Communication scientifique
Séance du 6 mai 2003

Métastases hépatiques des cancers colorectaux. Détection et bilan d’extension par l’imagerie

MOTS-CLÉS : diagnostic par imagerie.. metastase tumeur. tumeur colorectale
Liver metastases from colorectal cancer. Detection and staging with imaging

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Résumé

L’imagerie des métastases hépatiques est primordiale pour la détection, le bilan d’extension et la surveillance thérapeutique de la maladie. Bien que toutes les méthodes (échographie, TDM, IRM, TEP) aient leurs avantages propres, il apparaît que l’échographie est la meilleure méthode pour la détection des tumeurs chez des patients ayant un risque faible, et que la TDM est d’une meilleure sensibilité, donc préférable chez des sujets à haut risque, malgré ses inconvénients (produit de contraste, irradiation, coût). De plus la TDM, surtout depuis que les appareils multibarrette sont utilisés en routine, permet un bilan d’extension très complet en une seule séance. La TDM est donc l’outil de référence pour le bilan d’extension de la maladie. Elle est suffisante quand la diffusion est certaine. Quand les métastases hépatiques sont isolées, elle sert de base à la discussion multidisciplinaire qui décide des orientations thérapeutiques, (chirurgie d’emblée ou après traitement néo-adjuvant, chimiothérapie). Dans le cas où la chirurgie est une éventualité, d’autres explorations plus spécialisées peuvent se discuter, comme le portoscanner, ou plutôt l’IRM avec injection de produits de contraste à fixation hépatique spécifique, ou encore la TEP. La surveillance ultérieure repose sur la TDM.

Summary

Imaging is a mandatory step for detection, staging and follow-up of liver metastasis. Although ultrasonography is the best method for the detection of the tumors in patients with a low probability, CT greatly improves sensitivity for detection, and is therefore indicated for patients with a high probability for the diseases, despite its pitfalls like radiation dose, contrast media and cost. More over, since multidetector CT has been available, extended staging (chest, abdomen pelvis and brain when applicable) could be performed in a single session. CT is therefore the gold standard method for evaluation in patients with a detected lesion. No other modality is necessary in case of widespread disease. When the tumor is localized to the liver, or even in case of associated lung metastases, multidisciplinary staff relies on CT to decide which treatment is best applicable : surgery, neoadjuvant therapy followed by surgery or chemotherapy. If surgery is considered, additional imaging tests might be useful like CT arterial portography, which is more often replaced by MRI with liver specific contrast agents, and/or PET-scan. Follow-up of the diseases relies mainly on CT.

KEY-WORDS (Index Medicus) : COLORECTAL NEOPLASMS. NEOPLASMS METASTASIS. DIA-

GNOSTIC IMAGING.

INTRODUCTION

La détection et le bilan d’extension des métastases hépatiques des cancers colorectaux reposent dans une large mesure sur l’imagerie. Malgré la fréquence de cette maladie, il persiste encore de nombreuses questions sur la bonne utilisation des méthodes d’imagerie. Les plus importantes sont les suivantes :

— la détection doit-elle faire appel à l’échotomographie ou à une méthode plus invasive et onéreuse comme la tomodensitométrie (TDM) ?

— le bilan d’extension avant une intervention chirurgicale doit-il être réalisé par une TDM seule, une imagerie par résonance magnétique (IRM) ou des méthodes plus spécifiques comme le porto-scanner ou l’IRM avec produit de contraste hépato-spécifique ?

— quelle est la place de la tomographie par émission de positons (TEP) couplée ou non à une TDM ?

Dans cet exposé, nous évoquerons d’abord les performances de chacune des méthodes d’imagerie avant de proposer une stratégie.

IMAGERIE DIAGNOSTIQUE OU MÉTHODES DE DÉTECTION ?

Échographie

L’échographie est certainement la méthode de base la plus répandue permettant de détecter les métastases hépatiques.

L’aspect des métastases n’est généralement pas spécifique. Il peut s’agir d’une tumeur hypo, iso ou hyper-échogène, homogène ou hétérogène. Certains aspects s’observent plus fréquemment au cours des métastases des cancers colorectaux, comme des métastases hyper-échogènes, absorbant parfois le faisceau ultrasonore et correspondant à des calcifications de la tumeur.

