RAPPORT au nom de la Commission XIX (Technologie biomédicale)
Les méthodes de mesure de la densité minérale osseuse (DMO) et des marqueurs du remodelage osseux dans le dépistage de l’ostéoporose
Methods to measure the bone density and the bone biochemical markers in the prevention of osteoporosis
Claude DREUX et Pierre D. DELMAS L’ostéoporose est une « affection généralisée du squelette caractérisée par une masse osseuse basse et une altération de la micro-architecture du tissu osseux responsable d’une augmentation de la fragilité de l’os et, par consé- quent, du risque de fracture » (définition agréée par l’OMS en 1992).
« L’ostéoporose constitue, à l’heure actuelle, un problème de santé publique considérable tant par la proportion croissante de femmes qui en est atteinte que par ses répercussions sur la qualité de vie des patients » (avant-propos de l’expertise collective de l’INSERM réalisée en 1996) [1]. En France, on estime que, chaque année, au moins 150 000 cas de fractures surviennent au niveau des vertèbres, occasionnant tassements et douleurs mais seulement le tiers est diagnostiqué. D’autre part, on observe annuellement plus de 50 000 fractures de l’extrémité supérieure (col) du fémur entraînant la mort dans 20 % des cas et dans la moitié des cas une perte majeure d’autonomie.
Près de 7 milliards de francs par an sont consacrés au traitement des fractures dues à l’ostéoporose chez la femme surtout mais également chez l’homme (20 % des cas environ). Or, cette maladie peut maintenant être traitée efficacement grâce à des approches thérapeutiques nouvelles à condition d’être dépistée précocement.
Existe-t-il des méthodes efficaces de diagnostic de l’ostéoporose ?
Actuellement, la méthode de référence reconnue au plan international est l’absorptiométrie biphotonique aux rayons X qui apprécie la densité minérale osseuse.
Il existe également d’autres techniques, notamment celles basées sur l’utilisation des ultrasons, qui sont en cours d’expérimentations.
Les marqueurs du remodelage osseux récemment évalués sous l’égide de la Société française de biologie clinique [2] s’avèrent efficaces pour le suivi des traitements de l’ostéoporose mais ne constituent pas une méthode de dépistage précoce de la maladie.
L’objet du présent rapport est d’étudier l’intérêt des méthodes de mesure de la DMO en termes de fiabilité et d’efficacité dans le dépistage de l’ostéoporose et d’envisager des recommandations quant à l’usage de ces méthodes dans la prévention et le traitement précoce de cette maladie.
Notons que la Commission XIX a auditionné sur ce sujet le professeur P. D.
Delmas le 5/12/2000 ainsi que le professeur G. Bréart et le docteur P. Dargent le 20/3/2001.
MÉTHODES D’ÉVALUATION DE LA MASSE OSSEUSE
D’après l’expertise collective de l’INSERM (1996) précédemment citée, le rapport établi par le Groupe de Recherche et d’Information sur les Ostéoporoses (GRIO) publié en 2000 [3] et les indications fournies par l’ANAES en 2001 [4], il apparaît que l’absorptiométrie biphotonique utilisant les Rayons X (DEXA ou Dual Energy X-ray Absorptiometry) constitue la plus sensible, la plus rapide et la plus précise des techniques pour une irradiation très faible.
Ostéodensitométrie ou absorptiométrie biphotonique (DEXA ou DXA)
Principe de la méthode
La mesure de l’ostéodensitométrie est basée sur l’atténuation d’un faisceau de photons par l’os selon la formule :
I = I e-(µ/ρ)m 0 I : Intensité du faisceau incident 0 I : Intensité du faisceau transmis m : masse du milieu traversée par un faisceau x de section 1 cm2 µ/ρ : coefficient d’atténuation massique, ρ densité du milieu En utilisant deux faisceaux de photons d’énergies différentes calculées en fonction des coefficients µ/ρ correspondant respectivement au tissu osseux calcifié (hydroxyapatite) et aux tissus « mous », on peut évaluer pour chacun d’eux m qui pour l’os est appelé la densité minérale (DMO) exprimée en g/cm2.
Selon les appareils, la mesure est plus ou moins rapide (5 à 15 minutes) et reproductible (1 à 2 %).
Sites de mesure de la DMO
Généralement, la mesure de la DMO est réalisée au niveau de la hanche et de la colonne vertébrale (vertèbres L2 à L4). C’est au niveau du col fémoral que la composante corticale de l’os est la plus importante, alors qu’au niveau vertébral, la composante trabéculaire domine. C’est pourquoi il est nécessaire d’effectuer l’étude au niveau de deux sites au moins. On peut aussi opérer au niveau de l’avant-bras au site proximal (composante corticale) ou distale (composante trabéculaire).
Fiabilité des mesures —
Exactitude : elle s’exprime par rapport à une valeur de référence théorique et permet de comparer les résultats obtenus avec des appareillages différents. Compte tenu de la difficulté d’apprécier ce critère, il est recommandé d’utiliser le même type d’appareil pour suivre un patient.
— Précision : l’incertitude est représentée par l’écart-type calculé à partir d’un certain nombre de mesures successives effectuées avec le même appareil.
Le coefficient de variation est généralement de 1 à 2 %, meilleur pour les mesures au niveau lombaire qu’au niveau du col fémoral. Il serait souhaitable qu’un contrôle de la qualité des résultats soit établi, notamment concernant la reproductibilité des mesures.
