Communication scientifique
Séance du 20 mai 2008

L’organisation de la recherche clinique en France : les nouvelles missions des délégations inter-régionales à la recherche clinique

MOTS-CLÉS : recherche biomédicale
Organisation of clinical research in France : the new missions of interregional delegations for clinical research
KEY-WORDS : biomedical research

Patrice Jaillon

Résumé

L’organisation des structures de développement de la recherche clinique dans les CHU français a été complètement modifiée dans les quinze dernières années. C’est en effet en 1993 qu’a été lancé le premier appel d’offre du Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC). Ce programme annuel est financé par des crédits de l’assurance maladie, ce qui constitue une situation unique en Europe et aux USA. Il a permis de distribuer en 2007 au niveau national plus de quatorze millions d’euros de crédits pour des recherches en cancé- rologie, plus de vingt et un millions d’euros de crédits pour des recherches sur d’autres thématiques, auxquels il faut ajouter plus de onze millions d’euros de crédits pour des projets de recherche interrégionaux. L’objectif du PHRC est de soutenir la recherche clinique à promotion publique institutionnelle et c’est plus de cinquante millions d’euros qui seront attribués aux CHU en 2008. Cet effort majeur de financement de la recherche clinique publique a été accompagné de réformes structurelles importantes. Tout d’abord il a fallu créer dans chaque CHU une Délégation à la Recherche Clinique (DRC) qui, en tant que promoteur des essais cliniques institutionnels, assure le contrôle de qualité de ces essais et la bonne évaluation des coûts de recherche. Les assistants de recherche clinique (ARC), recrutés par les vingt-neuf DRC des CHU, assurent quotidiennement le monitorage de ces recherches. Ensuite, ont été créés les Centres d’Investigation Clinique (CIC) résultant d’une collaboration entre les hôpitaux et l’Inserm. Il en existe aujourd’hui cinquante-quatre répartis dans vingt-trois CHU qui sont orientés soit sur une thématique précise de recherche clinique, soit sont plurithématiques, ou consacrés aux recherches sur les produits issus des biotechnologies, ou l’épidémiologie clinique ou les innovations technologiques. Les délégations inter-régionales à la recherche clinique (DIRC) ont été créées par une circulaire de Mai 2005. Ces sept DIRC (Paris Ile-de-France, Nord-Ouest, Ouest, Est, Sud-Ouest, Outremer, Rhône-Alpes Auvergne, Sud-Méditerranée) regroupent dans chaque région les directions de recherche clinique des CHU dans le but de coordonner et développer la participation des hôpitaux universitaires et non universitaires aux activités de recherche clinique, d’organiser la formation des professionnels qui y participent et d’aider à la réalisation de certaines missions spécifiques du promoteur (monitoring des essais, mise en place d’un système d’assurance qualité, vigilance des essais). Enfin en 2007, a été créé le GIP CENGEPS (Centre National de Gestion des Essais des Produits de Santé) chargé de mettre à la disposition des DIRC des moyens (environ dix millions d’euros par an pendant quatre ans) provenant d’une taxe sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique dans le but de faciliter le recrutement des patients dans les essais cliniques à promotion industrielle et de réduire les obstacles administratifs à leur mise en place. Ainsi, après un investissement important pour soutenir la recherche clinique institutionnelle, les pouvoirs publics et les industriels du médicament ont décidé de renforcer les essais cliniques de médicaments à promotion industrielle. Une enquête du LEEM avait en effet montré en 2006 que, par rapport aux données de 2004, le nombre de patients inclus dans ces essais avait diminué en France. De même leur vitesse moyenne de recrutement était devenue inférieure à la moyenne européenne (1,4 patient recruté par centre et par mois versus 1,7 en Europe). L’enquête notait aussi que les délais administratifs de mise en place des essais dans les hôpitaux français étaient très excessifs (cent quarante jours en moyenne pour la signature du premier contrat hospitalier). Cette situation risquait d’être préjudiciable à la France, aux investigateurs français et finalement aux patients français, à l’heure de la mondialisation des essais cliniques des médicaments dans une ambiance de forte compétition entre les pays intéressés. Le CENGEPS a donc décidé, à la suite d’un premier appel d’offre réalisé en 2007, d’attribuer des moyens (neuf millions d’euros par an) aux sept DIRC afin de leur permettre d’accélérer la vitesse de mise en place des essais et de recruter environ centcinquante techniciens d’essais cliniques (TEC) qui seront destinés à aider les investigateurs cliniciens à recruter les patients, à remplir les cahiers d’observation et à organiser le suivi des patients. Le Cengeps soutient également financièrement la création d’un logiciel national de suivi des inclusions des patients dans les essais cliniques à promotion institutionnelle ou industrielle. Ce logiciel est développé en commun avec le ministère de la santé qui a décidé que le nombre de patients inclus dans les essais cliniques allait constituer, dès 2009, un des critères déterminant le montant de la subvention versée aux CHU pour soutenir leurs missions de recherche et d’enseignement. Enfin, le Cengeps encourage l’émergence de réseaux nationaux d’investigation clinique dans des domaines divers tels que maladie d’Alzheimer, maladies psychiatriques, sida, maladies thrombo-emboliques, pédiatrie ou vaccinologie, etc. Un premier appel d’offre vient de permettre de sélectionner sept réseaux prioritaires pour l’année 2008. Ainsi, en quinze ans, le paysage de la recherche clinique en France a été complètement recomposé. La création des DIRC va permettre de coordonner sur une base régionale les efforts des administrations hospitalières et des investigateurs cliniciens afin de développer aussi bien les essais cliniques à promotion institutionnelle que ceux à promotion industrielle. La professionnalisation des équipes qui entourent aujourd’hui les investigateurs est un gage de qualité et d’efficacité. L’objectif de ces efforts conjoints, publics et privés, est de permettre à notre pays de reprendre une place prépondérante dans la recherche biomédicale mondiale.