La sensibilité de l’échographie est de 70 % si la référence est le nombre de patients atteints mais chute à 50 % si la référence est le nombre de métastases. Ainsi, l’échographie reconnaît de nombreux faux négatifs, ce qui est particulièrement important pour faire le bilan d’extension des lésions. La sensibilité chute tout particulièrement pour les lésions de moins de 10 mm de diamètre. L’échographie ne permet donc pas de faire un bilan satisfaisant de l’extension réelle des tumeurs.

De la même façon, la spécificité est assez mauvaise puisqu’il est rarement possible en échographie d’affirmer la nature tumorale maligne de la lésion. Notamment, en cas de cancer colorectal, certaines métastases hyper-échogènes peuvent être très similaires à des angiomes hépatiques.

En revanche, l’échographie, par sa versatilité dans l’espace, est un excellent moyen pour faire un véritable repérage tri-dimensionnel des lésions et notamment pour préciser les rapports exacts de certaines tumeurs avec les grosses structures vasculaires comme la veine cave inférieure, les veines sus-hépatiques ou le hile, ceci est d’un intérêt majeur dans la discussion préopératoire.

Récemment, il a été proposé d’utiliser des produits de contraste échographique qui renforcent l’échogénicité du parenchyme hépatique, mais ne renforcent pas les métastases puisque celles-ci sont très peu vascularisées. Le contraste entre foie normal et métastase est ainsi augmenté. Bien qu’il ne s’agisse que de travaux préliminaires, il semble que la sensibilité de la méthode se rapproche de 80 % et devienne ainsi compétitive face à la TDM.

TDM

C’est certainement la méthode de référence actuellement pour la détection et le bilan des métastases hépatiques.

La sémiologie est relativement peu spécifique puisque dans la majorité des cas il s’agit de lésions peu vascularisées. La détection optimale des lésions s’effectue après injection de produit de contraste en pratiquant une acquisition environ 70 à 80 secondes après le début de l’injection du produit de contraste. Cette phase est celle à laquelle le parenchyme hépatique se rehausse de façon maximale tandis que les métastases ne se rehaussent pas ou peu. Certains aspects comme les calcifications centrales de la lésion sont assez caractéristiques des métastases hépatiques des cancers colorectaux.

La sensibilité de la TDM est variablement appréciée mais s’établit toujours au-dessus de 80 %, c’est-à-dire qu’elle est très significativement supérieure à celle de l’échographie. Pour certains, la sensibilité serait suffisante pour que la TDM hélicoïdale soit la seule méthode à réaliser avant une intervention chirurgicale lorsque celle-ci est jugée possible, mais ceci n’est pas l’opinion générale, puisque d’autres méthodes permettent d’aller encore plus loin dans le bilan d’extension de ces lésions.

Un avantage majeur de la TDM, renforcé par les appareils multicanaux actuels, est la grande rapidité d’acquisition et donc la possibilité de faire en un seul temps un examen thoracique, abdominal et pelvien. En cas de signe clinique évocateur, un examen du crâne est éventuellement possible lors de la même séance sans que cet examen ne devienne pénible pour le patient. La TDM hélicoïdale est donc une méthode très sensible, assez spécifique pour la détection et le bilan d’extension des métastases des cancers colorectaux.

IRM

L’IRM est nettement moins utilisée que les autres méthodes pour des raisons de coût et de disponibilité.

La sémiologie des métastases hépatiques est assez variée mais d’une façon générale, les lésions apparaissent en signal bas sur les images en pondération T1 et en signal élevé sur les images en pondération T2. Lorsque les calcifications tumorales sont abondantes, le signal en pondération T2 s’abaisse. Après injection de gadolinium, les métastases ne se rehaussent pas au temps précoce ou portal, mais captent parfois le produit de contraste de façon plus tardive. Sur le plan des performances pour la détection, l’IRM ne se différencie pas significativement de la TDM hélicoïdale et n’a donc aucune vocation à la remplacer à cette étape.

En revanche, l’IRM est un très puissant moyen de caractérisation tumorale puisque dans la majorité des cas elle permet de différencier les lésions malignes des lésions bénignes comme les angiomes et l’hyperplasie nodulaire focale (HNF) par exemple, qui peuvent mimer certaines métastases hépatiques.

Un inconvénient de l’IRM est que contrairement au scanner, elle ne permet pas de réaliser en un seul temps un examen complet de l’abdomen, du pelvis et du thorax.