Évaluation de l’irradiation
Elle varie d’un appareil à l’autre et en fonction du site de mesure. La dose efficace se situe entre 0,5 et 4 millisieverts (mSv). Cette dose peut être comparée à l’irradiation naturelle qui varie en France entre 2,5 et 5,5 mSv, mais avec un débit de dose beaucoup plus faible. Les doses en radiodiagnostic (délivrées avec des débits de dose plus élevés que les examens de mesure de la DMO) s’échelonnent entre 0,5 mSv (radiographie thoracique) et 30 mSv (scanographie). Un vol transatlantique entraîne un surcroît d’irradiation d’environ 30 µSv.
Des précisions sur les divers types de mesures sont données dans le récent article de C. Roux et M. Dougados [5].
État du patient
En principe il n’est pas prévu de préparation particulière du patient avant l’examen mais certaines conditions doivent être remplies :
— tout examen nécessitant l’administration d’un produit de contraste ne devra pas avoir lieu avant la mesure de DMO. Un délai de 2 à 3 jours paraît raisonnable. De même, pour la scintigraphie, il est nécessaire d’attendre
l’élimination du marqueur : le délai est d’environ 2 à 3 jours mais peut être plus long pour certains éléments radiopharmaceutiques ;
— l’existence d’un certain nombre de maladies du squelette ou d’interventions effectuées à ce niveau peut perturber l’examen ; par exemple : maladie de Paget, arthrose lombaire, arthrodèse, prothèses…
L’opérateur devra être parfaitement informé de ces conditions indispensables pour une bonne interprétation des résultats.
Analyse et interprétation des résultats
Chaque fabricant d’appareil doit établir des valeurs de référence « normales » correspondant au site analysé (col fémoral, vertèbres…), à l’âge, au sexe, aux caractères ethniques du sujet.
Ces valeurs de références sont des moyennes établies à partir de sujets normalisés en fonction de certains paramètres tels que la taille, le poids… Il faudra donc tenir compte de ces variables pour les sujets sortant largement de ces normes.
Pour tenter de standardiser l’expression des résultats donnés par différents appareils on exprime les résultats en fonction des écarts à la moyenne des valeurs de référence correspondant aux caractéristiques du sujet indiquées ci-dessus.
On définit ainsi le Z score ou le T score.
— Z score : Il s’agit de l’écart entre la mesure correspondant au patient mp et la valeur moyenne mr rapportée à l’écart-type σ de la distribution de la population de référence, la distribution étant « normale », c’est-à-dire gaussienne Z score : mp — mr σ La valeur de référence mr est donnée en fonction de l’âge du sujet. La distribution de la population de référence est supposée identique à tous les âges, ce qui est approximativement exact.
Le Z score est très utile pour comparer les mesures effectuées sur des appareils différents. Cependant, compte tenu des variations observées dans les populations de référence, il est toujours préférable (surtout dans le suivi des patients, en particulier lorsqu’ils sont traités) d’effectuer les mesures avec le même appareillage.
Le Z score est intéressant pour l’appréciation du risque de fracture chez les patients ostéoporotiques. Une diminution de une unité signifierait que le risque de fracture serait doublé. Cependant, la plupart des experts suggè- rent de ne plus utiliser cette donnée, exceptée chez l’enfant. En effet, chez
l’adulte le T score, défini ci-dessous, donne les mêmes indications sur le risque fracturaire que le Z score.
— T score : il diffère du Z score par la définition de la population de référence.
Celle-ci est constituée d’adultes jeunes (20-30 ans), de même sexe, présentant un maximum de masse osseuse. Cet indice apprécie donc la diminution de la masse osseuse.
L’OMS a proposé de classer l’échelle des diminutions de la masse osseuse en quatre niveaux :
Niveau 1 : masse osseuse « normale », la densité minérale osseuse (DMO) diffère de moins d’un écart-type de la moyenne de référence (T score supérieur à -1).
Niveau 2 : masse osseuse faible (ostéopénie) T score compris entre -1 et -2,5.
Niveau 3 : ostéoporose, T score inférieur à -2,5.
Niveau 4 : ostéoporose grave, l’ostéoporose est d’autant plus grave, et le risque fracturaire plus grand, que le T score diminue au-delà de -2,5.
Il convient ici encore d’apprécier le risque avec discernement, en fonction des autres paramètres physiopathologiques, et de distinguer les résultats obtenus aux divers endroits de la mesure.
D’après P. D. Delmas une diminution d’un écart-type de la DMO est associée à une augmentation du risque fracturaire qui peut être multiplié par 1,5 à 3 en fonction du site de mesure et du type de fracture.
Une remarque s’impose : les mesures de la DMO effectuées par l’absorptiométrie biphotonique et l’interprétation des résultats obtenus ne doivent être effectuées que par des spécialistes bien formés avec un matériel régulièrement contrôlé, en suivant un protocole précis. À cet égard, la mise au point de « bonnes pratiques de mesure de la DMO » comme il en existe pour d’autres disciplines (en Biologie médicale par exemple) serait de nature à valoriser un examen trop souvent décrié. L’achat d’un appareillage coûteux ne devrait pas constituer le seul garant de la qualité d’un acte pouvant entraîner l’instauration de thérapeutiques longues et coûteuses.
Malgré ces restrictions, l’étude française EPIDOS réalisée en 1995 à partir d’une cohorte de 7 598 femmes montre que la diminution de la DMO mesurée par DXA au niveau du col fémoral est associée significativement au risque de fracture du col du fémur [6].
Autres méthodes d’appréciation de la densitométrie minérale osseuse
Tomodensitométrie quantitative (quantitative computerized tomodensimetry ou QCT)
Elle consiste en l’utilisation d’un tomodensitomètre (scanner) classique équipé d’un organe d’étalonnage. Les mesures s’effectuent généralement au niveau vertébral par rapport à des valeurs de référence calculées en fonction de l’âge du sujet. On utilise les expressions en Z score et T score, comme pour l’absorptiométrie biphotonique.