Summary

The organisation of clinical research in French teaching hospitals has been profoundly modified over the past 15 years. The first call for clinical research projects was made by the Ministry of Health in 1993. This Hospital Program for Clinical Research was created by the public welfare system, a situation unique in Europe and the USA at the time. Every year since 1993, new clinical research projects have been supported through this program. In 2007, more than 14 million euros was provided for clinical research in oncology, more than 21 million euros for clinical research in other fields, and more than 11 million euros through interregional grants. Overall, more than 50 million euros will be provided in 2008 to support clinical research with public sponsorship in French teaching hospitals. Major organisational changes were made to support this unprecedented financial effort in favor of clinical research. In each of the 29 French teaching hospitals, a Delegation for Clinical Research (DRC) was created to promote public sponsorship of clinical trials, to monitor these trials, to guarantee that Good Clinical Practices are respected, and to control the financial aspects of research projects. Clinical Research Assistants were recruited by DRC to monitor clinical trials. Clinical Investigation Centers (CIC) were organized in conjunction with teaching hospitals and with the French biomedical research council (INSERM). Today, there are 54 CICs located in 23 teaching hospitals, conducting clinical trials and other research in epidemiology and biotechnology. In May 2005, seven interregional delegations for clinical research (DIRC) were created to coordinate these activities on a regional basis. The aim was to improve scientific collaboration between teaching hospitals in a given region, to organize the training of clinical investigators and technicians, and to support the development of clinical trial monitoring, quality assurance, and pharmacovigilance. A 2006 survey of clinical trials sponsored by the drug industry in France showed that, by comparison to 2004, the number of patients enrolled had fallen. The mean rate of enrolments per investigator was lower than the European average (1.4 patients per month versus 1.7 in Europe as a whole), and the time necessary to organize hospital-based clinical trials was excessive (140 days). Given the globalisation of clinical trials and the increasing competition among countries, these weaknesses could have had deleterious consequences for French investigators and patients. Thus, in 2007, a joint public-private working party created a public interest group called CENGEPS (Centre national de gestion des essais des produits de santé) to provide financial support for DIRC (10 million euros per year for 4 years), derived from a special tax on drugs industry revenue. The objectives were to promote the development of clinical trials of drugs with industrial sponsors in France, to help clinical investigators to participate in these trials, and to increase the patient accrual rate. After a call for projects from each DIRC, grants were distributed to regional offices charged with managing relations with drug companies. Funds were also provided for the recruitment of 150 clinical trial technicians responsible for speeding patient enrolment and for providing clinicians with logistic backup for patient follow-up. National networks of clinical investigators will be created to develop clinical trials in fields such as Alzheimer’s disease, other mental illnesses, pediatric drugs, vaccines, AIDS, thromboembolism, etc. Thus, over the last 15 years, the organization of clinical research in France has been completely overhauled. The creation of DIRC will boost interregional cooperation among teaching hospitals and increase the number of clinical trials with both public and private sponsorship. Quality and efficiency will be improved by the increased professionalism of all those involved in clinical trials.