Ceci serait techniquement possible mais les examens seraient alors très longs et la résolution obtenue, en particulier au niveau du parenchyme pulmonaire, serait inférieure à ce qui est obtenu aujourd’hui très rapidement par la TDM.

TEP

Bien que cette méthode soit connue depuis très longtemps, la diffusion de la TEP est relativement récente, ce qui s’explique par le coût des appareils et surtout par une logistique très contraignante, l’approvisionnement en produit radio-actif, le 18-fluorodesoxyglucose (FDG). En effet, la demi-vie du FDG est de 2 heures, si bien que l’examen doit être fait à proximité d’un centre qui produit le FDG.

L’intérêt de la TEP est une excellente sensibilité pour la détection des lésions.

Celle-ci, malgré le caractère préliminaire et les petites séries, s’établit au-dessus de 85 %. De plus, comme il s’agit d’un examen du corps entier, la TEP peut détecter les
zones d’hyperfixation quelle que soit leur localisation thoracique, abdominale ou pelvienne.

La spécificité est bonne mais il faut savoir que certaines masses inflammatoires et quelques parenchymes normaux peuvent capter l’isotope et donner lieu à des faux positifs. De la même façon, il faut respecter un certain délai entre une radiothérapie ou une chimiothérapie et la réalisation de l’examen, car l’action de ces traitements peut entraîner des faux négatifs ou des faux positifs.

En dehors d’une logistique compliquée et d’une diffusion encore faible de la méthode, les autres inconvénients de la TEP sont le coût (environ 1 100 E12] par examen) et le manque de résolution spatiale. On estime que la sensibilité de la TEP diminue beaucoup lorsque les lésions mesurent moins de 1 cm bien que ce seuil ait tendance à s’abaisser avec l’utilisation d’appareils plus récents ayant des cristaux plus sensibles. Le couplage avec un tomodensitomètre dans le même appareil permet d’associer les qualités des deux machines, c’est-à-dire la sensibilité de détection et l’analyse de l’activité métabolique de la TEP, la résolution anatomique de la TDM.

D’après des rapports préliminaires, il semblerait que l’association dans un même appareil de ces deux machines soit susceptible d’améliorer la détection dans 20 % des cas.

En revanche, la TEP ne fournit pas d’argument véritablement significatif pour quantifier les tumeurs et en particulier l’intensité de la fixation n’est pas exactement comparable d’un examen à l’autre chez le même patient. De la même façon, la taille apparente de la fixation est autant liée à la taille de la lésion qu’à l’intensité de la fixation, ce qui ne permet pas toujours de préjuger de l’évolutivité des lésions, sauf bien entendu lorsqu’une lésion dûment constatée disparaît secondairement.

Porto-scanner

Cette méthode consiste à disposer un cathéter dans l’artère mésentérique supérieure puis à placer le patient dans un scanner. On injecte alors un produit de contraste dans l’artère mésentérique supérieure et on fait une acquisition d’images au moment où le produit de contraste revient vers le foie par la veine porte. Cette méthode rehausse de façon très forte le parenchyme hépatique non tumoral et s’affranchit de la vascularisation artérielle au contraire d’un examen TDM après injection par voie veineuse périphérique.

Cet examen a l’avantage d’une sensibilité exceptionnelle de détection supérieure à 90 % mais il y a deux inconvénients : il est invasif et nécessite une logistique difficile puisqu’il faut placer le cathéter dans l’artère mésentérique supérieure sur une table de radiologie vasculaire puis transporter le patient avec le cathéter en place (il faut par ailleurs prévoir l’hospitalisation du patient car c’est un geste qui ne se pratique pas en ambulatoire) ; d’autre part, cette technique est entachée de très nombreux faux positifs puisque toutes les masses intra-hépatiques, qu’elles soient bénignes ou malignes se traduiront sur le porto-scanner par une lacune hypodense. La compa-
raison soigneuse avec les autres examens d’imagerie est nécessaire pour savoir si ces lacunes correspondent à des métastases ou à des lésions d’autre nature. Pour ces deux raisons, cette technique, malgré ses qualités, est en voie d’abandon.

IRM avec produit de contraste spécifique

Le principe est d’injecter par voie veineuse périphérique un produit de contraste qui va se fixer spécifiquement au niveau du foie. Il y a deux types d’agents : les agents de contraste négatif et les agents de contraste positif :

— les agents de contraste négatif sont les dérivés de la ferrite : ces produits sont des macromolécules contenant du fer, captées par les cellules du système réticuloendothélial c’est-à-dire dans le foie les cellules de Kupffer. Lorsque le produit est fixé dans le foie, l’intensité du signal en pondération T2 baisse considérablement.

