Communication scientifique
Séance du 20 novembre 2001

L’obésité morbide, problème de santé publique : traitement chirurgical sous laparoscopie

MOTS-CLÉS : court-circuit gastrique. laparoscopie.. obésité grave
Morbid obesity, a public health problem : laparoscopic surgical treatment

J. Mouiel

Résumé

L’obésité morbide définie par le double du poids idéal est largement méconnue en France, bien qu’elle soit à l’origine de 55 000 décès par an, à comparer aux 8 000 décès par accident de la route. Son étiopathogénie est discutée même si on privilégie l’origine génétique depuis la découverte de l’ob-gène et de son hormone la leptine. Du fait de l’inefficacité à long terme des traitements médicaux, l’avènement de la laparoscopie a bouleversé les données thérapeutiques et a entraîné une croissance exponentielle d’interventions chirurgicales privilé- giant, non sans complications, le cerclage gastrique par anneau ajustable. C’est pourquoi nous avons entrepris une étude prospective par laparoscopie chez cent patients comparant 3 types d’interventions avec l’idée que l’indication de chacune d’entre elles doit s’adapter au comportement alimentaire. Les résultats initiaux sont extrêmement favorables et comparables aux données de la littérature internationale. De plus cette étude se veut un plaidoyer pour l’approche multidisciplinaire de l’obésité morbide et un appel pour une action institutionnelle de santé publique

Summary

Morbid obesity, commonly defined as a condition in which the weight exceed twice the ideal body weight, is a major public health concern, widely unrecognized in France whereas causing 55 000 deaths per year to compare to 8 000 deaths per year by traffic accidents. Its pathogenesis is discussed even if much attention in recent years has cantered on genetic causes since the identification of the ob-gene and its protein product leptine. Due to the long term failure of medical treatments, the advent of laparoscopy had disrupted therapeutic and * Membre de l’Académie nationale de Chirurgie. Tirés-à-part : Professeur Jean MOUIEL, Service de Chirurgie Digestive, Vidéo-Chirurgie et Transplantation Hépatique — Hôpital de l’Archet 2, BP 3079-06202 Nice cedex 3. Tél : 04.92.03.64.76 — Fax : 04.92.03.65.62 — Email : jmouiel@club-internet.fr Article reçu le 23 février 2001, accepté le 19 mars 2001. carried on exponential development of laparoscopic operations mainly by gastric banding using an adjustable ring not without complications. It is why we have performed a prospective study by laparoscopy in 100 patients comparing 3 operations with the aim that each indication could be adapted to the alimentary behaviour. The short term results are extremely favourable and comparable to international literature data. Moreover, the study is a plea for a multidisciplinary approach of morbid obesity and a core for a public health action . KEY-WORDS (Index Medicus) : GASTRIC BYPASS. OBESITY, MORBID. LAPAROSCOPY.

INTRODUCTION

L’obésité morbide ou cliniquement sévère vient d’être reconnue par l’OMS comme une maladie grave à l’origine de complications sévères parfois mortelles [1]. Sa prévalence de plus en plus importante dans les pays développés, en particulier en France, est à l’origine d’un problème de Santé Publique mettant en œuvre des moyens de prévention, des traitements médicaux et chirurgicaux, un suivi multidisciplinaire à l’origine de coûts non négligeables.

Chez ces malades pesant plus du double du poids idéal et dont la prise en charge médicale a été suivie de peu d’efficacité à long terme, les traitements chirurgicaux ont été validés par la Conférence de Consensus du National Institut of Health de 1991 [2]. Pourtant à quelques exceptions près, ces traitements chirurgicaux ont été largement méconnus en France et très peu pratiqués.

Comme dans d’autres domaines, c’est l’avènement de la laparoscopie avec possibilité de réaliser une gastroplastie par mise en place d’un anneau de silicone ajustable qui a remis en question les idées acquises [3]. Désormais, de nombreux malades consultent directement les chirurgiens qui se sont lancés dans cette technique peu invasive au point qu’en l’an 2000, 5 à 6 000 anneaux ont été posés. Mais cette technique, pour simple et réversible qu’elle soit, n’est pas exempte de complications et ne résume pas la chirurgie bariatrique [4].

C’est pourquoi il nous a paru opportun de rappeler la gravité de l’obésité morbide, de souligner les résultats obtenus par les traitements médicaux et chirurgicaux conventionnels, de présenter les 3 techniques laparoscopiques transposées de l’expé- rience conventionnelle d’après une étude prospective personnelle de 100 patients et de susciter une réflexion approfondie sur le sujet.

L’OBÉSITÉ EST UN PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE

L’obésité est définie comme une accumulation d’une quantité excessive de tissus gras par rapport aux tissus maigres. Son degré s’exprime sous forme d’Indice de Masse Corporelle (IMC) ou Body Mass Index (BMI) obtenu en divisant le poids en kg par le carré de la taille en mètres. D’après les critères de l’OMS, la surcharge pondérale
commence à 25 kg/m2, l’obésité modérée ou commune (classe I) à 30 kg/m2, l’obésité sévère (Classe II) à 35 kg/m2, l’obésité massive ou morbide (classe III) à 40 kg/m2.

Les chirurgiens isolent une catégorie supplémentaire, la superobésité, à 50 kg/m2.