Les résultats divergent de ceux obtenus par cette dernière méthode.
Il apparaît que le QCT est plus sensible que l’absorptiométrie biphotonique pour la détection de l’ostéoporose.
Cependant, la reproductibilité est plus faible (appareillages non automatisés) et le résultat est très influencé par certains paramètres indépendants de l’ostéoporose tels que l’évolution graisseuse de la moelle osseuse vertébrale constatée lors du vieillissement. On peut pallier ce défaut par l’utilisation d’appareils à double énergie.
D’autre part, le coût des examens par QCT est beaucoup plus élevé que ceux réalisés par absorptiométrie biphotonique et la dose d’irradiation est nettement supérieure bien qu’encore tolérable.
Pour toutes ces raisons, la mesure de la DMO par QCT n’est pratiquement plus utilisée, sauf dans des cas très particuliers, et ne se prête pas à un dépistage massif de l’ostéoporose. Cependant, il faut souligner qu’une mesure de DMO pratiquée par QCT serait remboursée par l’assurance maladie !
Techniques utilisant les ultrasons
Elles sont plus récentes et se sont développées largement aux États-Unis.
Ces méthodes se prêtent bien au dépistage car les différents matériels proposés sont beaucoup moins coûteux et encombrants que les appareils d’absorptiométrie biphotonique. Le principe en est basé sur les modifications de la transmission des ultrasons par l’os minéralisé. La mesure s’effectue généralement au niveau du calcanéum ou des phalanges.
Selon les appareils, on apprécie l’atténuation de l’intensité de l’onde ultrasonore ou la vitesse de propagation des ultrasons. Certains matériels permettent d’ailleurs de coupler les deux mesures.
Intérêt de la méthode
Certaines études ont montré une corrélation entre l’atténuation ultrasonore et la DMO du calcanéum mesurée par absorptiométrie. Cette corrélation atteint près de 80 % (les 20 % restant pouvant provenir de la structure osseuse). Ceci constituerait un avantage des méthodes ultrasonores, mais il est impossible
aujourd’hui d’affirmer qu’il existe une corrélation avec la qualité de l’os. On peut dire seulement qu’en pratique clinique les renseignements fournis vont dans le même sens que ceux de l’absorptiométrie biphotonique, ce qui est déjà intéressant. Plusieurs études prospectives ont montré que le risque de fracture du col du fémur augmente chez les personnes âgées ayant une diminution de l’atténuation ou de la vitesse des ultrasons mesurée au niveau du calcanéum.
Ainsi, la valeur prédictive serait comparable à celle observée par la mesure de la DMO au niveau du col fémoral. Il serait souhaitable qu’une corrélation soit recherchée également au niveau vertébral.
Fidélité
La reproductibilité des mesures, pour les appareils les plus récents, correspondrait à un coefficient de variation de 5 à 10 %, légèrement inférieur à celui de l’absorptiométrie biphotonique.
En théorie, ces méthodes ultrasonores plus simples à pratiquer, moins oné- reuses, réalisables en « ambulatoire » (au cabinet du médecin généraliste ou en pharmacie comme aux États-Unis) présentent donc un réel intérêt.
Il faut cependant s’assurer que les conditions d’utilisation et l’assurance de la qualité des appareillages soient respectées. Actuellement cela ne semble pas le cas et ces techniques doivent faire l’objet de nouveaux essais.
Des études pilotes devraient être menées au niveau régional ou national pour faire un bilan rigoureux de l’intérêt clinique des méthodes utilisant les ultrasons.
En outre, comme l’indique J. Chambron, bien que les données fournies par les ultrasons puissent en principe être exprimées en termes de qualités biomécaniques et structurales des tissus, l’analyse quantitative des images radiologiques effectuée dans le but d’évaluer la fragilité des structures osseuses, permet de visualiser à haute résolution et de caractériser (par exemple par une analyse de texture) les microstructures de l’os et en d’autres sites du squelette à hauts risques tels que vertèbres, col du fémur, contrairement aux ultrasons limités à l’exploration du calcanéum, des phalanges et du tibia.
MARQUEURS DU REMODELAGE OSSEUX
L’os est en perpétuel renouvellement et ce « remodelage osseux » résulte de l’action opposée des ostéoclastes (résorption) et des ostéoblastes (formation).
La perte osseuse associée à la ménopause, au vieillissement et à certaines pathologies est due à une prédominance de l’activité de résorption sur celle de formation.
On a donc cherché à mesurer l’intensité des deux phénomènes par la mesure de l’apparition, dans le sang ou les urines, de composés résultant de la
formation ou de la dégradation de l’os, ou par la mesure d’activités enzymatiques impliquées dans les deux phénomènes.
Les marqueurs « biochimiques » actuellement les plus intéressants sont indiqués sur le Tableau 1.
TABLEAU 1. — Marqueurs biochimiques du remodelage osseux FORMATION
RÉSORPTION
Sérum
Plasma/sérum —
Ostéocalcine — Phosphatase acide résistante à l’acide tartrique — Phosphatase alcaline totale et — Pyridinoline et désoxypyridinoline osseuse libres — Télopeptides C-terminaux (CTX) du collagène de type I
Propeptides C et N-terminaux du col-
Urine lagène de type I (PICP et PINP ) —
Pyridinoline et désoxypyridino- line libres —
Télopeptides
N (NTX) et
C-terminaux (CTX) du collagène de type I — Calciurie — Hydroxyprolinurie — Galactosylhydroxylysine En gras sont indiqués les marqueurs les plus performants dans l’ostéoporose.