Au contraire, les zones comme les métastases hépatiques qui ne contiennent pas de cellules de Kupffer ne voient aucune modification de leur signal. Ceci contribue donc à renforcer le contraste entre les tumeurs et le foie sain, et fait apparaître en signal positif des tumeurs qui seraient autrement en isosignal, donc non visibles. Un inconvénient est qu’il est parfois difficile de différencier les petites lésions de petits vaisseaux qui apparaissent hyperintenses également sur les séquences en pondération T2 ;

— les agents de contraste positif ont la caractéristique de se fixer dans les hépatocytes. Il s’agit de certains dérivés du gadolinium (Gd-BOPTA) et surtout les dérivés du manganèse (Mn-DPDP). Le principe est que lorsque le produit est capté par la cellule hépatique, le signal en pondération T1 augmente. Les tumeurs hépatiques contenant des hépatocytes (carcinome hépatocellulaire, HNF, adénome hépatique) se rehaussent mais au contraire les métastases qui ne contiennent pas d’hépatocytes ne voient aucun changement de leur signal.

Le contraste entre le foie devenu hyperintense et les métastases spontanément iso ou hypo-intenses se renforce encore, augmentant la sensibilité de détection.

Là encore, il peut être difficile de dédifférencier de toutes petites tumeurs de petits vaisseaux, qui apparaissent normalement hypo-intenses en pondération T1.

Ces deux méthodes ont une sensibilité incomplètement évaluée mais très probablement nettement supérieure à celle de l’IRM sans injection de produit de contraste spécifique et à la TDM. La sensibilité de détection se compare à celle du portoscanner. Compte tenu du caractère non invasif et malgré le coût des produits de contraste spécifiques (environ 150 k), cette méthode a presque entièrement remplacé le porto-scanner.

STRATÉGIE

Quelle méthode utiliser pour la détection ?

Les idées ont beaucoup évolué depuis quelques années. Au couple échographie hépatique-radiographie pulmonaire qui constituait voici quelques années la base de la détection des métastases hépatiques, s’est substituée la TDM abdominopelvienne et thoracique, dont la sensibilité est bien meilleure. Cependant, le problème n’est pas résolu de savoir si cette TDM devait être un outil systématique pour les patients ou s’il devait être réservé à certains ayant un risque plus élevé de métastases hépatiques, comme par exemple les patients ayant été opérés d’un cancer localement avancé.

Il est certain que l’utilisation de la TDM permet une détection plus précoce et un bilan d’extension beaucoup plus précis que l’utilisation du couple échographieradiographie thoracique.

Dans les recommandations pour la pratique clinique publiées en janvier 2003, il est indiqué que « la TDM abdomino-pelvienne avec injection de produit de contraste iodé est indispensable si un projet de traitement des métastases hépatiques est envisagé ». L’interprétation de ce texte peut être minimaliste et réserver l’utilisation de la TDM au patient chez lequel une métastase hépatique a été détectée ou suspectée par l’échographie ou maximaliste signifiant que cette méthode doit être employée chez la majorité des patients puisque toutes les métastases hépatiques des cancers colorectaux doivent bénéficier d’un traitement soit chirurgical soit par chimiothérapie. Compte tenu de ces implications socio-économiques, ce débat n’est pas tranché.

Quel bilan faut-il faire si le patient est candidat à la chirurgie ?

C’est un cas relativement fréquent et en tout cas, c’est une question qui doit être systématiquement posée chez chaque patient au cours d’une réunion multidisciplinaire en présence de chirurgiens. La décision de réséquer les métastases hépatiques repose sur un certain nombre de pré-requis anatomiques :

— la résécabilité est jugée techniquement possible par le chirurgien ;

— le foie restant est de volume suffisant pour que le malade ne risque pas d’insuffisance hépatocellulaire postopératoire ;

— il n’y a pas d’extension extra-hépatique décelable, hormis des métastases pulmonaires dans certains cas.