La loi Huriet-Sérusclat sur la protection des personnes dans la recherche biomédicale a vingt ans [1]. Cette loi a entraîné une profonde mutation de la pratique des essais cliniques dans notre pays. Garantissant pour la première fois les droits des personnes qui participent à ces essais, elle a organisé la transparence sur les objectifs, les contraintes, les risques et les bénéfices attendus de la recherche et a institué le rôle des comités de protection des personnes. Elle a reconnu le principe du respect par les investigateurs et les promoteurs des bonnes pratiques cliniques en instituant les contrôles de qualité des essais cliniques qui sont effectués par les assistants de recherche clinique (ARC). Elle a confié au directeur d’hôpital le soin de vérifier l’existence d’un budget permettant de rembourser à l’hôpital les coûts d’une recherche clinique. Enfin, la révision législative de 2004 [2] a rendu obligatoire l’avis favorable d’un Comité de Protection des Personnes et l’autorisation de l’autorité compétente représentant le Ministère de la santé, avant le début de tout protocole de recherche clinique.

Cette profonde mutation législative et technico-réglementaire a été accompagnée de changements structurels importants. Ils furent initiés par le lancement en 1993 du Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) et la création dans les centres hospitalo-universitaires (CHU) des structures administratives capables de gérer ces crédits publics, les Délégations à la Recherche Clinique (DRC).

Les responsabilités des investigateurs cliniciens et des promoteurs des essais ont également été complètement transformées. Mettre en route un projet de recherche clinique est un processus complexe dont le succès repose avant tout sur la détermination et l’opiniâtreté du clinicien chercheur. Cependant, aujourd’hui, le clinicien ne peut plus rester isolé. Il s’appuie sur des collaborateurs et des structures dédiés à la recherche clinique qui vont participer au succès de son projet. C’est la description de l’ensemble de ces nouvelles structures hospitalières de recherche clinique, et de cette nouvelle organisation, qui fait l’objet de ce travail.

Programme hospitalier de recherche clinique

Le PHRC est un programme du Ministère de la santé qui lance chaque année un appel d’offres pour le financement de projets de recherche clinique. Situation unique en Europe et aux USA, c’est en France le budget des hôpitaux (crédits de l’Assurance Maladie) qui apporte le plus important soutien aux essais cliniques à promotion institutionnelle. Grâce à ce programme, les hôpitaux universitaires sont devenus des promoteurs d’essais cliniques. En 2007, la part nationale du PHRC a distribué plus de quatorze millions d’euros pour le soutien de soixante-seize projets en cancérologie et plus de vingt et un millions d’euros pour soixante-quatorze projets hors-cancérologie. Ces projets ont été évalués par près de mille cinq cents experts et une commission nationale a sélectionné les projets hors cancérologie.

