements au long cours.

 

Il existe un rational biologique à cela, mais on peut aussi s’interroger sur le rôle de la pathologie gastrique chronique sous-jacente dans la fragilité osseuse.

M. Charles-Joël MENKÉS

L’index FRAX prend-il en compte le type de fracture, l’importance du traumatisme ?

Non l’index FRAX ne prend pas en compte le type de fracture, le nombre de fractures, et le risque de chute. C’est certainement son principal défaut, parfaitement reconnu par les auteurs. Un index, celui de Garvan, venant d’Australie, tient compte de ces éléments.

M. Claude DREUX

Quel est l’intérêt des marqueurs biologiques du remodelage osseux dans le dépistage de l’ostéoporose et le suivi des traitements ? Ainsi que celui de l’éducation thérapeutique individuelle des personnes ostéoporotiques dans l’observance des traitements, actuellement très mauvaise ?

Les marqueurs biologiques du remodelage osseux n’ont aucun rôle dans le dépistage et le diagnostic de l’ostéoporose. En revanche l’ostéoporose, comme beaucoup de maladies asymptomatiques chroniques, souffre de l’absence de persistance des patientes aux traitements. Il est donc utile de proposer un dosage biologique du remodelage osseux lors des traitements par bisphosphonate, afin de s’assurer que la valeur est dans la partie basse de la normale. Ceci prouve que le traitement est pris, dans des conditions correctes, et qu’il atteint sa cible osseuse. En revanche, il est difficile de prédire à partir de ce résultat l’efficacité anti-fracturaire. De nombreuses tentatives d’éducation thérapeutique sont en cours, afin de tenter de pallier ce problème. Il n’existe pas aujourd’hui de protocole standardisé d’une telle procédure.

M. Jacques ROCHEMAURE

Quel intérêt accordez-vous au dosage sanguin de la vitamine D dans la prévention de l’ostéoporose ?

Il n’y a aucun doute sur le fait que les sujets carencés en vitamine D ont des complications musculaires et osseuses. La supplémentation en vitamine D est un préalable indispensable à l’efficacité du traitement anti-ostéoporotique. Savoir s’il faut faire un dosage systématique en population générale fait l’objet actuellement d’un débat. Il n’y a aucun doute que la supplémentation systématique s’impose aux sujets les plus à risque, en particulier institutionnalisés. Pour ma part je préfère un dosage, afin d’adapter au mieux la supplémentation, et afin d’en vérifier l’efficacité, avant de débuter un traitement anti-ostéoporotique prolongé.

M. Jacques-Louis BINET

La marche, le mouvement, la rééducation motrice ont-ils un effet de prévention contre l’ostéoporose ?

 

L’exercice physique a un effet favorable sur le tissu osseux, en raison des contraintes mécaniques imposées par les tractions musculaires sur le tissu osseux. Il est probable que ces tractions mécaniques sont traduites en signal chimique par les ostéocytes. Il faut donc encourager les sujets fragiles à l’activité physique, ce qu’ils redoutent souvent, en tenant compte bien sûr de leur situation physiologique. Toutefois, les recommandations doivent être basées sur l’état physiologique individuel, car il n’existe pas de protocole standardisé validé à ce jour.

M. Roger HENRION

Les fractures vertébrales sont-elles douloureuses ? Le traitement hormonal postménopausique joue-t-il un rôle dans la diminution de 10 % de l’ostéoporose observée dans la population ?

Toutes les fractures vertébrales ne sont pas douloureuses en effet, et on estime que deux tiers d’entre elles peuvent être responsables de rachialgies banales, et ainsi ne pas être portées à la connaissance du médecin. Ceci pose un véritable problème compte tenu du fait qu’il est bien démontré que les fractures vertébrales, symptomatiques ou non, sont un facteur de risque important d’autres fractures, y compris de l’extrémité supérieure du fémur. Le traitement hormonal de la ménopause à un effet préventif sur la perte osseuse, pendant la durée de son administration, sans effet rémanent à son arrêt. En effet depuis 2002, compte-tenu des données de l’étude WHI, la moitié des patientes substituées a arrêté son traitement, et on peut s’inquiéter d’un éventuel effet néfaste de cet arrêt sur l’incidence des fractures. A ce jour cet éventuel effet négatif n’a pas été observé, puisqu’au contraire il a été montré une diminution de l’incidence des fractures de l’extrémité supérieure du fémur en France (comme dans d’autres pays) depuis 2002. Les raisons de cette diminution ne sont pas claires, et ne peuvent pas être attribuées seulement à la plus large disponibilité des traitements anti-ostéoporotiques. En effet les études prolongées suggèrent que cette diminution est survenue bien avant la mise à disposition de ces traitements, faisant donc de l’amélioration globale de la santé de la population la cause la plus probable de cette observation.

 

<p>* Rhumatologie, Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg St Jacques, 75679 — Paris cedex 14, e-mail : christian.roux@cch.aphp.fr Tirés à part : Professeur Christian Roux, même adresse Article reçu le 7 novembre 2010, accepté le 15 novembre 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 8, 1483-1491, séance du 16 novembre 2010