De façon plus simple, l’obésité est apparente lorsque le poids dépasse de 20 % le poids idéal défini par les tables de la Metropolitan Life Insurance Company et on parle d’obésité morbide lorsque ce poids excède 100 % du poids idéal, soit 45 à 50 kg [1].

La fréquence de l’obésité est considérable et continue d’augmenter. Aux États-Unis par exemple, approximativement 12,5 millions de personnes sont en surpoids et près de 4 millions présentent une obésité sévère directement à l’origine de troubles de la santé [5]. Le problème a été largement méconnu en France du fait de la pression sociale qui, contrairement à d’autres pays, États-Unis ou Belgique par exemple, pousse les patients à se cacher mais des études récentes, en particulier l’enquête OBEPI menée en 1997 par la SOFRES avec l’aide de l’INSERM auprès de 30 921 Français, indique qu’aujourd’hui 37 % de la population française, âges, sexes et régions confondus, présentent un problème de surpoids, soit environ 16 millions d’adultes. Selon cette enquête, 8,2 % soit 3,5 millions de Français sont obèses : 6,8 % sont atteints d’obésité modérée (IMC entre 30 et 34,9 kg/m2), 1,1 % d’obésité sévère (IMC entre 35 et 39,9 kg/m2) et 0,3 % d’obésité morbide (IMC à 40 kg/m2), ce qui situe la France dans la moyenne des pays européens [6].

L’histoire naturelle de l’obésité morbide témoigne de sa gravité, comme l’a reconnu la Conférence de Consensus du NIH de décembre 1985 qui en a souligné les conséquences sur la santé, liées à l’augmentation des maladies cardiovasculaires, de l’hypertension, du diabète, des dyslipidémies, de l’insuffisance respiratoire avec apnée du sommeil, de l’arthrose, de la dépression et des cancers des voies biliaires, du côlon, du sein, de l’utérus et des ovaires [7]. Le risque de mortalité est significativement très augmenté avec possibilité non exceptionnelle de mort subite. À partir de 40 % de surpoids, le risque augmente de 50 % et suit une courbe exponentielle. Pour la France, le taux de décès en rapport avec l’obésité a été estimé à 55 000 par an en comparaison avec les relevés effectués dans d’autres pays et ces chiffres sont en cohérence avec la mortalité des maladies en relation avec l’obésité, qui se chiffre en 1990 à 177 932 cas [8]. Ces chiffres, largement méconnus, sont à juxtaposer aux 8 000 décès/an par accidents de la route et devraient interpeller les autorités en charge de la Santé Publique. C’est ce qui justifie l’approche chirurgicale comme le souligne l’enquête SOS (Swedish Obesity Study) dans laquelle 2 000 patients ont été randomisés entre régime versus chirurgie. L’étude n’est pas terminée mais à 6 ans de recul, 3 patients « chirurgie » sont décédés versus 27 patients « régime », soit une diffé- rence multiple de 9 [9].

L’étiologie de l’obésité est représentée par une série de facteurs qui contribuent à rendre fortement positive la balance énergétique, qu’il s’agisse de facteurs métaboliques, endocriniens, socio-économiques, culturels, psychologiques, comportementaux [1]. À ce sujet, on a volontiers souligné les effets néfastes de la « Mac Domination » et de la « Coca colonisation » à l’origine d’une sorte d’addiction par manque
de volonté. En fait aujourd’hui, on insiste beaucoup sur les facteurs génétiques. En effet, le clonage et la caractérisation du gène ob ont conduit à l’identification d’une nouvelle hormone la leptine , fortement exprimée au niveau du tissu adipeux et significativement augmentée chez les sujets obèses [5]. Le rôle physiologique principal de la leptine est de signaler l’état nutritionnel au niveau hypothalamique en activant la réponse de différents facteurs anorexigènes et en s’opposant à l’effet de facteurs orexigènes : elle apparaît ainsi comme l’hormone de la satiété. Le fait que la plupart des sujets obèses humains aient un taux plasmatique de leptine élevé, semble indiquer que l’obésité humaine est généralement associée à une résistance à la leptine.

Parallèlement, le gène codant pour les récepteurs B3 adrénergiques a été impliqué dans l’obésité du fait de son rôle dans la réserve et la mobilisation de l’énergie [5].

Ces récepteurs localisés essentiellement dans la graisse et les adipocytes du tractus gastro-intestinal jouent un rôle dans la prise de poids par diminution du métabolisme de base et la lipolyse. Ce schéma simplifié fournirait une explication génétique rationnelle à l’obésité avec d’une part diminution de la satiété par action de la leptine et, d’autre part, diminution du métabolisme de base par les récepteurs B3 adrénergiques [5]. La réalité est autrement plus complexe puisqu’on parlait ces dernières années de 200 gènes candidats et de 40 neurotransmetteurs [10]… De fait, on ne retrouve que moins de 5 % d’étiologies reconnues corrélées à un syndrome mendé- lien, une hypothyroïdie, une maladie de Cushing, un insulinome.

En pratique, l’excès de tissu adipeux entraîne l’utilisation préférentielle de la voie métabolique lipidique, à l’origine du cercle vicieux insulino-résistance-hyperinsulinisme qui aggrave l’obésité, conduit au diabète et intervient dans les principales complications évolutives : dyslipidémie, hypertension artérielle, insuffisance cardiovasculaire [5].