Pour les projets en cancérologie une commission nationale et l’Institut National du Cancer ont été sollicités. La part inter-régionale du PHRC a permis de soutenir cent neuf projets sélectionnés par les sept directions inter-régionale de recherche clinique (DIRC) pour un montant de plus de onze millions d’euros. Pour la part nationale du PHRC, les projets retenus représentent 35,7 % des projets soumis en cancérologie et 23,3 % des projets soumis hors-cancérologie.

 

Ces crédits publics sont gérés par les délégations à la recherche clinique des CHU et le centre hospitalier est le promoteur de ces essais cliniques. Le Ministère de la santé évalue chaque année l’activité de publication scientifique des cliniciens et des chercheurs des CHU grâce à un logiciel de bibliographie adapté à cet objectif. Ces publications concernent toutes les recherches effectuées dans les CHU qu’elles soient financées par le PHRC ou d’autres programmes. Cet indice de publication intervient dans le calcul des crédits couvrant les missions de recherche et d’enseignement des CHU qui sont affectés chaque année par le Ministère de la santé au budget des services hospitalo-universitaires. Cette démarche valorise les activités de recherche des cliniciens et des chercheurs des CHU.

Délégations à la recherche clinique

Avec l’arrivée du PHRC, des DRC ont été créées dans chacun des vingt-neuf centres hospitalo-universitaires français afin de développer la recherche à promotion institutionnelle et d’assurer les missions correspondant aux responsabilités d’un promoteur dans toute recherche biomédicale. Ces responsabilités ont été accrues lors de la révision législative de 2004 sur la recherche biomédicale. Ces missions comportent pour chaque essai une évaluation correcte de ses coûts, l’établissement d’un contrat d’assurance, la soumission du protocole à l’avis d’un Comité de Protection des Personnes et la demande d’autorisation administrative à l’autorité compétente (l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé AFSSAPS). Lorsque la recherche débute, le promoteur peut mettre à disposition des investigateurs qui le souhaitent des techniciens d’essais cliniques (TEC) et doit recruter des ARC qui vont assurer les contrôles de qualité prévus par la loi pour le respect des bonnes pratiques cliniques. Il doit également assurer la vigilance des recherches et communiquer à l’AFSSAPS et aux comités de protection des personnes les informations nécessaires en cas de survenue d’effets indésirables graves. Lorsqu’il s’agit d’essais cliniques de médicaments, ces informations sont transmises à l’Agence Européenne du Médicament. Il doit enfin s’assurer de l’exécution correcte du budget de l’essai en rapport avec l’évaluation initiale des coûts de la recherche.

Chaque DRC est dirigée par un responsable médical PU-PH ‘‘ reconnu pour ses travaux de recherche ’’ et d’un cadre de direction, directeur chargé de la recherche clinique [3]. A l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, la DRC centrale a déconcentré certaines de ses missions en 2002 et a confié à huit unités de recherche clinique le soin d’établir les relations avec les investigateurs locaux ainsi que l’exécution des budgets des recherches institutionnelles.

Plus récemment, dans une circulaire de Mai 2005, le Ministère de la santé a confié aux DRC le soin de ‘‘ particulièrement veiller à la bonne évaluation des surcoûts liés à la réalisation de protocoles de recherche à promotion industrielle au sein de l’hôpital. Le remboursement des ces surcoûts fait l’objet de conventions entre les promoteurs industriels et les établissements. Les DRC doivent être associées aux négociations de ces conventions ’’ [3].

 

Enfin, les DRC doivent associer les hôpitaux non-universitaires de la région à ces activités de recherche clinique et mettre en œuvre des actions d’information auprès du public afin de valoriser la recherche clinique et le progrès médical.