Un groupe d’étude de la Société française de Biologie clinique animé par les docteurs P. Garnero et J. -C. Souberbielle a particulièrement étudié l’intérêt de ces marqueurs dans la pathologie ostéoporotique [2]. Nous n’insisterons donc pas sur les aspects méthodologiques en nous limitant aux conclusions de ces biologistes quant à l’intérêt de la détermination de ces marqueurs [7]. Le numéro de mai-juin 2001 des Annales de Biologie Clinique comprend d’ailleurs des analyses sur l’utilisation clinique des marqueurs du remodelage osseux dans diverses affections, dont l’ostéoporose [8].
Globalement, l’imprécision analytique de ces dosages biochimiques est le plus souvent inférieure à 10 %. Il en est à peu près de même pour les variations intra-individuelles, plus faibles pour les marqueurs sériques (5-10 %) que pour les marqueurs urinaires (15-20 %). On devra tenir compte de ces données pour l’appréciation des variations significatives entre deux dosages successifs.
Comme dans le cas des méthodes d’absorptiométrie biphotonique ou de celles utilisant les ultrasons, il est recommandé de pratiquer les dosages dans le
même laboratoire. Il faudra aussi s’assurer que celui-ci met en pratique les recommandations du « Guide de Bonne Exécution des Analyses » (GBEA) et adhère à un système d’assurance qualité efficace.
Application clinique des marqueurs osseux dans l’ostéoporose postménopausique
On devra d’abord s’assurer qu’il n’existe pas de risque d’ostéoporose secondaire (due par exemple à un traitement prolongé par des corticoïdes).
Il faut insister en premier lieu sur l’impossibilité de poser un diagnostic d’ostéoporose en se basant seulement sur la valeur d’un ou de plusieurs marqueurs. La mesure de la DMO constitue actuellement le meilleur élément de diagnostic mais les marqueurs peuvent constituer des facteurs complémentaires. Par exemple lorsque la DMO permet de suspecter une ostéopénie, l’existence d’une augmentation nette de certains marqueurs de la résorption osseuse peut aider à prendre une décision thérapeutique. En effet, dans ce cas, le risque de perte osseuse rapide est de 2 à 6 fois plus important que si les marqueurs sont normaux.
D’autre part, indépendamment de la DMO, l’élévation des marqueurs biochimiques témoigne d’une augmentation du risque de fracture, ce qui pourrait s’expliquer par une détérioration de la microarchitecture de l’os résultant de l’augmentation d’activité des ostéoclastes.
L’aide à la décision thérapeutique repose donc sur l’utilisation combinée de la mesure de la DMO et de la détermination des marqueurs associés à des éléments cliniques tels que des antécédents personnels et/ou familiaux de fracture ou un faible poids corporel.
Actuellement, l’utilité des marqueurs est essentiellement de suivre l’efficacité des traitements par les inhibiteurs de la résorption osseuse (IRO). Un aspect également intéressant de ces mesures biochimiques est de contrôler l’observance du traitement et de motiver les patients soumis à des thérapeutiques à long terme.
Dans le cadre de ce rapport synthétique, il est impossible de détailler les études nombreuses qui justifient l’intérêt des marqueurs biochimiques du remodelage osseux dans la prise en charge des patients ostéoporotiques. Nous rapporterons seulement (cf. annexe 1) les recommandations de « l’International Osteoporosis Foundation » (IOF) publiées en 2000 [8].
Nous résumons également dans le Tableau 2 l’intérêt respectif de la DMO et des marqueurs osseux dans l’exploration des ostéoporoses [7].
TABLEAU 2. — Indications potentielles de la DMO et des marqueurs biologiques du remodelage osseux dans l’exploration des ostéoporoses.
DMO
Marqueurs osseux
Diagnostic Oui Non de l’ostéoporose Prédiction de oui (imparfaitement) oui sur un dosage la perte osseuse future nécessité de pratiquer (mais imparfaitement) 2 examens distants d’au moins 2 ans Évaluation oui (chaque diminution oui (d’une part en prédidu risque fracturaire d’une DS double le risque sant la perte osseuse fracturaire) mais aussi indépendamment de la DMO) Évaluation de l’efficacité pas à court terme oui après 3 à 6 mois de d’un traitement traitement En résumé, ces 2 examens sont complémentaires. Schématiquement, la DMO donne des renseignements sur la masse osseuse (quantité d’os) à un instant donné alors que les marqueurs osseux proposent plutôt une information dynamique, mais peut-être aussi des renseignements sur la « qualité osseuse ».
LES MÉTHODES D’APPRÉCIATION DE LA DMO ET DU REMANIEMENT OSSEUX PERMETTENT-ELLES ACTUELLEMENT DE RÉALISER UN DÉPISTAGE PRÉCOCE DE L’OSTÉOPOROSE POST-MÉNOPAUSIQUE ?
L’intérêt des mesures de la DMO et des marqueurs biochimiques du remaniement osseux a fait l’objet de nombreuses études en France et à l’étranger.
En France, l’expertise collective de l’INSERM de 1996 présidée par Gérard Bréart s’appuie sur plus de 1 000 articles. Plus récemment l’ANAES a créé un groupe de travail sur ce sujet qui a présenté son rapport devant le Conseil scientifique de cet organisme en avril 2001. L’ANAES (service d’évaluation technologique) a également procédé à une revue de la littérature sur les indications cliniques et techniques des mesures quantitatives de la DMO, portant sur plus de 250 articles.
Au plan international, la Commission européenne a effectué un rapport sur la prévention de l’ostéoporose en 1998 et l’ International Osteoporosis Foundation a publié, en 1999, les recommandations de l’OMS sur l’ostéoporose. Des conférences de consensus et des recommandations ont été également effec-
tuées concernant l’ostéoporose induite par les glucocorticoïdes et sur l’hyperparathyroïdisme.