Les coûts ne sont pas négligeables : l’obésité sévère, par les traitements qu’elle induit et les maladies associées nécessitant une prise en charge, est à l’origine de dépenses considérables, évaluées approximativement aux États-Unis à 68 billions de dollars par an pour les coûts directs et à 30 billions de dollars par an pour les régimes spéciaux. En France, l’étude de Lévy retrouve près de 12 billions de francs en coût direct et 0,6 billion en coûts indirects soit plus de 2 % des dépenses du système de santé à comparer aux coûts relevés aux États-Unis, en Suède, aux Pays-Bas et en Australie qui varient entre 5 et 2 %, ce qui est donc considérable [8].

LES TRAITEMENTS CONVENTIONNELS

Ces traitements ont été validés pour l’essentiel par la Conférence de Consensus du NIH de mars 1991 [2] en tenant compte du fait que les bases étiopathogéniques de l’obésité sévère sont largement méconnues, de telle sorte qu’une thérapeutique spécifique ne peut être proposée.

Le traitement médical

Le traitement idéal doit diminuer le poids à long terme, être moins dangereux que l’histoire naturelle de la maladie et être acceptable pour le patient. En fait, la seule manière de diminuer le poids est de mettre le patient en bilan calorique négatif par diminution de l’énergie ingérée et augmentation de l’énergie dépensée. Ce traitement fait donc appel aux régimes sous différentes variétés, à l’exercice physique et à la psychothérapie comportementale. L’usage des médicaments peut conduire à des complications et leur prescription est encadrée, qu’il s’agisse des amphétamines, des extraits thyroïdiens, des diurétiques voire interdite comme les penfluramines à l’origine d’hypertension artérielle pulmonaire. Plus récemment, l’inhibiteur de la lipase pancréatique a été jugé plus favorablement et la sibutramine associant une action noradrénergique et une action sérotoninergique a été autorisée aux ÉtatsUnis et vient d’être homologuée en France [1]. En fait, quelles que soient les modalités de la prise en charge et la qualité du suivi, ces traitements médicaux n’aboutissent qu’à 5 à 10 % de succès. La plupart des patients, après une perte d’excès de poids (PEP) parfois significative, reprennent leur poids antérieur et même le dépassent très rapidement ce qui a été qualifié de syndrome du « yo-yo » [5, 7]. Ces échecs expliquent la prolifération du charlatanisme thérapeutique chez ces malades très demandeurs de soins à la recherche d’une potion magique.

Les traitements chirurgicaux conventionnels

C’est devant ces constats d’inefficacité que la chirurgie s’est développée selon deux grands principes : création d’une insuffisance digestive par court-circuit intestinal à l’origine d’une malabsorption, réduction de la poche gastrique à l’origine d’une diminution des apports alimentaires.

Le court-circuit gastrique ou Roux en Y bypass

Décrit par Mason, c’est une technique mixte très populaire aux États-Unis qui associe une gastroplastie par réduction à 20 cc du volume de l’estomac à un court-circuit gastrique par anse intestinale montée, ce qui entraîne une malabsorption plus ou moins importante, selon la longueur de l’anse intestinale montée, habituellement 100 cm. En chirurgie ouverte [11], cette technique est particulièrement délicate, d’autant qu’elle s’adresse aux patients superobèses dont la paroi est très épaisse, l’écartement des berges très difficile, le foie très volumineux. Elle donne lieu à une mortalité de 0,4 % à 0,5 % par embolie pulmonaire, à une morbidité opératoire non négligeable de 0,5 à 2,5 % en rapport avec la fistulisation de l’anastomose à l’origine de sepsis et des complications à distance de 4 % en rapport avec deux complications spécifiques : l’une à type de carence nutritionnelle portant sur la vitamine B12, les folates et le fer, l’autre en rapport avec un dumping syndrome lié à l’issue d’aliments hyper-osmolaires dans l’anse intestinale. Ces complications entraînent des réinterventions particulièrement difficiles, de l’ordre de 9 %. Les
résultats témoignent cependant de l’efficacité de la méthode puisque la PEP est de l’ordre de 60 à 70 % se maintenant après 5 ans [5].

La gastroplastie verticale calibrée ou Vertical Banded Gastroplasty

Popularisée par Mason [12], elle consiste à diviser l’estomac en deux parties, une petite partie proximale de 20 cc communicant par un orifice étroit, calibré à l’aide d’un anneau de 10 mm de diamètre, dans la partie distale : dans ces conditions, le malade s’alimente très peu, l’équivalent d’un pot de yaourt, remplit rapidement la partie proximale qui s’évacue très lentement selon le principe du sablier entraînant un phénomène de satiété, voire d’aversion alimentaire, empêchant le malade de s’alimenter, réalisant ainsi la réduction recherchée des apports. Cette technique entraîne une mortalité réduite de 0,3 % en rapport avec des embolies pulmonaires, une morbidité périopératoire, faible mais non négligeable de 1,9 %, en rapport avec les fistules gastriques, les sepsis et les éventrations. La morbidité tardive est repré- sentée par deux complications électives : la dilatation de la poche avec rupture de la ligne d’agrafage conduisant à une reprise de poids de 32 à 54 % selon le procédé et la sténose de l’orifice de gastroplastie à la hauteur de 4 %. Cependant les résultats en soulignent l’efficacité technique puisque Desaive note une PEP contrôlée de 1 à 10 ans de 60,4 % [13].

