Communiqué
Séance du 7 décembre 2004

Objectif 72 de la loi relative à la politique de Santé Publique : « Diminution de la fréquence et de la sévérité des séquelles fonctionnelles associées aux accidents vasculaires cérébraux d’ici 2008 »

MOTS-CLÉS : accident vasculaire cérébral. personnes handicapées. soins intensifs.
Objective 72 of the law concerning public health policy ‘‘ Decrease of frequency and severity of Disabilities associated with stroke ’’
KEY-WORDS : cerebrovascular accidents. disabled persons. intensive care.

Marie Germaine Bousser et André Vacheron

Communiquéaccident vasculaire cérébral, personnes handicapées, soins intensifs.Objective 72 of the law concerning public health policy ‘‘ Decrease of frequency and severity of Disabilities associated with stroke ’’cerebrovascular accidents, disabled persons, intensive care.Marie Germaine Bousser et André Vacheron

 

COMMUNIQUÉ au nom de la Commission IV (Maladies cardio-vasculaires)

Objectif 72 de la loi relative à la politique de Santé Publique :

« Diminution de la fréquence et de la sévérité des séquelles fonctionnelles associées aux accidents vasculaires cérébraux d’ici 2008 »

Objective 72 of the law concerning public health policy « Decrease of frequency and severity of disabilities associated with stroke »

Marie-Germaine BOUSSER * et André VACHERON **

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) constituent la première cause de handicap acquis chez l’adulte, la deuxième cause de démence, la troisième cause de décès et ils génèrent un coût socio-économique considérable.

Chaque année en France, environ 120000 personnes, dont l’âge moyen est de 70 ans, sont victimes d’un AVC. Parmi ceux-ci, très schématiquement, 30 000 meurent dans les jours ou mois qui suivent, 60 000 gardent un handicap de sévérité variable et 30 000 récupèrent sans séquelles apparentes. Parmi les survivants, 50 % auront une dépression dans l’année et 25 % feront un nouvel AVC dans les 5 ans et/ou seront devenus déments. Bien que l’incidence des AVC ait diminué au cours des 50 dernières années, leur prévalence a augmenté en raison de la baisse de la mortalité à la phase aiguë et de l’allongement de la durée de vie, avec pour corollaire un doublement du nombre des patients relevant des structures de soins de longue durée.

Pour répondre efficacement à l’objectif 72 de la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, il faut agir avant, pendant et après l’AVC. Les recommandations de l’Académie nationale de médecine concernent donc ces trois phases, chacune d’entre elles nécessitant des investissements adaptés.

AVANT l’AVC : la prévention

De nombreuses mesures concernant les facteurs de risque, le dépistage des accidents ischémiques transitoires (AIT), les anti-thrombotiques, et la chirurgie carotidienne ont fait la preuve de leur efficacité. Les recommandations sont les suivantes :

Lutter contre les facteurs de risque — Dépister et traiter l’hypertension artérielle (pression artérielle inférieure à 140-90 mm Hg) en population générale, — Ne pas fumer, — Dépister et traiter les dyslipidémies, — Eviter une consommation quotidienne d’alcool supérieure à l’équivalent de trois verres de vin « standard » chez l’homme, de deux verres chez la femme, — Avoir une activité physique régulière (30 mn au moins de marche rapide par jour), — Avoir une alimentation riche en fruits et légumes définie par le Programme National Nutrition Santé, — Surveiller son poids et garder un indice de masse corporelle inférieur à 25 kg/m2 et un tour de taille inférieur à 102 cm chez l’homme et 88 cm chez la femme, — Contrôler strictement la glycémie et les autres facteurs de risque chez les diabétiques.

Reconnaître les accidents ischémiques transitoires — Dépister les AIT (ischémie focale, cérébrale ou oculaire, régressant sans séquelles en moins de 24 h, le plus souvent en moins d’une heure). L’AIT est le principal signe avant coureur de l’infarctus cérébral dont il multiplie le risque par 14. Le risque est de 6 à 8 % dans la première année qui suit l’AIT.

Cela requiert une éducation de la population et une prise en charge urgente spécialisée pour déceler la cause de l’AIT et adapter la prévention secondaire en conséquence.

 

Prescrire des antithrombotiques — Utiliser les anti-plaquettaires en prévention secondaire des accidents ischémiques cérébraux liés à l’athérosclérose et plus largement, y compris en prévention primaire, en cas de manifestation clinique de la maladie athéromateuse (coronaropathie, artériopathie des membres infé- rieurs), — Utiliser les antivitamines K en cas de cardiopathie emboligène, notamment dans la fibrillation auriculaire et chez les porteurs de prothèses valvulaires mécaniques.

