Communication scientifique
Séance du 6 février 2001

Microglie : origine et développement

MOTS-CLÉS : cellules souches. embryologie. macrophage. microglie, cytologie. système nerveux central. vésicule vitelline.
Microglia : origin and development
KEY-WORDS : central nervous system. embryology. macrophages. microglia, cytology. stem cells.. yolk sac

B. Pessac, I. Godin, F. Alliot

Résumé

La microglie, c’est-à-dire les macrophages intraparenchymateux du système nerveux central, représente environ 10 % de la population cellulaire du cerveau de souris adulte. Nous rapportons ici que des progéniteurs de la microglie peuvent être mis en évidence dans les bourrelets neuraux à partir du 8e jour de l’embryogenèse et qu’ils proviennent du sac vitellin. Nous montrons que la microglie se développe par multiplication dans le tissu cérébral et que la très grande majorité des cellules microgliales apparaît dans les deux semaines qui suivent la naissance. Ces résultats indiquent que la microglie a pour origine des progéniteurs migrant à partir du sac vitellin, pénétrant l’ébauche neurale et s’y multipliant activement.

Summary

As suggested by Del Rio Ortega a long time ago, it is now widely accepted that microglia are the resident macrophages of the central nervous system. Microglia represent about 10 % of the adult brain cell population. We have previously shown that the late embryonic and adult mouse brain contain potential microglial progenitors. We report here that microglial progenitors can be detected in neural folds from embryonic day 8. They originate from the yolk sac in which macrophage progenitors are found from embryonic day 7. We also report that the bulk of microglial cells (about 95 %) appear during post-natal development. A major finding is that microglia arise by an intense in situ proliferation comparable to that of neural cells. Taken together, these results show that adult mouse microglia originate from cells migrating from the yolk sac and whose progeny actively proliferates in the brain during development.

INTRODUCTION

Dans le cadre des rapports entre le système nerveux central (SNC) et le système immunitaire, nous nous sommes intéressés à l’origine des macrophages intraparenchymateux, c’est-à-dire la microglie, qui, chez la souris adulte, représente au moins 10 % du nombre total des cellules de l’encéphale [1]. Il apparaît ainsi que le SNC est l’organe qui, en valeur absolue, est le plus riche en macrophages. Il est donc paradoxal que l’origine et la fonction de ces cellules et leurs relations avec l’ensemble du système immunitaire soient encore très mal définies et fassent l’objet de nombreuses controverses.

Del Rio Ortega fut le premier à suggérer que la microglie pouvait avoir pour origine des macrophages méningés pénétrant le cerveau à la fin du développement embryonnaire [2]. L’immense majorité des auteurs admet maintenant que les cellules microgliales appartiennent au système hémopoïétique et expriment des marqueurs macrophagiques. Ainsi, Perry et al. ont montré que chez la souris, les cellules microgliales expriment des antigènes communs avec l’ensemble des macrophages dès le 15e jour du développement embryonnaire [3]. Cependant le site d’origine de la microglie, et le moment précis où elle apparaît dans l’ébauche de l’encéphale ne sont pas encore connus. Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de déterminer si la microglie provient :

— soit de progéniteurs pénétrant très tôt l’ébauche du SNC, avant même la mise en place de la circulation sanguine, et proliférant ensuite activement in situ . Le site de production de ces progéniteurs pourrait être soit le sac vitellin, soit la splanchnopleure para-aortique, où s’effectue la seconde génération de précurseurs hématopoïétiques [4] ;

— soit de cellules provenant des organes hémopoïétiques (foie, rate et moelle osseuse) et colonisant le SNC de façon continue via la circulation durant le développement embryonnaire puis adulte.

Les réponses à ces questions permettraient de savoir si la microglie embryonnaire et la microglie adulte ont une origine distincte ou commune et donc si la microglie adulte dérive de la microglie embryonnaire.

L’observation qui a suscité notre intérêt quant à l’origine de la microglie a été la démonstration de la présence, dans le cerveau de souris en fin de développement et adulte, de cellules que nous avons qualifiées de progéniteurs potentiels de la microglie [5]. En effet, nous avons mis en évidence la présence d’un petit nombre de cellules (environ 15×103) dans l’encéphale de la souris adulte, qui, dans nos conditions expérimentales, sont capables de proliférer très intensément in vitro , chacun de ces progéniteurs donnant naissance à environ 2×105 cellules. Celles-ci ont un phé- notype comparable à celui de la microglie adulte, caractérisé par l’expression de marqueurs macrophagiques classiques tels qu’un récepteur du complément et les antigènes Mac-1 et F4/80.