Pour répondre à ces trois questions, la TDM est l’outil de base. En effet, c’est un examen très sensible pour montrer la diffusion des métastases à l’intérieur du parenchyme hépatique et donner une image anatomique éventuellement tri-
dimensionnelle pour que le chirurgien puisse juger de la résécabilité des tumeurs. Le cas échéant, l’échographie peut apporter des éléments complémentaires en montrant mieux les rapports particuliers d’une tumeur avec un gros vaisseaux ou avec le hile. La TDM répond à la deuxième question puisqu’elle permet la mesure des volumes avec une précision supérieure à 90 %, ce qui est parfaitement utilisable en pratique clinique. Lorsque la partie résiduelle du foie est insuffisante, on peut envisager une embolisation portale préopératoire qui a l’avantage d’hypertrophier le foie restant et de permettre aux patients ayant un foie sain restant compris entre 25 et 40 % du foie total d’avoir des suites opératoires non compliquées sur le plan de la fonction hépatocellulaire.

Concernant la troisième question, la TDM donne des arguments très importants également, notamment pour l’extension pulmonaire, ganglionnaire et pour les images de récidive locale abdominale ou pelvienne.

Cependant, sur chacun de ces points la TDM peut être aidée par d’autres explorations :

— l’extension locale intra-hépatique est significativement mieux appréciée par le porto-scanner ou par l’IRM avec produit de contraste spécifique avec une préférence pour cette dernière. La plupart des équipes jugent donc utile la réalisation de cet examen si la TDM a permis de conclure à la résécabilité, afin de dépister quelques autres tumeurs qui pourraient considérablement modifier soit l’indication opératoire, soit la technique chirurgicale. De toutes les manières, l’échographie per-opératoire restera absolument indispensable, d’une part parce qu’aujourd’hui c’est la technique de détection la plus sensible, d’autre part parce qu’elle permet au chirurgien un meilleur guidage du geste thérapeutique. Cependant, la plupart des équipes s’accordent pour dire qu’il est nécessaire d’approcher autant que possible le bilan d’extension locale des lésions avant le début de l’intervention chirurgicale, faute de quoi un certain nombre de patients auraient une laparotomie mais ne pourraient finalement pas bénéficier d’une résection chirurgicale ;

— concernant l’extension extra-hépatique, la TEP a certainement un rôle majeur.

En effet, la TDM a une sensibilité moyenne pour la détection des récidives locales ou de certaines métastases ganglionnaires. Dans ces deux cas, la TEP a des performances nettement supérieures. Après avoir eu une AMM très limitative (pour bilan d’extension du cancer colo-rectal chez un patient candidat à la chirurgie ou une détection de la récidive devant une augmentation du taux des marqueurs et en présence d’une imagerie classique normale), le texte plus récent donne beaucoup plus de liberté pour l’indication de la TEP puisqu’il souligne seulement qu’elle peut être réalisée chez des patients ayant une affection connue pour entraîner une augmentation de la consommation locale de glucose et donc potentiellement une fixation du FDG comme le cancer colorectal. Il faut donc s’attendre à une utilisation plus fréquente de la TEP.

Que faut-il faire chez un patient qu’on décide de traiter par chimiothérapie ?

Chez ces patients, dans la majorité des cas, l’extension très précise des tumeurs est moins importante à considérer. En revanche, il est nécessaire d’obtenir une imagerie objective, standardisée, répétitive, qui permettra de juger de l’évolution des tumeurs lors des traitements.

Dans ces conditions, la TDM hélicoïdale présente les caractéristiques idéales pour surveiller ces patients. Elle est beaucoup plus reproductible et comparative que l’échographie, permet un examen beaucoup plus rapide et plus global que l’IRM et a une très bonne précision anatomique, contrairement à la TEP.

C’est d’ailleurs sur la TDM que repose l’essentiel de l’évaluation du traitement par chimiothérapie des métastases hépatiques des cancers colorectaux.

Cependant, des études récentes ont montré qu’une proportion importante, jusqu’à 30 %, des patients récusés initialement pour une résection chirurgicale des métastases hépatiques soumis à un traitement par chimiothérapie pouvait devenir secondairement opérable. Il s’agit bien entendu de l’événement le plus favorable pour ces patients puisque la résection chirurgicale donne, même chez ces patients initialement récusés, une survie à cinq ans de l’ordre de 30 %, c’est-à-dire très comparable à celle des patients chez lesquels une indication chirurgicale est portée d’emblée.

Bien que l’évaluation des masses tumorales soit le rôle principal de la TDM, il convient donc, à chaque évaluation, de se poser systématiquement la question de savoir si les lésions ne seraient pas devenue résécables, d’où l’intérêt de présenter le dossier de façon itérative à un comité multidisciplinaire.