Centres d’investigation clinique

Dès 1994, l’INSERM et les hôpitaux universitaires ont commencé à créer des centres d’investigation clinique (CIC). On en compte aujourd’hui cinquante-quatre répartis dans vingt-trois CHU (figure 1). Parmi eux, vingt-six CIC sont consacrés aux essais cliniques soit dans un domaine précis (par ex. neurologie ou cardiologie) soit sans spécialisation particulière ce qui permet d’accueillir des investigateurs de différents domaines. Ils sont particulièrement importants pour la réalisation de recherches translationnelles, complexes, nécessitant la présence d’un personnel expérimenté. On compte également neuf CIC d’épidémiologie clinique, onze CIC pour les essais des produits issus des biotechnologies et huit CIC pour le développement des innovations thérapeutiques. Les CIC ont l’avantage de mettre à la disposition des investigateurs un lieu dédié à la recherche clinique et du personnel et des moyens techniques pour les essais cliniques ou les études épidémiologiques. La création des CIC a joué un rôle majeur dans le développement et la reconnaissance de la recherche clinique hospitalières. Certains CIC sont ainsi devenus des centres régionaux de conseil pour la méthodologie et la logistique d’essais cliniques. Le Ministère de la santé, via les crédits des missions d’enseignement et de recherche attribués chaque année aux CHU, soutient activement les CIC.

Directions inter-régionales de recherche clinique

Les directions inter-régionales de recherche clinique ont été créées par une circulaire de Mai 2005 [3] dans les sept inter-régions sanitaires françaises [figure 2]. Les sièges de ces DIRC sont Paris pour l’Ile de France, Lille pour le Nord-Ouest, Nantes pour l’Ouest, Dijon pour l’Est, Bordeaux pour le Sud-Ouest-Outre-Mer, Lyon pour Rhône-Alpes-Auvergne et Marseille pour le Sud-Méditerranée.

La création des DIRC vise à organiser des ensembles inter-régionaux ayant la taille suffisante pour permettre de mener à bien une véritable politique de développement de la recherche clinique. Leurs missions sont résumées dans le tableau no 1. L’objectif du Ministère de la santé est de créer au niveau de chaque inter-région, en concertation avec l’Inserm et l’université, les conditions optimales pour la réalisation d’essais cliniques. L’objectif principal des DIRC est de professionnaliser la recherche clinique institutionnelle et industrielle, c’est à dire de faire en sorte que cette activité perde son caractère artisanal et occasionnel pour devenir une activité professionnelle à temps plein des CHU. Il faut, pour atteindre cet objectif, que les médecins investigateurs soient véritablement formés aux exigences méthodologiques des essais cliniques d’aujourd’hui et qu’ils soient motivés. Il faut ensuite qu’ils soient entourés de personnes compétentes capables de prendre en charge toutes les

Tableau 1. — Missions des Directions inter-régionales de Recherche Clinique — Coordonner l’activité des DRC de l’inter-région — Développer les coopérations scientifiques entre les CHU, les hôpitaux non universitaires et les médecins libéraux — Animer un point de contact inter-régional pour les essais cliniques à promotion industrielle — Organiser la formation des professionnels de la recherche : investigateurs, assistants de recherche clinique, techniciens d’essais cliniques, gestionnaires des essais — Coordonner les missions des DRC promoteurs : monitorage des essais, mise en place d’un système d’assurance qualité, organisation de la vigilance et de la pharmacovigilance des essais — Créer et gérer des équipes mutualisées de techniciens d’essais cliniques mis à la disposition des investigateurs et susceptibles d’intervenir dans l’inter-région — Soutenir une politique de valorisation de la recherche clinique (brevets, contrats) activités supports que les médecins n’ont pas le temps d’assumer. Il faut des TEC pour faciliter le recrutement des patients, avancer le remplissage des cahiers d’observations, organiser les rendez-vous du suivi des patients, éventuellement commencer de saisir sur les logiciels ad-hoc les informations concernant les patients. Il faut des ARC pour contrôler la qualité des essais et vérifier le respect des protocoles de recherche et des bonnes pratiques cliniques. Il faut des méthodologistes pour construire les projets. Il faut des « data-managers » pour entrer les données des essais dans les programmes informatiques. Il faut des biostatisticiens pour analyser les résultats de la recherche. Il faut enfin des gestionnaires financiers pour assurer le suivi des coûts des essais. L’inter-région représente le périmètre idéal pour rassembler ces différentes personnes et constituer la masse critique indispensable au succès de la recherche clinique. Les DIRC vont également recevoir le soutien du Centre National de Gestion des Essais des Produits de Santé.

