Communication scientifique
Séance du 13 juin 2006

Obligation de soins : aspects juridiques, éthiques et médicaux

MOTS-CLÉS : droit pénal. soins aux patients/éthique
The obligation of care : legal, ethical and medical aspects
KEY-WORDS : criminal law. patient care.ethics

Jean-Marie Beney

Résumé

Une intervention médicale contrainte constitue une atteinte au droit au respect de la vie privée. Dès lors la problématique de l’obligation de soins s’articule autour des deux piliers énoncés par la loi du 4 mars 2002 : l’intérêt individuel et l’intérêt collectif. L’aspect juridique de l’obligation de soins, dont la définition juridique est extrêmement large, recouvre une application diversifiée puisqu’elle peut accompagner diverses infractions et être prononcée à tous les stades de la procédure pénale. Toutefois cette application ne saurait résoudre l’ambivalence de cette obligation puisque l’intervention judiciaire oscille en matière de soins entre incitation et coercition. De plus, l’exécution de l’obligation de soins se heurte sur le plan éthique d’une part aux divers secrets professionnels qui peuvent entrer en conflit (secret judiciaire — secret médical) et d’autre part à la délicate question des certificats de complaisance parfois délivrés. L’existence de ces obstacles atteste de la nécessité d’une meilleure articulation des informations détenues par les sphères médicales et judiciaires. Deux logiques doivent donc cohabiter et conduire à la recherche continue du dialogue et au rapprochement des cultures judiciaires et médicales. L’obligation de soin implique par conséquent une meilleure définition des rôles respectifs de chacun, avec un souci convergent du bien commun dans le traitement de la délinquance qui se joue des frontières professionnelles mutuelles.

Summary

Enforced treatment is a notion that clearly conflicts with the rights of the individual, and a balance must be struck with the interests of society. Enforced treatment has a very broad legal definition, and may be ordered for a variety of crimes and at all stages of the legal procedure. There is also a delicate balance between incitation and coercion in this setting. |The execution of such orders comes up against issues of professional confidentiality (judicial and medical) and the delicate question of ‘‘ certificates of convenience ’’. More cooperation is needed between the medical and legal professions, and the roles of each must be better defined, as any loopholes may be exploited.

Une intervention médicale contrainte, même insignifiante constitue une atteinte au droit au respect de la vie privée dont l’autorité judiciaire est garante.

Le placement d’office en établissement psychiatrique est en effet l’unique exception au monopole judiciaire s’agissant de la décision de privation de liberté même si le juge judiciaire peut ensuite intervenir très vite. (Loi du 27 juin 1990 intégré au code de la santé publique (Art. L3213-8 et L3213-9).

En revanche, dans certains cas, la loi autorise les juridictions pénales à enjoindre l’auteur des faits de subir un traitement médical (obligation introduite pour la première fois par la loi du 15 avril 1954 relative aux alcooliques dangereux) mais ce n’est qu’avec le fort développement récent des sanctions alternatives à l’emprisonnement que les soins obligés ont fait l’objet d’une plus grande attention des professionnels concernés.

Se pose alors une question : qui faut-il préserver prioritairement : l’individu ou la société ?

La loi du 4 mars 2002 pose en effet les deux piliers d’une démocratie sanitaire :

l’existence d’un contrat entre le malade et le médecin et la mise en place d’un système de santé axé autour de la solidarité, donc de l’intérêt collectif.

C’est autour de ces deux piliers (intérêt individuel/intérêt collectif) que s’articule la problématique de l’obligation de soins.

L’aspect juridique recouvre une application diversifiée sans résoudre l’ambivalence de cette obligation dans son aspect éthique, nécessitant donc un rapprochement des cultures professionnelles, médicales et judiciaires.

L’APPLICATION DIVERSIFIÉE DE L’OBLIGATION DE SOINS EN DROIT PÉNAL

L’obligation de soins peut accompagner la réponse pénale à diverses infractions, et plus particulièrement les infractions à caractère sexuel, les conduites en état alcoolique et celles liées à la consommation de stupéfiants.

Par ailleurs cette obligation peut être imposée pour d’autres infractions comme les violences intra familiales, les vols avec ou sans violence, lorsque le comportement du délinquant parait lié à une consommation de produits toxiques ou stupé- fiants.