La gastroplastie horizontale par cerclage gastrique à l’aide d’un anneau ou gastric banding Elle a été introduite par Molina [14] qui a réalisé à ce jour plus de 6 500 interventions en utilisant une bande plastique mais c’est à Kuzmak qu’on doit l’amélioration du procédé par utilisation d’un anneau de silicone ajustable grâce à un ballonnet gonflable relié à un réservoir inclus dans la paroi [15]. Parallèlement, Forsell en Suède mettait au point un dispositif comparable [16]. L’anneau était positionné à la partie supérieure de l’estomac et refermé comme une ceinture. Il était relié à un réservoir inclus dans la paroi permettant des calibrages en dehors de toute intervention. L’expérience internationale a fait état d’une mortalité extrêmement réduite, d’une morbidité spécifique précoce de 4,6 à 18,3 % en rapport avec des infections pariétales, des éventrations, des thromboses veineuses et des complications pulmonaires, et une morbidité spécifique tardive de 2,7 à 29,1 % conduisant à des réinterventions de 9,2 à 31,9 %. Deux types de complications tardives étaient rapportées :

la dilatation de la poche et le rétrécissement de la bouche de gastroplastie à l’origine de vomissements avec intolérance gastrique. L’efficacité de l’intervention en terme de perte de poids était cependant certaine, et en Europe, on peut citer le promoteur de la méthode, Belachew, qui a noté une PEP moyenne de 60,4 % de 1 à 8 ans, avec un indice de satisfaction des patients de 90 % malgré un taux de révision de 20 % [17], ce qu’a confirmé Forsell [16].

Les traitements chirurgicaux par laparoscopie = expérience personnelle

La laparoscopie s’est paradoxalement imposée du fait de la meilleure exposition obtenue chez ces patients à paroi épaisse, à gros foie, à mésos épaissis d’autant que les suites sont facilitées.

Méthodes

La sélection des patients a été faite dans le Centre Médico-Chirurgical de l’Obésité

Morbide organisé au CHU et groupant endocrinologues, gastro-entérologues et endoscopistes, psychiatres, biologistes, radiologues, anesthésistes et chirurgiens, et au besoin cardiologues, pneumologues et rhumatologues, de telle sorte que la sélection a toujours été multidisciplinaire. Après une expérience opératoire de 300 patients, nous avons entrepris de janvier 1999 à décembre 2000 une étude prospective chez 100 malades répartis en 3 groupes opérés par cerclage gastrique n=34 (CG), gastroplastie verticale calibrée n=33 (GVC), court-circuit gastrique n=33 (CCG).

Les points techniques propres à la laparoscopie ont comporté, sous anesthésie géné- rale monitorée, l’exposition du champ opératoire grâce à un pneumopéritoine contrôlé électroniquement à 15 mmHg. L’intervention s’est déroulée par l’intermé- diaire d’une caméra reliée à un moniteur (Storz GbmH) en utilisant un abord minimal de 5 trocarts. Les procédures ont été représentées par : le cerclage gastrique , intervention la plus simple utilisant l’anneau en silicone ajustable ou lapband ® (Bioenterics Co) pour isoler une poche de gastroplastie, selon la technique de Belachew [17] (Fig. 1) ; la gastroplastie verticale calibrée selon la technique de

Mason modifiée par Mac Lean [18] comportant l’isolement par section suture mécanique (Ethicon endosurgery) d’une poche de gastroplastie de 20 cc (Fig. 2) ; le court-circuit gastrique , intervention la plus sophistiquée, selon la technique de Higa [19] avec une gastroplastie par section suture (US Surgical, Tyco Healthcare) identique à la précédente sur laquelle a été branchée une anse jéjunale montée en Y isolée sur 100 à 200 cm selon l’IMC (Fig. 3).

Les indications chirurgicales correspondaient aux critères précisés par la Conférence de Consensus de 1991 adoptées dans le monde entier, et figurant dans les recommandations des Sociétés Françaises de Chirurgie Endoscopique et de la Chirurgie de l’Obésité [2] :

— IMC = poids (kg) : taille (m2) supérieur à 40. IMC entre 30-40 lorsqu’il existe une pathologie associée pouvant être améliorée par la perte de poids : HTA, diabète, arthrose radiologiquement prouvée, apnée du sommeil ;

— âge au-dessus de 18 ans ;

— obésité stable depuis plus de 5 ans ;

— échec de régimes alimentaires ou médicamenteux depuis plus d’un an ;

— absence de pathologie endocrinienne ;

FIG. 1 — Cerclage gastrique (CG) à l’aide de l’anneau de silicone ajustable (lap band ®) relié à son dispositif de calibrage.

FIG. 2. — Gastroplastie verticale calibrée (GVC) type Mason-MacLean isolant par agrafage une petite poche calibrée par un anneau.

— compréhension et compliance satisfaisante du patient ;

— absence de dépendance à l’alcool ou aux drogues ;

— risque opératoire acceptable.

À ces critères, ont été rajoutées l’absence de cancer non contrôlé, de maladie inflammatoire évolutive de l’intestin, de foyer septique intra-abdominal, ainsi qu’une mauvaise denture qui rendrait impossible une mastication convenable.