Ces données suggéraient que le SNC contient des progéniteurs capables de donner naissance à la microglie. Nous avons donc entrepris des expériences afin de déterminer la date d’apparition des progéniteurs de la microglie dans l’ébauche neurale en comparaison avec la présence de progéniteurs de type macrophagique dans les deux premiers sites d’hémopoïèse apparaissant au cours du développement, le sac vitellin et la splanchnopleure para-aortique. Nous avons ensuite étudié la capacité des progéniteurs de la microglie et de leur descendance à proliférer in situ dans le

SNC.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Souris : les embryons sont datés en fonction de leur morphologie générale et du nombre de somites. La dissection du sac vitellin a été effectuée comme décrit [6].

L’encéphale a été prélevé à partir du 7e jour embryonnaire (bourrelets neuraux) jusqu’à l’âge adulte.

— Pour mettre en évidence des progéniteurs de la microglie ou des macrophages, des suspensions unicellulaires ont été préparées à partir du SNC et du sac vitellin à divers stades du développement et mises en co-cultures, comme rapporté précédemment [5] ;

Les anticorps primaires suivants ont été utilisés :

• pour la mise en évidence des caractères microgliaux/macrophagiques les anticorps monoclonaux Mac-1 (Caltag code RM2800) et F4/80 (Caltag code RM2900) ;

• pour la mise en évidence des cellules en prolifération, nous avons utilisé l’anticorps monoclonal anti-PCNA (Proliferating Cell Nuclear Antigen), clone PC10 (Dako code M 0879).

Les anticorps secondaires ont été la fraction F(ab’)2 anti-IgG (H+L) conjuguée soit à la R — phycoérythrine (R-PE) soit à la fluorescéine (FITC) : les sérums suivants ont été utilisés : sérum de chèvre anti-rat-FITC (Caltag code R 40101) ;

sérum de chèvre anti-rat-R-PE (Caltag code R40104) ; sérum de chèvre antisouris FITC (Immunotech code 0219a) ou, enfin, sérum de lapin anti-souris R-PE (Dako code R 0439).

Immunohistochimie : après anesthésie, les souris adultes ont été perfusées avec une solution de Hanks puis une solution de périodate-lysine-paraformaldéhyde (2 %) (PLP) [3]. Les cerveaux ont été post-fixés dans la même solution pendant 4 heures, incubés dans une solution de sucrose à 20 % pendant 18 heures puis inclus dans du « Tissue-Tek ». Après congélation rapide, nous avons effectué des coupes parasagittales de 6 µm. Les jeunes embryons et les ébauches de SNC ont été directement plongés dans la solution de PLP puis traités comme les cerveaux adultes. Après décongélation, les coupes ont été incubées avec les anticorps monoclonaux Mac-1 ou F4/80 dilués au 1/20e. Pour les doubles marquages avec l’anticorps anti-PCNA (dilué au 1/50e), les coupes ont été prétraitées avec un
mélange méthanol-acétone 7/3 (V/V) pendant 5 minutes puis incubées avec les anticorps secondaires correspondants FITC et R-PE dilués au 1/50e pendant 3 heures.

Double immunomarquage des suspensions de cellules cérébrales : les cerveaux, débarrassés des méninges et des plexus choroïdes, ont été coupés en très petits morceaux puis incubés avec une solution de 0,25 % de trypsine dans du versène 1 : 5000 comprenant 10 µg/ml de collagénase type VII-S. Après 30 min à 37° C, les fragments ont été dissociés par pipettage dans du milieu de Eagle contenant du sérum et centrifugés. Le culot cellulaire a été remis en suspension dans du paraformaldéhyde à 4 % et les cellules dissociées ont été ensuite cytocentrifugées à 400 tr/min pendant 4 minutes. L’immunomarquage a été effectué ensuite en les incubant pendant 18 heures avec l’anticorps F4/80 et le deuxième anticorps correspondant pendant 3 heures. Après ce premier immunomarquage, les cellules ont été incubées 5 min dans l’éthanol à 95 %, puis 18 heures avec l’anticorps anti-PCNA et enfin avec le 2e anticorps correspondant.

RÉSULTATS

Origine

Nous avons utilisé pour cette étude le paradigme qui nous a permis de mettre en évidence les progéniteurs de la microglie. Ceux-ci ont été définis comme des cellules isolées à partir du SNC, qui adhérent à des couches de cellules astrocytaires et prolifèrent très vigoureusement pour donner naissance à des colonies contenant environ 2 x 105 cellules exprimant des marqueurs macrophagiques/microgliaux [5].