Les définitions juridiques de l’obligation de soins sont extrêmement larges notamment celles qui accompagnent le sursis avec mise à l’épreuve consistant « à se
soumettre à des mesures d’examen, de contrôle, de traitement ou de soins médicaux, même sous le régime de l’hospitalisation ». (Art. 132-45-3 du code pénal).

Il y a donc en quelque sorte substitution du consentement obligé (soumission) au consentement libre et éclairé du patient principe essentiel de la loi du 4 mars 2002.

La violation d’une norme sociale reconnue et protégée par la loi pénale permet au garant du respect de la loi (le magistrat) de recueillir ce consentement obligé au nom de l’intérêt collectif transgressé.

Dans la phase préalable à une poursuite devant un tribunal, le Procureur de la République peut décider, en cas d’infraction à la législation sur les stupéfiants, d’un simple avertissement à usager en l’envoyant vers des structures locales de soins.

Il peut en outre ordonner une injonction thérapeutique. La cure de désintoxication ou le placement sous surveillance médicale apparaissent ici comme une véritable alternative aux poursuites pénales. En cas d’acceptation, le délinquant est placé sous la double tutelle judiciaire et sanitaire (Art. 131-10 du code pénal).

Ce double aspect judiciaire et sanitaire n’est d’ailleurs pas un cas isolé et se trouve également dans l’implication du ministère public au sein des politiques publiques (notamment par la participation à la promotion d’actions de prévention en matière de lutte contre la toxicomanie et l’alcoolisme) L’obligation de soins peut, en outre, être ordonnée par les juridictions d’instruction, notamment au cours du placement sous contrôle judiciaire de la personne mise en examen, « notamment aux fins de désintoxication » (art. 138-10 du code de procédure pénale), que ce placement intervienne ab initio, c’est-à-dire dès la mise en examen ou après une période de détention provisoire.

Les juridictions de jugement, après s’être prononcées sur la culpabilité, peuvent ajourner le prononcé de la peine, en soumettant l’intéressé à une obligation de soins dans le cadre du régime de la mise à l’épreuve (Art. 734 code de procédure pénale, art. 132-64 et 132-43 à 132-46 du code pénal).

A l’issue de l’ajournement, le juge de l’application des peines adresse un rapport qui permettra à la juridiction de jugement d’être éclairée sur l’évolution du prévenu et ainsi ajuster au mieux la peine.

Les juridictions de jugement peuvent également prononcer sans passer par la phase préalable de l’ajournement une peine d’emprisonnement assortie partiellement ou en totalité d’un sursis avec mise à l’épreuve, pendant un délai compris entre dix-huit mois et trois ans, voir plus (cinq et même sept ans) depuis la loi du 12 décembre 2005, pouvant comporter une obligation de soins.

Le respect de cette obligation constitue la condition essentielle pour que l’emprisonnement ne soit pas ramené à exécution.

Si l’obligation de soins peut être prononcée par la juridiction de jugement, elle peut l’être également au cours du délai d’épreuve par le juge de l’application des peines.

Ce magistrat peut, par ailleurs, subordonner l’octroi et le maintien d’une mesure de libération conditionnelle (art. D536-3 du code pénal), de semi-liberté (art. 132-25 du code de procédure pénale ; art. D138 du code de procédure pénale) à une obligation de soins, dans ces hypothèses le détenu sera incité à entreprendre une démarche thérapeutique. En cas de non observation, le magistrat peut saisir le tribunal correctionnel aux fins d’incarcérer le probationnaire défaillant ou récalcitrant.

L’instauration récente du suivi socio-judiciaire renforce la nécessité d’appréhender la complexité de la délicate articulation de deux logiques différentes, celle des soins et celle de la peine.

Dans les cas prévus par la loi notamment les infractions de nature sexuelle, la juridiction de jugement peut ordonner un suivi socio judiciaire qui emporte pour le condamné l’obligation de se soumettre sous le contrôle du juge de l’application de peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement à des mesures de surveillance et d’assistance, destinées à prévenir la récidive. La durée du suivi socio judiciaire ne peut excéder dix ans en cas de condamnation pour délit ou vingt ans en cas de condamnation pour crime.

Le suivi socio judiciaire peut comprendre une injonction de soins. Cette injonction peut être prononcée par la juridiction de jugement s’il est établi après une expertise médicale, ordonnée dans les conditions prévues par le code de procé- dure pénale, que la personne poursuivie est susceptible de faire l’objet d’un traitement. Le président avertit le condamné qu’aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement mais que, s’il refuse les soins qui lui seront proposés, l’emprisonnement prononcé préalablement en application du 3e alinéa de l’article 131-1-1 du code pénal pourra être mise à exécution. (Art. 131-6-1 et suivants du code pénal).