En ce qui concerne l’absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DXA ), les études prospectives de cohortes confirment que la baisse de la DMO mesurée par DXA est corrélée de façon significative avec le risque de fractures. Trois grandes études prospectives ont montré que les méthodes utilisant les ultrasons permettent aussi d’évaluer ce risque et ceci indépendamment des résultats de la mesure par DXA. Cependant, les données cliniques disponibles sur les ultrasons sont insuffisantes pour évaluer la place de ces techniques parmi les méthodes de diagnostic de l’ostéoporose.
Dans quelles situations cliniques peut-on recommander l’ostéodensitométrie ?
L’analyse des rapports effectuée à ce sujet (23 analysés par un Comité suédois en 1997) a montré des divergences importantes.
Aucun rapport ne préconise le dépistage systématique de l’ostéoporose sur la population générale et 25 % seulement sur les femmes à la ménopause. Une simulation effectuée par le groupe suédois conclut à une prévention de 1 à 7 % des fractures du col du fémur. À noter que cette étude datant de 97 ne tenait pas compte des nouveaux traitements de l’ostéoporose.
En revanche, un dépistage ciblé sur les femmes ménopausées présentant plusieurs facteurs de risque de fracture est favorablement apprécié (57 % d’avis favorables). Cette opinion rejoint les recommandations de l’OMS, de la Communauté européenne et du GRIO. La difficulté est de bien déterminer les sujets à risque important. Le rapport coût/efficacité de ce type de dépistage n’a pas été encore déterminé. L’intérêt d’une mesure répétée de la DMO en cours de traitement n’est pas démontré.
En tout état de cause il faut préconiser des mesures effectuées dans les mêmes conditions techniques précisées plus haut.
Le rapport de l’ANAES insiste sur la nécessité d’instaurer rapidement des méthodes de contrôle de qualité mises en place par des professionnels. Il conclut en proposant de réaliser une mesure de la DMO dans les cas ci-dessous :
— présence d’éléments qui font suspecter une ostéoporose avérée (antécé- dent de fracture, découverte radiologique d’un tassement vertébral), — existence d’une maladie ou d’un traitement connu pour induire une ostéoporose secondaire, — suivi des patients sous traitement anti-ostéoporotique. Le délai minimum entre deux examens doit être précisé en fonction du type d’affection sous-jacente et du type de traitement prescrit.
En outre l’ANAES recommande de développer les recherches cliniques selon deux axes essentiels :
— la notion de score de risque fracturaire pourrait être développée en combinant la DXA avec d’autres facteurs de risque. Le score de risque pourrait guider la stratégie thérapeutique ;
— la stratégie d’utilisation des ultrasons en complément ou à la place de la DXA pourrait être évaluée au cours d’essais prospectifs contrôlés.
L’INSERM, le CNRS, les institutions publiques et privées doivent être sollicités pour aider ces projets de recherche.
Nous ajouterons qu’il serait souhaitable d’effectuer en parallèle, les études prospectives sur des cohortes de femmes à risques, mais aussi d’hommes, l’ostéoporose masculine étant très mal connue et très peu traitée.
L’ANAES conclut son rapport sur la mesure de la DMO en préconisant un remboursement sélectif dans certaines indications cliniques et dans les conditions techniques adéquates signalées précédemment.
STRATÉGIES CONCERNANT L’UTILISATION DE LA MESURE DE LA DENSITÉ MINÉRALE OSSEUSE DANS LA PRÉVENTION DES FRACTURES
En dehors des mesures de prévention de l’ostéoporose recommandées par l’OMS dont l’utilité est admise par tous [régime équilibré en calcium, vitamine D, protéines chez l’enfant et la personne âgée, activité physique, hygiène de vie (rôles néfastes du tabagisme, de l’alcoolisme, exposition raisonnable au soleil…)] la question qui nous intéresse dans le cadre de ce rapport a trait à l’utilité d’un dépistage précoce de l’ostéoporose grâce aux méthodes d’exploration actuellement à notre disposition dans la prévention des fractures chez la femme ménopausée et chez l’homme âgé.
En effet, depuis la mise sur le marché de traitements efficaces de l’ostéoporose il apparaît, a priori , utile de dépister précocement cette maladie.
En 1999, l’OMS et l’IOF (International Osteoporosis Foundation) ont défini les différents facteurs de risque de l’ostéoporose nécessitant une mesure de la densitométrie osseuse et recommandé aux autorités de santé de faciliter l’accès à cette détermination en s’assurant de la qualité de l’examen.
Depuis lors, d’autres recommandations ont été formulées :
Le GRIO insiste sur la poursuite des recherches concernant l’évaluation des méthodes aux ultrasons et l’étude de la microarchitecture osseuse trabéculaire par des méthodes d’imagerie médicale, notamment (radiographies, IRM, TDM).
En ce qui concerne l’utilité des méthodes actuelles de dépistage, le GRIO insiste sur la difficulté d’apprécier le ratio coût/efficacité. Celui-ci est souvent exprimé en fonction des années de survie, mais il faut aussi tenir compte de la qualité de ces années (expression du QALY : année de survie ajustée de la qualité). On peut étudier alors le rapport coût/utilité très subjectif mais important dans le cas de l’ostéoporose où interviennent : la morbidité, la dépendance, les affections iatrogènes (soins des fractures, mais aussi effets secondaires de la prévention), l’astreinte thérapeutique. Des études prospectives doivent donc être poursuivies tant chez la femme (surtout après la ménopause) que chez l’homme.