Nous avons d’abord établi le stade exact auquel apparaissent ces progéniteurs, en utilisant des suspensions de cellules d’ébauches du SNC préparées à différents temps du développement, à partir du 7e jour de gestation (jdg). Au stade pré-somitique, aucun progéniteur n’est détecté dans les bourrelets neuraux. Le premier progéniteur microglial n’apparaît qu’au stade 4-8 somites, au début du 8e jdg. A ce stade, le seul site d’hémopoïèse active est le sac vitellin [6]. Pour déterminer s’il contient des progéniteurs macrophagiques/microgliaux, nous avons co-cultivé des suspensions de cellules, isolées à partir du sac vitellin, sur des couches de cellules astrocytaires.

Nous avons ainsi pu observer que le sac vitellin contient des progéniteurs de type macrophagique, dès le 7e jdg, donc avant qu’ils n’apparaissent dans l’ébauche neurale. Puis, en quelques heures, dès le stade 11-14 somites, le nombre de progéniteurs microgliaux augmente significativement alors que le nombre de progéniteurs macrophagiques du sac vitellin continue de s’accroître de façon exponentielle (Fig. 1).

Par la suite le nombre de progéniteurs microgliaux augmente très rapidement, atteint un plateau vers le 15e jdg et persiste tout au long de la vie adulte [5]. Ces résultats indiquent que les progéniteurs de la microglie envahissent précocement

FIG. 1. — Comparaison de la cinétique de prolifération des progéniteurs macrophagiques du sac vitellin et des progéniteurs microgliaux de l’ébauche neurale. Des suspensions unicellulaires du sac vitellin ou de l’ébauche neurale ont été cocultivées sur des monocouches astrocytaires et le nombre de clones compté après 3 à 6 semaines.

l’ébauche du SNC, avant l’établissement de la circulation, par migration à partir du sac vitellin.

Nous avons ensuite déterminé la localisation des premières cellules microgliales dans l’ébauche du SNC. Le premier stade auquel cette étude a été possible est le 10e jdg. L’immunohistologie avec un anticorps spécifique des macrophages et de la microglie a montré la présence de nombreuses cellules positives dans l’ébauche de la tête, localisées pour la plupart dans le mésenchyme lâche qui entoure le neuroépithélium. Cependant, dès ce stade, on peut voir des cellules marquées qui semblent migrer dans le neuro-épithélium à partir du mésenchyme (Fig. 2). Le nombre de cellules microgliales augmente ensuite considérablement. Elles sont présentes dans l’ensemble de l’encéphale avec une répartition relativement homogène dans les substances grise et blanche. Il est à noter qu’on observe peu de cellules macrophagiques à la proximité des vaisseaux.

Développement

Dans un premier temps, il a été nécessaire d’établir la cinétique d’apparition de la microglie. Des suspensions cellulaires ont donc été préparées à partir du cerveau de souris et les cellules marquées avec un anticorps spécifique de la microglie. Ceci nous a permis de déterminer le nombre de cellules microgliales par encéphale à différents stades du développement (Tableau 1). Le fait majeur est leur augmentation très rapide de la naissance (0,6 x106) au stade adulte (13,5 x106). Ainsi, l’immense

TABLEAU 1. — Cinétique d’apparition de la microglie STADE nombre total de nombre de

DU DÉVELOPPEMENT cellules/encéphale cellules microgliales/ (en jours) (x 106) encéphale (x 106 )

GESTATION 16 20 0,140 18 21 0,350 POSTPARTUM 0 35 0,6 7 100 3,1 11 125 8,75 12 128 9,3 14 130 9,5 ADULTE 135 13,5 A chaque âge indiqué, les encéphales ont été dissociés en suspensions unicellulaires incubées avec l’anticorps Mac-1 ou F4/80 comme indiqué dans « Matériels et Méthodes ». La très grande majorité (∼95 %) des cellules microgliales apparaît après la naissance.

FIG. 2. — Immunomarquage des cellules microgliales (F4/80 +) sur des coupes d’ébauches neurales au 10e jdg. Les cellules F4/80 + sont nombreuses dans le mésenchyme (M). Certaines ont pénétré dans le neuroépithélium (NE). Grossissement X440.

majorité (95 %) des cellules microgliales apparaît après la naissance, c’est-à-dire après la fermeture de la barrière hémato-encéphalique.