FIG. 3. — Court-circuit gastrique (CCG) ou gastric bypass isolant une petite poche gastrique [1] anastomosée à une anse jéjunale exclue [2].

Les contre-indications à l’abord laparoscopique ont été respectées : absolues (troubles de la coagulation, instabilité hémodynamique, grossesse) ou relatives (hépatomégalie avec un gros lobe gauche stéatosique et fragile empêchant l’accès du hiatus, brides abdominales serrées en rapport avec de multiples interventions antérieures).

Le choix de la procédure a été basé sur l’étude de la personnalité du patient et de son comportement alimentaire : Le cerclage gastrique a été proposé à la femme jeune désirant avoir des enfants, non hyperphage, sans hernie hiatale de plus de 2 cm, sans trouble majeur du comportement alimentaire type mangeur de sucre (sweet eater), compulsif (binge eater), ou vomisseur. La gastroplastie verticale calibrée a été proposée à l’adulte hyperphage, sans trouble majeur du comportement alimentaire, porteur d’une hernie hiatale avec reflux à condition d’associer un geste de correction type Nissen ou Toupet. Le court-circuit gastrique a été proposé à l’adulte hyperobèse, porteur d’une hernie hiatale, présentant des troubles du comportement alimentaire.

Le suivi postopératoire a été particulièrement attentif tant pour le suivi postopératoire immédiat au cours d’une hospitalisation de 8 jours en moyenne pour prendre en charge la diététique que pour le suivi « technique » et psychologique. Il n’y a eu aucun malade perdu de vue. Le calibrage de l’anneau a été réalisé entre le premier et le deuxième mois postopératoire et ajusté par la suite en fonction de l’amaigrissement. Un contrôle endoscopique et radiologique a été fait devant toute intolérance alimentaire. Le risque nutritionnel a été prévenu par une supplémentation en fer et vitamines et des contrôles métaboliques tous les 3 mois.

TABLEAU 1. — Caractéristiques des malades.

L’analyse statistique a été conduite pour l’ensemble des patients sans distinction du type de technique chirurgicale. Les valeurs ont été présentées selon la forme (moyenne fi écart-type). La comparaison des variables quantitatives (IMC, pourcentage de perte d’excès pondéral, valeurs tensionnelles, dosages biologiques) mesurées en préopératoire à 6 mois et à 12 mois, a utilisé le test t de Student pour séries appariées. Le seuil de significativité des tests a été choisi à 0,05 et a été ajusté le cas échéant selon la méthode de Bonferroni pour tenir compte de cas de comparaisons multiples.

Résultats

Les caractéristiques des malades sont reportées dans le Tableau 1. Au plan technique, 3 malades ont dû être convertis en chirurgie ouverte à chaque fois pour un gros foie stéatosique et fragile empêchant l’abord. Le temps opératoire a varié de 125 min pour le CG (60-270), à 200 min (115-360) pour la GVC et 223 min (130-450) pour le CCG. La durée moyenne de séjour hospitalier a été de 7,8 jours (3-22) pour le CG de 8,6 jours (3-30) pour la GVC de 15,3 jours (9-95) pour le CCG. Cette durée relativement longue a été liée aux contrôles pré et postopératoires.

Aucune mortalité n’a été observée. Les complications précoces ont été nulles pour le CG, ont comporté une péritonite et 2 atélectasies pulmonaires pour la GVE, une
perforation d’ulcère, une occlusion et une phlébite pour le CCG. Les complications secondaires ont comporté 6 dilatations de la gastroplastie avec intolérance gastrique pour le CG, une sténose pour la GVC, 4 sténoses pour le CCG. Les réinterventions ont dû être pratiquées 6 fois pour le CG (4 ablations et 2 repositions d’anneau), 1 fois pour la GVC (conversion en CCG après péritonite), 3 fois pour le CCG (suture de perforation, détorsion d’anse grêle, suppression de CCG pour non compliance).

Quatre dilatations endoscopiques ont été pratiquées avec succès pour les sténoses.

Au total, la morbidité précoce a été de 6 % (3 % mineure, 3 % majeure). La morbidité secondaire de 11 % avec 10 % de réinterventions.

Les résultats sur la perte de poids ont été très favorables dans les 3 procédures à 6 mois et 12 mois :

— l’IMC moyen toutes techniques confondues, est passé de 45,16 fi 7,55 à 33,43 fi 6,24 à 6 mois et à 31,37 fi5,46 à 12 mois (p<0,001). Les IMC selon la technique sont représentées (Fig. 4) ;

— la PEP moyenne à 6 mois a été de 51,95 % fi 20,96 et à 12 mois de 63,81 % fi 17,68 (p<0,001). Les PEP selon la technique sont représentées (Fig. 5) ;

— Parallèlement, l’évolution du rapport taille-hanches, dont on connaît la valeur pronostique, a été parallèle (Fig. 6).