Reconnaître la possible fécondité de ce type de soins n’est pas synonyme d’affranchissement déontologique, au contraire car l’intervention judiciaire oscille en matière de soins entre incitation et coercition lui conférant parfois sur le plan éthique une certaine ambivalence.

L’AMBIVALENCE DE L’OBLIGATION DE SOINS

La réticence de certains s’explique par l’absence de demande du délinquant, au motif qu’un processus thérapeutique ne peut être engagé, selon ces derniers qu’avec un minimum d’adhésion.

D’aucuns objectent que s’il fallait attendre que ces délinquants — malades soient volontaires, peut être seuls 10 % se tourneraient vers le soin en général et la psychiatrie en particulier, le reste ne bénéficiant d’aucun suivi. Cependant il est nécessaire que l’intéressé accepte au minimum la thérapie ce qui est moins évident qu’il n’y paraît, car en matière de mœurs, l’absence de prise de conscience des délinquants est relativement fréquente.

Par ailleurs, l’obligation de soins peut être structurante, selon certains praticiens et support à une maturation, à partir d’un travail sur le corps, les fantasmes, sur le relationnel, la timidité, et les éléments de la vie.

Mais selon d’autres théories, l’injonction de soins ne peut être bénéfique que s’il y a un retour émotionnel, la rencontre avec un émotionnel de mémoire ; à défaut l’injonction n’est qu’une mesure administrative ou judiciaire sans aucun intérêt.

Le traitement de la pathologie des délinquants sexuels est à cet égard un exemple par les techniques variées mises en œuvre à l’instigation des thérapeutes : thérapie de groupe, chimiothérapie avec prescription de substances antiandrogéiques, techniques cognitives comportementales, suivi psychiatrique…

L’exécution de l’obligation de soins imposée par le juge se heurte malgré tout sur le plan éthique, à de nombreux obstacles :

En premier lieu, les secrets professionnels des différents acteurs entrent en conflit et peuvent compromettre le bon déroulement de l’obligation de soins. Il en est ainsi du secret judiciaire, du secret médical du médecin généraliste, ou du psychiatre ou enfin du secret professionnel du travailleur social et du psychologue.

A la difficulté inhérente aux conflits de secrets, s’ajoute la délicate question des certificats de complaisance, émanant de certains médecins qui jettent une suspicion sur l’effectivité du suivi d’une telle obligation. La non-connaissance par ces praticiens de la portée et des enjeux d’une telle obligation de soins ainsi que l’opacité des secrets professionnels peuvent permettre au délinquant de détourner l’obligation de son objectif initial : à savoir soigner une pathologie génératrice d’infractions.

Cette opposition entre les secrets en présence peut entraîner des situations extérieures ubuesques dans lesquelles le probationnaire est soigné pour une hépatite C, alors qu’il est sensé régler son problème de violence dans le cadre d’une obligation de soins. Cet exemple démontre les possibles dérives du système, dérives qui nécessiteraient une meilleure articulation des informations détenues par le juge, par le soignant et par le travailleur social. L’excessive liberté de choix accordé au probationnaire laisse les sphères médicales et judiciaires dans l’ignorance réciproque de leur action, au bénéfice direct du délinquant.

Le juge aurait besoin d’informations sur l’évolution de la thérapie sans pouvoir s’en procurer eu égard au secret médical, le thérapeute se heurte à un problème identique n’ayant peu ou pas d’informations sur la trajectoire des individus, sur la nature des faits commis, sur le comportement de l’individu lors de la commission d’infractions, sur son éventuel passé pénal, sur les différents examens, expertises ou enquêtes de personnalité et les certificats médicaux antérieurs recueillis par exemple, dans le cadre d’une précédente obligation de soins.

Certains praticiens soulignent qu’il est inadmissible de ne pas être prévenu de l’injonction avant que l’intéressé ne se présente dans leurs services.

Enfin, le juge ne sera saisi que d’éventuels problèmes graves dans l’exécution de l’obligation de soins.

Deux logiques, celle du juge et celle du praticien sont appelées à cohabiter, logiques qui doivent conduire à la recherche continue d’un dialogue.