L’ANAES, sur la base d’une importante analyse bibliographique, recommande pour la mesure de la DMO, d’utiliser la technique d’absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DXA) en retenant l’échelle de risque à 4 niveaux proposée par l’OMS (voir plus haut). La mise en place rapide de procédures d’assurance qualité est vivement recommandée. La mesure de la DMO doit être effectuée sur 2 sites : rachis lombaire et extrémité supérieure du fémur ou, éventuellement, radius. Actuellement, l’ANAES ne recommande pas la mesure densitométrique ni par scanner, ni par ultrasons et confirme l’avis des experts sur l’inutilité des marqueurs du remodelage osseux pour le diagnostic d’ostéoporose.
Chez la femme ménopausée, l’ANAES préconise de réaliser une ostéodensitométrie lors de la découverte radiologique d’une fracture vertébrale sans cause précisée, dans les antécédents de fracture périphérique sans traumatisme majeur, lors d’antécédents de maladies qui provoquent généralement une ostéoporose (hypogonadismes, hyperthyroïdie, hypercorticismes…) D’autres facteurs de risques sont proposés pour la réalisation éventuelle d’une ostéodensitométrie : fracture chez des parents au premier degré, indice de masse corporelle inférieur à 19 kg/m2, ménopause avant 40 ans, corticothérapie prolongée.
En revanche, l’ANAES ne recommande pas d’effectuer la mesure de DMO chez une femme à laquelle un traitement hormonal substitutif (THS) a été prescrit dans les meilleures conditions (dose suffisante, observance satisfaisante). Si, en revanche, aucun traitement n’est suivi, un deuxième examen peut être prescrit 2 à 5 ans après le premier en fonction de certaines conditions (ancienneté de la ménopause, résultat de la première mesure, apparition de facteurs de risques).
L’analyse des plus récentes conférences de consensus portant sur le dépistage précoce de l’ostéoporose [en particulier celle de l’OMS en 1999, de l’ International Committee for osteoporosis clinical guidelines en 1999, du Royal College of Physicians (UK) 1999, du National institute of health (États-Unis) 2000] permet de dégager quelques données générales :
— le dépistage systématique chez toutes les femmes ménopausées par ostéodensitométrie n’est pas recommandé car les zones diagnostiquées définies par l’OMS (normal, ostéopénie, ostéoporose, ostéoporose grave) se recouvrent partiellement ;
— il est nécessaire de définir d’autres facteurs de risque de fracture dont certains ont été retenus par l’ANAES (voir plus haut) et d’autres par divers organismes tels que la race blanche ou asiatique, l’immobilisation prolongée ou l’inactivité physique, le faible poids ou la perte de poids, l’hygiène de vie (tabac, alcool, caféine) l’absence d’estrogénothérapie substitutive, les faibles apports en calcium et vitamine D.
La question est de savoir à partir de quel nombre de facteurs de risque la mesure de la DMO peut être utile au diagnostic précoce d’ostéoporose.
Il semble cependant que les facteurs de risques majeurs soient :
— la prise de glucocorticoïdes pendant plus de 3 mois, à une dose supérieure à 7,5 mg/j, — l’hyperparathyroïdie primaire et l’hyperthyroïdie ainsi que les traitements frénateurs par les hormones thyroïdiennes ou leurs dérivés, — les signes radiologiques de fractures vertébrales.
Mais ces données presque évidentes sont insuffisantes pour décider de la mise en place d’une politique de prévention de l’ostéoporose.
D’autre part, aucune étude sérieuse n’existe concernant les rapports coût/efficacité et coût/utilité d’une opération de prévention. Le problème du remboursement de l’ostéodensitométrie par les organismes sociaux n’est pas abordé nettement par le GRIO ou l’ANAES.
CONCLUSIONS
Un certain nombre de données positives résulte de l’analyse des travaux portant sur l’expertise des méthodes de dépistage précoce de l’ostéoporose :
— la meilleure méthode actuelle consiste à mesurer la densité minérale osseuse (DMO) par absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DXA).
Cependant l’intérêt clinique de cette détermination dépend de la fiabilité des mesures. Celle-ci nécessite la définition de « Guidelines », la mise en place d’un système d’assurance de qualité, la formation satisfaisante des spécialistes effectuant les mesures et l’interprétation des résultats ;
— les méthodes utilisant les ultrasons paraissent très intéressantes car elles pourraient compléter utilement la DXA, voire permettre un dépistage plus large de l’ostéoporose compte tenu de leur faible coût. Cependant leur fiabilité, les critères de choix des appareils et leurs applications cliniques doivent faire l’objet d’études plus probantes ;
— les marqueurs du remodelage osseux évalués actuellement ne permettent pas d’affirmer un diagnostic d’ostéoporose. Leur intérêt est surtout marqué dans le suivi des traitements.
En ce qui concerne les indications de la mesure de la DMO par absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DXA) :
— une mesure de la DMO chez toutes les femmes à la ménopause serait certainement utile car même si un traitement hormonal substitutif est prescrit, son efficacité sur la prévention de l’ostéoporose est incertaine (tolérance individuelle, observance…). Cependant, pour des raisons essentiellement économiques, le dépistage généralisé n’est pas retenu par la plupart des conférences de consensus ;
— un dépistage limité aux personnes présentant des facteurs de risque importants est admis par plusieurs instances (OMS, Communauté européenne, IOF, GRIO, ANAES). Il en est de même lors de maladies qui peuvent induire une ostéoporose ou devant des signes cliniques ou radiologiques évoquant l’existence de fractures inapparentes. Ces facteurs de risques reconnus sont :
Facteurs de risque majeurs • antécédents de fracture provoquée par un traumatisme minime ;
• ménopause précoce (avant 40 ans) ;
• aménorrhée secondaire prolongée ;
• antécédents d’ostéoporose ou de fracture chez un parent au premier degré.