Quelle est l’origine de la microglie adulte ? Dérive t-elle de progéniteurs potentiels, présents dans les bourrelets neuraux dès le 8e jour du développement embryonnaire, et se multipliant ensuite in situ ? S’il en est ainsi, un grand nombre de cellules microgliales doivent être en état de prolifération pendant le développement. Pour vérifier cette hypothèse, des suspensions de cellules cérébrales ont été doublement marquées avec l’anticorps F 4/80 spécifique de la microglie et avec un marqueur de prolifération cellulaire qui détecte la protéine PCNA, exprimée seulement par des cellules en multiplication [7]. Il a été ainsi possible d’identifier et de compter deux populations cellulaires, l’une doublement marquée qui représente les cellules microgliales en prolifération, l’autre n’exprimant que le PCNA et qui représente l’ensemble des cellules neurales en mitose à l’exception de la microglie. Les résultats de ces expériences, résumés dans le Tableau 2, ont été très clairs : dès le 16e jdg, premier temps auquel ces expériences ont pu être réalisées, plus de la moitié des cellules microgliales exprime l’antigène de prolifération. Pendant la semaine qui suit la naissance, un peu moins de la moitié de toutes les cellules (microgliales ou non) sont encore en multiplication. En revanche, lors de la 2e semaine postnatale, la proportion de cellules neurales qui se divisent chute brutalement alors que le pourcentage de cellules microgliales en prolifération ne diminue que progressivement.

En résumé, l’immense majorité des cellules microgliales apparaît après la naissance, c’est-à-dire après la fermeture de la barrière hémato-encéphalique. Au moins dans leur très grande majorité, les cellules microgliales du cerveau adulte proviennent donc de progéniteurs qui prolifèrent activement in situ .

DISCUSSION

L’appartenance des cellules microgliales à un lignage dérivé du mésoderme est reconnue par l’immense majorité des auteurs. Alors que la présence de la microglie chez l’embryon a été mise en évidence depuis longtemps, le stade auquel apparaissent les premières cellules de type microglial et leur origine était resté indéterminé, du moins chez les mammifères. La question de l’origine de la microglie adulte est aussi controversée. Alors que beaucoup d’auteurs considèrent que les précurseurs immédiats de la microglie adulte sont des monocytes circulants, provenant de la moelle osseuse, qui pénètrent progressivement le SNC par la circulation sanguine d’une manière comparable par exemple aux macrophages péritonéaux et aux cellules de Langerhans de la peau [8], ces auteurs ne semblent pas tenir compte de l’existence de la barrière hémato-encéphalique que l’on considère cependant imperméable aux cellules sanguines dans les conditions physiologiques [9].

Les résultats de nos expériences montrent, pour la première fois, que des cellules à phénotype macrophagique sont présentes très tôt dans l’ébauche du SNC puisqu’on

TABLEAU 2. — Prolifération des cellules microgliales dans l’encéphale au cours du développement en comparaison avec l’ensemble des cellules cérébrales.

STADE DE % de cellules en prolifération % de cellules microgliales

DEVELOPPEMENT dans l’encéphale en prolifération (en jours)

GESTATION 16 43 58 POSTPARTUM 0 50 45 3 34 39 7 33 37 11 3,2 23 12 1,3 12 14 1 4 Pour déterminer la proportion de cellules microgliales en prolifération, les suspensions de cellules encéphaliques ont été incubées avec l’anticorps F4/80 (spécifique de la microglie) et avec l’anticorps anti-PCNA (qui marque l’ensemble des cellules en prolifération). Seules les cellules microgliales en prolifération sont doublement marquées. Au cours de la phase postnatale du développement, la proportion de cellules en prolifération parmi les cellules microgliales diminue beaucoup plus lentement que dans l’ensemble des cellules encéphaliques.

les détecte, dans les bourrelets neuraux, au 8e jour du développement embryonnaire.

Ces premiers progéniteurs potentiels de la microglie proviennent très probablement du sac vitellin, qui, à ces stades précoces, est en continuité directe avec les bourrelets neuraux : en effet, les progéniteurs macrophagiques sont mis en évidence dans le sac vitellin plusieurs heures avant leur apparition dans l’ébauche neurale. Nos résultats sont en accord avec les observations faites par d’autres auteurs chez les oiseaux [10, 11].

L’augmentation rapide du nombre de progéniteurs potentiels de la microglie qui atteint son maximum vers le quinzième jour embryonnaire et leur phénotype — capacité très intense de prolifération in vitro et expression de marqueurs macrophagiques/ microgliaux — nous ont amenés à formuler l’hypothèse selon laquelle ces progéniteurs donneraient naissance, in situ , à la microglie adulte. Nos résultats sont parfaitement en accord avec cette hypothèse puisqu’ils montrent que les cellules microgliales prolifèrent intensément dans l’encéphale. Nos données vont donc à l’encontre de l’opinion des auteurs qui admettent que la microglie dérive des monocytes sanguins circulants.