Recourir à la chirurgie carotidienne — Opérer les sténoses symptomatiques supérieures à 70 %, et dans certains cas supérieures à 50 % notamment en cas d’antécédents d’AIT et les sténoses asymptomatiques supérieures à 70 %, chez les sujets de moins de 75 ans, — L’angioplastie carotidienne avec stent et protection cérébrale est en cours d’évaluation.

LORS DE L’AVC : prise en charge urgente en unité spécialisée

Pour diminuer la mortalité et les séquelles fonctionnelles des AVC, il est largement démontré que la mesure essentielle est l’hospitalisation d’urgence dans des unités neuro-vasculaires spécialisées, qui permettent de répondre au mieux aux impératifs diagnostiques et thérapeutiques requis par les AVC :

— diagnostic de l’AVC lui-même, de son type (hémorragie cérébrale, hémorragie sous-arachnoïdienne, infarctus, thrombose veineuse etc.) et de sa cause (athérosclérose, embolie d’origine cardiaque, maladie des petites artères cérébrales, dissection etc.), ce qui nécessite l’accès en urgence à l’IRM, aux explorations artérielles et cardiologiques, — impératifs thérapeutiques : mesures générales et prévention des complications, utilisation des anti-thrombotiques : aspirine pour la très grande majorité, altéplase (activateur tissulaire du plasminogène sous forme recombinante ou rt-Pa) pour les accidents ischémiques de moins de trois heures en respectant les contre-indications (actuellement moins de 5 % des infarctus cérébraux), recours éventuel à la chirurgie ou à la neuro-radiologie interventionnelle).

 

RECOMMANDATIONS — considérer l’AVC comme une urgence vitale, c’est-à-dire sensibilisation du public, appels téléphoniques au centre 15, transfert médicalisé le plus rapide possible, — augmentation du nombre d’unités neuro-vasculaires avec accès à l’IRM et aux examens cardiologiques de façon à pouvoir hospitaliser en urgence tous les AVC (actuellement, en France, les Unités neuro-vasculaires ne peuvent accueillir que 10 % des AVC), — reconnaître officiellement, parmi les unités neuro-vasculaires, les unités de soins intensifs (USI) neuro-vasculaires s’adressant aux malades graves, instables, pouvant nécessiter un recours à la neuro-radiologie interventionnelle ou à la neuro-chirurgie. Leur reconnaître un statut similaire aux USI cardiologiques, — tout mettre en œuvre au sein des établissements pour accélérer le circuit des examens complémentaires indispensables avant la thrombolyse, — commencer le plus tôt possible la rééducation neurologique, — développer un cursus en neurologie vasculaire.

APRES L’AVC : prise en charge des séquelles et prévention secondaire

Malgré les difficultés méthodologiques des études consacrées à l’efficacité de la rééducation après AVC, le bénéfice en est prouvé, notamment pour l’hémiplégie et l’aphasie, et ce bénéfice est d’autant plus important que la rééducation est précoce, intense et prolongée. La rééducation (hors phase aiguë) s’adresse à près de 80 % des survivants après AVC. Elle peut s’effectuer à domicile en cas de déficience et incapacité légère ou en centre spécialisé en cas de séquelles plus sévères, ce qui correspond à environ 20-25 % des AVC.

RECOMMANDATIONS — Poursuite autant que nécessaire de la rééducation neurologique intense et prolongée, — Augmentation du nombre de lits de réadaptation neurologique prenant en charge les suites d’AVC, — Développement des alternatives à l’hospitalisation (hospitalisation à domicile de réadaptation, hospitalisation de jour etc.), — Poursuite des mesures de prévention secondaire.

 

BIBLIOGRAPHIE [1] Recommandations pour l’utilisation du traitement thrombolytique intraveineux dans l’accident ischémique cérébral. Société Française Neuro-vasculaire. Rev. Neurol . (Paris) 2000 ;

156 : 1178-1185.

[2] Recommandations pour la création d’unités neuro-vasculaires. Société Française Neurovasculaire. Rev. Neurol . (Paris) 2001 ; 157 : 1147-1456.

[3] Place des Unités Neuro-Vasculaires dans la prise en charge des patients atteints d’accident vasculaire cérébral. ANAES 2002.

[4] Recommandations pour la pratique clinique. Prise en charge de l’accident vasculaire cérébral aigu de l’adulte. Aspects médicaux. ANAES 2002 ;

[5] Accidents vasculaires cérébraux. Rapport du groupe de travail AVC. Agence régionale de l’Hospitalisation d’Ile de France. Octobre 2002.

[6] European stroke initiative recommendations for stroke management. Update 2003.

Cerebrovasc. 2003 ; 16 : 311-337.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 7 décembre 2004, a adopté le texte de ce communiqué moins une abstention.

* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine ** Membre de l’Académie nationale de médecine

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 9, 1541-1545, séance du 7 décembre 2004