Facteurs de risque cliniques ou thérapeutiques • hypogonadisme primaire ;
• hyperthyroïdie évolutive ou traitement frénateur par les hormones thyroï- diennes ou leurs dérivés ;
• hyperparathyroïdie primitive ;
• hypercorticisme ou corticothérapie prolongée (supérieure à 3 mois) ;
• indice de masse corporelle inférieur à 19 kg/m2 ;
• déformation vertébrale, cyphose, ostéopénie confirmées par radiographie ;
• diminution de la taille.
— le dépistage de l’ostéoporose n’est pas utile quand un traitement hormonal substitutif adéquat est institué, à condition que l’observance du traitement soit régulière et prolongée. Il peut cependant s’avérer utile de vérifier l’efficacité du THS tous les 2 à 5 ans ;
— chez les femmes où une ostéoporose a été dépistée et pour lesquelles un traitement a été institué, il est utile de vérifier l’efficacité de ce traitement en effectuant une ostéodensitométrie tous les 2 à 5 ans ;
— l’ostéodensitométrie est recommandée après la prescription et le suivi pendant au moins 3 mois d’une corticothérapie à des doses supérieures à 7,5mg/j (équivalent prednisone) ;
— l’intérêt d’une détermination de la DMO chez toutes les femmes âgées de plus de 65 ans devra être évalué après des études épidémiologiques effectuées, par exemple, dans une ou plusieurs régions ;
— la mise en place du dépistage de l’ostéoporose chez l’homme nécessite des études supplémentaires.
La question du remboursement de l’ostéodensitométrie est avant tout économique et politique. L’ostéoporose constitue un problème de santé publique mais aussi un problème social et éthique.
Doit-on apprécier seulement le dépistage d’un risque fracturaire en terme de mortalité, mais aussi de morbidité, de qualité de vie alors que l’espérance de vie s’allonge et que les risques de dépendance augmentent ?
Doit-on priver la population la plus défavorisée d’un examen utile quand il est réalisé dans des conditions bien déterminées ?
Enfin il est indispensable que les organismes de recherche publics et privés incitent plus largement les recherches fondamentales et cliniques sur l’ostéoporose et les risques fracturaires.
Citons quelques axes de recherche :
— étude de la microarchitecture osseuse trabéculaire. Application à la mise au point de méthodes d’exploration non invasives pour compléter la mesure de la DMO, — valeur relative des facteurs de risque fracturaire, — rôle des facteurs nutritionnels dans l’apparition de l’ostéoporose, — intérêt des méthodes de dépistage utilisant les ultrasons. Conditions de fiabilité, — réalisation d’un « guide de bonne exécution » des mesures d’absorptiomé- trie biphotonique (DXA) et d’un système d’assurance qualité, — ostéoporose masculine : fréquence, facteurs de risque, opportunité d’un dépistage et dans quelles populations, — traitements préventifs de l’ostéoporose.
RECOMMANDATIONS — Le dépistage de l’ostéoporose par l’appréciation de la densité minérale osseuse à l’aide de la densitométrie biphotonique aux rayons X (DXA) est particulièrement recommandé chez la femme, dès l’apparition de la ménopause, dans le cas où un traitement hormonal substitutif serait contre-
indiqué ou refusé par la patiente et s’il existe des facteurs de risque majeurs (antécédents de fracture, ménopause précoce, aménorrhée secondaire prolongée, antécédents d’ostéoporose chez un parent au premier degré, hypercorticisme ou corticothérapie prolongée, indice de masse corporelle faible, hyperthyroïdie et hyperparathyroïdie, etc.).
— Dans tous les cas il paraît utile, chez la femme, de pratiquer cette détermination après 65 ans, mais la généralisation de ce dépistage devra être évaluée selon le critère coût/efficacité.
— L’ostéodensitométrie (DXA) doit être effectuée par un praticien spécialement formé à cette technique (formation initiale et/ou formation continue).
Le programme de cette formation devrait être établi et validé si possible au plan international (certification souhaitable).
— Le matériel et la méthodologie doivent être validés régulièrement par des procédures de « bonnes pratiques » et d’assurance qualité établies et validées si possible au plan international.
— Le remboursement de l’ostéodensitométrie (DXA), après inscription à la nomenclature des actes médicaux, devrait être accepté par les organismes de sécurité sociale dans les conditions suivantes :
• prescription de l’examen par un praticien avec indication de facteurs de risque, définis précédemment, chez une femme ménopausée ne suivant pas régulièrement un traitement hormonal substitutif ;
• réalisation par un praticien qualifié dans les conditions fixées plus haut ;
• prescription d’un second examen 2 ans au moins après le premier, associé à la détermination de marqueurs du remodelage osseux, chez les femmes suivant un THS ou un traitement de l’ostéoporose ;
• prescription de l’ostéodensitométrie chez les femmes au-delà de 65 ans présentant des facteurs de risques particuliers.
— Afin d’apprécier les rapports coût/efficacité et coût/utilité vis-à-vis de critères bien définis, des campagnes de dépistage selon des normes précédemment indiquées devraient être mises en œuvre dans une ou plusieurs régions chez les femmes ménopausées, et chez les femmes ainsi que les hommes au-delà de 65 ans.
— L’initiative et le suivi de ces campagnes pourraient être assurés par les autorités sanitaires, la caisse nationale d’assurance maladie ou des organismes de recherche publics ou privés, avec évaluation des résultats de la prise en charge de ces opérations.
— Des protocoles devraient être mis en place concernant les méthodes utilisant les ultrasons afin de définir et de contrôler régulièrement la fiabilité de ces méthodes (bonnes pratiques, assurance de qualité) et de préciser leur intérêt clinique, en comparaison avec l’ostéodensitométrie (DXA).