Le médecin évolue habituellement dans un espace contractuel face à un demandeur en dehors de toute contrainte. L’obligation essentielle du médecin est de donner des soins, qui doivent être « consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science » , selon la célèbre formule de l’arrêt Mercier.

Il est vrai que le médecin psychiatre peut, quant à lui intervenir en l’absence d’acceptation explicite du patient, mais tous sont soumis à une obligation de moyens alors que bien souvent l’obligation de soins est ressentie par l’institution judiciaire et surtout l’opinion publique comme devant être une obligation de résultat, c’est-à- dire une certitude de guérison, ce qui est évidemment impossible. Cette relation délicate entre ces institutions nourrit le débat sur les rapports justice/médecine.

Certains magistrats sont favorables à l’instauration d’un véritable partenariat où le juge aurait pour mission de susciter, animer et coordonner dans le cadre contractuel, diverses actions avec les praticiens, les centres thérapeutiques, les associations par la transmission d’informations, comme la périodicité des consultations, l’adhésion à la thérapie des individus bénéficiaires de l’obligation de soins.

VERS UN NÉCESSAIRE RAPPROCHEMENT DES CULTURES PROFESSIONNELLES MÉDICALES ET JUDICIAIRES

Les pouvoirs publics se doivent de répondre aux attentes sociales qui ne concernent pas que les rôles respectifs du juge et du médecin :

— par l’articulation des moyens médico judiciaires mis en œuvre dans l’application des peines ;

— par la fourniture de moyens indispensables, en particulier dans le cadre des directions régionales d’action sanitaire et sociale, permettant la constitution et le fonctionnement d’équipes pluridisciplinaires.

Si l’obligation de soins ou sa variante, l’injonction de soins, concerne en premier lieu l’obligé (condamné patient), elle n’est pas sans impliquer un réel rapprochement des cultures judiciaires et médicales à travers une meilleure définition des rôles respectifs et un souci convergent du bien commun dans le traitement d’une délinquance qui se joue des frontières professionnelles mutuelles.

En effet quelle est l’implication majeure de l’obligation de soins sinon le bien commun tel que le précise le juge Xavier Lameyre [2].

« A l’occasion de la pratique de soins pénalement obligés, le souci éthique du juge n’est pas réductible à sa seule dimension déontologique (l’application de normes) car il comporte aussi une perspective téléologique (la quête d’un bien vivre ensemble), qui, loin de favoriser un repli […] [moralisateur…], projette le praticien dans la cité en raison d’un triple mouvement de responsabilisation :

— Celui du condamné qui, grâce au jugement qui l’a déclaré coupable, va pouvoir s’approprier une obligation, réponse personnelle à une transgression ayant fait l’objet d’une sanction publique ;

— Celui des praticiens qui rencontreront le condamné et qui, parce qu’ils connaîtront l’enjeu existentiel d’une telle obligation, devront répondre aux sollicitations individuelles et institutionnelles qui leur sont adressées ;

— Enfin, celui du magistrat lui-même, qui par ses décisions, devra apporter une réponse adaptée aux intérêts des autres (en particulier ceux de la victime) et au respect de la personne jugée ».

DISCUSSION

M. Jacques BATTIN

Ma question concerne les agresseurs sexuels récidivistes, souvent criminels. Alors que l’on dispose, depuis plus de trente ans, de cyprotérone-acétate qui est un antigonadotope apte à stopper les pulsions sexuelles de ces sujets, et que le suivi est facile à contrôler par les dosages hormonaux, quelles sont les lacunes qui entraînent ces récidives objets de scandale et d’indignation populaire ?

La question ainsi posée présente deux ordres de difficultés, tout d’abord celle qui vient d’être traitée et qui renvoie à la problématique des soins contraints avec d’autant plus d’acuité que les conséquences d’un tel traitement sont particulièrement fortes pour l’individu et, d’autre part, l’interrogation qui subsiste au regard des expériences étrangè- res sur la réelle efficacité de ce type de traitements, notamment quant à la persistance des pulsions de violence.

Mme Monique ADOLPHE

Pourquoi l’obligation de soins en milieu carcéral est-elle extrêmement rare et peu efficace (environ dix minutes de consultation avec un psychiatre une fois par semaine pour des délits graves de type sexuel) ? A la sortie de la prison, le suivi de l’obligation de soins me paraît mal contrôlé. Pourquoi ?