L’évolution de la co-morbidité a été très favorable dans les 3 groupes dès le 6e mois — l’hypertension artérielle : sur 29 hypertensions artérielles, toutes stabilisées par le traitement médical avant l’intervention avec une tension artérielle moyenne de 14,31/8,06 fi 0,3, il a été observé une baisse de la tension systolique à 13,13 (p<0,001) sans modification de la diastolique. Il est plus intéressant de remarquer que 10 cas ont guéri complètement, 6 ont été améliorés, c’est-à-dire que le traitement a été diminué d’au moins 50 % et 13 n’ont pas été modifiés ;

— diabète : sur 18 diabètes, la glycémie préopératoire moyenne de 1,43 g fi 0,45 est passée en moyenne postopératoire à 1g fi0,2 (p<0,001). Il est plus intéressant de remarquer que 13 cas ont complètement guéri avec une hémoglobine glyquée moyenne de 5,49 fi0,7 (p<0,001). Deux ont été améliorés avec une diminution de plus de 50 % du traitement et 3 n’ont pas été modifiés ;

— dyslipidémie : 49 dyslipidémies ont été relevées avec 41 hypercholestérolémies et 27 hypertriglycéridémies dont 6 isolées :

• les hypercholestérolémies en moyenne préopératoire à 2,37 g/l fi 0,31 ont baissé en moyenne postopératoire à 2,09 g/l fi 0,46 (p<0,001). — Les HDL en moyenne préopératoire à 26,43 % fi 5,48 sont montées en moyenne postopé- ratoire à 30,66 % fi 5,18 (p<0,001). — Les LDL en moyenne préopératoire à 56,36 % fi 6,08 % ont baissé en moyenne postopératoire à 55,77 % fi 5,90 (non S). Les VLDL en moyenne préopératoire à 16,40 % fi 7,55 en préopé- ratoire ont baissé à 13,64 % fi 7,49 (p<0,008) ;

FIG. 4. — Évolution de l’indice de masse corporelle (IMC kg/m2).

• les triglycérides en moyenne préopératoire à 2,11g/l fi 0,82 ont baissé en moyenne postopératoire à 1,15 g/l fi 0,42 (p<0,001).

— L’apnée du sommeil : sur 13 cas, l’apnée du sommeil a été guérie 7 fois et améliorée 6 fois.

Commentaires

Par rapport aux résultats évalués de longue date en chirurgie ouverte, et rappelés précédemment, les résultats observés en laparoscopie ont confirmé la faisabilité et l’efficacité de la transposition minimale invasive. Ces résultats, cependant, manquent de recul comme peut en faire état en chirurgie conventionnelle l’International Bariatric Registry qui a rapporté les résultats de 14 641 patients avec un suivi de 10 ans [20]. Néanmoins, on peut relever, toutes techniques confondues, que la mortalité nulle en laparoscopie est à comparer à la mortalité faible mais non négligeable (0,3 à 0,5 %) observée en chirurgie ouverte. Il en est de même pour la morbidité précoce de 6 % en laparoscopie versus 12 % en chirurgie ouverte et la morbidité tardive de 11 % en laparoscopie versus 16 % en chirurgie ouverte [11, 13, 17].

Par rapport aux résultats publiés récemment en laparoscopie , nos résultats ont recoupé pour le cerclage gastrique l’étude de Belachew [17] qui a fait état de 550 malades opérés en 5 ans ; pour la gastroplastie verticale calibrée, l’étude de Morino

FIG. 5. — Évolution de la perte d’excès de poids (PEP %).

[21] qui a opéré 216 malades suivis à 3 ans ; pour le court-circuit gastrique, l’étude de Wittgrove [22] qui a porté sur 500 patients suivis de 1 à 5 ans. De plus, notre étude, la seule à avoir comparé les 3 procédures usuelles, a montré que la facilité et la gravité des procédures vont croissant du CG à la GVC et au CCG mais que les complications à distance nécessitant des réinterventions ont été dans l’ordre inverse de même que l’efficacité sur la perte de poids (Fig. 4, 5 et 6). Ceci suggère très fortement que le type d’intervention doit être adapté au comportement alimentaire et on peut constater, dans ce sens, que les chirurgiens américains privilégient actuellement le court-circuit gastrique, leurs malades consommant en excès sucres et graisses alors que les chirurgiens européens sont plus éclectiques, favorisant plutôt le cerclage gastrique et la gastroplastie verticale calibrée, leurs patients étant plutôt hyperphages et/ou grignoteurs [23].

Cette comparaison avec les données de la littérature montre que l’approche laparoscopique est réalisable par des opérateurs entraînés : les résultats immédiats ont été très favorables avec diminution des douleurs, déambulation précoce, raccourcissement du séjour hospitalier, suppression des complications pariétales et diminution des complications générales en particulier respiratoires et veineuses. Les résultats à distance confirment que les procédures laparoscopiques sont efficaces sur la perte de l’excès de poids puisque l’IMC moyen est passé en dessous de la barre des 35 kg/m2 et que la PEP a été très supérieure aux 40 % reconnus habituellement comme le test de succès. La correction des maladies associée a suivi parallèlement, notamment

FIG. 6. — Évolution du rapport taille-hanches (T-H).

pour l’hypertension, le diabète, les dyslipidémies, l’apnée du sommeil. De plus, la qualité de vie a été très améliorée même si le confort alimentaire n’a pas été parfait et, de façon plus surprenante, même en cas de réintervention pour complication [24].