Centre National de Gestion des Essais des Produits de Santé

Le CENGEPS, est un groupement d’intérêt public créé en 2007 pour quatre ans afin de développer en France les essais cliniques des produits de santé (essentiellement les médicaments) à promotion industrielle. L’origine de ce centre vient d’une décision du conseil stratégique des industries de santé présidé par le premier ministre en 2004 et répond à une demande des laboratoires pharmaceutiques. En effet, l’enquête réalisée en 2006 [4] par les entreprises du médicament auprès de vingt laboratoires importants en France a montré que les délais de mise en place des essais cliniques étaient excessivement longs (délais de cent quarante jours en moyenne pour la signature de la convention hospitalière pour une étude monocentrique, et deux cent quatre vingt dix-neuf jours pour une étude multicentrique). Par ailleurs, alors que le nombre moyen de patients recrutés dans les essais cliniques était égal en France à la moyenne des autres pays européens, la vitesse de recrutement de ces patients était inférieure à la moyenne européenne (1,4 patient recruté par centre investigateur par mois au lieu de 1,7 pour la moyenne européenne, 1,8 pour les pays scandinaves et 2,5 pour les pays de l’ancienne Europe de l’Est). Pour tenter d’améliorer cette situation, il a décidé que le produit d’une taxe spéciale sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique serait mis à la disposition du CENGEPS qui en assurerait la gestion paritaire (51 % représentants du secteur public et 49 % du secteur industriel). Dans les DIRC, le CENGEPS va distribuer, chaque année pendant au moins quatre ans, neuf millions d’euros afin de :

— encourager les actions de formation des professionnels de la recherche clinique — soutenir la création au sein de chaque DIRC d’un point de contact pour les essais cliniques à promotion industrielle, — diminuer à quinze jours le délai d’instruction des conventions financières hôpital-industrie, — favoriser le recrutement et la mutualisation de cent cinquante TEC qui seront placés dès 2008 auprès des investigateurs, — encourager les collaborations scientifiques régionales entre les CHU, les hôpitaux non-universitaires et les médecins libéraux — développer les moyens d’information des patients sur les essais cliniques.

Ensuite, le CENGEPS va soutenir financièrement (un million d’euros en 2008) la création de réseaux nationaux d’investigation clinique dans des domaines particuliers. Pour 2008 sept réseaux ont été sélectionnés pour des essais cliniques dans la maladie d’Alzheimer, en pédiatrie, en vaccinologie, en cardiologie et psychiatrie, dans le Sida, et dans les maladies thrombo-emboliques.Enfin, deux actions à portée nationale sont mises en place par le CENGEPS, la création d’un logiciel de suivi des inclusions des patients dans les essais cliniques et l’harmonisation nationale de la grille de calcul des coûts des essais cliniques hospitaliers. Le logiciel de suivi des inclusions des patients dans les essais cliniques est développé avec le Ministère de la santé car les informations fournies par ce logiciel seront intégrées, au même titre que les publications scientifiques, à la liste des indicateurs d’activité scientifique utilisées pour le calcul des subventions versées aux CHU pour le soutien des missions d’enseignement et de recherche.

Quant à l’harmonisation de la grille de calcul des coûts des essais cliniques hospitaliers, elle répond à un besoin évident de simplification et de transparence du calcul du coût des essais sur l’ensemble du territoire national, accélérant ainsi l’établissement des conventions financières entre les hôpitaux et les promoteurs industriels.