Tout d’abord l’obligation de soins en milieu carcéral résulte de dispositions législatives récentes qui viennent compléter les soins demandés par le condamné dans le cadre de l’exécution de sa peine. Il est par conséquent impossible d’évaluer aujourd’hui l’efficacité d’une telle mesure. Il est cependant exact que sur le plan pratique le dispositif souffre du nombre réduit de médecins psychiatres qui acceptent d’intervenir en milieu carcéral. En milieu ouvert, le suivi de l’obligation de soins repose pour une bonne partie sur l’implication des médecins coordonnateurs et de la qualité des échanges avec les services pénitentiaires d’insertion et de probation (avec les difficultés énoncées dans la communication qui a été faite ce jour).

M. Jean-Marie MANTZ

A-t-on une idée, même approchée, de l’efficacité de ces thérapeutiques menées sous le signe de l’incitation, de l’injonction ou de la coercition ?

La mesure de l’efficacité des thérapeutiques se fait par l’existence ou la non existence de la récidive qui est en réalité peu fréquente mais dramatique quand elle intervient. Il serait certainement intéressant qu’une étude scientifique multicritères puisse intervenir.

M. Jean-Baptiste PAOLAGGI

Les soins proposés sont-ils basés sur des preuves scientifiques et quel est éventuellement le niveau de preuve ?

L’obligation de soins est prononcé au regard des résultats d’une ou plusieurs expertises psychiatriques ordonnées au cours de la procédure, expertises qui sont d’ailleurs obligatoires en matière criminelle et pour le jugement de toute infraction de nature sexuelle.

M. Pierre PENE

Est-il possible de situer la place des délits et des crimes qui sont suivis d’obligation de soins ?

Il s’agit pour l’essentiel des crimes et délits sexuels ou à connotation sexuelle. Les infractions contre les mineurs doivent naturellement faire l’objet d’une attention toute particulière.

M. André VACHERON

Monsieur le Procureur, vous avez souligné l’importance du secret de l’instruction. Comment ne pas être surpris et comment considérer la médiatisation, souvent stupéfiante, de certaines instructions ?

La question du secret de l’instruction est de plus en plus aïgue dans un monde de communication et de médiatisation poussées. En réalité seuls ceux qui concourent à l’enquête ou à l’instruction sont soumis au respect du secret, les parties et leurs conseils ne le sont pas ce qui explique bien des révélations rapportées par les médias ; souvent la médiatisation s’inscrit dans une stratégie mise en place par telle partie civile ou tel mis en examen.

M. Jacques BAZEX

Quelle est l’attitude de la justice vis-à-vis des sujets qui ont transmis volontairement le virus du SIDA à leur partenaire ?

L’empoisonnement est selon la théorie du droit pénal général une infraction formelle. Il est constitué par l’attentat lui-même, quelles qu’en soient les suites. L’infraction est par conséquent consommée non par le fait de tuer avec une substance mortelle mais par le
fait d’administrer celle-ci. Une intention coupable est nécessaire pour que l’infraction soit constituée. Il faut donc que l’auteur ait administré la substance en connaissance de cause. S’il y a non pas attentat à la vie mais seulement l’intention de nuire à la santé, il s’agit d’une autre infraction (l’administration de substances nuisibles). Le problème s’est posé à propos de la transmission du virus du SIDA. Plusieurs cas peuvent dès lors être distingués : — s’il y a eu intention de transmettre le virus, il y a empoisonnement, — s’il y a eu seulement conscience du risque : la transmission n’est pas certaine, il n’y a alors pas empoisonnement. Selon la chambre criminelle de la Cour de Cassation, l’empoisonnement ‘‘ n’est caractérisé que si l’auteur a agi avec l’intention de donner la mort ’’ et la ‘‘ seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffit pas à caractériser l’intention ’’.

RÉFÉRENCES JURIDIQUES [1] Avis du Comité Consultatif National d’Ethique. Refus de traitement et autonomie de la personne, 2003.

[2] LAMEYRE X. — Pour une éthique des soins pénalement obligés, RSC 2001 .

[3] Code Pénal.

[4] Code de procédure pénale.

[5] Code de la Santé Publique.


* Procureur de la République adjoint du Tribunal de grande instance de Paris. Professeur associé à l’université de Versailles Saint Quentin en Yvelines. Tirés à part : Monsieur Jean-Marie BENEY, Procureur de la République, même adresse. Article reçu et accepté le 29 mai 2006.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 6, 1147-1155, séance du 13 juin 2006