En conclusion, l’imagerie des métastases hépatiques des cancers colorectaux est sous-tendue par la possibilité d’un traitement curatif chirurgical et par l’amélioration des traitements par chimiothérapie qui, outre la prolongation de la survie qu’ils entraînent par eux-mêmes, peuvent rendre secondairement les patients opérables.

Le besoin en imagerie est donc important pour la détection et le bilan topographique d’extension, ainsi que la surveillance des patients.

La TDM hélicoïdale, principalement avec les appareils multicanaux, est la méthode centrale utile à la détection au bilan d’extension et à la surveillance de ces patients.

Ponctuellement, et pour répondre à des problèmes de caractérisation tumorale et d’extension générale ou locale, elle peut être aidée et complétée par l’IRM avec produit de contraste spécifique ou par la TEP.

DISCUSSION

M. Daniel COUTURIER

Vous avez détaillé la performance de l’échographie transpariétale dans le bilan per opératoire des cancers colorectaux ; que peut-on attendre de l’échographie per-opératoire du foie pour affiner la recherche des métastases hépatiques ?

L’échographie per-opératoire est sans contestation une méthode extrêmement fiable. La résolution obtenue par la sonde de haute fréquence au contact du foie, sans interposition des tissus pariétaux, est bien supérieure à celle de l’échographie per cutanée. De plus, elle est parfaitement complémentaire de l’examen visuel et manuel du chirurgien, qui voit très bien les micro-granulations superficielles d’une miliaire métastatique que l’échographie aurait du mal à détecter à cause de la petite taille des lésions. Des raffinements sont en train d’enrichir cette méthode : l’imagerie harmonique, les capteurs coelioscopiques et les produits de contraste. Mais bien sûr, l’échographie per-opératoire n’entre pas en compé- tition avec l’imagerie pré-opératoire pour deux raisons ; la première est qu’une minorité de patients est redevable de la chirurgie ; la seconde est que les décisions thérapeutiques majeures, dont la chirurgie, doivent être prises au sein d’un comité multidisciplinaire, dont le bloc opératoire n’est pas le lieu de réunion idéal. Il convient donc d’approcher au mieux l’étendue réelle des lésions avant de décider la chirurgie, même s’il faut s’attendre parfois à une déconvenue lors de la chirurgie quand de petites métastase hépatiques ou péritonéales seront découvertes en per-opératoire, rendant le geste curatif illusoire.

Cependant, avec les outils modernes de l’imagerie, cette situation est heureusement devenue très rare.

M. Michel BOUREL

Que signifie « risque faible » ?

J’aimerais connaître la réponse exacte à cette question ! Toutefois, comme nous devons utiliser des moyens plus lourds pour détecter les métastases chez des sujets très exposés au risque, et au contraire être économes d’examens potentiellement dangereux et certainement coûteux, il est très important de s’appuyer sur quelques notions simples pour décider de la bonne stratégie. Deux éléments sont évidents : après deux ans de surveillance, la probabilité chute considérablement. Il ne s’agit pas d’arrêter la surveillance des patients mais de l’espacer et d’utiliser des moyens plus simples, même s’ils sont un peu moins performants ; lorsque le cancer colorectal est localisé à la muqueuse et n’envahit donc ni la musculeuse, ni la séreuse, ni les adénopathies de voisinage, le risque de métastase est 5 à 10 fois inférieurs à celui d’un patient ayant un envahissement des zones citées. Chez des patients à risque faible, l’association échographie hépatique et radiographie du thorax, avec un rythme qui s’espace avec le recul est une stratégie adaptée. Chez les patients à risque plus fort, le scanner hélicoïdal, au mieux avec un appareil multibarrette, est préférable malgré un coût supérieur et le (très) faible risque lié à l’injection de produits iodés, car la sensibilité pour la détection est significativement supérieure, ce qui pourrait augmenter les chances d’un traitement chirurgical. Nous aimerions avoir d’autres indicateurs qui nous permettraient d’affiner encore ce choix et d’avoir la certitude d’employer le bon moyen pour le patient.


* Service de Radiologie, Hôpital de Bicêtre — 94270 Le Kremlin Bicêtre. Tirés-à-part : Professeur Yves MENU, à l’adresse ci-dessus. Article recu le 27 mars 2003, accepté le 31 mars 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 5, 825-834, séance du 6 mai 2003