— Les recherches sur les méthodes de diagnostic et de dépistage précoce de l’ostéoporose devraient être plus largement prises en charge par les pouvoirs publics, les organismes de recherche et de soutien de la recherche, publics ou privés.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 20 novembre 2001, a adopté ce rapport à l’unanimité.
BIBLIOGRAPHIE [1] Ostéoporose.— Stratégies de prévention et de traitement. Expertise collective de l’INSERM. Éditions INSERM, 1996.
[2] GARNERO P. et al .— Marqueurs biochimiques du remodelage osseux. Introduction. Ann.
Biol. Clin. , 2001, 59 , 298-316.
[3] Ostéoporoses. GRIO. Coordination C.L. BENHALOU. Collection Conduites — Paris : Doin éd., 2000.
[4] ANAES.— Service évaluation technologique et Service des Recommandations et réfé- rences professionnelles. Documents de travail, avril et mai 2001.
[5] ROUX C. et DOUGADOS M.— Densitométrie osseuse et ostéoporose post-ménopausique.
Méd. et Thérap. , 2001, 7 , no 2, 114-119.
[6] SCHUTT A.M., CORMIER C. et al . — The EPIDOS prospection study. Osteoporosis Int , 1998, 8 , 247-254.
[7] GARNERO P., SOUBERBIELLE J.C.— Marqueurs du remodelage osseux : intérêt et limites dans l’ostéoporose post-ménopausique. Fiche technique éditée par le Comité d’Éducation Sanitaire et Sociale de la Pharmacie Française (Lettre des Nouvelles pharmaceutiques no 217, 8 juin 2001).
[8] DELMAS P.D.— Utilisation clinique des marqueurs biologiques osseux dans l’ostéoporose post-ménopausique. Ann. Biol. Clin. , 2001, 59 , 299-308.
ANNEXE 1
Recommandations de l’
International Osteoporosis Foundation (IOF) pour l’utilisation des marqueurs osseux dans l’ostéoporose postménopausique
Dans le suivi des traitements inhibant la résorption osseuse
Quels marqueurs utiliser de préférence, et quand ?
Type de marqueurs — résorption osseuse : NTX urinaire, CTX sanguin ou urinaire pour le suivi thérapeutique sous bisphosphonates. Les mêmes marqueurs ou la DPD urinaire libre pour le suivi thérapeutique du traitement hormonal substitutif, — formation osseuse : phosphatases alcaline osseuse, ostéocalcine ou PINP sérique, — utiliser un marqueur de résorption et un marqueur de formation.
Horaires de prélèvement — sérum : le matin (avant 9 heures), à jeun, — urines : première ou deuxième miction du matin, à jeun ; avec correction par la créatinine.
Nombre et intervalle des dosages — marqueurs de résorption : avant puis après trois ou six mois de traitement, — marqueurs de formation : avant puis après six mois de traitement, — le dosage de deux prélèvements consécutifs avant traitement réduit la variabilité (pas indispensable).
Quels seuils utiliser ?
Les seuils devraient théoriquement être fondés sur la probabilité fracturaire, mais les données ne sont pas encore disponibles. Actuellement, les seuils sont fondés sur les modifications de la DMO sous traitement par alendronate et traitement hormonal substitutif. Ces seuils sont cohérents avec la plus faible modification significative du marqueur.
Pour un marqueur donné, la diminution sous alendronate est plus prononcée que sous traitement hormonal substitutif. Ainsi, les valeurs les plus basses des seuils s’appliquent à l’alendronate, les valeurs les plus hautes au traitement hormonal substitutif.
Pour une spécificité de 90 % à prédire une réponse positive de la DMO (> + 3 %), les seuils, exprimés en pourcentage de modification par rapport aux valeurs avant traitement sont :
-45 % à -65 % pour le NTX et le CTX urinaires, -35 % à -55 % pour le CTX sérique, -20 % à -30 % pour la DPD urinaire totale ou libre, -20 % à -40 % pour l’ostéocalcine et la phosphatase alcaline osseuse.
Pour une sensibilité de 90 %, les seuils sont plus hauts d’environ 20 %, par exemple de -25 % à -45 % pour le NTX et le CTX urinaires.
En cas de modification équivoque des marqueurs, un troisième dosage devrait être effectué trois mois plus tard.
Prédiction des fractures ostéoporotiques
Des marqueurs de résorption osseuse élevés (au-dessus des valeurs des femmes non ménopausées, c’est-à-dire supérieures à la moyenne + 2 ET, correspondant à une « T score » > 2) sont associés à un doublement du risque des fractures ostéoporotiques.
Les marqueurs de résorption peuvent être utilisés dans l’évaluation du risque fracturaire dans des cas particuliers où la mesure de la DMO et l’évaluation des fractures de risque de l’ostéoporose ne sont pas suffisamment informatifs pour prendre une décision thérapeutique.
Chez les malades avec ostéoporose, un niveau très élevé des marqueurs osseux (T>+3) suggère la présence d’une maladie métabolique osseuse (y compris maligne) autre que l’ostéoporose postménopausique.
Les valeurs normales chez les femmes, pour tous les marqueurs, sont les valeurs de référence établies chez des femmes en bonne santé, normalement réglées, âgées de 30 à 45 ans.
Prédiction de la perte osseuse
Actuellement, les marqueurs osseux ne peuvent pas être recommandés pour la prédiction de la perte osseuse spontanée.
Il n’est pas établi si le manque de fiabilité des marqueurs à prédire la perte osseuse chez les femmes non traitées est lié à l’erreur de reproductibilité des marqueurs, à l’erreur de reproductibilité de l’absorptiométrie dans l’évaluation de la perte osseuse individuelle, ou aux deux.
Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 8, 1561-1580, séance du 20 novembre 2001