CONCLUSIONS

L’obésité morbide représente actuellement en France un grave problème de santé publique qui interpelle le monde médical et les responsables institutionnels et politiques. Malgré des progrès indéniables, en particulier génétiques, son étiopathogénie reste mystérieuse et controversée. C’est pourquoi les traitements aussi bien médicaux que chirurgicaux ne peuvent être à l’heure actuelle que symptomatiques.

C’est dans ce contexte et en tenant compte des recommandations des sociétés scientifiques que nous avons organisé un centre multidisciplinaire de traitement médicochirurgical de l’obésité morbide et réalisé une étude prospective par laparoscopie chez 100 malades répartis en 3 groupes traités par anneau ajustable, gastroplastie verticale calibrée et court-circuit gastrique, en proposant des indications basées sur la personnalité du patient et son comportement alimentaire. Les résultats initiaux à un an de recul s’avèrent extrêmement favorables, incitant à poursuivre dans cette voie. Cependant la chirurgie bariatrique n’est qu’un des éléments du traitement de ces patients, qui doit être multidisciplinaire aussi bien dans la prise en
charge que dans le suivi, la chirurgie n’étant qu’une aide à la diminution des apports énergétiques. De plus l’inclusion des patients opérés dans un registre est hautement souhaitable comme le préconise la Société Française de Chirurgie de l’Obésité afin d’évaluer les résultats à long terme. C’est à ce prix que la chirurgie de l’obésité intégrée dans une approche globale se verra reconnaître ses lettres de noblesse.

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier particulièrement mon Maître, le professeur Maurice Mercadier, ancien président et membre de l’Académie nationale de médecine, pour m’avoir encouragé à présenter ce travail ainsi que le professeur Patrick Fénichel, chef du Service d’Endocrinologie, Diabétologie et Médecine de la Reproduction, pour sa collaboration clinique, le docteur Pascal Staccini, pour l’étude statistique et les docteurs Paola Andreani et Jean-Luc Rossetti pour la collection des dossiers.

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DISCUSSION

M. René MORNEX

Lorsque les chirurgiens m’ont proposé de traiter les grandes obésités par une réduction du volume gastrique entraînant un état proche du jeûne permanent qu’ils étaient incapables d’accepter à la suite d’une prescription diététique, j’ai réfuté cette approche. La suite m’a donné tort et j’ai été très surpris de voir des malades qui échappaient au régime, être très heureux de ne presque rien manger à la suite de leur intervention. Il me semble qu’il y a là un phénomène psychologique : l’avez-vous étudié ?

C’est un psychiatre lyonnais, le docteur Terra, qui a étudié les résultats des interventions bariatriques sous l’angle psychiatrique et qui a noté que, même en cas d’échec relatif, les patients étaient très heureux. C’est pourquoi il est essentiel de demander dans le cadre d’une sélection multi-disciplinaire l’avis du psychiatre et/ou du psychothérapeute et de faire suivre le patient en cas de troubles.

M. Claude-Henri CHOUARD

L’obésité est à la fois la cause et la conséquence de cette forme maligne du ronflement (ou rhonchopathie chronique) qu’est le syndrome d’apnée du sommeil : en effet, la fatigue diurne considérable et permanente de ces grands et gros ronfleurs, les pousse irrésistiblement à s’alimenter pour calmer leur asthénie « et retrouver des forces ».

Le ronflement et l’apnée du sommeil sont des complications couramment observées chez les obèses et, ce qui est remarquable, c’est que ces troubles sont corrigés par l’amaigrissement après gastroplastie .

M. Maurice TUBIANA

L’obésité en France, touche 9,6 % de la population, comme un surpoids s’observe chez 29 % des personnes environ, 40 % de la population a un poids trop élevé. Aux États-Unis 15 % des décès prématurés (avant 65 ans) sont liés à l’obésité. Les conséquences sanitaires de l’obésité sont donc très sérieuses, notamment des déséquilibres hormonaux, l’excès de certains facteurs de croissance (IGF) qui peuvent expliquer l’accroissement de la fréquence de plusieurs cancers (sein après ménopause, cancer de l’endomètre, côlon, etc.). D’où la question : ces troubles métaboliques et hormonaux sont-ils corrigés par l’opération ?

Peut-on espérer, grâce à ces interventions, une réduction de la fréquence des maladies associées à l’obésité, a t-on des données à ce sujet ? Je voudrais par ailleurs rappeler que l’obésité est, à côté du tabac et de l’alcool, un des grands fléaux sanitaires dans les pays industrialisés. L’OMS considère que la lutte contre l’obésité devrait être un des objectifs majeurs de santé publique dans nos pays et que les états devraient adopter des stratégies à cette fin.

Les précisions que vous apportez confirment les données que j’ai présentées. Je puis affirmer d’après mon expérience et les données de la littérature, que les maladies associées sont guéries dans la proportion de 80 % et, de toute façon, très améliorées. Il est prouvé d’ailleurs qu’il suffit d’un amaigrissement de 10 % pour que la comorbidité soit améliorée. De façon globale, une très bonne preuve est apportée par l’étude suédoise qui a montré, sur plusieurs milliers de cas, que les décès étaient 9 fois plus fréquents chez les malades non opérés que chez les malades opérés.