 

CONCLUSION

La recherche clinique à promotion institutionnelle a pleinement trouvé sa place dans les CHU grâce aux réformes structurelles des quinze dernières années et au soutien des crédits du PHRC. Aujourd’hui, ce sont les essais cliniques à promotion industrielle qu’il faut soutenir grâce aux crédits du CENGEPS afin de maintenir la place de la France dans la recherche biomédicale mondiale. La création des DIRC va permettre de coordonner, sur une base régionale, les efforts des administrations hospitalières et des investigateurs cliniciens afin de développer tous les essais cliniques à promotion institutionnelle ou industrielle. La professionnalisation des équipes d’ARC et de TEC qui entourent les investigateurs est un gage de qualité et d’efficacité. Les recherches des investigateurs cliniciens seront valorisées dans le cadre du soutien aux missions d’enseignement et de recherche financées par le budget du ministère de la santé. L’ensemble de ces mesures devrait permettre à la France de maintenir sa place dans la recherche biomédicale mondiale.

BIBLIOGRAPHIE [1] Jaillon P., Demarez J.P. — L’histoire de la génèse de la loi Huriet-Sécrusclat de décembre 1988. Médecine/sciences, 2008 , 24, 1-5.

[2] Articles L 1121-1 et suivants du Code de la Santé Publique.

[3] Circulaire DHOS/OPRC/2005/252 du 26 Mai 2005 relative à l’organisation de la recherche clinique et au renforcement des personnels de recherche clinique.

[4] Courcier S., Sibenaler C., Couderc M., Trinquet F., Pletan Y., Lassale C., et le groupe de travail ‘‘ attractivité de la France ’’ du LEEM. — La France est un pays attractif pour la recherche clinique internationale : enquête 2006 du LEEM. Thérapie , 2006, 61 , 407-18.

 

DISCUSSION

M. Jean-Paul GIROUD

Comment allez-vous évaluer le succès des actions des CENGEPS ?

Le GIP CENGEPS a été créé pour quatre ans. C’est donc à l’issue de cette période que seront évaluées les actions du CENGEPS sur les critères suivants : — progression du nombre de patients inclus dans les essais cliniques à promotion industrielle de 2006 à 2010 et augmentation du taux d’inclusion, c’est-à-dire du rapport au nombre de patients réellement inclus au nombre de patients initialement prévu par les investigateurs, — augmentation de la vitesse d’inclusion de ces patients dans chaque protocole, — diminution du temps nécessaire à l’administration hospitalière pour calculer les surcoûts des essais cliniques et respect de la grille nationale des coûts, — progression du nombre de protocoles sur lesquels seront intervenus les TEC recrutés pour aider les investigateurs.

 

Ces indicateurs seront recueillis chaque année auprès des personnes chargées dans les DIRC de faire fonctionner le point de contact interrégional avec les promoteurs industriels.

M. Gabriel RICHET

La recherche clinique est une porte ouverte à un enseignement actif susceptible d’éveiller des vocations. Dans votre Faculté, la recherche clinique participe-t-elle à l’enseignement dans quelques disciplines ?

Les principes fondamentaux de la recherche clinique sont enseignés à différents moments lors de la formation initiale des médecins. Les bases de l’éthique de la recherche clinique sont enseignées en première année du 1er cycle. Les principes méthodologiques des essais cliniques contrôlés sont enseignés en première année du 2e cycle au cours des enseignements de pharmacologie médicale. Ils sont normalement rappelés lors de l’enseignement du Certificat de Synthèse Clinique et Thérapeutique en 4e année du 2e cycle. Cependant, la durée totale de ces enseignements est extrêmement faible, de l’ordre de trois à quatre heures de cours par étudiant. En réalité, la majorité de la formation des médecins à la recherche clinique est malheureusement optionnelle. C’est-à-dire que seuls les médecins motivés suivent au cours du 3e cycle ou lors d’une formation permanente des enseignements sur la méthodologie et l’organisation des essais cliniques dans des masters ou des diplômes inter-universitaires. Nous déplorons cette situation puisque la majorité des jeunes médecins n’ont aujourd’hui aucune formation sérieuse à la recherche clinique si bien qu’ils en viennent à oublier que le progrès médical ne repose que sur une expérimentation clinique bien conduite. Nous sommes loin de Claude Bernard et de la médecine expérimentale !