Récemment, divers auteurs ont abordé la question de l’origine de la microglie avec un paradigme où des animaux irradiés ont été inoculés avec des cellules hémopoïé-
tiques dont le génotype est différent de celui des receveurs. Même un an après la transplantation, seule une très faible proportion de cellules microgliales intraparenchymateuses exprime le phénotype des cellules du donneur. Cependant, dans ces expériences, les cellules macrophagiques périvasculaires expriment, elles, en grand nombre, le phénotype des cellules du donneur, indiquant que, au moins dans les conditions imposées par les protocoles expérimentaux, un certain nombre de cellules circulantes traversent les parois vasculaires et se localisent à la périphérie des vaisseaux cérébraux, suggérant que la microglie périvasculaire pourrait, elle, provenir de monocytes circulants [12, 13].

En conclusion, nous avons montré que, chez la souris, les progéniteurs de la microglie sont présents à un stade très précoce du développement, c’est-à-dire dès l’apparition des bourrelets neuraux. Ceux-ci sont contigus avec le sac vitellin qui lui-même contient déjà de nombreux précurseurs macrophagiques. A ce stade, la circulation sanguine n’est pas encore établie. Le lieu d’origine le plus probable des progéniteurs de la microglie est donc le sac vitellin. Le fait qu’environ la moitié des cellules microgliales est en prolifération pendant la plus grande partie du développement indique clairement que la microglie intraparenchymateuse adulte est le résultat de la multiplication de ces progéniteurs. Ceci n’exclut pas que certaines cellules microgliales intra-parenchymateuses puissent provenir de cellules monocytaires circulantes, comme cela semble être le cas pour la microglie périvasculaire, au moins dans certaines conditions expérimentales. Ainsi, bien que faisant partie du système hémopoïétique, les cellules microgliales auraient une origine plus primitive que les autres types de cellules macrophagiques. Ceci pourrait expliquer le fait que de nombreux auteurs ont montré que certaines des propriétés des cellules microgliales sont différentes de celles d’autres macrophages [14, 15].

Des données comparables à celles mises en évidence chez la souris n’ont pas encore été montrées chez l’Homme, bien que cela paraisse hautement probable. S’il en est ainsi, ces données auraient d’importantes conséquences sur la physiopathologie d’affections cérébrales (telles que le neurosida) ainsi que sur les modalités d’éventuelles thérapies géniques.

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DISCUSSION

M. Michel BOUREL

Quelles affections ont pour origine une anomalie (constitutionnelle ou proliférative) du système microglial ?

Les microgliomes décrits autrefois sont en fait des lymphomes. Cependant, la très grande majorité des affections du système nerveux central, infectieuses telles que le sida ou dégénératives telles les maladies d’Alzheimer ou de Creutzfeldt-Jacob, s’accompagne d’une réaction microgliale, en particulier proliférative.

M. André-Laurent PARODI

Les cellules microgliales sont-elles considérées actuellement comme post-mitotiques définitives, où, à l’inverse, les considère-t-on comme capables de se diviser tout au long de la vie ?

L’immense majorité des cellules microgliales est probablement post-mitotique de façon définitive. Cependant, les progéniteurs potentiels de la microglie, qui persistent tout au long de la vie adulte et représentent environ 1/1000e de la microglie, ont, au moins in vitro , une capacité de prolifération considérable, pouvant donner naissance à des clones de 100 000 cellules et plus.

M. Jean-Jacques HAUW

Les morphologistes ont toujours été frappés par le caractère focal, très bien limité, des lésions de la sclérose en plaques. La démyélinisation y est effectuée par des cellules de la lignée microglie macrophage. Connaissez-vous le territoire occupé par les différents clones de cellules microgliales que vous avez décrits ?

Les progéniteurs potentiels de la microglie sont répartis sur l’ensemble du système nerveux central, avec peut-être une plus grande densité dans la substance blanche. Il est possible que le caractère focal des lésions de la sclérose en plaques soit le reflet du territoire occupé par la descendance d’un progéniteur.

M. Gabriel BLANCHER

Les cellules microgliales, dont le développement paraît incontestablement original, ont-elles également un rôle physiologique original ?

Les études sur un rôle physiologique des cellules microgliales sont essentiellement réalisées in vitro et leurs résultats sont contradictoires, en particulier quant à leurs effets sur les neurones. Cependant, certains travaux suggèrent que les cellules microgliales pourraient avoir des propriétés différentes de celles des autres types de macrophages.


* CNRS — 15 rue de l’École de Médecine — 75270 Paris cedex 06. Tirés-à-part : Docteur Bernard PESSAC, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 30 juin 2000, accepté le 2 octobre 2000.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 2, 337-347, séance du 6 février 2001