M. Louis HOLLENDER

Réalisé par voie laparoscopique, le cerclage gastrique avec moins de 3 % de complications constitue un progrès certain par rapport à la technique à ventre ouvert qui était grevée de 8 à 12 % de complications. Mais quelle que soit la voie d’abord, les indications de cette technique doivent avant tout être adaptées au type de comportement alimentaire du patient.

C’est ainsi que la mise en place d’un anneau ajustable donne de bons résultats chez les très gros mangeurs, alors que le procédé est contre-indiqué chez les obèses qui à longueur de journée, mangent, grignotent sucreries, biscuits, chocolat, bref chez ce groupe de personnes que les Américains appellent les « sweet eater ». Il est ensuite essentiel que le patient s’adapte progressivement à son anneau, ce qui veut dire qu’il faut très modérément serrer ce dernier au début et le resserrer progressivement quand l’intéressé aura pris l’habitude de manger plus lentement. L’anneau doit faire manchon et non cravate ! Il convient de faire
maigrir lentement. Et c’est après 1 à 2 ans seulement quand le poids aura bien baissé, que l’on pourra relâcher l’anneau. Mes deux questions ont trait aux complications : en préopé- ratoire, la perforation oesophagienne, en postopératoire, l’invagination gastro-gastrique rétrograde d’aval en amont. Quelle est l’importance de leurs risques et comment les prévenir, voire les pallier ?

En peropératoire, la perforation oesophagienne est liée à l’inexpérience. Elle a pratiquement disparu des séries et personnellement je n’en ai jamais observé, car j’avais déjà la pratique de la chirurgie de la région hiatale. En postopératoire, l’invagination gastrogastrique avec dilatation de la gastroplastie après pose d’un anneau est la complication la plus redoutée chez des patients hyperphages et/ou vomisseurs. Cette complication était fréquente lorsque l’anneau était placé en position basse dans l’arrière cavité et a beaucoup diminué dans la nouvelle technique en position haute où la gastroplastie n’est plus qu’une poche virtuelle de 7 à 20 cc. Il semble que cette complication puisse disparaître avec la mise en place de l’anneau, autour de la région cardiale, en incorporant les éléments vasculo-nerveux de la petite courbure. Mais ceci demande à être confirmé.

M. Claude JAFFIOL

La chirurgie de l’obésité fait appel à des techniques dont l’indication et le choix doivent tenir compte d’une série de paramètres individuels : poids, profil psychologique, comorbidité, observance, habitudes alimentaires, etc. Disposez-vous d’une équipe pluridisciplinaire pour préparer les patients à l’intervention ? Le suivi des patients opérés doit s’attacher non seulement à l’évolution pondérale mais aussi au dépistage des complications liées à la sous-nutrition artificiellement induite : avitaminose, carence en fer, zinc etc. Qu’en est-il de votre expérience sur ce point ?

En effet, il est impératif que le suivi multidisciplinaire et en particulier métabolique soit assuré régulièrement. Nous procédons à un bilan métabolique tous les 3 mois et préconisons systématiquement une supplémentation en vitamines et sels minéraux Des patients qui échappent au suivi sont malheureusement nombreux, c’est pourquoi nous entreprenons une action auprès des médecins traitants afin de les sensibiliser à ce suivi métabolique.

M. Jean-Luc de GENNES

Il me semble qu’au début du traitement chirurgical de l’obésité, on avait décrit de sérieuses stéatoses hépatiques et même des nécroses hépatiques focales. Y a t-il encore des complications de ce type avec ces nouveaux traitements ?

Les complications hépatiques à type de stéatoses, cirrhoses, voire nécroses étaient en effet observées après les interventions de courts-circuits intestinaux et non pas gastriques, interventions qui ont été totalement abandonnées devant la gravité de ces complications.

M. Pierre JOLY

La semaine passée, assistant à une réunion sur l’évolution de l’obésité aux États-Unis, j’ai pris connaissance d’une « statistique historique ». Etaient considérées comme obèses les personnes qui pèsent 30 livres au-dessus du poids idéal. Les courbes montraient l’évolution considérable de cette obésité dans chaque état. Elle représentait plus de 15 % de la population seulement dans deux états il y a plus de 10 ans. Petit à petit le nombre d’états concernés augmentait. Aujourd’hui seuls deux états présentent une population d’obèses inférieure à 15 %. Les techniques que vous avez exposées ont été appliquées aux États-Unis et n’ont malheureusement pas influencé l’évolution. Elles apportent une réponse aux quelques personnes qui souhaitent maigrir. Mais le phénomène de société demeure. Il est peu probable que nous y échappions. Ne pensez-vous pas qu’il est temps que notre pays s’en soucie ?

Vous avez tout à fait raison et un des objectifs de mon intervention était de solliciter de l’Académie nationale de médecine, la plus haute institution de santé en France, de mettre cette question à son ordre du jour .

M. Gabriel BLANCHER

Quel est l’effet à long terme de ces interventions sur la numération globulaire, le taux d’hémoglobine et la formule sanguine ?

À long terme, il n’y a pas d’influence sur la numération globulaire, le taux d’hémoglobine, la formule sanguine chez les patients suivis régulièrement au plan métabolique. En revanche, une anémie peut s’observer, en particulier chez les patientes non ménopausées, qui ont des règles souvent abondantes et qui, de ce fait, en l’absence de supplémentation, développent une anémie hypochrome .

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 8, 1475-1493, séance du 20 novembre 2001