Mme Monique ADOLPHE

Comment sont formés les ARC et les TRC ? Comment se situent les Etats-Unis dans la recherche clinique ?

Les assistants de recherche clinique ARC et les techniciens d’études cliniques (TEC) sont formés grâce à des diplômes d’université. J’ai créé le plus ancien des diplômes, le DIU FARC-TEC, à la faculté de médecine du CHU Saint-Antoine en 1989 et nous avons formé depuis deux mille personnes à la recherche clinique. D’autres formations universitaires ou privées ont vu le jour par la suite. Les étudiants peuvent y accéder grâce aux crédits de la Formation Permanente lorsque leurs employeurs acceptent de prendre en charge cette formation. C’est notamment le cas aujourd’hui des DRC hospitalières qui ont besoin de recruter des ARC et des TEC correctement formés.

M. André VACHERON

Vous avez démontré l’incontestable progression de la recherche clinique en France. Son impact sur les publications est-il évalué ?

L’impact de la progression des essais cliniques sur les publications des hospitalouniversitaires français est maintenant bien évalué. Tout d’abord tous les investigateurs qui ont reçu des crédits du PHRC pour une recherche clinique doivent rendre des comptes au Ministère de la santé et à leur DRC de l’avancement de leurs recherches et des publications scientifiques qui en sont résultées. Plus récemment, tous les CHU ont été dotés d’un logiciel de bibliométrie, le logiciel SIGAPS, mis au point par le CHU de Lille.

Ce logiciel recueille et classe la totalité des articles scientifiques publiés par les hospitalouniversitaires français. Nous disposons donc d’un indicateur permanent de production scientifique qui sert au Ministère de la Santé à calculer le montant des crédits de soutien à la recherche et l’enseignement qui sont attribués chaque année aux hôpitaux universitaires.

M. Gérard MILHAUD

Qu’elle est l’attractivité clinique française actuelle comparée à celle des pays de la Communauté européenne ? Ces efforts vont-ils aboutir à la découverte éventuelle d’une grande molécule thérapeutique innovante ?

L’attractivité clinique française pour les laboratoires pharmaceutiques internationaux est en baisse. Les chiffres des enquêtes du Leem en 2006 comparés à ceux de 2004 le prouvent. Nous attendons les résultats de l’enquête de 2008 avec beaucoup d’intérêt.

C’est la baisse de notre attractivité qui a justifié la création du Cengps qui va distribuer environ dix millions d’euros par an pendant quatre ans pour aider les cliniciens investigateurs à remonter la pente. Ces crédits vont également faciliter les relations entre les directions interrégionales de recherche clinique et les promoteurs industriels. Les essais cliniques à promotion industrielle vont s’en trouver valorisés. Ces essais cliniques font de très belles publications scientifiques. Il faut rappeler aussi qu’ils permettent aux médecins et aux malades français d’avoir un accès rapide aux innovations thérapeutiques. Maintenant, la question de savoir si ces efforts vont aboutir à la découverte d’une molécule thérapeutique innovante est une question passionnante mais à laquelle il est bien difficile de répondre. Ce qui est sûr, c’est que seuls les essais cliniques des nouveaux médicaments permettent d’évaluer le degré d’innovation d’une nouvelle molécule.

 

<p>* Pharmacologie, Hôpital Saint-Antoine AP-HP et Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie Site Saint-Antoine, Université Paris 6, 27 rue de Chaligny — 75012 Paris et e-mail : patrice.jaillon@upmc.fr Tirés à part : Professeur Patrice Jaillon, même adresse Article reçu et accepté le 19 mai 2008</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 5, 929-939, séance du 20 mai 2008