Communication scientifique
Séance du 22 janvier 2013

L’intestin métabolique : dualité fonctionnelle des incrétines et de la flore intestinale

MOTS-CLÉS : DIABETE. GLUCOSE. INCRETINES. INTESTINS
New insights into adipose cell biology
KEY-WORDS : DIABETES MELLITUS. GLUCOSE. INCRETINS. INTESTINES

Rémy BURCELIN*

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en relation avec le contenu de cet article

Résumé

Notre activité de recherche concerne la compréhension des mécanismes moléculaires qui contrôlent la glycémie de l’organisme sain ou diabétique. Le diabète est actuellement considéré comme une épidémie mondiale par l’OMS, qui touchera plusieurs centaines de millions d’individus lors des prochaines décennies. Les stratégies thérapeutiques actuelles ne permettent pas de prendre en charge efficacement l’hyperglycémie et les conséquences cardiovasculaires graves de la maladie. Des paradigmes nouveaux doivent être découverts pour remédier à ce problème de société afin d’initier des stratégies innovantes. Dans ce cadre nous avons considéré, au cours de ces 15 dernières années le rôle de l’intestin dans la régulation de la glycémie. Une originalité de notre travail a consisté à découvrir les mécanismes moléculaires responsables de la détection de l’augmentation de la glycémie lors d’un repas. Nous avons montré en premier lieu que le transporteur de glucose GLUT2 détecte le glucose dans le sang de la veine porte. De manière similaire, une hormone, le Glucagon Like Peptide-1 (GLP-1) est sécrétée conjointement à l’absorption des nutriments et nous montrons que le récepteur correspondant favorise le rôle de GLUT2 dans sa fonction de détection de la glycémie. Cette information nutritionnelle est alors transmise de l’intestin vers le cerveau via une activation électrique du système nerveux autonome entérique. Nous montrons que la leptine, le neuropeptide Y, ou encore le GLP- 1 agissent sur l’hypothalamus et relaient l’information nutritionnelle d’origine entérique vers des organes clés de l’organisme tels que le foie, le pancréas, le muscle, ou encore les vaisseaux sanguins. Cet arc réflexe permet aux tissus d’être informés très rapidement afin qu’ils puissent anticiper l’arrivée massive des nutriments sanguins et ainsi prendre en charge le glucose pour que la glycémie soit maintenue à des concentrations physiologiques. La mise en évidence de cet arc réflexe métabolique «anticipateur» a été réalisée grâce à des approches innovantes de physiologie qui ont pour essence de respecter l’intégrité de l’animal, notamment de la souris. Nos travaux ont aussi montré que ces connections entre tissus sont altérées au cours du diabète. Ainsi, cette nouvelle voie de compréhension de l’équilibre glycémique suggère qu’une approche pharmacologique du réflexe anticipateur pourrait représenter une source de stratégies thérapeutiques.

Dans une deuxième étape nous avons recherché les mécanismes moléculaires responsables de l’altération du réflexe anticipateur. Nous montrons qu’un régime diabétogène riche en graisses modifie la flore intestinale et favorise la perméabilité à des facteurs bactériens, les Lipopolysaccharides (LPS). Ces derniers augmentent dans le sang et définissent l’endotoxémie métabolique. Ils sont responsables d’une inflammation à bas bruit qui initie l’insulino-résistance, le développement du tissu adipeux, et le stockage hépatique de lipides. L’administration d’antibiotiques, de probiotiques, ou de prébiotiques inverse l’effet du régime diabétogène sur ces paramètres et sur l’hyperglycémie. Nous mettons en évidence également que des bactéries intestinales transloquent de l’intestin vers les tissus et le sang. L’ADN bactérien correspondant servira à l’élaboration de biomarqueurs prédictifs de la survenue d’un diabète (brevets) ainsi qu’à l’identification de cibles moléculaires de la relation hôte-microbiote. Nous ouvrons une nouvelle voie à la compréhension du métabolisme énergétique et à l’élaboration de stratégies thérapeutiques originales. Basée sur nos travaux 4 entreprises de biotechnologies ont été créés ainsi que de nombreux emplois.

Summary

Our research focuses on the molecular mechanisms controlling glycemia in healthy and diabetic individuals. Diabetes is now considered as a worldwide epidemic by WHO, and is predicted to affect several hundred million people in the near future. Current therapies have failed to prevent or control hyperglycemia, as well as the deleterious cardiovascular consequences of the disease have increased. New paradigms are thus needed to develop novel therapeutic strategies. Over the last 15 years, we have been studying the intestine as a major regulator of the integrated cross-talk between the brain, liver, pancreas, muscles and blood vessels required for glycemic control. As a first example, we identified that during a meal the glucose transporter GLUT2 and the intestinal hormone glucagon-like peptide-1 (GLP-1) are involved in glucose detection by the entero-portal system. This was done using highly innovative experimental techniques in the awake free moving mouse. We then found that the enteric-vagal nervous system transmits this nutritional information towards the brain stem and hypothalamus, where leptin, neuropeptide Y and GLP-1 relay the enteric signal to control the endocrine pancreas (insulin-glucagon secretion), the liver (glycogen metabolism), the vascular system (vasodilation, arterial flow), and muscle metabolism. This “anticipatory metabolic reflex” is altered during diabetes and might thus represent a new pharmacological target. Subsequently, while investigating the molecular mechanisms responsible for regulating this new physiological pathway, we discovered that a fat-rich diabetogenic diet alters the intestinal microbiota and permeability. This leads to an increase in the concentration of plasma lipopolysaccharides (LPS), which causes metabolic endotoxemia responsible for the induction of low-grade inflammation that characterizes type 2 diabetes, insulin resistance, adipose tissue development and hepatic lipid storage. We then showed that bacteria can be translocated from the intestine towards tissues and the bloodstream. Bacterial DNA present in blood was found to be predictive of diabetes, 6-9 years before disease onset (patent), presenting new molecular targets in the microbiota-host relationship. This should enable the scientific community to discover new functional relationships between the genome and metagenome and thus to develop original preventive and therapeutic strategies for metabolic diseases. Four biotechnology companies have already been created on the basis of our findings.

Télécharger le document (PDF)

* Institut de Recherche sur le métabolisme et les maladies cardiovasculaires, I2MC, Inserm U 1048. BP 84225, 31432 Toulouse, Cedex, France, e-mail : remy.burcelin@inserm.fr

Bull. Acad. Natle Méd., 2013, 197, no 1, 79-92, séance du 22 janvier 2013